Chapitre 8
Le grincement de la porte me tira d'un coup de mon sommeil. Je tressaillis, panique, magie crépitante au bout du bras droit.
Mais c'était Rogue qui venait d'entrer... Rogue... Je m'apaisai, la magie s'évapora. Il ne restait plus que l'esquisse d'un sourire difficile, lèvres craquelées, regard brumeux, avec mes cheveux en pétard et mon lionceau toujours dans les bras.
-Bonjour Monsieur; lançai-je d'une voix ensommeillée.
Je m'attendais bien sûr à ce qu'il me réponde un: "vous avez cinq minutes pour vous préparer!". Seulement cette fois-ci il hésita et puis s'avança dans la chambre. Mes muscles se tendirent, les limbes de sommeil se déchirèrent, mon regard alerte ne se détachait plus de l'adulte.
Rogue vint s'asseoir sur mon lit et ne cessa de fixer ma peluche et mon bras. Ses sourcils étaient froncés et ses poings serrés au-dessus de sa robe de sorcier, ce qui n'était pas bon signe.
-Tendez-le bras; ordonna-t-il tout à coup.
Je tressaillis, puis choisis d'obtempérer sans comprendre. J'élevai le gauche devant moi mais Rogue n'en fut pas satisfait, il crispa les mâchoires.
-L'autre.
Le droit? Mes yeux bleu océan s'assombrirent soudain et je refusai. Je refusais! Peu importe que ce soit un adulte, que je lui désobéisse et que j'en sois punie, il ne devait pas voir!
-Obéissez, c'est un ordre! Gronda Rogue en se rapprochant vraiment furieux.
-Non; crachai-je à mon tour en me dépêtrant dans mes draps pour m'éloigner. Non, je veux pas!
Il siffla mon nom comme un serpent et puis m'agrippa les deux épaules pour me bloquer. J'écarquillai les yeux de terreur, glacée jusqu'au plus profond de moi, incapable de me débattre. L'adulte m-me... Il...
Premières étincelles autour de mon poing serré, qui s'évanouirent... J'étais paralysée; le sorcier agrippait ses doigts à mon pyjama et les enfonçait dans ma peau, je sentais sa mauvaise haleine alors qu'il était trop près, trop près. Il y avait son gros nez à quelques centimètres du mien, ses yeux brûlant d'hypnose fixés sur moi.
-L-lâchez...; parvins-je seulement à bégayer.
Rogue attendit, tout était suspendu. Puis il lança:
-Seulement si vous ne vous débattez plus.
Je... J'acquiesçai immédiatement et sentis enfin sa poigne se desserrer. Mes épaules faisaient très mal, mais l'adulte ne s'éloigna que de quelques centimètres. Il était encore là, sur mon lit. Il pensait encore à mon bras.
-Il y a une chance pour que je parvienne à le soigner, Lumare; tenta Rogue d'une voix plus contrôlée.
-Pas possible; rétorquai-je aussitôt à le cachant dans mon dos.
J'agrippai mon lionceau de l'autre main et étais prête à fuir, n'importe quand. Je ne comprenais pas ce qui l'intéressait, ce qu'il voulait, pourquoi il était si violent sans raison et ne l'était jamais lorsqu'il fallait me punir! Rogue trichait, mentait, je l'avais toujours su!
-Très bien; fit Rogue soudain. Montrez-moi votre bras, et je vous montrerai le mien.
Choc. Mes yeux s'écarquillèrent.
-Le gauche? Haletai-je stupéfaite.
L'adulte hocha la tête et l'idée même de m'enfuir se disloqua dans mon esprit. Il me proposait sa marque, contre la mienne. Il me proposait un lien.
-Pourquoi? Demandai-je encore...
Mon professeur me jaugea du regard, puis tendit entre nous deux son bras gauche recouvert d'une chemise blanche et du lourd tissu de sa robe de sorcier.
-Il y a une chance pour que je parvienne à vous soigner. Et... il est temps que vous me fassiez confiance.
...
Je le fixai bizarrement. Faire confiance? Lui faire confiance?
Il m'avait sauvée la vie, il m'avait protégée. C'était un traître et un meurtrier! Mais c'était bien Dumbledore qu'il était allé voir, c'était à Poudlard qu'il s'était réfugié lorsqu'il avait compris que nous étions piégés dans le passé.
Je l'observai, son visage impassible, puis son bras, le mien... Ce qu'il s'apprêtait à me montrer était bien plus important que ma marque, et par ce lien Rogue s'engageait aussi à m'accorder sa confiance...
Je tendis le bras entre nous.
Il n'était recouvert que d'un pyjama couleur cerise plein de petits boursoufs sauteurs.
L'adulte et moi échangeâmes un regard grave puis, en même temps, nous commençâmes à enlever les couches de vêtement qui cachaient notre peau. Je repliai lentement mon pyjama, Rogue défaisait les boutons aux manches, la peau blâfarde de son poignet appparaissait petit à petit. Je fis un nouveau pli, le vêtement m'arrivait déjà à la moitié de l'avant-bras. C'était dur de se concentrer sur ma marque, je préférais celle de Rogue. Il y avait le serpent déjà, immobile, je voyais aussi la mandibule du squelette. La manche de sa robe de sorcier avait été remontée à hauteur du bras mais il repliait comme moi sa chemise blanche. Le crâne se dessinait... Je voyais les meurtres, les tortures, le pouvoir, les Sang-Pur... Je me rappelais de celle que mon oncle laissait parfois deviner sous ses habits, celle qui bougeait.
Nos manches furent remontées au-dessus du coude, Rogue pouvait voir mon avant-bras, et moi le sien. Je fus la première à demander:
-Pourquoi elle ne bouge pas?
Il fixait ma blessure, je le sentais, son regard brûlait! Puis il le tourna vers la sienne, je fis de même...
-La distance temporelle est trop importante, et à cette époque le Seigneur des Ténèbres se trouve encore diminué.
Il en parlait d'une voix sourde, les mâchoires crispées. Sa marque le dégoûtait, j'en étais sûre, et devait lui rappeler toutes ces horreurs qu'on souhaiterait oublier.
-Celle de mon oncle était encore activée il y a deux ans; affirmai-je.
Les yeux emplis de ténèbres de Rogue se plissèrent un peu avant de retourner fixer mes marques et murmurer comme si cela n'avait aucune importance:
-Alors il devait revenir au manoir du Lord pour y retrouver les vestiges de sa puissance.
Mon oncle n'aurait jamais fait ça. Lorsqu'il vivait encore mon oncle ne quittait le domaine familial que pour son travail, à Gringotts, où il était le directeur général des alliances gobelo-sorcières. Si des traces de la puissance de Voldemort devaient se trouver quelque part, c'était là-bas. Gringotts...
Rogue murmura une question du bout des lèvres, je n'entendis pas, quelqu'un me parlait plus fort. Il y avait une voix dans mon esprit, elle rugissait, comme une tempête, une tempête. Elle parlait de Gringotts, du deuxième conte! Un contact, je tressaillis aussitôt et revins à la réalité.
Rogue me fixait les sourcils froncés, il sembla réitérer sa question:
-Etait-ce un Incendio?
Incendio? Mon bras? J'hochai la tête et mon regard tomba malgré moi sur ça. Ma marque. Elle partait d'en-dessous du poignet et s'étendait jusqu'au coude. Toute la peau y était boursoufflée, craquelée, rouge sang ou nacrée, étirée le long de rainures brûlées. C'était monstrueux. Mais ça ne faisait plus mal.
-Comment est-ce arrivé, Lumare? Demanda Rogue en commencant à approcher sa main gauche avec beaucoup de lenteur.
Je serrai les poings, et tous les muscles de mon bras réagirent. C'était dégoûtant mais Rogue l'ignora et il finit même par toucher mes brûlures. Il n'y avait rien que de l'impassibilité sur ses traits. Il ne montrait pas que ça le répugnait.
-Une punition; finis-je par souffler alors que j'avais retenu ma respiration.
L'adulte releva son regard vers le mien qui était clairement assombri. J'avais peur et tremblais d'une manière qui aurait dû passer inaperçue s'il ne me retenait pas par le poignet.
-Votre tante; devina Rogue sans que j'ai besoin d'acquiescer.
Je le fis quand même.
-Pourquoi?
A cela je serrai les mâchoires, j'aurais pu lui demander moi pourquoi il avait choisi de devenir mangemort! Il n'avait pas à savoir! Je... répondis... quand même:
-J'étais partie en balade, vous savez, au lieu de surveiller le pain du dîner. J'ai tout laissé au four. Et... tout a brûlé.
Rogue soupira et fronça de nouveau les sourcils avant de m'informer qu'aucun sort, ni baume, ni aucune potion ne pouvait guérir une brûlure d'Incendio aussi profonde. J'haussai les épaules parce que je savais déjà. L'adulte paraissait réfléchir et étudier encore des possibilités.
-On ne peut pas non plus effacer une marque des ténèbres; marmonnai-je malgré le risque.
Mais il ne se fâcha pas, je me demandais bien quand-est-ce qu'il le ferait. Rogue se contenta de fixer une dernière fois mon bras avant de le lâcher. Nos regards se retrouvèrent ensuite, l'un en face de l'autre. Des ténèbres infinies envahissaient le sien... J'avais l'impression d'avoir été libérée, d'être libre, alors même que je venais de m'enchaîner à ce sorcier étrange.
Je devais lui faire confiance... J'avais la tête qui tournait, c'était comme un vertige...
-Je vous attends en bas et prête dans cinq minutes; lança finalement Rogue en se relevant de mon lit.
Il m'arracha un minuscule sourire, une lueur dans les yeux. Mon mal de tête passa et je me dépêchai de tirer les rideaux, ouvrir les fenêtres, m'habiller et me coiffer, avant de fuser dans le salon.
Lorsqu'il fallut transplaner après notre petite balade sur la plage, Rogue me tendit la main. Et ce fut la première fois que je glissai mes doigts entre les siens sans la moindre hésitation.
Rogue faillit sourire à cela, mais préféra détourner le regard, serrer les dents et transplaner.
oooooooooooo oOo oooooooooooo
Deux jours plus tard nous apparaissions à la limite entre plage et forêt tandis que l'adulte portait sous un bras ses deux croissants et ma moitié de baguette viennoise aux pépites de chocolat.
-Venez, nous allons faire un détour par cette forêt.
A mon regard inquisiteur qu'il intercepta, le sorcier des ténèbres approfondit:
-Il me faut des feuilles de sauge sclarée pour mes expériences.
Je m'empressai de le suivre alors qu'il m'annonçait toutes les propriétés de cette sauge sclarée. Elle était "anti-oxydante", "anti-microbienne", "cytotoxique" d'où son grand intérêt dans les potions contemporaines, parce qu'il paraissait que combinée à d'autres ingrédients type "ambre" ou "lysozymes des oeufs de Runespoor" elle entraînait la "stérilisation" complète du liquide. J'écoutais tout ce que pouvait bien dire Rogue avec une attention soutenue, me promettant de rechercher dès qu'on arriverait à la maison tout ce que pouvait bien vouloir dire "anti-oxydante" ou " stérilisation". Et puis je lui montrai le chemin où j'avais vu de grandes plantes violettes, exposées au soleil, je ne savais pas trop pour le sol "calcaire" ce qui entraîna Rogue à critiquer mon éducation...
Une étincelle particulière apparut au fond de ses orbes noirs lorsque, au détour d'un sentier, nous trouvâmes ses plantes. Il en coupa beaucoup de feuilles et j'eus droit de les porter.
Sur le retour nous trouvâmes aussi quelques champignons comestibles, des agarics à soupe, cèpes citrons et cèpes des pins. Je n'étais pas sûre, mais Rogue confirma, alors j'eus le droit d'en cueillir pour le repas du midi. Nous rentrâmes chez nous les bras chargés.
Il était près de neuf heures, nous pouvions dire que nous étions en retard pour le petit-déjeuner mais Rogue ne semblait pas être contrarié. Par contre il le fut lorsque nous passâmes devant la cheminée et que nous découvrîmes le rouleau de parchemin au milieu des cendres. Il ne pouvait venir que du professeur Dumbledore.
-Rangez-moi tout ça; m'ordonna l'adulte en me donnant les viennoiseries.
Lui alla chercher le mot dans l'âtre et le parcourut aussitôt. Je me dépêchai de tout poser sur la table de la cuisine les champignons séparés de la sauge séparée des viennoiseries. Puis je revins au salon, Rogue venait de brûler le message.
-Nous... retournons à Poudlard, pour le thé.
Il eut un rictus narquois qui n'apparut pas au bon moment, et puis demeura tendu tout le matin. Au déjeuner ce fut pareil, les dernières heures furent pires. Rogue était aussi blanc qu'une assiette en porcelaine, figé de longs moments dans des postures inconfortables, les muscles tendus, son regard sombre s'attardant toujours sur la pendule au-dessus de la cheminée.
Il semblait souffrir beaucoup, je ne pouvais rien faire.
En utilisant les grimoires de Rogue sur les potions et les dictionnaires que nous avions récupéré dans la maison, je pus découvrir ce qu'étaient la sauge et les lysozymes. Je compris le principe global arrêtant parfois mes lectures pour examiner l'adulte; puis je repris les contes de Beedle le barde attirée malgré moi. Avec la Fontaine de la Bonne Fortune, il y avait le Conte des trois Frères qui me fascinait. Cette histoire de Mort et de cape, de pierre de res...
-Il est l'heure, Lumare!
J'hochai la tête et me dépêchai de refermer mon livre, de me lever pour rejoindre Rogue. Il se trouvait déjà debout, marchait vers la porte. Il ne nous fallut pas une minute pour quitter la maison. Dehors, Rogue ne perdit pas de temps à se promener sur la plage, il me tendit tout de suite une main que je saisis sans hésiter. Glacée...
Nous transplanâmes devant les grilles de Poudlard, et soudain de brèves étincelles rougeâtres, l'ancienne magie, les flammes, ce trille magnifique... Je chancelai, submergée, l'instant d'après tout disparaissait.
Le demi-géant Hagrid ne tarda pas à nous ouvrir les grilles.
-Ah, vous venez prendre le thé!
Il avait lancé cela avec un gigantesque sourire, je pouvais remarquer maintenant ses yeux brun étincelant de gentillesse -même si je ne me sentais pas vraiment rassurée en retirant ma main de celle de Rogue-.
-J'ai apporté mes gâteaux au professeur Dumbledore; tonna-t-il encore tandis que les grilles grinçaient entre ses mains. C'est ceux aux noix et aux pépites de chocolat!
Rogue n'y prêtait aucune attention, clairement dédaigneux. Moi j'étais étonnée et touchée par ce geste.
-Merci Monsieur; répondis-je alors que nous passions devant lui.
Il grommela mon "Monsieur" d'un ton bourru et je fus incapable de déterminer sa mimique comme sa barbe lui mangeait la bouche. Mais il finit par lever haut le bras, et nous saluer. Mon regard se réchauffa, je secouai le bras aussi et puis fus entraînée dans les couloirs de Poudlard.
La magie du château vibrait, fort, sous les pierres des vieux murs. J'entendais des rires, des gens... m'appeler... mais il n'y avait personne. Je revoyais des yeux verts derrière des lunettes, une chevelure touffue et un regard chocolat, un visage fin, je revoyais des cheveux courts et d'un roux flamboyant, j'entendais son ricanement amusé. La Grande Salle n'était pas loin, nous courions souvent pour arriver à l'heure aux repas. Et Ronald finissait par se jeter sur toute la nourriture qui restait. Je me rappelais quand il dévorait ses cuisses de poulet!
Mon front me brûlait, je commençais à ne pas me sentir très bien. Mais j'aurais préféré retourner au manoir des Lumare plutôt que de l'avouer à Rogue. Rogue... Dans les cachots, ses sifflements méprisants, ses points en moins, les retenues alors que je n'avais rien fait de mal, les sarcasmes... dégradants. Cette nuit si sombre, les cris de douleur, en bas de la tour, c'était lui, le meurtre de...
Rogue ouvrit la lourde porte en bois, elle grinça. Je dus me retenir au mur tant ma tête me faisait mal. Le sorcier près de moi avait fait quelque chose d'horrible, d'impardonnable, mais je ne savais plus...
-Ah Severus, Khorine, pile à l'heure pour le thé! Nous accueillit Dumbledore.
La fièvre disparut. Il avait un sourire très doux et entrecroisait ses doigts devant un énorme plateau avec une théière, des tasses et leurs coupelles, des récipients pour le sucre, le lait et des assiettes regorgeant de petits gâteaux. Le directeur avait l'air assez content de lui, il goba un bonbon au citron tandis que nous approchions. Rogue avait le teint cadavérique, même s'il ne montrait rien du tout, je voyais encore plus nettement que d'habitude ses rides, ses cernes, sa lassitude.
Nous nous installâmes à l'invitation de Dumbledore, j'eus un peu de mal à monter sur mon fauteuil mais me débrouillai sans l'aide de personne au final. Mon adulte détourna le regard de moi dès que je fus installée.
-Un peu de sucre ou de lait dans votre thé?
Nous refusâmes tous les deux, alors que Dumbledore ajoutait du lait au sien et quatre bonbons citronnés. Il portait une robe de sorcier très légère, azur, ses yeux pétillaient.
-Je vois que vous avez quelque peu modifié les habits que je vous ai fait apporter; s'amusa Dumbledore. Mais je reste sur mes positions, le jaune canari et le rose pastel vous irait très bien mon garçon.
Rogue resta de glace.
-Les vêtements de Khorine ont été modifiés également, ces couleurs ne sont pas assez gaies pour une enfant! Et... ces manches sont trop longues pour un mois d'août.
A ces mots, Dumbledore fit un geste vers sa manche droite et, sa baguette! Je cachai aussitôt mon bras, écarquillai les yeux quand Rogue tendit le sien devant moi. Il me protégeait, du directeur!
Il y eut un instant de flottement, j'étais stupéfaite, puis Dumbledore reposa la main sur son accoudoir et l'ancien Mangemort fit de même les mâchoires crispées et le regard très sombre.
-Je vois; lança le directeur comme satisfait ce qui était bizarre en fait, alors comment se sont passés ces derniers jours? N'hésitez pas à prendre des gâteaux, ceux-là sont d'Hagrid.
Je sentais qu'il n'y avait plus de danger et j'avais très faim comme je n'avais pas pu avaler grand chose à midi, je me permis de risquer une main vers les gigantesques gâteaux du demi-géant et en ramenai un vers moi, très lourd. Rogue se lança d'une voix atone dans des explications au sujet de sa potion. Je ne comprenais pas tout ce qu'il disait et le cookie élephantesque était aussi dur que la pierre.
-Il me reste encore de nombreux calculs à faire, plusieurs ingrédients à déterminer et des expériences à mettre au point afin d'étudier la réactivité de certains produits. Une potion ne se crée pas en un jour.
-J'en suis bien conscient mon ami; répondit le vieil homme avant d'avaler une gorgée de thé.
Je cognais mes dents par petits à-coups sur les bords du biscuit, observant le perchoir encore vide du phénix, les scrutoscopes, la verrière, le soleil se refléter dans les eaux du lac, le directeur et le professeur de potions.
-Il me faudrait encore un mois pour déterminer une recette satisfaisante et le double pour la mettre au point. Certains ingrédients comme les crêtes de coq d'Asie associés aux feuilles de Betula utilis (provenance Himalaya) devront rester sept jours entiers à mijoter à une température de 63C exactement, tournés treize fois dans le sens des aiguilles d'une montre toutes les heures. Bien sûr ce sont des élements de base et il y a de fortes probabilités qu'il faille plus que des morceaux d'arbre ou de coq pour révéler la puissance de la poudre de cheminette...
Le regard du directeur se durcit un bref instant puis l'étincelle revint. Rogue finit par se taire, pinçant les lèvres en une fine ligne, et ce fut difficile mais je parvins à avaler mon deuxième bout de cookie.
-Aucune tentation de changer le passé? Demanda tout à coup Dumbledore.
Je faillis m'étrangler avec mes morceaux de gâteau, les deux adultes me fixèrent.
-O-on pourrait changer le passé? Questionnai-je la gorge rèche, les yeux écarquillés.
Un gigantesque brasier s'étendit dans mon esprit. J-j'étais...
Mais alors je pouvais essayer, d'arracher Harry à sa famille de moldus dégénérés, de détruire les Horcruxes ici seule, d'innocenter Sirius Black, de...
-Non! Ôtez-vous ça de la tête, Lumare! Gronda Rogue avant de fusiller son supérieur du regard. Nous avions déjà décidé de ne perturber en aucune façon cet espace-temps, il y a trop de risques!
-Mais...; haletai-je. Mais si je parvenais à détruire tous les Horcruxes, Voldemort ne pourrait plus jamais revenir, Harry serait en sécurité! Harry n'aurait plus à souffrir de... e-et des centaines de sorciers, de moldus seraient épargnés!
Je tournai un regard étincelant vers Rogue, pétrifié devant moi, Dumbledore. Je me levai sur mon siège, agrippant son bureau à deux mains. Ma tête brûlait.
-Si je vous révélais leur emplacement; lâchai-je fébrile devant le vieux sorcier au visage fermé, s'ils étaient détruits a-avant...
Ma main droite se porta jusqu'à l'un de mes yeux, le recouvrit en s'agrippant à mes cheveux. La fièvre était trop... Je me recroquevillai souffrant à en enfoncer mes ongles dans le bois.
-Si j'allais chercher... les Horcruxes… à la place… d'Harry…
-Non! Siffla Rogue se levant soudain en projetant sa chaise derrière lui pour m'agripper au col.
La brûlure disparut aussitôt, j'étais morte de peur. L'adulte ne m'avait jamais secouée comme ça, il n'y avait jamais eu autant de rage dans ses yeux.
-Non! Je vous l'interdis sombre imbécile! Me cracha-t-il au visage agrippant mon col trop fort. Vous n'avez que sept ans, vous êtes incapable de vous servir de votre baguette alors je vous interdis d'y penser ne serait-ce qu'un seul instant!
Je tremblais et j'étais assez paniquée pour laisser apparaître les premières étincelles de magie du côté droit. Pourquoi est-ce qu'il m'agrippait autant, que...
-Lâchez-la Severus! Tonna Dumbledore en coupant net son professeur. Vous voyez bien que l'adolescente a disparu et que vous terrifiez l'enfant.
I-il lâcha et j'agrippai mon col pour le desserrer. Rogue l'avait tenu trop fort des marques rouges s'étendaient déjà sur ma peau. Du mal à respirer, je m'effondrai à genou dans le fauteuil.
-Elle...; commença le sorcier des ténèbres.
-Elle ne le fera pas. L'enfant vous obéit tandis que la Khorine Lumare du futur est assez intelligente pour ne pas risquer une altération des différents espaces-temps. N'est-ce pas? Finit le directeur en se tournant vers moi.
Je ne me rappelais pas... vaguement des flammes dans mon esprit, il s'embrasait... Pourquoi Rogue me haïssait de nouveau et pourquoi on parlait d'espaces-temps? J'avais eu si mal à la tête, ma gorge aussi maintenant était douloureuse.
-Oui Monsieur; répondis-je la voix rauque et tremblante.
Je ne comprenais pas vraiment mais je n'avais pas envie que l'adulte recommence à me secouer. Je le repérai du coin de l'oeil qui redressait son siège et y reprenait place, puis fixai mon attention sur le directeur. Il n'en avait pas fini avec moi, son regard azur me criblait. Je ne me sentais plus en sécurité, les vestiges du cookie gisaient sur le bureau.
-Vous avez mal à la tête à ce que je vois, est-ce à cause de Poudlard?
Perdue, aucune idée de la bonne réponse.
-N... Je ne sais pas, mais j'aime beaucoup cette école; lançai-je en passant une main nerveuse dans mes cheveux noirs et en lui jetant un regard craintif.
Quelques mèches me retombèrent devant les yeux, je passai ma main dedans une nouvelle fois et réussis à ne pas manquer le léger hochement de tête du directeur.
-Vous revoyez vos amis peut-être? Laissa-t-il entendre.
Je me crispai, figée et très très mal à l'aise. Le regard de Rogue brûlait à ma gauche, je préférais quand les adultes ne faisaient pas attention à moi.
-Peut-être; murmurai-je.
Après cela le professeur Dumbledore finit son thé et enchaîna sur les îles Canari et sa poudre inverse. Il dit qu'après plusieurs années un pot plein avait été vendu aux enchères à un sorcier japonais -d'un peuple qui sait vivre et sourit tout le temps- qui l'avait échangé contre trente-deux cornes de rhinocéros d'Asie à un Thaïlandais qui n'avait rien utilisé préférant la troquer contre des centaines de peau de serpent d'arbre du Cap à un Australien l'ayant revendu sans jamais y avoir touché à un autre Australien pour plusieurs sacs de pierres précieuses et de diamants. La piste s'arrêtait là pour l'instant, Dumbledore disait qu'il n'avait pas encore trouvé cet Australien. Rogue était préoccupé, il ne semblait pas vraiment écouté, ni le croire d'ailleurs. J'interceptai le regard méfiant qu'il lui lança.
Puis le directeur dit qu'il n'y avait rien de moins certain que de retrouver ce pot de poudre et que nous devions nous concentrer principalement sur la potion. Ensuite il raconta une histoire de gaufre, de poussin et de bulle en sucre soufflé. J'eus du mal à suivre, Rogue supporta tout ce bavardage sans bouger le moindre muscle. Il restait aussi rigide et pâle qu'uns statue, observant juste le vieux sorcier d'une manière particulière, douloureuse. Il ne toucha pas à son thé.
Le liquide était sûrement froid lorsque nous nous levâmes pour saluer Dumbledore, pour quitter son bureau et Poudlard. Rogue ne disait rien, enfermé dans ses pensées, j'étais peinée de quitter l'école de magie mais j'aimais quand même la maison sur la plage.
On passa les grilles, le sorcier des ténèbres me tendit la main et je dus rapidement l'agripper parce qu'il commençait déjà à transplaner. J'aurais voulu marcher un peu dans cette forêt... pleine de magie... Il me laissa m'effondrer sur le sable en arrivant et reprit sa marche sans me jeter un regard. Je le suivis comme je pus. Pas un mot, Rogue marchait trop vite.
Arrivés à la maison il s'empressa de refermer la porte, de la verrouiller.
Je me laissai tomber sur le parquet pour reprendre mon souffle, puis l'adulte se tourna vers moi. Ses yeux noirs brûlaient comme l'enfer! M'empressai de me relever en agrippant le canapé, lui s'avançait.
-Ainsi; siffla Rogue, vous souhaitez retrouver des Horcruxes? Et sauver votre précieux petit imbécile de Potter, naturellement!
Je ne comprenais rien à ce qu'il racontait, blêmis et voulus reculer. Pas... reculer...
-Depuis quand êtes-vous là, Lumare?!
Il hurlait, la question n'avait aucun sens et la porte était verrouillée. Les fenêtres, il y en avait une d'ouverte, mon regard dévia vers elle malgré moi et Rogue comprit. Il m'agrippa aussitôt par le col, comme devant Dumbledore.
-Oh non, vous ne vous en sortirez pas aussi facilement!
Paniquée, j'agrippai la main qui maintenait ma chemise et m'étranglait.
-S'il vous plaît, Monsieur... Je suis désolée, je ne partirai pas...
Je tirais sur les doigts glacés qui ne lâchaient rien. Il n'écouta pas, le visage déformé par la rage.
-Montrez-vous, Lumare! Revenez! Revenez parler des Horcruxes, de la bague des Gaunt! Me postillona Rogue au visage.
Aucun de ses mots ne faisaient sens, j'étais là, les yeux écarquillés fixés sur lui, paniquant alors qu'il resserrait sa poigne et qu'il me haïssait encore plus. Et puis d'un coup, il m'envoya m'écraser contre le parquet. Le choc me coupa le souffle, encore plus lorsque je rouvris les yeux et qu'il y avait sa baguette pointée sur moi.
-Vous êtes pitoyable aussi bien en tant que sorcière qu'en tant que Gryffondor! Vous vous terrez derrière une gamine tandis que vos amis se font décimés un par un là où vous les avez abandonnés!
Sa baguette, elle tressautait dans sa main. Mais on s'était montré nos marques, il avait dit...
-Sectumsempra!
Le sortilège fusa hors de sa baguette, je me ruai sur le côté! Juste à temps, le maléfice me frôla la jambe en grésillant; Je m'empressai de me relever terrorisée et tremblante.
-Quelle lâche vous faîtes! Cracha Rogue avec son rictus mauvais plaqué au visage et ses yeux emplis de ténèbres. Potter doit être en train de se faire torturer par le Seigneur des Ténèbres, devant les cadavres de Ronald Weasley et d'Hermione Granger. Et vous, que faîtes-vous?
Un nouveau sort, informulé! Je l'évitai en roulant au sol tout explosa à quelques centimètres de ma tête, il y eut un cratère noir sur le parquet. Mais je me relevai encore, beaucoup trop loin des fenêtres.
Et l'adulte me parlait du futur, alors que je ne savais pas, c'était lui qui ne comprenait rien!
-Je peux pas la contrôler! Hurlai-je un début de rage gonflant en moi.
Des étincelles de magie vibraient sous ma peau, se concentraient dans mon bras droit.
-Ah non? Ricana-t-il.
Et sa baguette se leva encore. Je ne pouvais pas toujours éviter, Rogue voulait vraiment me blesser, me... tuer... Plus le choix, je me campai sur mes jambes face à l'ennemi, et déchirai ma manche droite. Les marques apparurent, la magie crépitante. J'avais les yeux noirs de haine et j'étais prête.
-Voyez-vous ça, la petite Lumare pense pouvoir se battre? Siffla l'adulte méprisant. Alors que celle de dix-sept ans ne trouve pas mieux que d'aller chercher des croissants et lire des contes en laissant mourir ses si précieux amis!
-On n'est pas à Poudlard! Elle ne vient qu'à Poudlard! Criai-je aussitôt alors qu'il ne comprenait rien et... un éclair rouge zébra l'espace entre nous.
Mon bras se leva aussitôt, ma magie d'instinct qui éclata en un bouclier surpuissant. Tout brûlait, s'enflammait, la haine, je le haïssais! Il m'avait menti! Son attaque fut détruite et je chancelai devant Rogue le visage déformé par l'émotion, les cheveux en pétard, toute la partie droite de mon corps crépitante d'énergie.
-Intéressant; il lâcha d'une voix doucereuse commençant à se déplacer en demi-cercle devant moi.
Il m'examinait, chaque parcelle de ce que j'étais, avec un regard de mangemort. Ces meurtriers!
-V-vous voulez me tuer, c'est ça? Crachai-je d'une voix rauque incapable de me contrôler.
J'avais le bras crispé devant moi et contrôlais de moins en moins ma magie. Il faudrait que j'attaque bientôt, elle grandissait en moi, la haine et la rage aussi.
-Vous tuer; se moqua Rogue et sa cape tourbillonnait derrière lui. Pourquoi pas? Ce ne serait pas une si grande perte.
Il se délecta de ces mots, moi je me recroquevillai, sous la douleur, avant de laisser échapper un nouveau bouclier. J'évitai de peu son Sectumsempra et finis par relever un regard d'océan, de rage, vers le bâtard graisseux!
-Ce n'était pas ce que vous disiez dans le bureau du directeur; je le vis distinctement blanchir, ou quand vous avez soigné ma cheville, ou quand vous avez entendu du bruit dans le salon et que...
-Suffit; gronda Rogue, vous n'êtes rien de plus qu'une autre idiote à sauver parce que Dumbledore me l'a demandé!
Il mentait! Un nouveau sort, trop violent, que je ne réussis pas à contrer. Il me percuta l'épaule, je vacillai en haletant. Côté gauche, manche déchirée, sang. L'adulte était agité de soubresauts, sa main et sa baguette surtout. Il n'aurait jamais pu survivre devant Voldemort en montrant ça. Il me fixait en essayant d'être impassible. Mal... mais je me relevai et ramenai mon bras droit devant moi.
-Vous... revoyez ses yeux verts, n'est-ce pas? Dans votre sommeil vous l'entendez vous parler, ses lunettes, son visage qui apparaissent. Il vous supplie de ne pas jeter la poudre. Et Granger...
Mes yeux s'écarquillèrent, la brûlure de mon épaule se répandait dans mon bras, ma poitrine, mon coeur tonnait à mes oreilles et quelque chose embrasait mes veines. Je... leurs voix...
-Blessée; continuait Rogue. Elle vous appelait, elle appelait Weasley pour l'aider. Vous revoyez le sang, votre bouclier qui n'a pas tenu.
Comment... il n'était pas là, il... brûlait. Tout, elle revenait et ça faisait trop mal. Des ombres apparaissaient devant moi. Je me tins la tête d'une main gauche tremblante. Non...
-Vous ne trouviez pas la porte...
-Non; suppliai-je, gémissant, alors que les étincelles crépitaient partout.
-Weasley était paniqué, Granger incapable de marcher, elle vous ralentissait. Toutres vos protections s'écroulaient les unes après les autres. Les mangemorts se rapprochaient; sifflait Rogue et sa baguette pointée sur moi qui tremblait. Mais vous l'avez trouvée, la cheminée ouverte... Granger et Weasley se sont enfuis. Il ne restait plus que vous... et Potter...
Assez, par Merlin, assez! Je les revoyais, eux, leur terreur, je ne savais pas ce qui s'était passé après! Je ne savais même pas s'ils étaient toujours en vie!
-Arrêtez, arrêtez...
-Ses yeux vert devant vous; rappelait le mangemort, avant que Fenris ne lance l'Avada Kedavra!
-Assez! Hurlai-je, une gigantesque vague de magie m'échappa.
Elle fit exploser tous les verres de la pièce, les lampes, balaya les livres et les parchemins. Rogue croisa ses bras devant lui pour se protéger et l'instant d'après, je me jetais sur lui.
-Sale mangemort! Crachai-je en lui balançant mon poing dans le ventre. Putain de meurtrier!
Rogue se plia en deux sous le choc, je recommençai aussitôt y mettant toute ma haine! Et... il agrippa mon petit poignet, j'essayai de lutter mais mon bras me faisait mal saignant je n'avais plus assez de force. Je frappai avec l'autre et mes pieds contre ses jambes! Il en lâcha sa baguette mais ne tarda pas à me piéger les deux avant-bras, il agrippait aussi le droit.
Evidemment je me débattis, en lui hurlant tout le dégoût qu'il m'inspirait, en balançant mes pieds où je pouvais pour l'atteindre. Rogue finit par me plaquer contre le mur du salon.
-C'est ça; hurlai-je encore! Après avoir assassiné un vieil homme blessé, qui vous faisait confiance! Vous montez en difficulté en vous attaquant à une gamine de sept ans!
Je me débattais de toutes mes forces et le sang gouttait sur le parquet alors que Rogue se pressait contre moi et ne montrait plus rien du tout.
-Vous en avez dix-sept... Et je n'ai fait qu'obéir aux ordres; lâcha-t-il d'une voix sourde.
Si j'avais eu ma baguette, je l'aurais abattu!
-Vous avez choisi d'obéir aux ordres de Voldemort, sale traître! Crachai-je en me débattant de plus belle alors qu'il ne desserrait pas sa poigne, que mes extrémités étaient privées de sang et se glaçaient.
Rogue sursauta quand je prononçai le nom de son maître, il y eut un déchirement dans son regard.
-J'ai... obéi; haleta le sorcier des ténèbres en fixant ses grands yeux noirs aux miens,... à Dumbledore.
Est-ce qu'il était en train de me faire croire... Je voulus lui lancer un coup de pied plus fort, il le bloqua d'un genou et crispa trop ses doigts sur mes poignets. J'avais mal.
-Il était rongé de l'intérieur par un maléfice qui venait de l'Horcruxe des Gaunt; lâcha le mangemort. Dumbledore était mourant, il refusait de laisser un enfant comme Malefoy se salir les mains. C'était à moi de le faire, d'utiliser son sacrifice pour gagner la confiance du Seigneur des Ténèbres, pour diriger Poudlard et y protéger les élèves.
J'éclatai aussitôt d'un rire mauvais, Rogue tremblait, oui, contre moi je le sentais à présent.
-Vous voulez faire passer ce que vous avez osé commettre pour un acte de charité?! Quelque chose d'héroïque?! Vous n'avez jamais pensé à personne d'autre que vous, alors qu'Harry m'a dit qu'il vous avait demandé de l'épargner. En haut de la tour d'Astronomie, D...
Il me fit taire en me cognant violemment contre les pierres, mes mâchoires claquèrent. Et lui, un râle lui échappa, son regard tourné vers le mien refléta soudain la plus grande douleur que j'aie jamais vue. Le sang gouttait de mon bras.
-Non...; refusai-je.
C'était impossible.
-Je ne vous aurais pas sauvée ou protégée si mon allégeance appartenait au Seigneur des Ténèbres; tenta encore Rogue.
-Qui peut savoir ce que vous auriez fait ou non? Crachai-je en cherchant quelque part un reste de haine. Je sais que c'est un piège, pour atteindre Harry une fois que nous serons revenus à notre époque! Je ne vous crois pas!
Qu'il arrête! Je tentai encore de m'échapper de sa poigne, de faire quelque chose. Je ne voulais pas que ses mensonges m'atteignent, il ne fallait pas! Rogue était un traître, et un lâche de Serpentard! Il nous avait rabaissé et humilié toutes ces années en Potions, en Défense Contre les Forces du Mal. Il nous haïssait! Le mangemort nous avait sauvé la vie. En première année, devant le loup-garou, pour les renforts au ministère de la Magie.
-Vous m'avez fait confiance Lumare; murmura-t-il en observant mon avant-bras droit exposé puis revenant à moi.
-Ne me rappelez pas ce qu'elle a osé vous montrer; sifflai-je.
Les flammes commençaient à apparaître devant mes yeux, j'étais trop fatiguée maintenant pour tenir. Ma tête brûlait, c'était la deuxième fois aujourd'hui, et je voulais partir.
Je fermai les yeux sous la fièvre.
-Vous ne l'en avez pas empêché.
-J'ai essayé! Grognai-je aussitôt.
La fatigue me dévorait aussi sûrement que ce brasier. Je ne tiendrais plus longtemps. Le rictus méprisant de Rogue apparaissait.
-Dîtes-vous que cette gamine a pl...
Plus rien. Les flammes dévorait tout le bruit, le silence, la lumière, le phénix enflammait entièrement mon esprit. Je... ne... Je perdis prise, basculant dans le néant alors que l'esprit attaché à ce corps me remplaçait. Mais c'était moi.
-Lâchez-moi Monsieur; gémis-je parce que j'avais mal en haut du bras et aux mains. S'il vous plaît.
L-l'adulte lâcha aussitôt et je m'écroulai à genou devant lui. Mes mains s'agrippèrent à mon poignet ou mon épaule, je me roulai en boule contre le mur. Il m'avait lancé des sorts, il avait voulu me tuer, il me détestait.
-Luma... Khorine!
Je tressaillis, mauvais signe quand on prononçait mon prénom. Des yeux bleus terrifiés se tournèrent vers Rogue. Lui s'avança jusqu'à moi, puis s'agenouilla pour agripper mon bras et le soustraire à ma propre poigne. Il examina la blessure dont il était responsable, récupéra sa baguette au sol. Je voulus m'écarter aussitôt mais l'adulte l'avait senti et sa poigne se referma sur moi. Je paniquai:
-S'il vous plaît, elle reviendra plus e-et je m'enfuirai pas par la fenêtre!
-Calmez-vous; gronda Rogue, je vais seulement soigner votre bras sauf si vous vous obstinez à vous débattre de la sorte!
-Mais c'est vous qui...; commençai-je en le fixant.
-Je l'ai fait afin que Lumare apparaisse, je ne souhaitais pas vous blesser.
Lumare? Le moi plus âgé?
C'était pas une raison! Il m'avait attaquée, alors que je devais lui faire confiance!
Je me rappelais aussi, dans toutes les flammes, ses yeux obscurcis de chagrin, son visage trop pâle et une souffrance si violente. Je restai roulée en boule sans bouger tandis qu'il prononçait les formules de soin. Il m'aurait mis des bandages si ça n'avait été une blessure par sortilège.
Rogue examina ensuite mes poignets, ils commençaient à violacer parce qu'il avait serré trop fort. Le regard qu'il me lança alors était chargé d'émotions qu'il ne contenait plus. C'était comme du remord. Mais je n'étais pas prête, il m'avait jetée des Sectumsempra!
Lui se leva, il me dit de ne pas bouger, qu'il allait chercher un baume, je n'écoutai rien du tout et m'enfuis du salon ravagé par ma magie dès qu'il eut disparu à la cave.
Je courus sur le sentier, bondis comme le vent, les poumons gonflés par l'air de la mer, jusqu'à me cacher dans les ombres de la forêt. Il devait être dix-huit heures, j'avais le droit. Et donc je partis me blottir dans le tronc de l'arbre creux, refermant mes bras et mes poignets endoloris autour de mes genoux...
Je ne perdis pas mon temps à pleurer, même si j'en avais un peu envie, préférant réfléchir à ce qui s'était passé...
A dix-neuf heures, l'heure du couvre-feu, je revins à la maison. J'ouvris la porte, pour découvrir Rogue lisant dans son fauteuil, le salon nettoyé, la verrerie réparée, les livres rangés. Il se leva aussitôt que j'eus refermé derrière moi.
L'adulte me gronda pour être partie sans le prévenir et m'ordonna de ne jamais refaire ça sous peine de terribles tortures! Je le pris au mot, hochai la tête en essayant de cacher ma peur, ça ne marcha pas et Rogue soupira d'une façon bizarre avant de m'emmener jusqu'aux bandages et pot de baume sur la table du salon. Il me soigna en grognant puis rendit le tout imperméable et m'ordonna d'aller me doucher. Je montai aussitôt à l'étage et fis tout ce que m'avait demandé l'adulte.
Nous préparâmes le dîner, soufflé au fromage et haricots, mangeâmes dans un silence inquiétant, puis je restai lire dans le salon. C'était un livre de botanique, j'essayai de comprendre autant que je le pouvais, vers vingt-deux heures Rogue m'ordonna d'aller me coucher.
Il avait l'air triste, je n'aimais pas trop le voir comme ça.
Durant une bonne partie de la nuit, je réfléchis. Je pensai à Rogue, les sortilèges, son attaque, la colère, sa tristesse, aux contes de Beedle le Barde, à la marque, à Dumbledore, à Osty, John, Elizabeth et Isa, à Mme ma tante...
Je fus réveillée à sept heures par le grincement de la porte de ma chambre. Aussitôt relevée, prête à... Mais c'était Rogue bien sûr, qui grogna que j'avais cinq minutes avant de la refermer.
Je voulais lui pardonner. Alors je me dépêchai d'enfiler ma chemise, de boucler mon pantalon et d'enfiler chaussettes, chaussures, de me coiffer aussi, avant d'aérer, faire mon lit et quitter ma chambre. Je fus plus lente pour descendre les escaliers et retrouver l'adulte dans le salon. Il lisait un énième vieux grimoire au creux de son fauteuil préféré près de la fenêtre et de la cheminée.
J-je ne savais pas trop comment faire, et lui ne levait pas le nez de son livre.
Au final je me forçai à avancer, me rapprocher doucement de Rogue... Arrivée jusqu'à son fauteuil je remarquai ses muscles tendus, ses mâchoires crispées derrière ses mèches de cheveux graisseuses. Mon coeur battait très vite, je déglutis et puis levai la main. Ce fut très lent, un peu tremblant, pourtant j'avançai mes doigts... jusqu'à les poser sur l'avant-bras de l'adulte.
Prête à m'enfuir à tout moment. Mais sa crispation disparut petit à petit, il se détendit sans encore se tourner vers moi et finit même par approcher avec beaucoup de précaution sa main pour la poser sur la mienne...
Je n'en étais pas sûre parce que ses cheveux me cachaient son expression pourtant j'avais l'impression que Rogue fermait les yeux. Ses longs doigts étaient glacés autour des miens. J'avais du mal à apprécier les contacts parce que c'était dangereux, mais le sien était différent. Il disait tout ce que Rogue ne prononçait pas. Quelque chose comme ça...
Je finis par fermer les yeux moi aussi, à lui refaire confiance. Lorsque je les rouvris, ses orbes noirs étaient fixés sur moi. Je tressaillis, mais à peine.
-Nous y allons Khorine?
Je tressaillis. Mon prénom? Qu'est-ce que j'avais fait de mal? Rogue soupira, avant de passer soudain sa main dans mes cheveux! Il les ébouriffa bien et j'en écarquillai les yeux alors qu'il grognait:
-Votre prénom n'est pas forcément associé à une gronderie ou une punition.
-Chez Madame ma tante...
L'adulte m'interrompit en se levant, me fixant:
-Nous ne sommes pas dans le manoir de votre tante, gamine. Ici ce sont mes règles qui s'appliquent.
J'hochai la tête, un peu sonnée. Surtout que c'était la deuxième fois qu'il me caressait les cheveux avec quelque chose de presque affectueux. Madame ma tante le faisait pour John et Isa parfois.
J'étais en train de me demander si...
-Venez, le petit-déjeuner ne va pas s'acheter tout seul!
-Oui Monsieur; murmurai-je en m'empressant de le suivre.
Lorsqu'il fallut transplaner je fus heureuse de pouvoir lui prendre la main et l'agripper tout le long de notre promenade dans la ville de... Camborne. Oui, c'était Camborne. J'eus droit à un muffin aux pépites de chocolat, il y en avait même du chocolat liquide à l'intérieur, fondant.
