Chapitre 13

Puis ce fut comme si ces deux semaines d'éloignement n'avaient pas existé. Bien sûr il était fiévreux et plus maigre qu'avant ces vacances. Mais il retrouva l'appétit, assez pour honorer les plats des elfes de maison dans la grande salle, la fièvre baissa, il semblait dormir un peu mieux comme ses cernes s'effaçaient petit à petit. J'étais contente qu'il sorte aussi, dans le parc et ne pouvais toujours retenir mon sourire lorsqu'on l'apercevait depuis notre saule pleureur près du Lac Noir.

Il semblait aller mieux. Nous nous reparlions le soir après le couvre-feu, développant une conversation qui pouvait porter sur les potions, la botanique, la question que je lui posais ce jour-là, la magie blanche, noire, l'art moldu ou sorcier, la littérature; mélangeant parfois tout cela au fil des heures. Je montais souvent des théories loufoques qu'il dénigrait avec un plaisir non dissimulé. C'était extraordinaire de pouvoir l'observer des heures durant, chaque expression, chaque petit rictus, en toute impunité. Nous pouvions parfois nous chamailler jusqu'aux petites heures du matin, ce qui entraînait une entrée encore discrète peu après ou beaucoup moins discrète lorsque nous passions la nuit ensemble.

Je me débrouillais bien sûr pour créer mes potions contraceptives dans l'un des laboratoires réservés aux élèves, elles avaient un goût exécrable, mais je n'avais plus vraiment le choix.

En Juin, il y eut notre dernier match de l'année contre Serpentard, que notre équipe gagna bien évidemment. 220 points à 90, belle rencontre, Rogue avait eu un peu de mal à voir la coupe des quatre maisons s'éloigner encore un peu plus de lui. Mais il eut une étrange, et agréable, façon de lutter contre son dépit...

Comme les ASPICS approchaient, Hermione devenait de plus en plus hystérique. Et elle nous faisait tant travailler durant la journée que j'avais la plupart du temps la possibilité de converser le soir avec Rogue au lieu de réviser un énième chapitre d'astronomie ou de sortilèges.

J'étais heureuse, bien plus que tout ce que j'avais imaginé. Bien sûr j'avais quelques doutes sur l'après-ASPICS, lorsque je devrais mettre mes meilleurs amis au courant de ma relation avec notre professeur de potions, qu'il faudrait parler de l'année prochaine. Mais pour le moment je savourais l'instant présent et tout allait bien. Le temps passait à une vitesse phénoménale.

Aux environs de vingt-deux heures je m'arrêtai derrière la bibliothèque de Rogue, attendis un peu pour m'assurer que personne ne lui rendait visite, puis fis basculer le meuble d'un sortilège informulé. Ma magie avait toujours été plus violente et plus forte que la moyenne, d'où ma faculté innée aux Informulés. Mais j'avais peur lorsque la douleur ou la haine m'empêchaient de la contrôler. Je refermai le passage d'un geste de la baguette en sortant de mes pensées, cherchai Severus des yeux. Il était dans son fauteuil, éclairé par plusieurs chandeliers et bougies.

Nos regards se percutèrent...

-Bonsoir professeur; murmurai-je en souriant un peu.

Il me répondit rigide, presque crispé dans son siège, ses orbes noirs fixés durement vers moi. Quelque chose n'allait pas. Mais j'avançai comme tous les soirs depuis la rentrée jusqu'à m'appuyer sur ses accoudoirs et déposer un baiser au coin de ses lèvres. Rogue s'apaisa un bref instant, puis se reprit. Ce ne fut qu'à ce moment que j'avisai le plateau d'échec sur la petite table, que je coulai un regard interrogateur vers mon amant.

-Je me suis laissé dire que vous saviez jouer aux échecs.

-Comme toute bonne sang-pur; rétorquai-je d'un ton presque détaché.

Rogue m'invita à m'installer face à lui et me proposa une partie. Un vague froncement de sourcil m'échappa, mais j'acceptai. Mes livres, mon sac, furent déposés sur le canapé près de moi et je me renversai quelque peu contre le dossier moelleux. Ce n'était pas que les petites parties de Quiddtich que l'on jouait encore étaient pires que nos entraînements... mais presque. J'avais un de ces mal de dos.

-Pion en E4; ordonna Rogue.

Il prenait les noirs... Courbaturée, je m'étirai un peu avant d'envoyer mon cavalier en F6.

-Et puis-je savoir pourquoi cette envie soudaine d'une partie d'échecs?

Non pas que je m'en plaignais, cela risquait d'être passionnant, mais Rogue gardait un maintien sévère et les doigts crispés sur les accoudoirs de son fauteuil.

-Pion en F3, afin de passer un agréable moment en votre compagnie; murmura-t-il en me criblant de ses orbes onyx hypnotiques.

Mon coeur en rata un battement et je rougis sans rien pouvoir y faire, détournant le regard vers le plateau de jeu. Bien, ne pas se laisser déconcentrer, ne pas se laisser déconcentrer! Je décelai sa première stratégie pour percer mes défenses rapidement et ne tardai pas à envoyer mon pion de C7 en C5.

-Vous ne me ferez pas perdre mes moyens aussi facilement; plaisantai-je.

Mais Rogue ne répondit rien à cela, son attention comme la mienne de nouveau attirée par la bataille qui se déroulait au-dessus des cases noires et blanches...

Les échecs me rappelaient beaucoup de choses, mon professeur au manoir sympathisant Mangemort, mon oncle, les parties que nous disputions entre amis dans la salle commune de notre tour Gryffondor, celle de notre première année avec les pièces ensorcelées géantes. Le dernier souvenir n'était pas forcément agréable, Ron avait failli y laisser la vie. Severus envoya un pion en B3... j'en déplaçai un aussi, le silence s'installa. Sa reine fut bientôt déplacée en E2, j'envoyai mon cavalier la contrer, aussitôt menaçé par son fou. Un tressaillement, très bref me traversa, je ne supportais plus que mes cavaliers soient menacés. C'étaient les seules pièces que je cherchais toujours à sauver et... Je lançai aussitôt un pion le bloquer. Il choisit de ne pas porter plus loin son attaque, de reculer.

-Vous êtes prudent; marmonnai-je en relevant un regard océan vers lui.

-Et vous protectrice.

Un sourire m'échappa, puis je plaçai mon fou en station derrière mon cavalier en E7. Rogue se détendait un peu, un de ses doigts fins venait même effleurer ses lèvres tandis qu'il observait le jeu. L'absence de paroles fut apaisante, le jeu se poursuivit...

-Ron était un cavalier; lâchai-je soudain. Hermione et moi les tours, Harry le fou. A la fin de notre première année, sur le jeu d'échecs géant qui menait à la pierre philosophale.

Je me mordis la lèvre, Rogue ne dit rien.

-Ron et moi menions le jeu, les pièces se déplaçaient à nos ordres. Et puis pour gagner; murmurai-je la voix me faisant défaut, Ron a du se sacrifier à la reine. L'épée aurait pu le transpercer.

-Mais elle ne l'a pas fait; rétorqua Rogue d'un ton neutre. Ce qui a entraîné de nombreuses explosions en plus dans mes cachots.

Je souris encore et relevai la tête pour rencontrer ses yeux étincelant. Ils étaient d'un noir si profond, recelaient une expression si particulière que je m'en sentis apaisée... Les mauvais souvenirs s'estompèrent, je pus me reconcentrer sur le jeu. Une heure dut bien s'écouler et malgré toute mon attention, je perdis. J'avais choisi de protéger mon dernier cavalier à la fin, laissant le champ libre à sa tour en F7, elle avait piégé mon roi.

-Echec et mat; lâcha Severus alors que mon roi se brisait et que mes pièces disciplinées rendaient les armes.

Aucune d'elles ne s'avisa de grogner ou de nous critiquer d'une quelconque façon. C'était bien un jeu appartenant à Rogue, celles de Ronald auraient repris les armes et lancé une guerilla jusqu'à ce qu'il ne reste plus aucun survivant.

-Félicitations; murmurai-je en bâillant.

Je passai une main fatiguée dans mes longs cheveux noirs indisciplinés. Rogue se crispa.

-Trop fatiguée pour une revanche Lumare, vous vous défilez? Me provoqua-t-il.

Un vague coup d'oeil à l'horloge sur le manteau de la cheminée m'apprit qu'il était tout de même plus de vingt-trois heures. J'hésitai, mais quelque chose me soufflait de rester, que Rogue avait besoin de moi, et puis nous étions vendredi soir je pouvais bien me permettre de me coucher à l'heure qui me plaisait.

-Vous parlez à une Gryffondor, professeur; répliquai-je avant de me rasseoir plus confortablement dans le canapé.

D'un coup de baguette mon maître des potions réassembla les pièces et les replaça sur les cases du jeu qu'il retourna. J'avais les noirs remarquai-je en essayant de trouver une meilleure position, ramenant un coussin contre mon dos dans un grimace mécontente. J'avais mal partout!

-C'est au moins la vingtième fois que vous changez de position Lumare; fit remarquer Severus en haussant un sourcil.

Je grommelai quelque chose à propos de Quidditch, de courbatures et de ces saleté de cognards puis tentai une nouvelle position et envoyai mon premier cavalier en C3. En relevant la tête et rejetant des mèches qui commençaient à me tomber devant les yeux, je m'aperçus que Rogue m'observait moi plutôt que le plateau. Nos regards se rencontrèrent, avant qu'il ne le détourne. Il envoya son premier pion en E5 puis continua à fixer le plateau comme contrarié.

J'envoyai un des miens en E4 récupérant du terrain. J'avais envie de lui montrer de quoi j'étais capable. J'avais même des chances de le battre, si je faisais suffisamment attention à ses tours, tout en protégeant mes cavaliers, si...

-Je peux vous aider; siffla-t-il d'une voix étrange.

J'eus une petite moue amusée.

-Je n'ai pas besoin de votre aide pour vous battre aux échecs; le provoquai-je en relevant un regard océan vers lui.

Il semblait plus froid et rigide qu'à mon arrivée. Je ne comprenais pas...

-Pour votre dos.

Un haussement de sourcil m'échappa, purement roguien. Celui-ci dut s'en rendre compte mais pas une seule expression ne traversa son visage.

-Vous avez une potion ou...

Il m'interrompit d'un signe de tête et m'invita à le rejoindre. J'étais intriguée, consentis donc à me lever pour approcher, à m'asseoir sur le petit pouf en cuir qu'il fit apparaître devant lui.

Je fis face à Rogue, interrogatrice.

-Retournez-vous; demanda-t-il.

Je comprenais encore moins mais obtempérai. Et puis il rapprocha mon siège par magie, jusqu'à ce que je sois calée entre ses jambes. Je ne sais pas vraiment à quoi je m'attendais, mais sûrement pas à ses doigts soudain sur mes épaules. Tressaillement, je voulus aussitôt m'écarter, mais Rogue me retenait. Il y avait quelque chose comme de la panique qui se distillait dans mes veines, je... Mon dos... Mais mon professeur ne me laissa pas partir, se penchant plutôt vers moi pour me murmurer à l'oreille de me détendre, de lui faire confiance.

J'essayai, ses doigts fins et puissants parcoururent tout mon dos, toutes mes cicatrices, par-dessus mon uniforme.

-Qu'est-ce que vous...

Il me demanda de relâcher mes muscles, de rester calme, tout en regroupant mes cheveux qu'il tressa avant de les faire passer devant. J'étais tellement stupéfaite que je n'en trouvai rien à dire. Rogue déplaça un de ses fous d'un ton nonchalant, j-je me reconcentrai sur le jeu.

Et puis ses pouces appuyèrent près des omoplates, j'hoquetai, m'agrippai à sa jambe de pantalon. Ils tournèrent ensuite contre mes muscles crispés et oh... j'en fermai les yeux.

C'était la première fois...

Ses longs doigts massaient mes épaules, détendant la peau et chaque noeud que m'avait apporté le Quidditch. C'était tellement... Les mouvements amples, du bas de la scapula jusqu'en haut des cervicales, suivant certaines de mes cicatrices sans qu'il soit même possible de les sentir au travers de mon pull. Ces caresses lentes qui remontaient... J'étais fatiguée, je n'arrivais même pas à décrire combien son massage était extraordinaire. Je dus en gémir un peu, pencher la tête de côté alors que ses pouces remontaient en petits cercles concentriques le long de ma colonne vertébrale. Aucune comparaison... Ils retrouvèrent les épaules...

-Seriez-vous en train d'oublier notre partie d'échecs, Miss Lumare? Me susurra Severus à l'oreille.

-Votre... faute; miaulai-je le cerveau embrumé de bien-être...

Il renifla d'amusement derrière moi, je me détendis tout à fait... Rogue trouvait chaque muscle tendu, les massait avec douceur, tout en appuyant. J'abandonnai tout espoir de reprendre la partie au moment où il atteignit la base de mon cou. Un gémissement étranglé m'échappa, tellement bon... Rogue me gratifia d'un baiser à l'angle de ma mâchoire, son nez busqué dans mes cheveux. Le regard un peu trouble, je tournai la tête vers lui, mettant fin à ces délicieuses caresses pour pouvoir embrasser ses lèvres fines. Severus ferma les yeux, savourant le frôlement aérien de nos bouches l'une contre l'autre. Ses mains retombèrent au creux de mes hanches, les miennes vinrent agripper sa robe de sorcier. Nous nous embrassâmes encore, puis je m'écartai. Rogue rouvrit les paupières sur des yeux noirs étincelants et un petit sourire fatigué étira le coin de mes lèvres avant que je ne quitte le siège en cuir pour m'asseoir sur ses genoux, me lover contre lui. Ses bras se refermèrent aussitôt sur moi. Je bâillai.

-Journée chargée? Murmura-t-il de sa voix particulière teintée de moquerie.

-On peut le dire; répondis-je épuisée, si proche de m'endormir contre son torse... Hagrid nous a fait courir après des gnomes de jardin toute la matinée, et puis notre professeur de potion préféré a donné une Allongeorteil tellement difficile que... Ron a failli faire exploser toute la classe... trois fois... Le Quidditch aussi, Angelina me lançait des cognards... dès que j'avais le souaffle...

Je ne trouvais même plus l'énergie de parler, mes paupières se fermèrent contre ma volonté. Rogue dut se rendre compte de mon état, il ne posa pas d'autres questions, sa main remontant se perdre dans mes cheveux, les caresser doucement... Je sombrai dans le sommeil quelques secondes plus tard.

o oo0oo o

Au réveil, je me retrouvai enserrée dans une étreinte possessive, dans le lit de Severus. J'avais encore mon uniforme sur le dos bien sûr, sauf le pull qui reposait sur une chaise tout près, tandis que lui d'après ce que je sentais sous mes doigts n'avait que sa chemise et son pantalon noir. J'ouvris un oeil, paresseusement, pour aviser le visage presque détendu de Severus enfoncé dans l'oreiller. Ses cheveux graisseux reposant en auréole noire autour de sa tête, son nez busqué contre la taie blanche, ses paupières fermées, ses sourcils à peine froncés. Il respirait paisiblement dans son sommeil...

C'était tellement rare. Il était toujours maître de lui-même, ses émotions toujours protégées, ses réflexes et sa méfiance toujours incrustés dans chacune de ses phrases, chacune de ses actions. Il ne se détendait vraiment qu'à de rares moments et, Merlin... Son enfance... Son adolescence douloureuse... Sa seule amie, Lily... A chaque fois que j'y repensais une douleur sans nom me broyait le coeur!

J'aurais voulu qu'il soit heureux, tellement. J'aurais tout donné, il l'avait aimé si fort...

Il l'aimait toujours, son souvenir, les fantômes de ses éclats de rire...

Le fait qu'il ait pu s'intéresser à moi et me faire cette proposition le soir du quatorze février en avait encore moins de sens. Mais quoi qui l'y ait poussé, je ne regrettais rien, je l'aimais.

A un mouvement derrière ses paupières, sa respiration par à coup, je sus qu'il allait bientôt se réveiller. Je l'aidai un peu en embrassant le bout de son nez tordu, puis sa joue, j'effleurai ses lèvres des miennes puis m'écartai. Rogue cilla une fois, puis ses yeux voilés retrouvèrent tout leur éclat et il se pencha vers moi pour me voler un nouveau baiser.

-Bien dormi? Demandai-je en souriant, des larmes aux coins des yeux.

Il pouvait prendre ça pour une trace de sommeil. Je crois même qu'il ne s'en rendit pas compte tandis qu'il grommelait que oui et me rapprochait un peu plus de son corps. J'essuyai discrètement mes larmes avant de reposer mon menton contre le sommet de sa tête. Mes paupières se refermèrent doucement, j'étais bien ici... Même si les épreuves d'ASPICS débutaient dans deux semaines, et qu'Hermione nous attendrait pour d'énièmes révisions à la bibliothèque à neuf heures tapantes.

Un petit coup d'oeil à l'horloge des appartements de Rogue m'apprit qu'il était à peine huit heures. Je me détendis...

-Que faîtes-vous pour les vacances? Lâcha soudain Severus.

Son front brûlait contre le creux de ma gorge, avant qu'il ne s'écarte pour me fixer. Il avait l'air mortellement sérieux. Je lui souris un peu, haussant les épaules.

-Je suis invitée au Terrier et peut-être aussi en Roumanie à la mi-août, voir les dragons que Charlie élève en captivité. Bon, et il n'y a rien d'officiel mais j'ai autorisé Fred et Georges à prélever le nombre de gallions nécessaire pour nous acheter à tous une place à la coupe du monde de Quidditch, et il paraît qu'ils ont une surprise à nous annoncer; révélai-je les yeux étincelants.

-Vous leur avez laissé un libre accès à vos coffres de Gringotts? Siffla Rogue un sourcil levé en signe de désapprobation.

-Ce ne sont pas des voleurs; les défendis-je, d'autant plus que je sais pertinemment combien de gallions reposent dans mes coffres.

Mon professeur soupira, je continuai:

-Et j'ai décidé de m'occuper du manoir des Lumare pendant mes vacances. Je vais en faire don à l'orphelinat Reed's Debts, ceux qui s'occupent des enfants de mangemorts emprisonnés ou tués. Je vais devoir signer des autorisations de fouilles pour les Aurors, et les aider à trouver toutes les cachettes de mon oncle et ma tante, tous les artefacts de magie noire.

Il y eut un silence, Severus m'observait, une expression impénétrable gravée sur ses traits.

-Où vivrez-vous l'année prochaine? Finit-il par demander sans plus la moindre trace de sommeil, de paix ou de bien-être.

-Terrier ou Square Grimmault, on n'a pas encore décidé.

Ses mâchoires se contractèrent spasmodiquement puis il entrouvrit les lèvres pour parler, les referma. Eh bien? Je ne comprenais pas... Je venais de lui prouver que j'avais des projets, que j'étais forte, qu'il pouvait me quitter sans que je ne m'effondre de douleur. Pourquoi...

-Vous viendriez passer les premières semaines de vacances chez moi?

La question claqua séchement, j'en écarquillai les yeux de stupeur. Est-ce que Rogue venait vraiment de.. Je...

-Pourquoi? Hoquetai-je en fixant son visage qui se refermait petit à petit.

Un masque impénétrable cacha toutes ses émotions, ses doigts se refermèrent autour de ma chemise. Il y eut un instant de silence, pesant. Je n'arrivais plus à réfléchir.

-Je vous aime.

... Il se l'était arraché de la gorge... Il ne mentait pas... Peur, peur, peur... Les yeux agrandis par la panique, je tentai de m'arracher à ses bras. Je voulais m'éloigner, reculer, maintenant. Fuir! Rogue refusa et il s'agrippa à moi, me serrant contre lui de toutes ses forces.

-Arrêtez! Laissez-moi! Couinai-je.

Ma magie s'était réveillée pour crépiter autour de moi. Elle s'évanouit presque aussitôt et je me retrouvai incapable de me débattre. Je restai là, contre Rogue, tremblant de tous mes membres. Il ne relâcha rien de son étreinte. Ses yeux onyx brûlaient comme jamais, pas de désir, c'était plus fort, plus effrayant. Je fermai les miens pour ne plus voir.

-Je vous aime; répéta-t-il dans un souffle rauque. Vous m'ensorcelez depuis votre quatrième année à Poudlard.

De stupeur, je rouvris les paupières. Sa bouche se plaqua aussitôt contre la mienne. Ses lèvres brutales mais si familières... Il... Il se releva pour me dominer et me piéger entre lui, le matelas. J'avais encore moins de chance de m'échapper. Sa bouche, toujours plaquée contre la mienne, qui s'en détacha. Elle revint avec plus de passion, de besoin. Sa main s'agrippa à mes cheveux et me maintint la nuque. Oh il me mordilla la peau jusqu'à ce que j'en gémisse! Puis se glissa entre mes lèvres. Je réagis, le coeur soulevé par une incoercible vague de chaleur.

Nos langues se combattirent, se caressèrent, se frôlant encore. Ses mains sur moi...

-Severus...;haletai-je les yeux voilés dès qu'il libéra ma bouche.

Il avait du mal à respirer, ses traits blêmes déformés par l'émotion, ses yeux noirs suppliants. Rogue me réeembrassa aussitôt, un grondement rauque lui échappa et je le sentis défaire les premiers boutons de ma chemise. Je tentai de m'échapper encore, vaguement. Severus me maintenait trop bien. Il ne mit pas longtemps à retirer mon vêtement, le rejeter, défaire mon soutien-gorge.

Hmm, ses lèvres descendirent le long de ma mâchoire, ma gorge, le sternum qu'elles frôlèrent avant de...

-Oh...

Je m'étranglai de plaisir, rejetant la tête en arrière contre l'oreiller. Sa langue, ses lèvres, ses dents... Je tournai la tête à gauche, droite, ondulant des hanches sous les siennes. Puis mes doigts, malgré moi, vinrent le libérer de son pantalon, de son boxer. Il ne prit même pas le temps de les retirer, j'aurais pu fuir. Rogue revint à mes lèvres, nos entrejambes frottant l'un contre l'autre. Il retira collant et culotte d'un coup avant de m'arracher ma jupe. Je savais que... bientôt... Lorsqu'il me pénétra, je me sentis enfin complète. J'hurlai entre nos lèvres jointes et il mordit les miennes, avant de commencer des mouvements de va-et-vient, trop lents. Ça brûlait, dans tout mon corps.

-C'est... impossible...; suppliai-je agrippée à ses bras.

Mes yeux océan s'embrumaient, mal à retrouver les siens, à sentir autre chose que son sexe qui me remplissait. Il m'embrassa encore, arrêtant progressivement le mouvement de ses hanches. Mais il restait en moi. La sensation était tellement..., ses lèvres...

-Venez avec moi, les premières semaines de juin; gémit-il en se détachant des miennes.

Je déglutis, la panique enflant de nouveau. Je l'aimais. Je mourrais sans lui.

C'était dangereux, j'étais pitoyable.

Je ne pouvais pas... vivre... sans lui...

Quelque chose céda en moi, c'était brutal, trop douloureux. Je me relevai pour l'embrasser à pleine bouche, désespérée, perdue. Il répondit, me serrant trop fort, ses doigts et ses ongles s'enfonçant dans mon épaule jusqu'au sang.

Nos hanches reprirent ensemble, encore, plus vite, plus violemment.

-Oui, oui... Oui; abandonnai-je la gorge nouée.

J'hurlai à la poussée douloureuse qui suivit; il recommença. Je n'étais plus que souffrance, passion, désir; je criais pour chacun de ses râles! Il n'avait plus aucun contrôle, ni moi, je me serai damnée pour la délivrance. Maintenant! S'il vous plaît! S'il vous plaît! Elle fut aussi violente que l'explosion d'un Bombacta !

Severus le premier en moi, je le suivis quelques secondes plus tard dans un miaulement déchirant. Nous nous écroulâmes sur le matelas, épuisés. Je tremblais. Rogue se rhabilla un peu avant de m'enserrer trop fort contre lui, allant presque jusqu'à bloquer ma respiration...

Je mis longtemps à reprendre mes esprits et un souffle à peu près régulier... Plusieurs minutes s'écoulèrent dans le silence. Puis vague coup d'oeil voilé à l'horloge qui m'apprit qu'il était près de neuf heures. J'étais incapable d'extraire mon corps nu de la poigne de mon professeur...

-On m'attend à la Bibliothèque; marmonnai-je.

Severus emprisonna mes jambes des siennes en amenant nos fronts l'un contre l'autre. Je soupirai, tentai de m'échapper, mais Rogue ne lâchait pas.

-Severus; protestai-je, je reviendrai ce soir.

Il ne fit pas mine de desserrer quoi que ce soit.

-Qu'avez-vous décidé pour ces vacances d'été? Demanda-t-il d'une voix rauque mal contenue.

C'était toujours déroutant de le voir perdre une partie de son contrôle. Et s'il ne lâchait pas... je me demandais...

-De passer les premières semaines avec toi; murmurai-je en déposant doucement mes lèvres contre les siennes.

Il ferma les paupières mais ne tenta rien pour me délivrer. Le coin de mes lèvres se retroussa de malice, je me sentais aussi légère et insouciante qu'une enfant.

-J'ai une excellente manière de vous forcer à me laisser partir.

Rogue renifla d'amusement à mon ton, ses orbes onyx étincelèrent en percutant les miens.

-Montrez-moi, Miss Lumare; me provoqua-t-il.

Il ne m'en fallut pas plus pour me jeter sur lui, surtout qu'il ne s'attendait pas à la pluie de chatouilles qui suivit. Rogue tressaillit, protesta et tressauta en lâchant des petits glapissements tout nouveau. Je n'écoutai rien de ses suppliques et m'arrangeai pour ne toucher que les endroits intacts de ses flancs à travers sa chemise, attaquer sans pitié, jusqu'à ce que le grand Severus Rogue se torde sous mes mains et hoquète d'un rire étranglé.

Il relâcha tout à fait sa poigne alors j'en profitai pour prendre l'avantage et monter sur son ventre.

Je le dominai, nue, les cheveux cascadant sur mes épaules, mes seins, jusqu'au milieu de mon dos.

Aucune gêne ne me paralysa et il fallut pour m'arrêter qu'il réussisse à immobiliser mes poignets de ses deux mains. Mon amant peina à retrouver son souffle.

Ses cheveux graisseux étaient tout ébouriffés, ses yeux emplis de ténèbres ensorcelantes.

Je l'aimais tellement. Nous finîmes par nous contempler et j'espérais qu'il parvenait à lire dans mon regard ce que je n'étais pas encore capable de lui avouer...

-S-soit; bougonna-t-il au final. Vous avez gagné.

Je lui adressai un sourire étincelant qu'il tenta de me rendre à travers son rictus, puis je l'embrassai et courus à la douche. Quelques minutes plus tard j'étais habillée et pouvais filer librement dans les couloirs du deuxième étage.

J'arrivai à la bibliothèque avec un bon quart d'heure de retard. Hermione me gronda disant que ce n'était pas sérieux et que je devais bien plus m'impliquer si je voulais avoir toutes mes ASPICS, Harry et Ron se firent plus pressants au sujet de mon "petit ami".

Je déglutis.

-V-vous saurez tout au bal de promotion. Je vous dirai tout, pas avant.

-Allez Khor! Lâcha Ron en tournant un nouvelle page de son manuel d'Astronomie. Il est pas trop moche quand même? A moins que... c'est un Serpentard?!

Mme Pince n'allait pas tarder à rappliquer avec tout le raffut qu'il faisait. Ma meilleure amie le fusilla du regard.

-Tout ce que je peux vous dire pour l'instant; avouai-je, c'est que vous ne portez pas vraiment cette personne dans votre coeur.

Il y eut un silence... Harry et Ron échangèrent un terrible regard, le rouquin plissa les yeux et... Il tenta d'établir une liste de tous ceux qu'ils n'appréciaient pas à Poudlard. Il y avait beaucoup de Serpentard, MacMillan, Abott (sait-on jamais)...

-C'est une fille? Lâcha finalement Ronald les yeux rond comme des souaffles.

Hermione le frappa à l'arrière de la tête, excédée.

-Vous allez travailler oui?! Les ASPICS sont dans moins de quatorze jours!

Je crois que Harry trouva suspect le fait que ma meilleure amie ne me pose aucune question. Lui s'en rendit compte et nous fixa l'une et l'autre de ses yeux vert absynthe. Ronald grommela avant de fourrer son nez dans ce "stupide manuel sur les constellations du programme". La conversation close, je fus soulagée d'entamer d'énièmes révisions en Sortilèges, et Métamorphoses, et Botanique.

Dans deux semaines, nous aurions passé nos ASPICS, et je devrais leur annoncer le nom de l'homme que j'aimais. Je redoutais leur réaction.