Chapitre 1

Tout était sombre et violent, des tourbillons de magie éclataient et nos corps étaient tiraillés dans toutes les directions, le mien... J'étais terrorisée mais je ne pouvais pas bouger le moindre muscle, pas me rouler en boule, pas crier, même pas fermer les yeux. Les mondes se distordaient, les ténèbres grandissaient, plus rien sous mes pas. J'étais seule, j'allais mourir, je... La glace, mes doigts. Rogue était là! Sa main autour de la mienne. La vieille magie explosait, crépitait dans des grondements effrayants. J'avais peur, peur, peur, peur, peur! Mal... Mes vêtements, se déchiraient. Mes articulations, je les entendais au milieu de tous ces grésillements, elles craquaient une par une. Encore. La douleur, mes os qui s'allongeaient, et le sang. Je ne pouvais même pas hurler!

Non, les souvenirs! Pire! C'était pire! Ils me brûlaient le cerveau, tout crâmait, s'embrasait! Trop mal, j'avais trop mal! Les rires, hurlements, Harry et Hermione! Ronald qui agonisait! Remus qui se transforme! Je les revoyais tous, tout revenait! "Dix points en moins Lumare!", "Sale bâtard graisseux!", "Donne-moi la prophétie... ou regarde tes amis mourir", "Ne lui donne pas Harry!", "Bienvenue petit phoenix". Que ça s'arrête, je n'en peux plus, je n'en peux plus... "J'avais pris ça à la bibliothèque pour me distraire", "Ça c'est... distrayant? ", "Les araignées fuient devant lui, tout correspond!", "Au revoir, amis de Hagrid ", "Sirius Black, il a tué mes parents", "R. A. B., comme le médaillon","Voilà pourquoi les Serpentard chantent avec joie, Weasley est notre roi", "Non Dobby, non!".

Choc. Douleur. Elle m'écrasait, je m'effondrai au sol et la main me lâcha. Je pouvais, bouger, je pouvais... Je hurlai en crachant mon sang, en convulsant, les yeux voilés. Il n'y avait que l'ombre qui s'agenouillait, ses mains glacées soudain contre mon front, qui me retenaient. Des larmes de sang s'écoulaient contre mes tempes, quittaient mes lèvres, la fièvre me consumait, ma magie crépitait et mes os craquaient, craquaient. ''Trop faible, Potter'', "Harry! ''.

-H... Harry; haletai-je avant qu'une vague de douleur intolérable ne me foudroie... Her... mione, s-supplie...

Je crachais mon sang en une mare toute noire et puis convulsai entre les doigts gelés. "Et avec un peu de chance, on sera à l'heure pour le dîner", "Ventre sur patte!", le sang gouttait, je me sentis soulevée dans les airs, retenue par des bras puissants. Je... Je sombrai, dans le néant.

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La brûlure dans mon esprit et la douleur partout, les convulsions reprenaient. Des pas que j'entendis décroître au loin, le crépitement des flammes, effort surhumain pour desserrer les paupières. Mes yeux bleu océan, voilés, se refermèrent sous la lumière trop forte. Vomir. Les articulations de mes doigts craquèrent violemment alors que je m'agrippais au canapé. J'ouvris encore les yeux. C'était la lumière des flammes, qui brûlait mon cerveau, les étagères pleines de grimoires autour, la cheminée noire. Quelqu'un approchait. Ce n'était qu'une ombre.

-Essence de Murlap et pavot somnifère... puissant analgésique...

La souffrance dévorait ses mots, je ne voyais plus le flacon. Un goulot contre mes lèvres, froid, j'essayai de résister mais sans succès. La potion coula bientôt le long de ma gorge en feu, se répandait dans mes artères et mes veines. Je convulsai encore plusieurs minutes, retenue au front et à la hanche. Puis le voile s'écarta, très doucement, je pus voir à nouveau. Je cillai. Rogue était là.

-P-professeur; sursautai-je et du sang s'écoula d'entre mes lèvres.

-Chut; murmura-t-il son regard hypnotique rivé au mien, calmez-vous. Vous êtes en sécurité.

C'était un Legilimens...

-Où...; tentai-je.

Un de ses doigts glacés effleura mes lèvres, essuya le sang aussi, puis se retira, il souffla:

-Dans le sous-sol de ma demeure à Spinner's End, cette pièce est entièrement protégée par le sortilège du Fidelitas dont je suis le Gardien.

Sa main partit repousser mes mèches trempées avant de se poser délicatement sur mon front baigné de sueur. J'en soupirai, la douleur refluait petit à petit. J'essayai de parler encore mais le souffle me manquait... Rogue comprit pourtant.

-Nous somme le 13 avril de l'année 1996, vos amis ne vous croient disparues que depuis quelques jours.

Je rouvris aussitôt les yeux, les pupilles rétrécies par l'angoisse, essayai de me lever. Rogue me retint de force contre le canapé. Mais je... Je me débattis.

-Je dois les... prévenir... Ils...

Le sang, les articulations qui craquaient et me foudroyaient de douleur. La potion ne faisait pas encore pleinement... effet.

-Vous n'êtes pas rétablie Lumare, je vous interdis de bouger de ce canapé ou il vous en cuira; gronda Rogue

Trop mal. Je... Mon ventre se tordit tout à coup, je me roulai en boule, avant de vomir un jet de sang noirâtre. Il éclaboussa les coussins, le tapis et le pantalon de Rogue. Celui-ci ne me siffla rien, aucun reproche, ne me menaça pas. Il garda ses lèvres pincées et me força à me recoucher. Ce ne fut qu'une fois qu'il se fut assuré que je ne bougerais plus qu'il sortit sa baguette pour murmurer des Tergeo, ensuite il la rangea. Ma respiration était rauque et mal contrôlée. J'avais suivi chacun de ses mouvements les paupières brûlantes, nauséeuse et ce sang toujours dans ma bouche.

Les yeux de Rogue revinrent percuter les miens, l'angoisse reparut.

-E... est-ce que le Seigneur des Ténèbres sait... que vous êtes revenu? Demandai-je d'une voix rauque.

Je ne me rendais pas compte que j'agrippais sa manche au lieu du canapé. Le silence s'étendit, Rogue m'observait, puis un rictus lui déchira les lèvres et l'ancien Serpentard répondit:

-Non. Tout ce qu'il retrouvera dans cette salle du troisième étage sera un peu de sang, quelques membres de Greyback et de la soeur Carrow. Le Seigneur des Ténèbres me pensera aussi mort que ses trois autres mangemorts.

-Vous les avez tués? Haletai-je relevant difficilement la tête du coussin.

-Le souffle de l'explosion de la cheminée les a pulvérisés; me corrigea-t-il d'une manière tout à fait indifférente. Je n'ai eu qu'à faire disparaître le corps d'Amycus pour rendre plus crédible l'absence du mien.

Alors ces trois monstres devant moi, qui se disputaient pour pouvoir me torturer, étaient morts. Jamais je n'avais souhaité quelque chose d'aussi atroce. Jamais je n'avais voulu les tuer. Ma tête retomba contre le bras du fauteuil, mon regard se voila alors qu'un silence sinistre s'étendait dans la pièce.

-Nous sommes en guerre; cracha soudain Rogue, que pensiez-vous que...

-Je les ai tués! Le coupai-je en fermant fort les paupières, crispée par la douleur. J-je... les ai... tués...

Meurtrière! Même après avoir tourné le dos à Voldemort, refusé de le servir et de faire partie de ses mangemorts, j'avais ôté la vie. Coupable, je l'étais autant que toute ma famille d'assassins. Des doigts glacés emprisonnèrent mon menton tout à coup, m'obligeant à ouvrir et relever les yeux vers d'autres emplis de ténèbres.

-Ecoutez-moi attentivement Lumare, vous n'êtes pas une meurtrière. Leur mort était un accident. Tout ce que vous avez fait s'est limité à jeter de la poudre de cheminette en suivant les ordres de... du professeur Dumbledore. Et il est évident que si la déflagration ne les avait pas éliminés je l'aurais fait.

Le ton était tranchant sur la fin, sifflant comme une lame. Je cillai, rassurée par les charbons noirs et froids de son regard. J'hochai la tête, relâchai ma poigne sur sa chemise. La douleur était sourde à présent, je pouvais bouger sans en être foudroyée.

Les doigts de Rogue quittèrent ma peau.

-Et Hermione? Ron? Harry? Demandai-je le regard incertain. Ils ont réussi à s'enfuir? Est-ce que vous savez comment ils vont?

La peur commençait à crépiter et déchaîner l'océan dans mes yeux. Je perçus les mâchoires de Rogue qui se crispaient. Il...

-Ils sont sains et saufs, tous les trois.

Je ne savais pas si je pouvais le croire.

-Aucun mangemort, ni même le Seigneur des ténèbres n'a laissé entendre que l'un d'eux ait pu être touché ou capturé; me délivra-t-il d'une voix traînante, ce qui aurait fait la une de la Gazette du sorcier si tel avait été le cas.

Vrai, il disait vrai. Je me calmai, me renfonçai dans les coussins et le canapé de cuir sombre sous moi. Trop d'efforts, j'en avais trop fait, j'étais épuisée, mes paupières se fermaient malgré moi.

-Reposez-vous Lumare, je suis là...

Le doux murmure me berça, je n'avais plus à lutter, mes amis étaient en sécurité et Rogue aussi... Le reste importait peu, je pouvais m'endormir... Ma joue rencontra le coussin moelleux sous ma tête, un soupir m'échappa et puis je m'endormis.

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Lorsque je me réveillai dans les sous-sols de Spinner's End pour la deuxième fois, ce fut à cause de la douleur. Elle me rongeait le ventre et me déchirait de l'intérieur. Le sang envahissait peu à peu ma gorge et m'empêchait de respirer. Je me tournai juste à temps pour rendre une nouvelle mare de sang sur le tapis. Des halètements rauques m'échappèrent. Heureusement Rogue n'était pas là. Mon regard voilé n'intercepta aucune ombre près de moi. Il n'y avait que les flammes, leur ronflement dans la cheminée face à moi et... l'écoulement d'eau contre du carrelage. Une douche, ce devait être Rogue.

La douleur me transperça.

Je me roulai en boule, finis par réussir à m'effondrer hors du canapé. Et puis je me traînai plus loin dos au feu, à peine consciente des vêtements trop grand que je portais, de cette chemise blanche et de ce pantalon noir qui ne pouvaient être qu'à Rogue. Je rampai entre deux fauteuils et puis aperçus enfin le reste du sous-sol. Le parquet sombre qui s'étendait jusqu'au bout, aux tables en bois imperméables qui supportaient grimoires, fioles, flacons et chaudrons. Le coin laboratoire sans doute, des étagères au-dessus regorgeaient de tous les ingrédients dont pourrait un jour avoir besoin un maître des potions. Un filet de sang échappa du coin de mes lèvres. Beaucoup de grimoires dans les bibliothèques du fond et une porte à ma droite entrouverte sur un lit. Ce devait être la chambre de Rogue, la salle de bain semblait être juste à côté. Le clapotement de l'eau s'arrêta sans que j'en prenne conscience. Je me traînai péniblement, pétrifiée par la douleur chaque fois qu'une articulation craquait. Au final je parvins jusqu'aux tables de travail. Un chaudron bouillonnait, un potage dedans et des fleurs de Lapacho qui embaumaient. Je me hissai jusqu'à elles à la force des bras, parvins à tenir debout... debout... Je vacillais, mes jambes tremblaient et mes cheveux ébouriffés tombaient devant mes yeux, le long de mes épaules. Les grandes manches de la chemise de Rogue étaient si lourdes, je n'arrivais pas à tendre la main pour atteindre les étagères, les fioles de Murlap. Pourtant j'essayais, je...

-Lumare!

Je tressautai à m'en retourner. La souffrance me foudroya, encore du sang, ma peau vira au cadavérique, alors que Rogue se trouvait face à moi. Sa chemise blanche dans son pantalon, ses mèches graisseuses gouttant d'eau et son regard charbon brûlant de fureur.

-Je vous avais interdit de vous lever, petite sotte!

-Je n'ai pas d'ordre à...; haletai-je mais il me coupa en s'approchant à grand pas.

-Suffit! Vous jouerez à la séditieuse une autre fois!

Puis il m'agrippa par le bras, j'essayai de le retirer de sa poigne mais rien n'y faisait. Rogue m'attrapa l'autre épaule alors que mes jambes tremblaient trop et que j'allais bientôt m'effondrer.

-Retournez vous allonger; grogna-t-il agacé.

Je n'avais pas assez de force pour lui résister, ni même pour répliquer quelque chose. Rogue me ramena jusqu'au canapé, me força à m'asseoir et amena plusieurs oreillers pour surélever ma tête avant d'essuyer le sang au coin de mes lèvres avec le vieux mouchoir de Dumbledore. Le tissu s'imbiba d'écarlate. Je le fixai avec tristesse, la respiration à peine sifflante.

Le mangemort me le laissa pour s'activer plus loin, dans le dos du canapé.

Il revint avec un bol de métal entre les mains, fumant de potage. Je n'avais pas la force de le tenir, encore moins de soulever la cuiller encore et encore. Rogue le savait, il s'assit dans le fauteuil qu'il avait placé entre mon accoudoir et la table basse, et me fixa. Je crispai les mâchoires, une tempête déchaînée dans mes yeux océan, les poings serrés malgré la douleur.

-Il n'en est pas question; sifflai-je.

-Je vous préférais endormie; ricana le sorcier.

-Je ne suis plus cette gamine... que vous avez terrorisée... il y a neuf ans. Donnez-moi une fiole nutritive. Une Régénération sanguine. De l'extrait de murlap. Et laissez-moi.

J'avais perdu mon souffle et la colère avait resserré ma gorge jusqu'à ce qu'il me soit difficile de parler.

-Si vous refusez mon aide, Lumare. Vous la refusez entièrement; me lança Rogue avec un rictus narquois sans même faire semblant de poser son bol.

-Bien! répliquai-je furieuse.

Je n'aimais pas les adultes, leurs ordres, le pouvoir et la domination qu'ils voulaient toujours exercer. La douleur grondait en moi. Le professeur de potions n'était pas différent des autres, il était même pire. Il soupira.

-Lumare vous vous rendez ridicule. Et vous me faîtes perdre mon temps, ouvrez la bouche.

Je la gardai scellée et mes yeux lancèrent des éclairs... Rogue aurait dû abandonner, laisser le bol ou le briser dans une rage froide, me dire que je n'étais qu'une imbécile et un poids mort de plus sur son chemin et que sais-je encore. Il aurait dû me laisser! Mais son regard empli d'ombres était calme et presque doux, une de ses mèches graisseuses glissa jusqu'à sa joue comme il était penché vers moi, puis il plongea la cuiller dans le potage, la remplit, l'amena jusqu'à ma bouche.

-J'ai dit que je n'en v...

Il passa la barrière de mes lèvres, de mes dents, tout à coup. La soupe envahit ma bouche et coula le long de ma gorge. J'écarquillai les yeux.

-Vous voyez, ce n'était pas sorcier; murmura Rogue un rictus narquois aux lèvres.

Il touilla la soupe puis remplit de nouveau sa cuiller.

-Ce potage est composé d'élèments n'ayant aucune interaction dangereuse entre eux. Il y a des légumes de base bien sûr, des fleurs de Lapacho...

-Pour stimuler le système immunitaire; réfléchis-je alors qu'il apportait le couvert à ma bouche.

Je n'eus pas le temps de l'éviter et dus tout avaler une fois encore.

-... une demi-dose de Régénération sanguine, de la sauge sclarée...

-Anti-microbienne, anti-oxydante; me rappelai-je pour cette plante que nous étions allés ramasser dans la forêt.

Cela avait été la première fois que nuos étions entrés ensemble dans la forêt autour de la chaumière. Et juste après il y avait eu ce message de Dumbledore, Rogue qui devenait blême parce qu'il devrait lui faire face à nouveau. Je me rappelais. Son regard était très calme, comme du charbon qui rougeoit doucement, alors qu'il approchait la cuiller. Malgré ma fierté meurtrie, j'ouvris la bouche de plein gré et avalai une fois encore.

-... et un peu de basilic, pour l'assaisonnement autant que pour ses propriétés fébrifuge et analgésique.

Je ne savais pas pour le basilic. Mes pensées s'étirèrent en silence dans mon esprit, mon regard était embrumé, la force qu'il me fallait pour rester assise était en train de m'échapper, mes articulations pulsaient... mal...

-Vous empiétez sur mon canapé depuis cinq jours maintenant; lâcha Rogue soudain.

Je cillai, revenant à l'instant présent. Cinq jours...

-Il faut que je les prévienne; murmurai-je dans le vide avant de relever un regard étincelant vers mon professeur. Je dois les avertir... que je suis en vie!

Il me fourra de la soupe dans la bouche et je grognai, il grogna aussi:

-Vous n'êtes pas en état de faire quoi que ce soit pour l'heure, excepté finir votre soupe.

-Par Merlin! Explosai-je. Ils... me croient morte. Il faut...

Je perdais le souffle, la souffrance me rattrapait. Mais Rogue était là, ses mains froides contre mon front tout à coup qui me forcèrent à m'allonger, ses murmures... Je détestais être malade, être faible, encore plus devant un témoin comme Rogue. Ce meurtrier.

Une fois la crise passée, que j'eus retrouvé mon souffle, il passa ses doigts à l'arrière de ma nuque et me surèleva la tête pour me permettre de boire la soupe à même le bol. Elle coula lentement, remplie ma gorge et mon oesophage. Deux fioles de potions vinrent se presser ensuite contre mes lèvres, l'une après l'autre. Je respirais beaucoup mieux après cela...

-Merci; murmurai-je.

-Je vous en prie...

La brume envahissait mon regard, il m'avait donnée une fiole de Nuit-sans-rêve. Un somnifère très... très... puissant... Je ne distinguais plus qu'une ombre devant moi, tout se brouillait, je fermai les paupières puis ma tête retomba contre les coussins.