Chapitre 14

J'avais tellement travaillé pour les ASPICS avec mes amis, Hermione surtout, dans le salon de Rogue les derniers soirs. J'avais révisé tout ce que je pouvais et j'avais tout donné pour l'examen. Nous l'avions tous fait. Au final Harry, Ronald, Hermione et moi nous écroulâmes dans l'herbe à la sortie de la dernière épreuve, Potions. J'avais eu droit à un regard particulièrement amusé de ma meilleure amie avant que l'épreuve ne commence et que nous ayions tous le nez dans nos parchemins. Notre maître de potions la supervisait. Cela m'avait rassurée, rassurée, à chacun de ses passages, ses frôlements de cape, chaque brûlure de ses regards.

Une heure, je répondis à toutes les questions sans problème. Les deux dernières heures, partie création, j'eus à performer la dernière étape du Polynectar sous les regards d'aigle de trois maîtres potionnistes en plus du mien. Hermione à deux tables de moi avait eut une partie de la Poussoss à réaliser, Ronald une régénération sanguine et Harry la Goutte du mort-vivant...

-Achevez-moi; marmonna Ron d'une voix éteinte.

Je n'eus même pas l'énergie de répondre, ni de faire le moindre signe à Neville et Ginny qui nous rejoignaient. Eux ne suivaient plus Potions depuis leurs BUSES, ils avaient fini les ASPICS trois heures en avance.

-Alors, comment ça s'est passé? Lança Neville en s'asseyant entre les corps de Harry et Hermione.

De vagues grognements lui répondirent. Il pouffa puis s'étendit avec nous sur le sol, Ginny ne tarda pas à l'imiter. Nous restâmes ainsi tous les six à contempler les énormes nuages qui se paraient d'or. Le soleil rougissait plus bas à l'horizon en enflammant le ciel. Un petite brise fraîche nous parvenait avec les odeurs de la forêt Interdite, du lac, de la terre sous le ressac...

Nous mangeâmes difficilement ce soir-là, même Ron, tous épuisés. Et à l'heure du couvre-feu, j'eus du mal à m'extirper de mon fauteuil, à saluer mes amis pour me diriger jusqu'au deuxème étage, le passage secret, les appartements de Rogue. Des mots échangés, un peu, je me blottis sur ses genoux dès que je le pus. Rogue m'embrassa le haut de la tête, me serrant contre lui d'une main, l'autre tenant un énième grimoire. La lueur des chandelles de la pièce, le bruissement des pages, la respiration calme de mon professeur, les battements apaisants de son coeur; je ne mis pas une minute pour m'endormir.

o oo0oo o

Les soeurs Patil tinrent à dire quelques mots devant le lit de Lavande avant de se préparer pour notre bal de promotion. Hermione et moi nous tînmes à leur côté, je compatissais à leur réel chagrin, ne me rappelais que trop bien son corps mutilé par Fenris au milieu des ruines.

-Tu aurais été s-sublime ce soir; finit Padma les larmes aux yeux.

Elles caressèrent délicatement le bois du lit et récitèrent plusieurs prières en indien. Nous les laissâmes pour nous doucher, leur laisser la paix dont elles avaient besoin.

Puis je laissais ma meilleure amie, Padma et Parvati se préparer. Comme je n'avais que ma robe à enfiler je profitai des dernières heures de liberté avant la fête pour me promener dans Poudlard.

Il faisait encore jour, mes pas résonnaient doucement dans les couloirs déserts, les murs vibraient d'une magie séculaire... J'aimais Poudlard. J'aurais souhaité ne jamais le quitter.

Pourtant il ne nous restait plus qu'un soir avant que les vacances ne commencent. Nos résultats, nous devions les recevoir par chouette début Juillet, ainsi que notre invitation à la cérémonie de remise des diplômes organisée au Ministère de la magie. Il paraissait que tous les autres étudiants de septième année des écoles de magie privées du Royaume-Unis y participaient.

J'étais curieuse et en même temps cela n'avait aucune importance.

J'arrivai jusqu'au pont reliant la berge à Poudlard, celui que Neville et Seamus avaient fait sauter le soir de la bataille finale.

Il avait été reproduit à l'identique, comme si rien ne s'était passé, comme si personne n'était mort dans la bataille qui avait suivi.

Je serrai les mâchoires en m'accoudant à la balustrade. Quelques chouettes s'éloignaient à tire d'aile au-dessus de l'immensité du lac. Il n'y avait que ses eaux étincelantes, le ciel d'un bleu limpide...

o oo0oo o

Hermione était incroyable dans sa robe ocre et légère, le bustier maintenu par une fine écharpe ouvragée de couleur vert sapin. Le tissu souple et aérien sur le bas du devant finissait au-dessus du genou et à mi-mollet à l'arrière. La coiffure complexe qu'elle présentait était aussi extraordinaire, plusieurs fines tresses dans un chignon élégant, quelques mèches s'en échappaient à son exaspération. Moi je trouvais ça parfait.

Padma et Patil étaient vêtues de robes presque identiques, rouge et or. Leurs longs cheveux noirs étaient tressés, leurs boucles d'oreille en or tombaient jusqu'à leurs épaules.

J'étais revenu au dortoir dix minutes avant que le bal ne commence pour enfiler ma robe rouge profond. Elle remontait sur un petit col pour cacher tout mon dos, ma nuque et mes cicatrices, était fendue à partir du haut de ma cuisse droite par une feuille en or, qui ne tarda pas à s'ouvrir. Par magie, elle libéra une tige de la même matière qui serpenta le long de mon ventre, mon sternum, pour s'enrouler délicatement autour de mon cou. J'enfilai des escarpins noirs et fus bien obligée de coiffer mes cheveux sombres en pétard. Je grognai devant tous les noeuds qu'il y avait.

-Voilà ce qui arrive lorsqu'on se prépare à la dernière minute; lança Hermione en me prenant le peigne des mains.

Je grommelai vaguement, avant de crisper les mâchoires sous la douleur. Oh Merlin, ça faisait mal! Mon amie n'y allait pas de main morte non plus, attaquant chaque noeud avec la pugnacité caractéristique des Gryffondor.

-Ah! Mione, tu pourrais pas être.. Aïe! Un peu plus... délicate!

Padma et Parvati, depuis l'entrée de la salle de bain, trouvaient cela très amusant.

J'avais l'air d'une gamine à m'agripper à mon tabouret pendant qu'Hermione s'échinait à dompter ma crinière de cheveux noirs... Au final elle parvint à la démêler. Ils cascadaient avec élégance jusqu'au milieu de mon dos, certaines mèches retombant sur mon front, d'autres ondulant par-dessus mes épaules. Je fus scrutée par trois paires d'yeux plissés et emplis de sérieux.

-On pourrait tresser cette partie des deux côtés et les regrouper à l'arrière de la tête; proposa Parvati.

-Ou alors...

Je stoppai Padma avant qu'elle n'ait une autre de ces brillantes idées.

-Je préfère les cheveux détachés. Vraiment, je préfère!

Hermione hocha la tête gravement. Les deux autres me fixèrent encore un peu, tentèrent d'initier une séance de maquillage mais je détestais ça. Elles finirent par se détourner en poussant des soupirs à fendre une clairière de rochers. Je me tournai vers ma meilleure amie, un peu stressée:

-Tu crois qu'il va aimer?

Elle ne put s'empêcher de grimacer un peu, avant de m'examiner de nouveau...

-Certaine, tu fais sauvage et civilisée; affirma-t-elle. Cette robe te met en valeur, elle te correspond. Il ne pourra que l'apprécier.

Je n'étais pas certaine de savoir comment prendre la critique et au regard incertain que je lui renvoyai Hermione éclata de rire. Elle fit une réflexion sur mes goûts étranges, je soupirai, puis nous sortîmes de la salle de bain. Je n'étais presque plus angoissée concernant l'annonce que j'allais devoir faire aux garçons.

Ce serait en fin de soirée, Rogue m'avait confié que Dumbledore avait prévu une danse exclusivement entre élèves et professeurs. J'allais le leur dire à ce moment-là, avant de pouvoir rejoindre mon professeur sans attirer les soupçons.

-Arrête de te mordre la lèvre; me chuchota Hermione.

J'acquiesçai, inspirai un grand coup pour me détendre. J'avais connu pire, les batailles, la guerre, les tortures. Les yeux fermés, je me concentrai, ma panique retomba... Hermione et moi rejoignîmes les garçons devant les portes de la grande salle. Très élégants dans leurs costumes trois pièces noir et blanc. Ron bégaya en nous voyant arriver, Harry et Neville étaient à peine moins démonstratifs. Ginny arriva un tout petit peu plus tard dans une robe violette adorable et nous entrâmes enfin dans la salle des banquets.

Quatre gigantesques buffets s'étalaient à ses quatre coins, quelques chaises contre les murs, l'estrade pour Dumbledore au fond qui supportait aussi le vieux gramophone, l'orchestre de Poudlard sur plusieurs bancs à droite et tout l'espace qu'il fallait au coeur de l'endroit pour danser.

Pour le moment, les élèves discutaient en petits groupes ainsi que les quelques professeurs déjà présents. Il y avait les professeurs Mac Gonagal, Flitwick et Dumbledore, et si les deux premiers avaient des tenues sobres et élégantes, le directeur arborait une surprenante robe de sorcier couverte de tâches rouges, vertes, bleues et jaunes. Son chapeau était dans le même état.

-J'aime beaucoup la robe de Dumbledore; plaisantai-je près d'un Ron qui ricanait déjà.

Sa cavalière lui donna une petite tape sur la tête en le grondant, et me le fit aussi par la même occasion. Nous discutâmes ensuite, nous arrêtant sur les tenues de tous ces septièmes années que nous connaissions. Aucune trace de Severus.

A un moment, le directeur sauta sur l'estrade, le silence se fit...

-Les pingouins au caramel; commença-t-il de sa voix rocailleuse et venteuse, nous viennent de contrées lointaines, givrées, colorées de belles aurores boréales... Mais ce n'est pas notre affaire, ce soir vous fêtez dignement la fin de vos derniers examens à Poudlard, la fin d'une année difficile, la fin de votre enfance.

Il scrutait l'assemblée de ses yeux azur pétillant.

-Ce final annonce bien sûr un renouveau, comme ces phénix d'Egypte...

Une légère pause, et puis Fumseck apparut soudain dans une gerbe d'étincelles! Ce fut magnifique. Il y eut des exclamations d'émerveillement tandis que le phénix lançait une trille mélodieuse en se posant sur l'épaule de Dumbledore.

-Mes Serdaigle, Poufsouffle, Serpentard, Gryffondor ceci est votre nuit, la dernière, la première. Faîtes en bon usage...

Un scintillement particulier vint éclairer le regard qu'il posa sur notre petit groupe. Nous lui sourîmes, tous, puis Malfoy applaudit à quelques pas de là, Crabbe, Goyle, Pansy et Blaise aussi, les Serpentard après eux, Poufsouffle, Gryffondor, Serdaigle. Nous frappions dans nos mains, certains sifflaient, pour rendre hommage au dernier discours que nous entendrions de Dumbledore.

Après cela, notre petit professeur de chorale vint monter sur l'estrade le remplacer et nous annoncer le déroulement de la soirée. Il y aurait l'orchestre de Poudlard comme l'exigeait la tradition et, entre deux valses, le gramophone. Rusard s'en occuperait. Il semblait déjà un peu préoccupé par les colonnes de disque qui s'amoncelaient tout autour de lui.

-Nous remercions bien sûr l'ensemble des élèves pour ces montagnes de disques que nous rendrons demain matin.

Quelques éclats de rire, je ne voyais pas encore notre prof... ex-professeur de potion. Et puis le chef d'orchestre tapota de sa baguette sur son pupitre, les élèves se retrouvèrent dans les bras de leurs cavaliers et cavalières. Il n'y en avait que très peu à redouter la valse d'ouverture. Moi je me trouvais bien auprès de Neville, je le savais excellent danseur.

Une de ses mains sur ma hanche, l'autre enlaçant ma main droite, mes doigts étaient posés sur son épaule. Nous attendîmes un instant, Nev' souriait, de ce sourire tordu par la peine.

-Elle m'avait montré une de ses robes de fête, énorme. Il y avait des volants partout et des... radis je crois, avec des écailles de crogipenthon.

Je serrai un peu mes doigts autour de son bras, il prit une profonde respiration les yeux fermés avant de les rouvrit pour moi. Les premières notes de la valse s'élevèrent et Neville se détendit avant de me faire tourner aussitôt devant lui. Je lâchai une exclamation de surprise qui lui arracha un petit rictus. Puis il m'entraîna dans la danse et je me laissai totalement guider par mon cavalier, tournoyant au milieu de la grande salle, de ses élèves, sous le plafond qui brûlait d'un soleil couchant époustouflant. La musique nous portait, nous évitions les autres couples, nous murmurions quelques mots nos regards océan et noisette peu à peu apaisés.

Après cette danse, il y eut une autre valse, et une autre... Ronald, Harry et leurs cavalières passaient parfois près de nous. Ils avaient un peu de mal, et abandonnèrent tout à fait à la première contredanse de notre bonne vieille Angleterre.

Il n'y eut plus que les Sang-pur en plusieurs colonnes sur la piste, beaucoup de Serpentard, quelques professeurs dont Dumbledore et Mac Gonagal, Sinistra et Vektor, Flitwick et Chourave. Malefoy ne se gêna pas pour ricaner du dernier couple à notre droite. Lui était très élégant dans son costume vert Serpentard, tissé des liserés d'argent et d'arabesques aux manches.

Un vague coup d'oeil à la foule autour des buffets, sans y croire, et puis je l'aperçus enfin, Rogue.

Il se tenait dans un recoin aussi impénétrable que d'habitude aux déblatérations de ses collègues. Nos regards ne se croisèrent pas une seule fois.

La danse commença, je pris la main de Neville et nous exécutâmes la première figure sous le regard narquois de Malefoy. Aucune erreur. Je le défiai d'un coup d'oeil en remontant d'une place sur lui, murmurant à Neville quelques mots à son sujet.

Cela n'échappa pas au Serpentard qui susurra à l'oreille de Pansy et les hostilités furent lancées.

L'orchestre était excellent et nous n'avions aucun mal à éviter les croche-pieds et à nous moquer de nos deux adversaires. Ce fut amusant. Nous saluâmes ensuite, le sourire aux lèvres.

J'étais heureuse de le voir plus malicieux que triste sur celles de Neville.

Pour la nouvelle contredanse, nous cédâmes notre place. Harry et surtout Ronald ricanèrent du dépit de Draco.

-C'est pas lui, hein? Lâcha Ron soudain.

Une grimace m'échappa, sortir avec ce petit noble prétentieux?

-Certainement pas, mon Serpentard est bien plus impressionnant.

Il s'en étrangla avec son verre de punch, Ginny, Harry et Neville tressaillirent violemment. Seule Hermione restait tout à fait de marbre près de moi.

-T-tu sors avec un de ces serpents? Bégaya-t-il une fois sa toux passée.

J'hochai la tête, pas aussi sereine que je voulais bien le montrer. Ils n'avaient pas encore assez d'éléments pour trouver et je ne pouvais en dire plus, en tout cas pas avant de pouvoir me réfugier dans les bras de mon professeur en toute impunité.

Après quelques autres contredanses, l'orchestre s'octroya une pause et ce fut au tour de Rusard et de son gramophone. Terrible, il commença avec les Weird Sister!

Hermione m'entraîna aussitôt sur la piste, j'étais complètement perdue. Et puis elle me prit les mains, me fit tourner, me déhancher. Ginny ne put résister longtemps à l'envie de nous rejoindre, à sauter au rythme de la batterie enregistrée.

-Tu nous le présenteras ce soir? S'égosilla-t-elle par-dessus la musique.

-Plus ou... moins! Lâchai-je avant de faire tourbilloner Hermione dans sa robe à volant.

Elle se gonfla avec grâce tandis que quelques mèches jaillissaient de son chignon. Ginny ne tarda pas à se démener, déchaînée, elle en vint à détacher sa coiffure pour laisser cascader ses cheveux roux flamboyant.

Nous nous abandonnâmes à la chanson au milieu de la foule de Gryffondor, Serdaigle, Poufsouffle et Serpentard!

Il y eut plusieurs musiques comme celles-là que j'entendis Mac Gonagal qualifier de sauvages. Puis une contredanse, l'orchestre reprenait.

Nous partîmes nous écrouler, avec Hermione et Ginny, sur les chaises que nous abandonnâmes nos amis. J'étais épuisée!

-Ça c'était violent; lâcha Harry les yeux écarquillés.

Je ne pus m'empêcher d'éclater de rire avec elles et nous passâmes un agréable moment à plaisanter, à reprendre notre souffle. Mes amis respectaient mon silence, attendant patiemment que je sois prête à leur révéler le nom de mon petit-ami.

Je ne me risquais pas souvent à jeter des coups d'oeil dans sa direction, mais jamais nos regards ne se croisaient. Rogue était retranché derrière ses barrières d'Occlumens, imperméable à toutes les imbécilités qu'il pouvait entendre ou voir. Il ne faisait pas du tout attention à moi.

A une nouvelle contredanse, je dus exécuter plusieurs figures d'échanges avec Malefoy. Et nous finîmes côte à côte, applaudissant l'orchestre moi avec enthousiasme, lui avec un détachement tout aristocratique.

On annonça une nouvelle valse... je ne m'attendais pas, soudain, à ce qu'il se tourne vers moi pour me tendre la main.

-Lumare?

Ses yeux acier me transperçèrent, plus froid que jamais. Il était tendu, les mâchoires serrées. Je crois qu'il redoutait que je refuse devant toute notre promotion et nos professeurs. Impossible de comprendre pourquoi il avait pris ce risque. Mais j'acceptai, inclinant la tête, posant délicatement le bout de mes doigts sur les siens.

Le directeur des Serpentard me regarderait forcément ainsi, de nombreux visages étaient déjà tournés vers nous. Malefoy restait de glace.

-Tu es sûr Malefoy, de vouloir danser avec une Gryffondor comme moi?

-Tant que tu es une Sang-Pur; lâcha-t-il d'une voix traînante...

Petit aristocrate arrogant!

Il m'entraîna jusqu'au centre de la piste, point de mire de tous les regards. Les autres couples autour nous dévisageaient et j'entendais des murmures monter de l'ensemble de la grande salle.

Je n'aurais jamais imaginé que les septièmes années y prêteraient autant attention.

Un coup d'oeil à mes amis derrière les buffets au fond à gauche, ils me fixaient, Hermione fronçant les sourcils, Ginny sautillant sur place en me montrant du doigt, ils parlaient avec excitation. Aucun n'avait l'air dégoûté. Je me refusai à regarder du côté de Severus mais me prenais à sentir enfin la brûlure de son regard.

Malefoy et moi nous fîmes face. Nous nous jaugeâmes du regard, puis je me rapprochai de lui. Nos mains gauche et droite se retrouvèrent paume contre paume. La sienne était chaude alors que Rogue les avait toujours glacées lorsqu'il me touchait.

Puis sa main gauche sous mon omoplate, mon dos, deux cicatrices. Je tressaillis avant de m'agripper un peu trop fort à son bras. Il me rapprocha encore plus de lui, presque comme une étreinte.

C'était déroutant.

-J'espère que tu n'as rien oublié de tes cours de valse; susurra-t-il, la prochaine est moldave et une des plus appréciées d'Angleterre.

-Eugen Doga? Demandai-je étonnée.

Un rictus narquois me répondit... J'haussai un sourcil dubitatif à sa manière, parce qu'il était impossible qu'il sache quelle composition allait être choisie par l'orchestre. Le petit professeur de musique tapota sur son pupitre, les derniers couples rejoignirent la piste de danse. Je n'en avais étrangement, que très peu conscience, concentrée sur mon partenaire. Et puis... les premières notes au piano, my sweet and tender beast.

Mais comment...

Un très léger sourire vint apaiser les traits de Malefoy, puis il avança la jambe droite, je suivis de la gauche. Le début fut très doux, le cercle de notre valse très intime, puis s'écarta un peu plus en suivant la mesure. Les violons pleuraient d'une telle façon, j'inspirai délicatement, le regard océan apaisé. Le Serpentard ne le quittait pas du sien. Il me fit tournoyer loin de lui puis me reprit dans ses bras.

-Tu n'as pas autant perdu que je le pensais; me mumura-t-il à l'oreille.

-Trop aimable; rétorquai-je.

La musique délicate nous enveloppait, puis enfla sans prévenir, se gonflant d'émotions. Malefoy me fit tourner trois fois autour de lui avant de, sans prévenir, me soulever dans les airs! J'hoquetai de surprise avec les cymbales, de plaisir aussi au-dessus de la foule de robes et de costumes tournoyante. Puis mes escarpins retrouvèrent terre, mes cheveux cascadèrent comme jamais sur mes épaules.

Les mains de Malefoy quittèrent mes hanches pour retrouver le haut de mon dos, la mienne tremblante, m'entraîner dans une valse enivrante! Qui s'apaisa petit à petit... Nous tournoyions délicatement, ma robe rouge virevoltant au gré de nos mouvements. Délicat, lorsque la musique explosa de nouveau, il me prit par les hanches et me souleva plus haut, plus longtemps. C'était extraordinaire!

Lorsqu'il me ramena à lui, je découvris l'étincelle au fond de ses yeux acier. Ce petit Sang-pur arrogant semblait avoir au moins une passion pour la danse, être sa partenaire était incroyable.

... Je fus presque déçue lorsque le piano délivra les dernières notes. Mon coeur battait la chamade et je devais lutter contre le sourire qui menaçait de m'échapper, mes yeux océan scintillaient.

-Merci; prononça Draco à la fin.

Je le fixai avec surprise, encore plus lorsqu'il amena ma main gauche jusqu'à ses lèvres. Elles l'effleurèrent avec délicatesse, puis le Serpentard l'abandonna, recula, disparut parmi la foule d'élèves. Ginny se rua vers moi tout de suite après.

Elle me posa plein de questions, auxquelles je ne connaissais pas la réponse. Non je ne savais pas pourquoi il m'avait invité, pourquoi le baise-main, pourquoi le sourire. Mais oui, j'avais apprécié.

J'étais trop épuisée pour l'instant et passai les minutes qui suivirent à discuter et boire avec mes amis, ceux qui ne dansaient pas. Lorsque Ginevra et Harry étaient sur la piste de danse, ils manquaient de technique, ce qui n'avait aucune importance comme ils tournoyaient les yeux dans les yeux, heureux, comme seuls au monde. De même pour Hermione et Ronald.

Il y eut des slows initiés par Rusard qui eurent du succès. Les lumières se tamisèrent, il m'était à présent impossible de distinguer mon maître des potions.

Impossible aussi de danser avec lui là-dessus, pourtant j'en avais désespérément envie. Il me fallut rester sur ma chaise, refuser les propositions, refréner mon besoin de le retrouver alors que la voix rauque du chanteur des Weird Sister résonnait sous les voûtes de la grande salle.

Les minutes s'écoulaient doucement..., puis Mac Gonagal s'avança sur l'estrade, le troisième slow que passait Rusard se tut, les lustres étincelèrent de lumière alors qu'elle levait sa coupe d'argent pour y faire tinter sa cuiller. Mon coeur s'emballa.

Hermione, Harry, Ron et Ginny vinrent nous retrouver adossés au mur près des buffets. Je tentai un coup d'oeil à l'endroit où Rogue se trouvait avant le début des slows. Il n'y était plus.

-Mes chers élèves... anciens élèves; se reprit-elle dans un sourire pincé, comme le veut la tradition la dernière soirée que vous passerez entre les murs de Poudlard se terminera par une danse auprès de vos professeurs. Vous devrez avoir retrouvé celui de votre choix avant que ne sonne le dernier coup de minuit.

Les deux couples de mes meilleurs amis se tournèrent vers moi, le visage teinté d'incompréhension pour Harry, Ron et Ginny.

-Tu avais dit que tu nous le présenterais ce soir, que tu danserais avec ton petit ami.

Je... blêmis. Si fort que Harry voulut tenter un geste pour me soutenir. Je l'arrêtai en levant deux mains tremblantes.

-Je n'ai pas menti. Je vais danser avec lui ce soir et vous saurez qui il est. Vous saurez que...

-Miss Lumare; susurra-t-on soudain derrière moi, accepteriez-vous cette dernière danse?

J'avais sursauté, puis m'étais retournée en sentant mon coeur battre la chamade. Rogue. Je le détaillai, brûlante d'une joie et d'un soulagement incoercibles. Il était près de moi, ses yeux étaient posés sur moi, j'existais enfin dans son regard.

-Oui, professeur; répondis-je dans un murmure.

J'entendis mes amis hoqueter de dégoût derrière moi, mes paupières se fermèrent sur ma douleur et je laissai Rogue me conduire sur la piste de danse.

Nous nous fîmes face et son étreinte possessive se referma sur ma main, mon omoplate. Les regards nous, me, criblaient de toute part.

...

Lorsque le premier coup de minuit sonna à l'horloge le professeur de musique de Poudlard, le seul qui échappait à cette ultime danse, réunit l'attention de ses musiciens de sa baguette. Le silence résonna dans la salle des banquets...

Nos deux violoncelles grattèrent leurs premières cordes en synchronisation, marquant le rythme, les violons les rejoignirent presque immédiatement et ce fut magnifique. Je ne connaissais rien de ce morceau, répondant seulement au corps de mon cavalier, ses mouvements élégants.

Le bien-être, il se distillait dans mes veines même dans un moment comme celui-ci. J'aurais pu en fermer mes yeux brumeux s'ils n'avaient été ancrés aux siens.

Incapable de comprendre pourquoi Rogue était encore tendu et crispé dans sa poigne. Et puis tout à coup...

-Il semblerait; lâcha le maître des potions d'un ton dur, que vous plaisiez à mon filleul.

Je ne voyais pas le problème, j'eus même du mal à retenir le sourire qui menaçait au coin de mes lèvres alors qu'il me faisait tourner devant lui.

-Ce serait le premier à accepter... pour nous deux; rajoutai-je en retrouvant ses bras, en observant son sourcil se hausser.

Rogue eut un petit rictus très particulier, comme l'ébauche d'un sourire amer.

-Il ne sait pas.

Alors... je lui plaisais... mais il n'était pas au courant que j'étais avec son parrain. Est-ce que ça signifiait... Les violons et le piano se joignirent pour entraîner élèves et professeurs à tourner délicament dans un cercle réduit.

-Je n'avais pas remarqué; murmurai-je pour toute excuse.

Ses doigts glacés se relâchèrent presque imperceptiblement, il m'entraîna même à virevolter devant lui laissant ma robe rouge profond s'épanouir autour de notre couple. Je pus revenir ensuite, plus près de lui, relever la tête pour retomber dans les puits sans fond de son regard.

-Avez-vous parlé à vos amis?

La crainte m'enserra de nouveau le coeur et j'eus du mal à acquiescer. Hermione en avait connaissance, ma meilleure amie, et si je tournais la tête je savais que je la verrais en train de se disputer avec Harry et Ron et Ginny. J'étais terrifiée par leur dégoût, leur rejet. Mais comment les blâmer, Harry avait souffert de toutes les remarques mesquines de Rogue -plus que chacun d'entre nous durant toutes ces années- et Ronald le détestait viscéralement.

Et la différence d'âge, son passé, son rôle flou durant les deux guerres. Certains pensaient qu'il avait hésité jusqu'au dernier moment avant de nous protéger des attaques des Mangemorts durant la Bataille Finale...

Les sorciers étaient trop près, leurs couples trop proches du notre. Je dus me pencher encore plus pour pouvoir lui murmurer tandis que nous dansions:

-Quand mes parents m'ont reniée j'ai été accueillie chez les Weasley. Ils m'ont tout donné, un refuge, une famille. E-et je les aime.

Je me reculai un peu pour que nos regards se rencontrent et apercevoir l'éclair de douleur déchirer le sien. Mais il ne fit qu'hocher la tête, très neutre, pour toute personne extérieure.

-Je comprends; lâcha-t-il d'une voix rauque.

La musique nous entraîna soudain loin des autres danseurs, j'étais paniquée et me sentais vaciller. J'avais peur, peur, peur... Des étincelles de ma magie m'échappèrent, terreur, j'étais perdue dans l'océan de noirceur de ses yeux.

-M-mais; balbutiai-je le coeur prêt à exploser, je vous aime plus que tout.

Rogue tressaillit, avant d'être totalement pétrifié au milieu de la piste de danse. Ses yeux écarquillés rivés aux miens noyés de larmes. Le temps s'arrêtait, je mourrais de frayeur.

Puis sa main, à me briser le poignet, il m'entraîna derrière lui et quitta les danseurs, fendit la foule d'élèves qui protestaient pour nous faire sortir enfin de cet enfer.

Il me tira à sa suite, dépassa les grandes portes et j'étais perdue, la magie échappait à mon contrôle. Je ne... Rogue me plaqua dès notre sortie contre le mur du couloir, avant de ne plus tenir et d'écraser sa bouche contre la mienne. J'en gémis, de bonheur!

Plus aucun éclair de lumière autour de nous, l'obscurité nous enveloppait et nous nous embrassions à en perdre le souffle.

Il m'enivrait, embrasait mon coeur de courage. J'irais leur parler demain, j'essaierai de les convaincre, parce que j'avais besoin de mes meilleurs amis et que je ne pouvais pas vivre sans Severus.

-Venez; gronda-t-il d'une voix mal contrôlée en s'arrachant à moi.

Et je le suivis dans les couloirs obscurs, sans résistance. Les élèves que nous croisâmes purent croire ce qu'ils voulaient, Rogue me forçait à le suivre de sa poigne crispée, sa cape tourbillonant autour de nous, sa démarche empressée. Tout mon corps me brûlait.

Les corridors, les cachots, réserve, appartements. Il referma la porte derrière nous avant de me prendre violemment dans ses bras et de s'emparer de mes lèvres. J'y répondis de toute ma fièvre, mes doigts tremblant déjà à arracher les attaches de ses vêtements!