Chapitre 6
Tout était embrouillé. Mes repères détruits, je n'avais jamais réussi à comprendre les règles de Rogue et je ne savais plus quoi faire, ou quoi penser. Lorsque je me levais très tôt, que je préparais le petit-déjeuner et les brioches; j'étais certaine de faire ce qu'on attendait de moi. Puis rester invisible, ne gêner personne, je pouvais. J'aimais bien passer mon temps à la bibliothèque ou dans le parc, m'aventurer jusqu'à la forêt près du domaine. Le déjeuner à préparer ensuite, les elfes de maison toujours aux cuisines et Osty qui m'indique les sauces, les plats ou les desserts dont je dois m'occuper. Tout était tellement simple, les règles évidentes...
J'avais cours avec mon cousin et mes deux cousines l'après-midi et étais la seule à devoir m'arranger pour tout réussir du premier coup. Ma tante n'aimait pas les erreurs venant d'erreurs comme moi. Si j'avais bien travaillé et que mes devoirs étaient finis, j'étais libre de traîner ou je le souhaitais, puis de me laver, de préparer une partie du dîner, de manger, de "jouer" avant d'aller me coucher avec John, Elizabeth et Isabella dans le salon sous la surveillance de ma tante qui aimait coudre au coin du feu... Je ne devais attaquer, ni répondre à aucun d'eux. Ce qui ne m'empêchait pas de le faire. Le fait que j'écope de nombreuses punitions pour cela ne m'étonnait pas. J'étais juste désobéissante, et incapable de me plier à des règles que je n'acceptais pas. Je n'acceptais pas d'être frappée et de ne pas répliquer, d'être menacée ou insultée sans me moquer et de rendre chaque humiliation qu'on me réservait à tous ceux qui y avaient contribués.
En général pour les punitions, je devais m'occuper de la vaisselle au lieu des elfes de maison ou nettoyer des pièces poussiéreuses que personne ne visitait jamais. Du temps de mon oncle, j'étais frappée avec une canne. Je préférais ma tante.
Je ne pouvais plus y retourner... C'était comme un vide, un trou qui se creusait dans ma poitrine et qui s'étendait.
J'ouvris la fenêtre de ma chambre, le soleil apparaissait à peine au bord de la terre, et le ciel était doré, empli des couleurs du bureau du directeur Dumbledore.
A Poudlard... Poudlard... Poudlard...
Je vacillai le regard trouble, puis morne de nouveau. Il glissa jusqu'au rebord de la fenêtre, puis le sol tout en bas, le toît du cabanon accolé au mur.
Je voulais sortir. Et ne pas risquer de passer devant l'adulte bizarre qui était obligé de s'occuper de moi. Je n'avais pas aimé qu'il me prenne dans ses bras et cet excès de pitié chez lui, de douleur chez moi. En y réfléchissant, j'avais compris que le château gonflait nos émotions, violemment.
J'enjambai le montant de bois et puis sautai, agile, sur la petite cabane. Il n'y eut presque pas de bruit et ma cheville tint le coup. Puis un autre bond, j'étais au sol, boîtillai sans attendre vers ce que le sorcier appelait la "plage". Le vent s'engouffrait dans mes vêtements et mes longues mèches brunes, l'odeur salée emplissait mes poumons, le souffle, les murmures des vagues, le crissement du "sable" sous mes pas. Je marchai entre les dunes, puis arrivai jusqu'à la mer, m'effondrai dans une nuage de poussière souffrée et scintillante.
J'étais fatiguée...
Il faudrait que je fasse des efforts, tenter de comprendre la logique de l'adulte, me plier à ses ordres pour lui plaire et échapper aux punitions.
J'avais peur... Toutes ces choses que je ne comprenais pas, et ce voyage dans le passé, le fait que je sois plus âgée mais sans m'en rappeler, qu'il y ait une guerre.
Je fixais le ciel d'un bleu très pâle et ne savais pas quoi penser.
J'aurais aimé abandonner, me rouler en boule dans un coin pour fermer les yeux très fort et me balancer d'avant en arrière tout en suppliant Merlin de me ramener chez moi. Chez moi!
Mais je ne pouvais pas, j'étais une de Lumare et je... N'étais... Pas... Faible! Les larmes me montèrent aux yeux, j'étais juste fatiguée...
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Il fallait se lever, c'est ce que je fis lorsque le soleil fut trop haut dans le ciel. Il devait être huit heures.
Donc je revins à la chaumière, passant par la porte d'entrée. Rogue était déjà dans le salon en train de lire un journal près de viennoiseries sur la table, d'une bouteille de lait, de deux verres propres. Il abaissa son journal pour me voir dès que j'eus refermé la porte.
-Bonjour Monsieur; murmurai-je renfermée et les mains derrière le dos.
Mon regard bleu se fixa au sien, se détourna. Je ne savais pas si je devais ou non baisser les yeux. Avec ma tante la regarder, pour John, Elizabeth et Isa, éviter. L'adulte semblait à peine moins méprisant et agacé qu'au premier matin.
-Vous n'avez pas à sortir sans m'en avertir au préalable, est-ce clair?
Une nouvelle règle... Celle-ci était étrange, il m'avait déjà qu'il ne voulait pas me voir traîner dans ses pattes et si je devais lui demander chaque fois que je souhaitais sortir ça arriverait forcément.
-Bien Monsieur.
J'attendis d'où je me trouvais, près de la porte, sans savoir si je pouvais avancer et si j'étais autorisée à manger ce matin. Un regard interrogateur fut porté vers lui, qu'il intercepta, avant de se replonger dans son Daily Prophet.
-Dépêchez-vous de venir manger, le petit-déjeuner a suffisamment attendu; trancha-t-il au final.
J'obtempérai, retrouvai la chaise à sa gauche et en la tirant de sous la table l'écartai un peu plus de l'adulte. Tous les croissants, les pains au chocolat et ce que je sentais être des pains aux raisins étaient enfermés dans deux sacs en papier. Aucune idée de si j'avais le droit de les ouvrir ou non. Je préférai me servir un verre de lait et le siroter lentement.
L'homme en noir ne fit aucun commentaire, occupé avec son journal. Sa punition n'était pas très claire, il m'avait dit de venir manger, mais je n'avais pas droit aux viennoiseries.
Je ne cherchai pas longtemps. Après trois verres de lait je sortis de table et partis dans la cuisine. Un tabouret s'y trouvait qui me permit un meilleur accès au lavabo. Je fis ma vaisselle.
Hâte de sortir, d'explorer les environs, la forêt aujourd'hui, en faisant attention aux trous de terre cette fois. Je revins au salon et à l'homme silencieux.
-S'il vous plaît Monsieur, je peux sortir?
J'étais très loin de lui, les mains dans le dos toujours. Rogue tourna une nouvelle page de son journal puis la tête vers moi et un regard glacial. Son teint était cireux, ses cheveux noirs et très très gras, il paraissait furieux et vraiment fatigué.
-On dit "puis-je sortir" et non, il n'en est pas question. Vous attendrez que j'aie fini ma lecture avant de m'accompagner au sous-sol ranger et préparer le futur laboratoire.
Je me renfrognai à peine sous ses yeux emplis de mépris hautain et inclinai la tête avant de me détourner. J'allai attendre dans le fauteuil près de la bibliothèque à l'autre bout de la pièce. Je repris ma lecture du grimoire qui traitait des champignons poussant dans le sud-ouest de l'Angleterre, de leurs propriétés, de leurs intérêts dans les potions.
Je n'y comprenais pas grand chose. Il fallait s'occuper pourtant, je continuai jusqu'à ce que Rogue referme le Daily Prophet. Il m'observa, j'en fis autant par-dessus mon livre de champignons.
-Vous êtes-vous brossées les dents?
Merlin! Un regard furieux m'échappa.
-Non Monsieur.
-Evidemment; persifla-t-il un sourire mauvais au coin des lèvres, il ne vous serait pas venu à l'esprit de ne pas gâcher le précieux temps que je vous ai octroyé. Allez vous brosser les dents, dépêchez-vous, vous me retrouverez à la cave dans trois minutes!
Et puis l'adulte se leva, sa cape se gonfla derrière lui, puis claqua alors qu'il se détournait de ma déplaisante petite personne. Il partit vers la cuisine, la porte qui menait au sous-sol, je ne m'attardai pas au salon et montai trois par trois les marches menant à la salle de bain.
Je voulais sortir, explorer la forêt toute proche. Elle n'était pas comme celle qui se trouvait près du manoir des de Lumare, elle ne vibrait pas de magie. C'était une forêt moldue tout simplement, qui m'intriguait. Il ne valait mieux pas rester trop longtemps auprès de l'homme en noir.
Je redescendis les escaliers puis passai pour la première fois par la petite porte menant à la cave. D'autres escaliers aux marches branlantes et pleines d'humidité, dangereuses. Puis j'arrivai enfin à la dernière marche et sautai sur un sol recouvert de poussières. Il y avait un énorme Lumos qui repoussait les ténèbres du sous-sol...
Rogue se trouvait près des piles de livres tout au fond à droite de moi, ils tenaient en trois gigantesques pyramides qui montaient jusqu'au plafond. Vieux grimoires d'après ce que je percevais. Au milieu de la pièce il y avait la même table que dans la cuisine, forte, en bois de chêne, résistante à n'importe quelle explosion de chaudrons. Au fond une porte était entrouverte sur une énorme réserve de bois. A ma gauche et tout près des escaliers se trouvaient des sortes de bibliothèques qui recouvraient tout le mur et une partie de celui qui se trouvait en face. Les étagères croulaient sous le poids de boîtes de conserves, d'alcool, de whisky, d'alambics, de fioles et d'éprouvettes tordues ou noircies. On ne devait pas mélanger aliments et potions, le sorcier qui en était responsable devrait avoir honte. Avait été responsable... Il n'y avait personne dans la maison, à part Rogue et moi. Est-ce qu'il était mort?
-Ah Lumare, vous allez commencer par remonter à la cuisine toutes ces conserves qui n'ont rien à faire dans un laboratoire de potions!
...
-Bien Monsieur.
Et puis je me mis au travail, tandis que Rogue triait les monceaux -ma tante disait monceaux- de grimoires devant lui. A chaque fois que je redescendais dans la cave pour mettre une nouvelle douzaine de conserve dans mon panier il y avait de nouvelles piles de grimoires sur la table ou autour de Rogue.
Je finis par descendre un tabouret pour atteindre les conserves du haut des étagères. Aucune idée de ce que l'adulte prévoyait de faire avec.
Trois heures plus tard, j'avais enfin fini. Je revins vers lui alors debout et plongé dans l'étude d'un des grimoires.
-Monsieur? J'ai remonté la dernière conserve.
Il m'ordonna par-dessus sa lecture de m'occuper du bois pour la cheminée. Je l'agaçais visiblement. C'était toujours l'effet que je produisais sur les adultes, même lorsque je ne parlais pas et mettais tout mon talent à me faire oublier.
Je partis vers cette sorte de réserve de bois dans le dos de Rogue et entassai cinq grosses bûches dans mes bras. Je les remontai jusqu'au panier vide près de la cheminée. Je redescendis, pour en reprendre cinq autres. Une trentaine plus tard, je pouvais revenir auprès du sorcier.
Il m'indiqua des montagnes de livres de contes à remonter jusqu'aux bibliothèques du salon, me donna des ordres concernant les livres trop imbibés d'eau et illisibles.
Je restai à ses ordres toute la matinée, et puis après le déjeuner aussi. Je n'eus pas le droit de sortir. Il fallut que je finisse le rangement des grimoires, que je jette la verrerie fendillée ou inutilisable, que je remonte les bouteilles d'alcool. A la fin de la journée tous mes muscles me tiraillaient, je ne me sentais pas bien, vaguement chancelante.
Rogue m'autorisa à préparer le dîner avec lui, poisson aux pommes, et lorsque nous fûmes chacun assis devant nos assiettes j'eus droit au rappel de tout le mépris que je lui inspirais. Il eut un rictus reconnaissable en me fixant de son regard empli de ténèbres.
-Pas trop difficile de travailler pour une de Lumare? Siffla-t-il dans une sorte de ricanement.
Je ne compris pas où était la blague parce que j'avais l'habitude de travailler au manoir, de préparer à manger, de faire la vaisselle, de nettoyer, d'obéir aux ordres de ma tante; alors je me contentai d'une expression neutre à lui adresser et puis retournai à mon poisson.
Ce n'était pas très bon, je me dépêchai de finir avant que Rogue ne me renvoie dans ma chambre pour la nuit. J'étais fatiguée, mal aux bras et aux jambes, au dos, Osty n'était pas là. Je voulais rentrer au manoir. Besoin... Je quittai les couvertures pour me traîner jusqu'au bureau, là où j'avais laissé le mouchoir à vifs que Dumbledore m'avait donné. Il était plein de morve séchée. Le laver... demain. Ce bout de tissu me rappelait tellement Poudlard, j'aimais cette école, en sécurité, mes amis y étaient avant l'attaque. Des yeux verts étincelants...
Je retournai dans mon lit et ne tardai pas, épuisée, à m'écrouler de sommeil.
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Le lendemain matin pas plus que la veille je ne fus autorisée à sortir de la maison. Rogue passa son temps à feuilleter l'ensemble des grimoires de la cave, tandis que je devais -à l'aide d'un bac d'eau et de mes dix doigts- nettoyer toutes les fioles et le matériel utilisable pour des potions. Je ne relevai pas mes manches, quitte à les avoir trempées. Et le pire c"est qu'il fallut que je le fasse au sous-sol afin que Rogue garde un oeil sur moi.
L'adulte me détestait; peut-être même plus que dans le futur.
Au déjeuner il se moqua de moi parce que j'avais les bras engourdis et du mal à découper le reste de poisson dans mon assiette. Ensuite il m'ignora pour se consacrer à la lecture de son Daily Prophet.
Durant l'après-midi je fus obligée de revenir à mon nettoyage, dans la cave. Le silence y était assourdissant, être si longtemps seule dans la même pièce qu'un adulte me terrifiait.
Je partis vider l'eau sale de ma bassine dans la cuisine, la remplir de nouveau... Il devait être à peu près seize heures d'après la position des ombres de la forêt plus loin, il ne faisait plus trop chaud et c'était le moment parfait pour visiter les environs quitter enfin la cave sombre et poussiéreuse. Je n'aimais pas y rester...
Je montai vite les marches qui conduisaient à ma chambre puis redescendis avec le mouchoir de Dumbledore. Ce fut difficile à laver, le tissu avait du mal à mollir et sans savon il était encore plus dur de... Un vacarme phénoménal retentit dans tout l'étage, je me plaquai aussitôt au sol, les bras croisés devant mon visage. Mais pas de sortilège, pas de flammes, pas d'attaque. Ça continuait...
-Lumare! Hurla Rogue.
Il venait, courrait dans les escaliers. Je me risquai à jeter un coup d'oeil devant moi. Le bruit s'arrêta juste après, et il n'y avait rien d'horrible, pas de mangemorts ou de tante entourée d'étincelles de magie mortelles. Juste, quelque chose venant de la cheminée du salon. Rogue fusa hors de la cave, m'avisa et se plaça aussitôt devant moi, baguette au poing. Je fixai son dos complètement choquée.
Cet instant fut comme suspendu dans le temps... Mais il n'y avait aucun danger, juste des objets à ce que j'avais vu, envoyés par cheminette. Rogue dut finir par s'en rendre compte comme il rangea sa baguette et me fit face soudain. J'avais encore les yeux écarquillés, à genoux, le mouchoir aux vifs d'or dégoulinant entre les mains.
-Êtes-vous blessée, Lumare? Lâcha-t-il d'une voix tranchante.
Je secouai la tête, sans trouver ma voix. Il fallait mieux le regarder, je repoussai de mon poignet les quelques mèches désordonnées qui me tombaient devant les yeux. Rogue était blême et tremblait. Ses yeux de feu étaient rivés sur moi, il me détaillait même si j'étais incapable de déterminer l'émotion douloureuse qu'il trahissait. Je ne l'avais jamais vue avant. Chez personne.
-Répondez-moi lorsque je vous pose une question! Siffla l'adulte encore.
Je tressaillis, cillai et puis retournai le fixer.
-Vous avez voulu... me protéger? Articulai-je avec difficulté en ignorant complètement son ordre.
Cela sembla le rendre furieux, bien plus que ce qu'il montrait déjà. Le moment d'après je ne distinguai plus que la colère sur son visage. Il se moqua de moi, m'ordonna de me relever, tout de suite! Je m'empressai d'obéir ne souhaitant aucunement me faire frapper ou me recevoir un Incendio. L'adulte m'ordonna de lâcher mon stupide mouchoir et de le suivre dans le salon, là où des objets de toutes les couleurs étaient déjà éparpillés sur et sous la table basse, dans les fauteuils et le canapé, il y avait même un ballon violet qui avait roulé jusqu'à la bibliothèque à l'arrière du salon.
Rogue était contrarié.
On aurait dit que le Père Noël venait de se rattraper pour l'ensemble des noëls précédents. C'était incroyable de voir tous ces grimoires, tous ces livres de conte, ces gros bestiaires que j'appréciais tellement feuilleter, ces séries de chaudrons allées rouler contre les pieds du canapé, ces boîtes transparentes remplies de cookies, de muffins, de bonbons bizarres, ces deux paniers pleins d'abricots et de citrons, ces paquets de vêtements encore dans la cheminée, il y avait comme des planches de salle de bain avec peignes et brosses à dents. C'était bien qu'il y ait autant de choses utiles. Je ne comprenais par contre pas du tout l'intérêt de cerceaux de toutes les couleurs sur la table basse, d'une corde à sauter comme celle d'Isa, de "jouets".
Le professeur Rogue s'empressa de s'approcher des chaudrons et des malles remplies d'ingrédients pour ses potions. Ses traits semblaient presque détendus et il y avait comme une lueur dans son regard. Je pus explorer en toute impunité ce que Dumbledore nous avait envoyé, et mettre de côté avec une grimace les ballons et autres "jeux". Je leur préférai les livres, il y en avait des énormes! Magnifiques surtout! Dans le premier que j'ouvris il y avait une illustration de Fenris sur deux pages entières. Il était à couper le souffle si sombre et cruel, les yeux jaunes fourbes. Plus loin il y avait Ragnarök d'illustré et puis Sekhmet à la troisième partie du livre sur les dieux d'Egypte.
Cette déesse "forçait le respect" comme disait ma tante. Oh et un Magyar à pointes dans un autre volume, tous ces détails. Mon front me brûlait... ce dragon... J-je... refermai le livre et en pris un autre. "Les contes de Beedle le barde", j'avais écouté aux portes quand ma tante les lisait à John et mes cousines. Quelque chose me poussait à le lire par moi-même. C'était important...
-Occupez-vous de la nourriture; lâcha soudain Rogue à ma droite. Rangez-la dans les placards et les étagères, même ces... friandises.
Il articula le dernier mot comme s'il lui avait brûler la langue. Ici non plus je n'aurais pas le droit d'en manger? Aucune importance, je crois que je n'aimais pas ça de toute façon.
J'obtempérai tandis que le sorcier descendait à la cave avec son précieux matériel. Il avait l'air d'aimer les potions...
Je rangeai les bocaux de bonbons en bas, parce que l'adulte irait plus ouvrir les placards du haut. Il y en avait qui étaient complètement noirs, et qui gigotaient, d'autres ronds et jaune, il y avait des dragées de toutes les couleurs et plusieurs paquets avec écrit chocogrenouille dessus. John, Elizabeth ou même Isabella n'avaient jamais mangé de ça, j'en étais sûre.
Les paniers de citrons et d'abricots furent placés sur la table de la cuisine avec les petites barquettes de fraises, de framboises, de mûres et de cerises. Je mis les gâteaux dans les étagères du haut et continuai à m'occuper de la nourriture, viandes séchées, légumes, brioches..., faisant au mieux.
Et puis je revins au salon, il restait beaucoup de choses, certaines captèrent mon attention. Elles se trouvaient jusqu'à récemment sous les barquettes de fruit, c'était des peluches. Certaines de leurs couleurs faisaient mal aux yeux, certaines avaient des formes qui ne correspondaient à rien de connu. Mais il y en avait une... un petit lionceau dans un coin. Il avait un pelage ocre orangé, un museau, des oreilles toutes rondes. Je ne savais même pas pourquoi je faisais ça, mais je m'assis en tailleur au milieu des peluches, et finis par passer mes doigts dans la fourrure du bébé lion. C'était doux, chaud. Je passai une main un peu tremblante dans mes cheveux bruns embrouillés et puis revins à la peluche. J'avais envie de... la prendre dans mes bras... Mais si l'homme en noir revenait...
Je m'empressai de me lever, le lionceau serré de toutes mes forces contre mon ventre, puis de courir jusqu'à l'étage et ma chambre. Là je cachai la peluche dans mon lit. Rogue était revenu lorsque j'apparus au salon. Heureusement il ne me demanda aucune justification.
-Maintenant que vous êtes là occupez-vous des grimoires, remplissez les bibliothèques que vous avez vidées hier.
-Oui Monsieur.
Je le fis, le soleil déclinait à l'horizon. Toutes ces couleurs rouges et oranges...
Je remontai les brosses à dents et tout ce qui allait avec dans la salle de bain. Mais il y eut un problème pour les habits. Ceux de Rogue étaient de toutes les couleurs, il les métamorphosa en quelques coups de baguette. Les miens étaient vraiment hideux, et en plus ils étaient à manches courtes.
Mes mâchoires se crispèrent lorsque le professeur me remit mon paquet de vêtements.
-Vous pourrez enfin enlever les loques que vous portez; m'annonça-t-il d'un ton qui s'appelait "condescendant".
-Je... Je risque des coups de soleil, aux bras vous savez. Vous ne... Ne pourriez-vous pas les rallonger? S'il vous plaît Monsieur?
Ses yeux noirs me transpercèrent, il se tenait encore trop près et j'aurais voulu reculer si ce n'avait été encore plus dangereux.
-Que craignez-vous que je découvre, Lumare? Là il était mielleux.
-Rien! Mentis-je avec toute l'insolence que je pouvais. Je préfère juste les manches longues. Et j'aimerais aussi des couleurs moins visibles comme du noir, du bleu. Je n'aime pas le jaune et le vert.
Tout dire pour qu'il ne fasse plus attention à ma première demande... Ça ne semblait pas marcher. Son regard glissa vers mes avant-bras et il fronça un peu les sourcils. Rogue se posait des questions, j'étais vraiment dans la bouse de dragon! Surtout après qu'il n'ait rien remarqué les deux fois où il m'avait soignée...
-Relevez vos manches! Siffla soudain l'adulte.
Un regard venimeux m'échappa, mes doigts se crispèrent sur mes vêtements.
-Non.
Il fit un pas vers moi, menaçant, les ténèbres autour, sa baguette encore en main. Je paniquai et reculai de plusieurs pas; avant de m'arrêter brusquement. Pétrifiée je fixai l'adulte. Il s'était figé aussi, l'expression vacillante. Tous mes muscles étaient contractés et je tremblais parce qu'au moindre geste j'étais prête à m'échapper. Dehors. Mes yeux déviaient vers la porte tandis que Rogue hésitait...
-Très bien; lâcha mon professeur.
Je relevai des yeux écarquillés vers lui, son visage apparaissant très neutre et dénué de toute émotion.
-Laissez-moi vos vêtements et allez-vous laver.
Un instant d'hésitation à chercher le piège, puis je déposai mon paquet sur un fauteuil à égale distance entre Rogue et moi.
-Prenez un pyjama Lumare! M'ordonna-t-il encore.
J'obtempérai plus rapidement encore avant de filer et de lui fausser compagnie. Le premier pyjama qui s'était présenté et qui avait des manches longues étaient blanc crème et il y avait une énorme fraise dessinée dessus. Ce serait très humiliant à porter. Mais ce qui m'importait pour l'instant c'était d'être éloignée du sorcier des ténèbres, enfermée dans la salle de bain.
Je dus sortir habillée de façon ridicule, amener un énième rictus sur le visage de Rogue puis je reçus mon paquet de vêtements plus sombres et aux manches longues. Il ne fit pas de commentaires dessus, moi non plus au sujet des jouets et peluches qu'il avait fait disparaître. Nous dûmes manger le dîner en silence -quelque chose d'à peine meilleur que le poisson comme je n'avais pas le droit de cuisiner à ma manière- et ensuite il fallut que je reste plusieurs heures à lire dans le salon à côté de lui.
Quand je pus enfin retourner dans ma chambre, je fermai la fenêtre, les rideaux puis m'écroulai sur mon lit et je retrouvai le petit lionceau en peluche. Il avait des yeux sombres et jaunes magnifiques, un peu tristes. Je le serrai vraiment fort dans mes bras... et ensuite me relevai pour chercher le mouchoir de Dumbledore sur mon bureau -je l'avais remonté avant d'aider à préparer le dîner-, lui attacher autour du cou. C'était mieux.
Un sourire fatigué m'échappa avant que je ne me blotisse sous les draps en protégeant le félin contre moi.
-'nne nuit; marmonnai-je.
Et puis je m'endormis.
