Chapitre 15
Une colonne de feu s'écrasa sur les dalles de sa salle d'entraînement et monta jusqu'au plafond. Le mannequin ennemi tournoya éperdument parmi les flammes, montant, montant, avant de s'écraser contre les poutres protégées. Il tomba au pied de Khorine, et les flammes disparurent. La sorcière haleta, le front perlant de sueur, alors que le mannequin se redressait déjà, et revenait à sa place au milieu de la pièce.
Il était si résistant que c'en était frustrant. Khorine s'apprêta à attaquer de nouveau, lorsqu'elle s'arrêta, et lança un Tempus.
-Merlin, je suis en retard!
Elle sortit en courant de sa salle d'entraînement, prit une douche en vitesse avant d'enfiler sa robe, ses chaussures, de tresser ses cheveux, de passer l'écharpe violette portant le M du Ministère et de transplaner dans le forum d'entrée du Ministère. Elle se trouva mêlée à la foule et suivit le mouvement jusqu'à la grande salle du gala qui s'ouvrait près de la fontaine. Des gens la saluèrent, elle prit un verre de bulleux et se joignit aux conversations, serra des mains. Elle n'aimait pas être là, pressée par tous ces gens aux regards pesants et aux conversations insidieuses. La plupart de ses amis, et tous les membres de l'Ordre, avaient cessé de venir. Ils passaient la soirée ensemble, à l'ancien quartier général, et elle aurait préféré être avec eux.
Elle croisa Draco et Daphné, brièvement, et leur sourit.
-Toujours partante pour vendredi soir au manoir? Demanda Daphné Greengrass, la fiancée de Draco.
-Avec plaisir; lui répondit-elle.
Draco hocha la tête, ils se séparèrent. Puis Khorine fut arrêtée par deux jeunes recrues de son Département et par Arnold Dindel, du service des Affaires Publiques.
-Tu sembles satisfait de toi, Arnold; lui fit remarquer la sorcière en se servant un autre verre sur un plateau volant.
-Oh que oui!
Lydia Follett et Dimitri Kolgg avaient un sourire gêné.
-J'y travaille depuis un mois déjà, et ma demande vient enfin d'être acceptée, juste pour la cérémonie de la Paix!
-C'est tout de même…
-Laisse-moi lui dire! La coupa Arnold.
Il se rengorgea, puis annonça avec assurance:
-J'ai inscrit Severus Rogue comme récipiendaire de l'Ordre de Merlin, première classe.
Le visage de Khorine se figea, comme pris dans la glace.
-Arnold, tu es au courant qu'il a été condamné au Baiser du Détraqueur il y a six ans?
-Une petite erreur! Mais la vérité va primer et il sera reconnu comme un héros du monde sorcier. Et je me suis assuré qu'il vienne ce soir, il est dans cette salle au moment où je vous parle. Ca va être une soirée inoubliable.
-Mais il a tué Dumbledore; lâcha Dimitri, gêné, en lançant des regards en biais à sa supérieure.
Cependant Khorine restait muette. Elle finit lentement par ciller alors qu'Arnold partait dans une diatribe enflammée sur l'iniquité du monde sorcier.
-Arnold, si tu tiens à ta carrière, essaye d'arrêter la cérémonie avant qu'il ne soit trop tard.
Le sorcier tressaillit.
-Comment… Qu'est-ce que ça veut dire?
-Il ne va pas aimer; lâcha-t-elle succinctement.
Arnold se récria alors que ce n'était que justice, et Khorine s'éloigna, secouant la tête, avant de vider son verre cul-sec et d'en reprendre un. Elle n'eut même pas le temps de le porter à ses lèvres avant que la musique ne s'interrompe. Le ministre de la Magie, Wilhelm Greenmore, apparut sur l'estrade au fond de la salle. Khorine inspira, expira, et fit remonter ses barrières mentales.
Il y eut un long discours sur la guerre, leurs pertes, les sacrifices consentis pour le plus Grand Bien. Khorine était habituée à présent, elle ne se laissait plus réagir aux discours creux, à l'hypocrisie. Tant de mots vides… Puis la liste des morts durant le règne de Voldemort s'égraina, Harry, Ron et Hermione en tête. A 17 ans, ils n'étaient encore que des enfants.
L'esprit de Khorine était ailleurs, elle les revoyait lui sourire. Et puis soudain, un grand silence dans la salle. Des visages se tournèrent vers elle, non, juste derrière. Khorine se retourna. Severus se tenait à quelques pas; un masque glacial sur les traits, ses yeux noirs lançaient des éclairs, et les gens commencèrent à s'écarter. Son regard tomba sur elle et il s'avança:
-Encore une de vos brillantes idées, Lumare? Siffla-t-il d'une voix rauque.
Khorine resta impassible et se contenta de secouer une fois la tête. Le sorcier crispa les mâchoires, et se détourna d'elle. Il traversa la foule qui se scindait en deux. Les gens commençaient à chuchoter entre eux. Severus monta les marches, sa cape noire flottant derrière lui et lorsqu'il parvint jusqu'au premier ministre un grand silence se fit.
-Au nom du Ministère que je représente, Monsieur Severus Tobias Rogue, j'ai l'honneur de vous décerner l'Ordre de Merlin, première classe.
Un petit écrin s'ouvrait sur la médaille dorée. Severus la fixa et puis se tourna vers la foule. Il y avait une telle fureur contenue dans ce visage. Khorine ne l'avait jamais vu ainsi. Pourtant, elle se rappelait au cours de sa troisième année, son rictus triomphant quand Fudge lui avait proposé l'Ordre de Merlin pour la capture de Sirius. Comme il avait changé.
-Comme c'est amusant; et il n'y avait rien d'amusant à entendre ce grondement d'orage dans cette voix qui vibrait de rage. Après un premier procès où seul un vieux fou s'est porté garant de moi. Vieux fou que j'ai tué de mes propres mains, ce qui était, évidemment, la preuve incontestable que j'étais du côté du Seigneur des Ténèbres. Mais j'ai détruit le dernier morceau d'âme qui reliait le Seigneur des Ténèbres à ce monde. N'était-ce pas curieux? Cependant… cela ne valait rien, n'est-ce pas, comparé au meurtre de sang-froid d'Albus? Alors, le soir de la Dernière Bataille, j'ai été arrêté, et à mon second procès, j'ai été condamné à mort, à l'unanimité…
Sa voix gonflait et se faisait de plus en plus violente, presque palpable.
-Puis je me suis évadé d'Azkaban et j'ai été pisté, plusieurs années durant, par des aurors qui voulaient me tuer. Ce n'est qu'à quelques imbéciles opiniâtres que je dois une cassation en appel de ma condamnation. Et, à présent, vous changez une fois encore d'avis.
Les gens dans la salle étaient mal à l'aise. Le ministre se ratatinait sur l'estrade.
-Cet ordre de Merlin, première classe; rajouta-t-il avec acidité, ne représente rien. Revenez me voir lorsque je pourrais tuer quelqu'un et que vous me croyiez toujours du côté du Bien. Je n'ai aucun respect pour ceux qui croient tout savoir, cachés au fond de leurs bureaux. Je refuse cet ordre de Merlin.
Et Severus pointa sa baguette sur la médaille en or, qui fondit aussitôt. Le métal en fusion coula hors de l'écrin, sur le présentoir, sur l'estrade qui fuma. Un silence de plomb retentissait dans la salle de gala. Severus descendit de l'estrade et la foule s'écarta sur son chemin. Il quitta la salle et le craquement de tonnerre de son transplanage résonna longtemps derrière lui.
Arnold Dindel fut renvoyé le soir-même. Khorine fit de violents cauchemars les nuits qui suivirent.
Elle avait senti, physiquement, sa rage et sa douleur lui broyer le cœur. Elle souffrait…
Il faisait chaud en ce début Mai. Pour le dîner, au vendredi soir, au manoir des Malfoy, Khorine enfila une petite robe en mousseline d'un bleu azur, sans manche. Ils avaient l'habitude de voir son bras, ils ne seraient pas mal à l'aise.
Khorine se sentit légère en enfilant sa robe et en coiffant ses longs cheveux en tresse. Elle venait de rentrer du Ministère et se passa de l'eau fraîche sur le visage, hésita un instant avant de fourrer un gilet dans son sac qu'elle passa en bandoulière avant de quitter sa chaumière et transplaner chez les Malfoy.
Daphné l'accueillit en lui faisant poser son sac, et la prenant aussitôt par le bras en lui expliquant que Narcissa était à Paris et ne reviendrait que dans deux semaines, qu'elle avait beaucoup de choses à lui raconter, que Draco l'attendait avec un autre invité. Khorine fronça les sourcils, et puis les portes du salon s'ouvrirent, et Draco apparut dans un fauteuil, face à un plateau d'échec, et à Severus.
Une barrière de glace s'érigea aussitôt sur le visage de la sorcière. Rogue venait de relever la tête. Il la fixa.
-Eh bien; lança Draco en se levant, est-ce une manière d'accueillir Khorine?
Il s'approcha de Khorine et lui prit délicatement le bout des doigts avant d'incliner la tête et de la relever en souriant. La sorcière ne réagit pas, ne le regarda pas. Severus se leva de son fauteuil et s'avança vers elle.
Je ne vous pardonnerai jamais.
Sa grande main familière s'étendit vers elle et lui emprisonna la sienne. Elle était chaude, un peu rugueuse, comme dans son souvenir. Ce qu'il avait fait avec ses mains… Khorine voulait partir. Son visage ne montrait rien. Rogue inclina la tête, alors que quelque chose en Khorine se réveillait. Elle sentait son cœur battre plus vite et tonner à ses oreilles, et un profond vertige vint saturer ses sens. Puis des lèvres chaudes se posèrent sur le dos de sa main et un grand frisson la traversa. Elle voulut la retirer mais Severus la garda fermement à lui, refermant sa poigne sur elle, l'empêchant de s'écarter. Puis il releva les yeux et ce fut comme s'approcher de coulées de laves noires incandescentes. Khorine était perdue… Il lui avait dit… Mais…
Son visage dut laisser paraître quelque chose de ce qu'elle ressentait, car, en un instant, celui de Rogue se figea et elle crut voir de l'horreur passer dans ses yeux. Il lâcha aussitôt la main de Khorine qu'elle ramena à elle. Il s'écarta. Draco se racla la gorge:
-Bien, des rafraîchissements nous attendent sur la terrasse. Allons-y.
Khorine sentait ses genoux trembler. Que venait-il de se passer? Est-ce qu'elle voulait seulement le savoir? Elle entendait de très loin Daphné et Draco faire la conversation. Ils étaient assis sur la terrasse, le labyrinthe serpentait dans les jardins devant eux.
Après l'apéritif ils retournèrent au salon où la table était dressée. Les entrées furent apportées par des elfes en draps blancs propres. Khorine fit un effort pour se concentrer sur la conversation. Daphné parlait de ses difficultés à stabiliser sa dernière potion.
-Je ne comprends pas, dès que j'ajoute la poudre d'argent, je perds l'équilibre du mélange et il finit par exploser. Comment est-ce que je pourrais la stabiliser?
-Elytres de coccinelles; s'élevèrent deux voix en même temps.
Khorine et Severus se crispèrent sur leurs sièges.
-Oh… euh, je ne pensais pas que vous trouveriez si facilement une solution. Qu'est-ce qui vous dit que ça fonctionnera?
Khorine haussa les épaules et Severus fut assez aimable pour la renvoyer à un Potions Magazine de 1987. Après cela la conversation reprit, poussivement, et Severus s'excusa juste après le dessert. Il quitta le manoir. Draco se tourna alors vers Khorine en croisant les bras:
-Qu'est-ce que c'est que ça?
-Ça quoi? Grogna Khorine.
-Ce jeu entre vous deux.
-Je peux t'assurer qu'il n'y a pas de jeu entre qui que ce soit.
-Je ne sais pas,mais la manière dont il t'a regardée était euh… parlante ; insinua Daphné.
Khorine se renfrogna encore plus.
-Tu as vraiment tout faux. Il ne m'apprécie pas du tout.
-Oui, sûrement; railla Draco.
-Je ne sais pas ce que vous pensez savoir tous les deux; lâcha encore Khorine, mais vous avez tout faux. Nous nous sommes déjà croisés il y a quelques semaines, et il m'a fait clairement comprendre qu'il ne voulait plus jamais me revoir. Il me l'a dit.
Draco se contenta d'hausser un sourcil et la discussion fut plus ou moins close, cependant quelques heures plus tard, lorsque Daphné la raccompagna à la porte, elle lui murmura à l'oreille:
-Il y a ce qu'un homme dit, et la manière dont il se comporte. Je ne pense pas me tromper en affirmant que Severus fait tout le contraire de ce qu'il a bien pu te dire.
Khorine s'empourpra et murmura vaguement un remerciement pour la soirée avant de s'éloigner, quitter le manoir, transplaner, et s'écrouler dans son canapé. Elle n'y comprenait plus rien.
Mais, pourtant, il lui avait dit qu'il ne voulait plus la revoir.
Je ne vous pardonnerai jamais.
Ces mots résonnaient encore en elle et lui faisaient mal.
Elle dormit très mal cette nuit-là, et les suivantes. Les cauchemars reprirent, plus violents qu'auparavant. Des yeux rouges luisaient dans l'obscurité et les écailles de Nagini raclaient le sol quelque part dans les ténèbres. Les sifflements résonnaient, atroces, et le sang gouttait. Tout se distordait. Les yeux rouges s'approchaient. Le sang des Lumare. Elle était terrifiée, elle ne pouvait pas bouger et elle tentait de hurler sans pouvoir sortir le moindre son. Ses pleurs étaient muets, et les yeux rouges se rapprochaient. Et soudain, elle aperçut Severus, les mains crispées sur l'épée de Gryffondor. Il était dévasté, la souffrance dévorant la lumière dans ses yeux. «Severus» tenta-t-elle de crier. Mais rien ne sortit et il était figé dans sa souffrance et les sifflements emplissaient leurs oreilles, et les ricanements, et les crissements, et les vibrations.
Les yeux rouges étaient devant elle.
Avada Kedavra!
Khorine se réveilla en hurlant! Elle tremblait de tous ses membres, trempée de sueurs et de larmes, haletante, la main refermée sur sa baguette. Elle voyait des yeux rouges dans sa chambre et le sang gouttait encore. Elle se prit la tête à deux mains, des sanglots coincés dans la gorge. Elle n'arrivait plus à respirer.
-S…ev… Sev… Seve…
Des râles lui échappaient, et des geignements de bête blessée. Tout résonnait encore. Elle craignait d'ouvrir ses yeux, elle entendait… Les crissements reprirent, plus forts, et la magie se déformait autour d'elle, faiblissait!
Elle se força à les ouvrir et des larmes dévalèrent le long de ses joues. Les yeux rouges avaient disparu, elle n'arrivait toujours pas à respirer, les crissements étaient toujours là… Et par la fenêtre, elle vit des ombres, et elle comprit, ce crissement, c'étaient les barrières de protection autour de sa maison qui se fissuraient. Une peur panique lui broya le cœur. Elle se jeta au bas de son lit, tenta d'inspirer, puis transplana.
Elle atterrit dans la boue, sous la pluie et l'effort du transplanage lui avait pris son dernier souffle. Sa vision se voilait. Respire! Respire. Respire. Respire. Un chemin apparaissait derrière le voile de ses yeux, et au bout une maisonnette. Il y avait de la lumière. La chaleur… Elle réussit à inspirer, inspirer, expirer, inspirer. Sa respiration ralentit, s'apaisa, un peu, assez pour qu'elle puisse voir devant elle, alors elle se leva. Son débardeur et son short étaient trempés de pluie et de boue et ses pieds nus s'enfonçaient dans le sol. Elle trébucha et s'effondra à terre, se releva et vacilla en direction de la maison. Des inspirations et expirations plus profondes passaient ses lèvres. Ses cheveux se plaquaient sur son dos. Elle trébucha encore plusieurs fois, sans tomber, puis s'appuya contre le chambranle de la porte. Son poing s'écrasa sur le bois et cogna, et cogna.
La porte s'ouvrit. Severus apparut dans l'encadrement.
-Khorine?
Les yeux bleus se fixèrent aux onyx. Son cœur battait à tout rompre.
-Il… J'avais… cauchemar; tenta-t-elle d'expliquer et ses yeux agrandis d'effroi ne lâchaient pas ceux de Severus. Des… Ombres et… Attaque… Mes barrières…
Et soudain, la réalisation la frappa, et un tremblement violent la parcourut des pieds à la tête.
-Les enfants!
Et la peur fut annihilée, remplacée par une haine aveugle. Khorine fit volte-face. Severus la retint à deux mains.
-Lâche-moi! Je dois y retourner!
-Khorine! Tonna Severus, et la sorcière sursauta et se retourna vers lui. Calme-toi. Que se passe-t-il? Est-ce que les barrières autour de tes terres ont été forcées?
Elle sembla reprendre un peu ses esprits. Elle pouvait de nouveau parler.
-Oui; souffla Khorine d'une voix rauque. Ils s'attaquaient… à ma maison… Je ne sais pas pour l'orphelinat. Il faut y aller Severus. Ils sont en danger.
-Appelez Miss Weasley, elle contactera les aurors de sa division.
Khorine obéit aussitôt, pensa à ses amis, et son patronus, un énorme loup argenté, fila bientôt dans la nuit.
-Il faut y retourner; répéta Khorine.
Les yeux noirs de Severus étaient indéchiffrables et pendant un instant, le temps d'un souffle, elle crut qu'il allait se détourner d'elle. Mais il finit par hocher la tête et la rejoignit dehors sous la pluie. Sa chemise blanche fut rapidement trempée.
-Nous devons rester prudents, nous utiliserons un Silencio et un sortilège d'Invisibilité avec que vous ne transplaniez dans un endroit discret.
Khorine cligna des yeux. Mais acquiesça rapidement. Ils apparurent sans un bruit derrière un bosquet de noisetiers à l'arrière de sa maison. Pendant un instant ils n'entendirent rien de plus que le bruissement des feuilles de la forêt et le tapotement de la pluie dans les herbes. Avait-elle rêvé l'attaque?
Et puis, des ombres se dévoilèrent, à une vingtaine de pas, les baguettes tendues vers un orbe noir. Khorine dut se boucher les oreilles. Les crissements de magie étaient atroces. Elle gémit.
-Lumare?
-Les barrières se brisent; gémit-elle.
-La rapidité et la surprise sont nos meilleurs atouts; murmura Severus. Pouvez-vous utiliser votre baguette?
-Oui; haleta-t-elle.
Ils approchèrent à pas de loup des ombres et plus ils s'approchaient plus le bruit devenait insoutenable. Des magies enchevêtrées depuis des siècles se tordaient et se disloquaient. On violait sa maison! Khorine attaqua la première, dès qu'elle fut assez proche elle Stupéfixa le premier, le deuxième, les autres paniquèrent en les voyant tomber mais il était déjà trop tard; ils furent pétrifiés à leur tour, et l'orbe noir se tut enfin. Khorine redevint visible et soupira. Rogue apparut à son tour, le front soucieux en observant l'orbe.
-Je n'ai jamais vu d'objet semblable.
-La fille est sortie! Hurla-t-on derrière eux.
Il y en avait d'autres! Et, surgissant de l'obscurité, trois autres silhouettes apparurent. Des éclairs verts zébrèrent la nuit. Ils étaient puissants, attaquaient en formation disciplinée. Severus et elle devaient faire front ensemble et Khorine devait dévier de plus en plus de sorts tandis que Severus attaquait vicieusement. Un maléfice rouge fit exploser le bouclier de Khorine et frôla son bras gauche, du sang gicla de la plaie.
Ce fut à cet instant que des craquements sonores retentirent. La voix de Ginny s'éleva.
-Par-là! Hurla Khorine en jetant un Expelliarmus.
Son sortilège frappa l'un de ses agresseurs de plein fouet et sa baguette tourbillonna dans les airs. Il sembla paniquer et, abandonnant sa baguette, se mit à fuir. Les deux autres se figèrent. Erreur fatale face à Severus, il leur lança un maléfice cuisant et des ronces apparurent aussitôt pour les immobiliser.
-Par Merlin; s'écria Ginny en arrivant et découvrant les cinq sorciers à terre et les deux emprisonnés.
Le fuyard était parvenu à s'échapper.
Blanche Degueyn et trois autres aurors s'approchèrent des agresseurs.
-Non… C'est impossible; lâcha Blanche d'une voix enrouée. Cheffe!
Ginny s'approcha d'elle.
-Cheffe, c'est Dimitri, et ici Orlak, et Tom.
-Martha.
-John.
-Mais… Ce sont tous des aurors…
Ginny s'en approcha, et soupira.
-Je vois… Enfermez-les à Azkaban. Nous les interrogerons plus tard. Philip, prend l'orbe avec toi, il n'a rien à faire là, rapporte-le aux Langues de Plomb. Blanche, avec moi, nous allons faire le tour du domaine et remontez jusqu'à l'orphelinat pour nous assurer qu'il n'y a plus de danger.
-Oui cheffe!
Les aurors se mirent au travail sous une pluie diluvienne. Le sang de la blessure de Khorine gouttait, se mêlait à l'eau. Il faisait froid à présent. Elle se rendit compte qu'elle tremblait. Ginny se tourna vers elle.
-Est-ce que ça va?
Khorine hocha la tête.
-Comment se fait-il que vous soyez là, professeur?
-C'est moi; avoua Khorine. J'ai paniqué, et…
-Bon très bien; acquiesça Ginny avec sa voix d'auror. Professeur Rogue, accepteriez-vous de rester avec Khorine le temps que nous fassions notre ronde?
Il accepta. Les deux sorciers prisonniers des ronces hurlaient aux aurors avec Ginny d'attaquer la présidente du Magenmagot.
-C'était pour notre bien à tous! Philip, c'est une traîtresse à la cause! Elle porte sa Marque! Tue…
On les fit taire et Khorine ne leur accorda plus un regard alors qu'elle était raccompagnée jusque dans sa chaumière par Severus. Elle sentait ses barrières magiques pulser, pratiquement en lambeaux.
Khorine alluma des chandelles et un feu dans la cheminée d'une baguette tremblante, puis murmura d'une voix un peu éteinte:
-Ca ne vous embête pas que j'aille me doucher. Je crois que j'en ai besoin.
De la boue et du sang la maculaient et son pyjama lui collait à la peau.
-Prenez-votre temps Lumare.
Elle acquiesça sans le regarder vraiment, puis partit dans sa chambre prendre un pyjama de rechange, une culotte et partit s'enfermer dans la salle de bain. Elle fit couler l'eau chaude, et elle soupira. Ses jambes tremblaient encore, alors elle s'agenouilla contre le carrelage et laissa l'eau lui frapper la nuque, le dos et laver le sang et la boue. Elle se sentait vidée. Elle avait eu tellement peur, et elle n'avait pas réfléchi en allant chercher Severus, alors qu'il avait dit qu'il ne lui pardonnerait jamais, et ensuite ils avaient vu ces ombres, ces aurors, qui étaient prêts à la tuer et elle avait eu un cauchemar, et les yeux rouges l'avaient terrifiée. Elle se prit la tête à deux mains, puis pleura un peu, cela lui fit du bien, ensuite elle se savonna le corps, se nettoya les pieds, les cheveux, et finit par sortit de la douche. Elle ne savait pas combien de temps s'était écoulé. Elle se sécha, puis s'emmitoufla dans un pyjama plus chaud et une robe de chambre avant de sortir de la salle de bain. Dans le salon, Severus était assis près du feu, un plateau de thé et une théière fumante sur la table basse. Elle prit place dans le fauteuil d'en face et se servit une tasse en soupirant.
Il y eut un silence entre eux. Khorine ne s'en rendait pas vraiment compte, perdue dans ses pensées.
-Lumare; finit par soupirer Severus. Qu'est-ce qu'il vous a pris de transplaner jusque chez moi?
La sorcière lui jeta un regard un peu flou avant de murmurer:
-Je suis désolée. Ça ne se reproduira pas.
-Ce n'est pas…
Il s'interrompit, puis reprit:
-Vous auriez pu aller trouver directement Miss Weasley, ou des membres de l'Ordre.
Khorine n'avait plus la force de s'énerver, d'être sur la défensive, elle fut honnête:
-J'ai fait un cauchemar, il y avait Voldemort, et tu étais là, avec l'épée de Gryffondor… J'avais peur… Mais tu étais là, et je me sentais plus en sécurité. Et puis, tout a commencé à crisser et je me suis réveillée, et il y avait les yeux rouges et des ombres, et j'étais morte de peur. J'ai juste… transplaner… en pensant à toi.
-C'est insensé; siffla Rogue, tu aurais pu te désartibuler.
-Oui… Je suis désolée.
Rogue ne répondit rien à cela et détourna le regard vers le feu. Khorine ne se sentait pas au meilleur de sa forme, mais le thé lui faisait du bien, et les flammes dans la cheminée. Que Rogue soit là la rassurait, même si chacun de ses mots lui faisait mal. La pluie tintait contre les fenêtres et sur le toit.
-Souffres-tu de perte de mémoire? Demanda-t-il soudainement.
-Pardon?
-As-tu des pertes de mémoire?
Elle le fixa un instant, lui et ses sourcils froncés, ses yeux noirs sans fond.
-Non… Pas que je sache.
Elle l'entendit prendre une inspiration, puis lâcher:
-Lumare, je vous ai violée lorsque vous étiez mon apprentie, plusieurs fois.
Quelque chose de glacé se répandit dans les veines de la sorcière. Elle cligna des yeux.
-Pardon?
-Je vous ai violée; répéta-t-il entre ses mâchoires serrées.
-Quand?
-J'ai commencé, peu après la réception au manoir des Malfoy.
Khorine cligna des yeux.
-Ah bon? Effectivement, je ne me rappelle pas de cela.
Il y eut un silence. Severus la fixait, Khorine tentait de se remémorer la réception, et après.
-Non… Par contre, je me rappelle t'avoir rejoint au lit, et t'avoir demandé de me réchauffer.
-C'était…
Khorine le coupa avec un regard étonnamment pénétrant:
-Ce n'était pas un viol Severus. Je t'ai demandé de me toucher. J'étais consentante.
Elle ne s'attendait pas à le voir tressaillir ou à ce qu'il blêmisse si violemment. Et elle sursauta lorsqu'il se leva brusquement de son siège. Il s'écarta, lui tournant le dos.
-Pourquoi? Lâcha-t-il d'une voix blanche. Pourquoi auriez-vous été consentante?
Khorine soupira et lui avoua la vérité:
-J'étais en pleine dépression, j'avais froid tout le temps, je n'avais plus personne. Il me fallait de la chaleur, juste un peu, pour tenir jusqu'au bout. Alors je me suis servie de toi… Je suis désolée. Je comprends que tu me détestes, que tu ne me pardonneras jamais. Je me suis servie de toi, et je t'ai trahi pour parvenir à mes fins. Tout ce que je peux te dire c'est que… je suis désolée… Si je pouvais me racheter, je le ferais.
-Vous racheter?
Et sa voix à lui était si acide qu'elle faisait physiquement mal à Khorine. Il y eut un long silence. Elle attendit la suite en se crispant, prête à sa sentence, après toutes ces années.
-Si; siffla Rogue, je vous avais fait comprendre que j'étais du côté de l'Ordre, si je vous avais entraîné à l'Occlumencie, si je vous avais soutenu comme un professeur, un allié, un mentor, vous n'auriez pas souffert seule. Je vous ai failli. Lumare.
Khorine sentait des larmes lui brouiller la vue, elle n'aurait pas pensé avoir encore assez de force pour en avoir.
-Mais…
On toqua soudain à la porte. Severus et Khorine tressaillirent.
-Khorine, c'est moi! Lança Ginny.
La sorcière se tourna vers Severus, hésita mais il resta immobile, alors elle se leva et ouvrit la porte. Ginny entra, trempée, en tant qu'amie et non qu'auror.
-Est-ce que ça va Khorine?
Elle haussa les épaules:
-Ça ira mieux lorsque j'aurais réparé mes barrières magiques. Je m'en occuperai plus tard. Une tasse de thé?
-Non merci, j'ai à faire. Merci, professeur Rogue, d'avoir veillé sur Khorine.
Il ne réagit pas.
-Est-ce que tu veux dormir à la maison ce soir? Offrit Ginny.
Khorine secoua la tête. Elle devait s'assurer qu'ils ne reviendraient pas. Elle avait des enfants à protéger.
-Si je n'étais pas aussi trempée; grommela Ginny, et puis elle se jeta un sortilège de Séchage et agrippa Khorine dans une étreinte d'ours.
-Pourquoi c'est toujours toi?
Khorine l'étreignit à son tour, enfouissant sa tête dans son cou.
-Je suis désolée.
-Viens ce soir, dîner au Terrier. Pas de non qui tienne.
-Tu sais que je viendrais avec plaisir.
Les deux amies se séparèrent alors et échangèrent un dernier regard qui signifiait tout. Ginny hocha la tête.
-Je vous laisse alors.
-Si vous pouvez rester seule, je vais également me retirer.
Khorine hocha la tête, et Severus et Ginny quittèrent sa maison. Elle attendit quelques poignées de seconde puis leurs deux transplanages résonnèrent dans la forêt.
Elle était seule.
Elle ne comprenait pas vraiment tout ce que Severus lui avait dit et elle était encore perturbée par l'attaque et ses cauchemars. Lentement, elle rejoignit son fauteuil, s'emmitoufla dans une couverture et se resservit du thé. Elle fixa les flammes et se laissa hypnotiser par leur danse. Les heures s'écoulèrent ainsi et la nuit finit par pâlir. Une faible lueur apparut par-delà l'horizon jusqu'à la cime des arbres de sa forêt; comme des paillettes d'or entre les feuilles... Ce ne fut qu'alors qu'elle s'endormit, d'un sommeil lourd et sans rêve…
oOo
Elle fit appel à une faiseuse de sorts et reconstruisit avec son aide, une par une, les barrières magiques autour de la propriété. Il fallait tresser les mailles d'énergie pure, réparer les déchirures. Cela leur prit cinq jours et Khorine laissa son assistant, Felix Sweetpea, présider aux trois réunions hebdomadaires du Magenmagot. Après cela, elle s'enferma dans sa chaumière pour quelques jours. Il lui fallait juste un peu de repos, pour se reprendre, se sentir de nouveau en sécurité chez elle, et comprendre ce que Severus avait voulu lui dire.
