William obéit dans un premier temps et reste assis environ vingt minutes. Finalement, il se lève et déambule dans les rues. Je le suis à bonne distance, veillant à ce qu'il ne me voie pas tout en étant assez proche pour intervenir en cas de soucis. Personne ne fait attention à lui, à croire qu'il n'existe pas, c'est dingue.

À force d'observation, j'en viens à la conclusion qu'il connaît son trajet. Will marche, encore et toujours, changeant de direction à presque tous les coins de rue. Depuis combien de temps Malefoy laisse-t-il son fils avec cette vieille femme ? Est-il au courant qu'elle le laisse seul dans les rues du Londres sorcier ? Je vais lui en toucher deux mots !

William s'approche alors dangereusement d'une ruelle sombre et sinistre, semblable à l'allée des Embrumes. Il n'a pas l'air sûr de lui, mais ne fait pas demi-tour pour autant. Quatre hommes sortent de l'ombre, un rictus affreux aux lèvres. William ralentit, mais continue son chemin et marche vers eux. J'interviens aussitôt.

— « William ! », l'appelais-je et il se tourne vers moi. Après un instant d'hésitation, il me reconnaît et court à ma rencontre. Je me penche pour l'attraper dans mes bras puis nous partons sans un mot. M'éloigner de cette ruelle sinistre est ma priorité absolue. Prévenir Drago Malefoy que son fils court un grand danger est la seconde.

Sur le chemin du retour, je m'arrête un instant au parc. Nous nous asseyons sur un banc face au lac où William regarde les cygnes avec admiration.

— « Qu'est-ce que tu faisais là-bas tout seul ? », l'interrogé-je.

— « Je sais pas », dit-il en balançant ses pieds dans le vide.

J'observe son visage perdu dans la contemplation des poules d'eau, puis fronce les sourcils. Être laissé seul de la sorte n'a pas l'air de le déranger plus que ça.

— « William, pourquoi étais-tu tout seul dans la rue ? », demandé-je de nouveau en m'accroupissant face à lui.

— « C'est Mrs Garetts, je l'ai encore perdue… »

— « C'est elle qui t'a dit de dire ça si quelqu'un te remarque ? », insisté-je en lui prenant les mains.

Il fait mine de ne pas comprendre, mais je lui explique que je l'observe depuis qu'elle l'a laissé dehors. Son air innocent disparaît et son regard bleu se durcit.

— « Normalement elle revient me chercher, mais elle est bizarre », dit-il dans un murmure presque inaudible. « Elle marche pas droit et elle dit des méchanceté»

À force de questions, il me confie que Mrs Garetts lui crie régulièrement dessus et qu'elle l'a déjà tapé. La première fois, il s'est réfugié dans un restaurant et la seconde dans ma librairie.

Je finis par me lever et lui tendre la main. Il l'attrape et la tient fermement. Je transplane directement devant la librairie. Wendy et Hermione sont très étonnées de le voir avec moi alors je leur raconte toute l'histoire tandis que William explore les rayons.

— « C'est affreux et dire que la fouine ne s'en est même pas rendu compte ! », gronde Hermione, malgré moi, cela me fait rire. Il n'est pas habituel qu'Hermione emploie un surnom mesquin pour parler d'une personne qu'elle n'aime pas. Ron déteint fortement sur elle !

William revient en trottinant, un livre à la main. Un Disney, Les 101 Dalmatiens. Timidement, il me demande s'il peut rester avec moi toute la journée et si je peux lui lire une histoire pour la sieste. J'accepte et nous nous rendons dans mon appartement. J'installe le petit devant la télévision tandis que je vais préparer à manger. Je l'entends rire devant un quelconque dessin animé et je souris. Il m'avait manqué !

Le reste de la matinée passe relativement vite. Après avoir mangé, j'emmène William faire sa sieste et je le vois lutter contre le sommeil pendant que je lui raconte l'histoire qu'il a choisie. À la fin du livre, il s'endort comme un loir.

Je profite de ce moment pour m'installer dans mon salon avec un morceau de parchemin. Je me saisie d'une plume pour y griffonner quelques mots à l'intention de Malefoy :

« Viens à la librairie à 18 heures précises.

~ May Granger. »

J'appelle Rex qui me tend négligemment une patte. Cet oiseau me fait vraiment rire avec son mauvais caractère ! Je lui caresse les plumes en lui donnant l'adresse qui se résume à: «Drago Malefoy, quelque part au Ministère», puis je me plonge dans un bon bouquin pour faire passer le temps.

Un quart d'heure plus tard, Rex revient à toute vitesse, une enveloppe rouge à la patte. Ce petit con m'envoie une beuglante! Je détache la missive de la patte de mon hibou et lui donne quelques friandises.

Afin de ne pas réveiller William, je descends dans la librairie. Hermione et Wendy me regardent d'un air assassin. J'imagine déjà leurs commentaires « May, tu es en congé ! » ou « Retourne chez toi ! » mais je m'empresse de leur montrer la beuglante, ce qui les empêche de faire le moindre commentaire. Hermione me rejoint dans l'arrière-boutique alors que décachète l'enveloppe. La lettre m'échappe des mains et se met à hurler.

« DE QUEL DROIT OSES-TU M'ORDONNER DE VENIR DANS TA FOUTUE LIBRAIRIE CE SOIR À 18 HEURES PRÉCISE ? POUR QUI EST-CE QUE TU TE PRENDS, GRANGER ? ET TU AS DE LA CHANCE QUE JE N'AIE PAS TUÉ TA SALOPERIE D'OISEAU !

~ Drago Malefoy. »

Hermione et moi soupirons. C'est du Malefoy tout craché ! Je serais bien tentée de lui renvoyer une beuglante, mais je me contente de lui signaler sur un autre bout de parchemin que j'ai quelque chose pour lui. Et là, il ne me répond pas.

Je remonte chez moi pour réveiller William et lui préparer un goûter. Il me demande s'il peut retourner à la librairie pour ranger le livre qu'il a emprunté, alors nous redescendons. En arrivant, il court vers Wendy qui le prend dans ses bras. Will se frotte les yeux, baille, puis regarde la pièce, encore un peu endormi. Wendy lui fait un bisou sur le front avant de le reposer à terre. Il s'éloigne immédiatement pour ranger le livre.

En revenant vers nous, il sourit.

— « Il y a un monsieur avec les cheveux orange comme Ron qui arrive ! »

À ce moment, George entre précipitamment dans la boutique.

— « Qu'est-ce que je peux faire pour toi ? », demandé-je aussitôt.

— « Je viens voir ma petite May adorée, pourquoi ? », Hermione toussote et je ris. « Ok, démasqué ! Tu n'aurais pas une super potion contre l'intoxication alimentaire ? »

Je retourne chez moi chercher la potion dans mon placard à médicament. Je me dépêche de l'apporter à George.

— « Ça fera un câlin et un bisou ! », annoncé-je.

— « Il ne faut pas trop en demander non plus ! »

— « Je ne te donne pas ta potion alors ! »

— « C'est monnayable ? J'ai un Gallion. »

Je ris et lui tends la potion. Il la récupère avec un sourire et daigne me faire un bisou sur le front avant de s'en aller. Suite à cette visite, William et moi remontons chez moi. Il me demande des feuilles et des feutres pour dessiner pendant que je reprends ma lecture.

À dix-huit heures moins dix, nous rejoignons Hermione et Wendy pour attendre que Malefoy vienne chercher son fils. Ce dernier arrive pile à l'heure. Il est visiblement agacé.

— « Dépêche-toi qu'on en finisse, je dois aller chercher William. Qu'est-ce qu'il a oublié ? », grogne-t-il. Au son de la voix de son père, le petit accourt vers lui. Le regard de Malefoy passe de son fils à moi, puis de moi à son fils. « TU AS ENLEVÉ MON FILS ? », explose-t-il.

Je voudrais crier aussi, mais je déglutis pour garder mon calme.

— « Sache que ton fils a eu de la chance que je le trouve aujourd'hui. Et je refuse que William retourne avec Mrs Garetts ! »

— « Ben tiens ! Et pour quelle raison, je te prie ? »

— « Elle le laisse tout seul sur un banc pour aller boire ! C'est une honte, Malefoy ! », m'écrié-je.

— « Tu dis n'importe quoi ! Regarde-toi, tu es prête à débiter des mensonges pour camoufler l'enlèvement d'un enfant ! »

— « Et toi, tu préfères m'accuser d'enlèvement pour éviter de te rendre à l'évidence ! IL AURAIT PU LUI ARRIVER QUELQUE CHOSE DE GRAVE, MALEFOY ! Quelque chose de très grave ! »

William, spectateur de la scène, s'approche de son père. Il pose une main sur un de ses mollets.

— « Elle dit le vrai ! », Malefoy, silencieux, prend son fils dans ses bras.

— « Mrs Garetts te laisse tout seul ? »

— « Ou… oui et elle est méchante… »

Je regarde la scène sans rien dire. Malefoy écoute son fils lui raconter toute l'histoire en le berçant. Il repose William à terre juste après. Sans même m'en rendre compte, mon poing gauche s'écrase violemment contre la mâchoire de Malefoy. Il pousse un cri de douleur.

— « Ça, c'est pour m'avoir insultée et pour m'avoir accusée d'enlèvement ! »

— « Non mais t'es folle ! », s'écrie-t-il.

— « Je pourrais t'en mettre un autre. »

— « Un, ça suffira ! », souffle-t-il. « Tu m'as fait mal ! »

Un sourire vainqueur se dessine sur mon visage. Je pourrais le frapper encore, mais je me retiens.

— « Regarde, je saigne ! »

— « Oh bah mince alors », réponds-je, ironique.

Il bougonne avant de sortir sa baguette. En une formule, il arrête le saignement de son nez. Il pousse un soupir en attrapant la main de son fils.

— « Allez, à demain », finit-il par dire.

Je souris et les raccompagne à la porte. Avant leurs transplanages, William me regarde et me fait un grand sourire. Les deux garçons disparaissent dans un «crac !» sonore.