Il est bientôt huit heures et demie, les deux Malefoy ne devraient pas tarder à arriver. Depuis que je garde William, soit trois semaines, ils ne sont jamais en retard.
— « Au revoir papa ! », s'écrie William en fonçant droit sur moi.
Comme chaque matin, il est bien pressé que son père s'en aille. Depuis que je me suis fait insulter ouvertement par son père, William ne lui parle plus. Je sors de mes pensées en attrapant le petit monstre dans mes bras.
— « Je peux aller regarder les dessins animés ? », me demande-t-il en battant des cils.
Il sait sacrément y faire ! Je souris et j'accepte en le faisant descendre de mes bras. Il part en courant dans mon appartement en empruntant l'escalier situé au fond de l'arrière-boutique et qui donne accès à mon salon. Je me retrouve seule avec Malefoy père.
— « Je connais les règles, ça ira », dis-je, aussi sèche que d'habitude.
— « Excuse-moi », répond-il.
Je le regarde, surprise par ses mots. Drago Malefoy, qui s'excuse ? C'est bien la première fois qu'il s'excuse pour quoi que ce soir ! Je fronce les sourcils, cherchant la ruse… S'excuser, oui, mais pourquoi ? Pourtant, je décèle de la sincérité dans son regard, sans trace de son arrogance habituelle.
— « Pardon ? », m'étonné-je.
— « Je m'excuse de t'avoir insultée l'autre jour. Je-j'ai été méchant et je te présente mes excuses », insiste-t-il, en bafouillant légèrement.
Je pousse un soupir, je pourrais accepter ses excuses et passer l'éponge, mais c'est toujours Drago Malefoy qui se tient en face de moi.
— « Je n'accepte pas tes excuses, Malefoy. C'est la plus horrible des insultes que tu pouvais me dire, c'était gratuit et injustifié ! », déclaré-je, en essayant d'avoir l'air sûre de moi.
Jusqu'à présent, cette conversation avait pu être évitée, mais il fallait bien que ça vienne sur le tapis. Les lèvres pincées, j'attends sa réponse... Qu'il fasse attention, Rex n'est pas loin et entend tout !
— « Injustifié ? Injustifié ? », répète-t-il, en s'agaçant. « Tu t'es ouvertement moquée de moi devant mon fils ! »
— « J'espère que tu n'es pas sérieux là ? C'était de l'humour ! Hu-Mour, tu connais ? », m'énervé-je à mon tour.
Fort heureusement, la boutique n'est pas encore ouverte et personne n'assiste à ça. Je me fais fusiller du regard tandis que je suis au bord des larmes. J'inspire calmement avant de dire la seule chose que je ne souhaitais pas :
— « William reprendra son ancienne nounou dès demain. Ça me déchire le cœur, mais tu comprendras que je ne veux plus te voir dans ma librairie, ni devant ma librairie, ni nulle part ailleurs. »
— « Très bien », conclut-il sèchement avant de partir, non sans un regard meurtrier.
Drago à peine parti que William redescend. Je lui laisse l'honneur d'ouvrir la boutique en retournant l'étiquette à cette intention. La bouille d'amour guette l'arrivée des clients et leur ouvre la porte avec un sourire éclatant. Je souris, parce que ce petit bout me fera toujours sourire, je crois.
Mrs Figg de Wisteria Walk arrive en premier. Régulièrement, elle vient en balade sur le Chemin de Traverse et s'arrête toujours pour dire bonjour ou acheter un bouquin. Toujours agréable, elle s'enquiert des nouvelles et surtout celles d'Harry. Pour une fois, je lui mens en lui disant que tout va pour le mieux. Elle flâne dans la boutique, suivie par William, tandis que je m'assieds au comptoir. Finalement, elle décide d'acheter une revue proposant des ateliers de décoration « façon moldue ». Elle me donne quelques pièces puis s'en va, me faisant un signe de la main.
Les clients sont peu nombreux mais s'enchaînent, essentiellement mes petits papys et mamies faisant leur promenade matinale. C'est toujours le même défilé depuis l'ouverture de la librairie. Ces moments de routine sont apaisants, une sorte de rituel quotidien qui me réconforte.
Cependant, l'incident avec Malefoy reste en tête. Je ne fais que ruminer mes paroles envers lui toute la matinée. Comment vais-je annoncer à William que je ne serai plus sa nounou ? Cela m'arrache le cœur rien que d'imaginer sa moue triste. Je le regarde faire du coloriage, installé sur la table de la réserve. Il est concentré, ses petits doigts maniant les crayons avec soin. Je ne sais même pas par où commencer, ni comment. Je soupire profondément. Il lève les yeux vers moi et me sourit innocemment. J'ai envie de pleurer, mais je me force à lui rendre son sourire.
Je m'efforce de rester concentrée sur mon travail. La librairie est mon refuge, et voir les gens partir avec des livres qui les passionnent me rappelle pourquoi Hermione et moi avons créé cet endroit. En rangeant les étagères, je trouve des titres que je recommande souvent aux clients. Chaque livre a son histoire, tout comme chaque personne qui franchit notre porte. Je soupire en pensant à mon rendez-vous de ce midi avec Ginny, Harry et Ron et ma sœur.
Seule Hermione est au courant pour William. Elle a accepté de garder le secret, mais ne pouvant faire autrement, je dois emmener le petit avec moi. Ça va certainement faire jaser, mais tant pis. De toute façon, c'est la dernière fois que je le garde. Je soupire une énième fois, sentant les larmes monter. C'est à ce moment qu'Hermione entre dans la boutique, rayonnante comme à son habitude.
— « May ? Qu'est-ce qui ne va pas ? », s'inquiète-t-elle. Je m'approche d'elle pour éviter que William ne m'entende.
— « Je me suis disputée avec Malefoy. Je lui ai dit que je ne voulais plus le voir ici et que le petit reprendra son ancienne nounou », lui expliqué-je à voix basse.
Elle fronce les sourcils et me demande plus de précisions. Je lui raconte tout depuis le début, depuis le « sang-de-bourbe ». Elle s'offusque et promet de lui refaire le portrait ce soir. Nous rions, bien que le cœur n'y soit pas vraiment.
— « Comment tu vas faire pour William ? », me demande-t-elle.
— « J'y réfléchis encore… »
Le reste de la matinée passe d'une lenteur démesurée, le poids de la situation ne me quitte pas. Je n'ai toujours rien dit au petit, mais je sais que je ne vais pas pouvoir faire traîner ça. Peu avant midi, Hermione et moi fermons la boutique et nous nous dirigeons avec William vers le restaurant choisi. En arrivant, nous constatons que tout le monde est déjà là. Harry, Ginny, et Ron nous accueillent chaleureusement. Leur regard curieux se pose immédiatement sur William, tandis que j'emprunte une chaise à une autre table pour que William puisse s'y asseoir. Je peux presque entendre les questions silencieuses qui se bousculent dans leur tête…
— « Heu, May ? C'est qui ça ? », m'interroge Ron, en regardant l'enfant qui me tient la main.
— « Je vous présente William. Je suis sa nounou. »
— « Tu es nounou, toi ? », rit-il.
— « Oh Ron ! », soupire Hermione.
— « Et même que c'est le fils de Malefoy », continué-je sans m'occuper de ce très cher Ronald Weasley.
— « Quoi ? Il a un gosse ? », s'exclame Harry. « Et comment ça se fait que tu sois la nounou du fils de Drago Malefoy ? »
— « Attends, ce n'est pas comme si je gardais Drago Malefoy en personne ! »
— « Encore heureux ! », bougonne Ron.
— « Ne les écoute pas, chéri », dis-je à William. « Ils sont bêtes ! ». Ce que Hermione et Ginny confirment.
Nous nous calmons lorsqu'un serveur vient prendre nos commandes. Bizarrement, le repas tourne autour de Drago Malefoy et de sa vie de père de famille. William se donne à cœur joie d'expliquer que son papa était le meilleur papa du monde, mais qu'il était devenu méchant et qu'il ne l'aimait plus depuis qu'il m'a insulté de « sang-de-bourbe ». Toute la tablée, sauf Hermione, s'indigne. Personne ne dit rien, mais leurs regards en disent long.
— « Ça m'étonne… », annonce Harry. « Tu ne lui as pas envoyé Rex ? », nous rions à cette remarque. « Non, plus sérieusement, ce qui m'étonne, c'est qu'il travaille au Ministère et il a récemment proposé d'en faire un Tabou. »
— « Je pense que ce serait une bonne chose… », répond Ginny.
— « Kingsley est en train d'étudier la question », ajoute Harry. William ne rien et regarde tour à tour Ginny, Harry et Ron qui discutent du fameux Tabou. Hermione ne prend pas part à la conversation, elle réfléchit.
— « Vous savez », dit-elle enfin, « pour le peu que je l'ai vu à la boutique, il avait l'air… sympathique. »
— « Sympathique ? », s'étrangle Ron. « Malefoy n'est pas sympathique, il est prét... »
— « Ron ! Tais-toi ! », gronde Ginny en désignant William d'un geste de la tête.
William ne paraît pas vexé de la remarque de Ron, mais heureusement que Ginny est intervenue à temps. Je lui en reparlerai sur le chemin du retour. Nous restons tous ensemble jusqu'à une heure de l'après-midi puis je retourne à la librairie avec William. Sur le chemin, je m'arrête quelques instants pour parler seule avec lui. Je m'excuse pour Ron, précisant qu'il est bête, mais visiblement, William est du même avis que le grand rouquin : « Papa, il est méchant ! »
