À cette heure-ci, il n'y a rien d'intéressant à la télé, alors je lance une cassette vidéo de mon enfance. « Peter Pan », cette fois, en voyant l'air plus que perplexe de Malefoy, je me sens obligée de lui expliquer le principe de la cassette VHS. Malefoy ne comprend pas grand-chose, mais il semble assez intrigué. Si je ne suis pas assez claire, il pourra toujours s'acheter un bouquin plus tard.
— « Tu dois partir à quelle heure pour le Ministère ? », lui demandé-je, curieuse.
— « J'ai prévenu de mon absence pour aujourd'hui. »
— « Donc tu vas glander chez moi… »
— « Ouais. Je te dérange peut-être ? », lance-t-il d'un ton faussement innocent, un léger sourire au coin des lèvres.
— « Non, pas du tout, », réponds-je, l'ironie perçant dans ma voix.
— « Dis-toi que c'est pour le bien de William, pour le protéger. », rétorque-t-il, son sourire moqueur toujours accroché aux lèvres.
À ces mots, je ressens une envie soudaine de l'étrangler, mais je me contente de le fusiller du regard.
— « Je n'ai pas besoin de toi pour protéger William », rétorqué-je. « Tu me rajoutes juste un poids inutile. »
— « Je devrais t'appeler Gentillesse ! », ironise-t-il, un sourire en coin.
— « Gentillesse est mon deuxième prénom », répliqué-je sarcastiquement. Mais son sourire, insolent et charmant, persiste.
Finalement, nous nous concentrons sur le dessin animé. Je le vois grimacer à chaque chanson, ce qui me donne envie de rire. A un moment donné, je me lève pour aller me servir un bol de céréales dans la cuisine, tandis que lui reste dans son fauteuil, visiblement intrigué par ce dessin animé.
Nous laissons William dormir paisiblement – pour une fois qu'il peut faire une grasse matinée ! À la fin du film, je retire la cassette et éteins le magnétoscope. Je change de chaîne, tombant sur des dessins animés, préférant éviter les émissions de téléachat.
Au loin, j'entends la porte de la chambre d'amis s'ouvrir. William tout ensommeillé, son doudou dans une main, avance vers moi en se frottant les yeux de l'autre. Je me lève pour le prendre dans mes bras et lui fais un bisou sur la joue. Ses petits bras s'accrochent à mon cou alors qu'il pose sa tête sur mon épaule.
De retour dans le salon, je remarque que Malefoy a disparu, et mon bol vide aussi. Le bruit de la vaisselle se fait entendre depuis la cuisine. Intriguée, j'y vais, et je découvre Drago Malefoy en train de laver mes couverts. Je cligne des yeux, surprise. William remue dans mes bras, et je me concentre sur lui.
— « Tu veux manger quoi, mon cœur ? », demandé-je à William, ignorant pour l'instant la scène inattendue.
— « Des chéréales ! », répond-il d'une voix encore un peu pâteuse.
Je l'assieds sur une chaise qui, grâce à un sortilège, se transforme en chaise haute. Après lui avoir montré plusieurs paquets, il choisit des céréales au chocolat. Je lui en verse un bol, ajoute du lait et lui donne une cuillère. Il commence à manger tranquillement pendant que je m'appuie contre le plan de travail. Malefoy finit la vaisselle et s'essuie les mains sur un torchon. Il s'approche de William et lui dépose un bisou sur le sommet du crâne.
William écarquille les yeux, surpris.
— « Papa ! Qu'est-ce que tu fais ici ? Ce n'est pas l'heure de venir me chercher ! Je viens juste de finir ma sieste ! »
Je souris devant sa confusion.
— « On est le matin, petit chat », lui expliqué-je doucement.
Son petit visage se tord d'incompréhension. Malefoy s'assoit à côté de lui.
— « Des méchants nous embêtent, alors je suis venu chez May avec toi », lui explique-t-il.
— « Elle te garde aussi ? Mais toi, t'es grand ! »
— « Non, elle ne me garde pas, je suis seulement là pour vous protéger. »
— « Mais papa… t'as pas besoin de nous protéger, May peux le faire toute seule ! Elle est trop forte ! Tu peux partir ! », décrète William, tout à fait sérieux.
Je pouffe de rire, incapable de me retenir. Malefoy me lance un regard noir.
— « Je n'ai pas le droit de rire ? », demandé-je, sur un ton de défi, toujours amusée par la scène se déroulant sous mes yeux.
— « Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle », bougonne-t-il.
— « Ce qu'il y a de drôle, c'est que tu viens de te faire rembarrer par ton propre fils », répliquai-je, malicieuse.
— « Oh, tais-toi, Granger ! », souffle-t-il.
— « Paapaa, pourquoi t'es toujours méchant avec May ? », intervient William.
Malefoy soupire.
— « Je ne l'aime pas. Voilà. »
— « Pourtant, elle est gentille… », murmure-t-il, perplexe.
Je souris, attendrie par l'innocence de William avant de regarder l'heure. Aujourd'hui, je travaille, donc je laisse Malefoy s'occuper de son fils. À chaque pause, je les rejoins, et je remarque que William est constamment dans les pattes de son père, ou niché dans ses bras. C'est vraiment attendrissant de voir un Drago Malefoy aussi protecteur. Oui, je parle bien de lui, et c'est beau à voir.
A midi, nous déjeunons tous les trois dans ma petite cuisine. Nous discutons de tout et de rien. Pendant un moment de silence, je réalise à quel point cette scène ressemble à une vie de famille. Je bois un verre d'eau pour chasser cette idée saugrenue.
Je retourne travailler alors que Malefoy va coucher son fils. Une histoire choisie la veille est toujours dans la chambre, ainsi pas besoin de choisir un nouvel ouvrage.
Plus tard, Malefoy me rejoint dans la boutique. Apparemment, il n'ose pas toucher la télé. Wendy me jette un coup d'œil complice, bien consciente de la situation étrange qui se déroule.
Après le déjeuner, c'est toujours assez calme à la librairie alors je décide d'en profiter pour poser une question qui me brûle les lèvres depuis un moment.
— « C'était une Née-Moldue, n'est-ce pas ? », dis-je, brisant le silence.
Malefoy me regarde, surpris.
— « Quoi ? »
— « La mère de William. Et tu l'aimais. »
Il déglutit, son visage se fermant soudainement. J'ai visé juste.
— « Mes parents ne le savaient pas. Je leur ai avoué après la naissance. J'étais obligé... Elle a déposé le petit devant le portail du manoir avant de disparaître. »
Je reste silencieuse, absorbant l'information. Une autre question me brûle les lèvres. Il la devine.
— « Oui, Voldemort le savait. Impossible de lui cacher quoi que ce soit avec sa Légilimancie… Devenir Mangemort était la punition de mon père. Tuer Dumbledore, c'était la mienne. »
Je reste bouche bée. Jamais je n'aurais imaginé ça. Mais en y repensant, je suis presque soulagée. Devenir pleinement un Mangemort, aussi horrible que cela puisse être, valait mieux que de perdre William. En apprendre un peu plus sur lui met les choses sous une perspective que je n'avais jamais envisagée. Ses sacrifices changent considérablement la manière dont je vois Drago Malefoy.
Depuis ce jour, la relation que j'entretiens avec lui a encore évolué. Cette révélation a ouvert une brèche dans le mur que j'avais érigé entre nous. Depuis qu'il s'est confié, j'ai pu lui pardonner de m'avoir insultée. Bien que rien n'excuse ses mots, améliorer nos relations est le mieux que je puisse faire pour William.
Par ailleurs, j'ai récemment rencontré sa mère, Narcissa. Elle est venue me rendre visite à la librairie au moment de la sieste de William. Nous avons discuté de son fils, de son petit-fils et de son mari. Sa visite m'a permis de mieux comprendre la famille Malefoy. En retour, je lui ai donné des nouvelles de sa sœur, Andromeda, et de son petit-neveu, Teddy. Elle est finalement repartie après un long moment, les bras chargés de livres, me faisant promettre de ne rien dire de sa visite à Drago, ni à William – qui aurait été déçu de ne pas avoir vu sa mamie.
Le soir, après sa journée de travail, Malefoy revient chercher son fils. William l'accueille les bras ouverts, se précipitant vers lui pour un câlin, son sourire illuminant son visage fatigué. Perché dans les bras de son père, il jette un coup d'œil curieux sur le comptoir de la librairie et finit par pointer du doigt un livre traînant là, abandonné par un client indécis.
— « Regarde papa, le monsieur il s'appelle William, comme moi. Mais après c'est pas pareil. »
Il plisse les yeux, tentant de déchiffrer le nom, sans succès. Shakespeare, c'est un nom compliqué.
— « C'est William Shakespeare », dis-je avec un sourire.
— « Je ne connais pas », avoue Drago, intrigué.
— « C'est un auteur moldu, il est mort depuis longtemps. »
Malefoy examine la couverture.
— « Roméo et Juliette ? », lit-il à haute voix. « Ça raconte quoi ? »
— « C'est une pièce de théâtre qui parle des Capulet et des Montaigu, deux grandes familles rivales de Vérone », commencé-je à expliquer. « Les Capulet organisent un bal pour que leur fille, Juliette, trouve un homme à épouser. Les Montaigu, bien sûr, ne sont pas invités, mais Roméo et ses amis s'y infiltrent incognito. En bref, Roméo rencontre Juliette, il tombe amoureux et vice-versa… »
— « Et ensuite ? », demande-t-il, visiblement intéressé.
— « Eh bien, tu vas le lire », déclaré-je en lui tendant le livre.
Il rit doucement et accepte, puis je l'encaisse. Après avoir réglé son achat, il s'éloigne, prêt à partir. Je le retiens d'un geste.
— « Au fait, je serais payée quand ? », demandé-je avec un sourire en coin.
— « Et moi qui pensais pouvoir y échapper ! »
Il rit de bon cœur. C'est étrange à voir, mais agréable. Je ne peux m'empêcher de sourire à mon tour.
— « À la fin du mois, promis. », reprend-il plus sérieusement.
J'acquiesce.
— « N'oublie pas la prime spéciale sauvetage », lui rappelé-je malicieusement.
Il lève les yeux au ciel et grogne un « On verra ! » avant de s'en aller, cette fois pour de bon.
