Chapitre 5
Le lendemain nous nous disputions de nouveau au sujet de ma tenue vestimentaire.
C'était incroyable! Rogue ne semblait pas voir le problème au fait que je ne sois vêtue que de ses vêtements, et n'acceptait pas que je sorte toute seule en cette période si dangereuse, ou que j'insiste pour me payer moi-même mes affaires.
Nous devions en être au neuvième jour de préparation du Polynectar lorsqu'il accepta enfin de me laisser sortir, en sa compagnie, dans le Londres moldu uniquement, à condition d'être très prudente, de rester toujours près de lui et de ne pas utiliser ma magie.
-Dépêchez-vous, je n'ai pas de temps à perdre; gronda-t-il les bras croisés au milieu du salon.
Il relevait son nez tordu pour m'adresser son regard noir familier. Cela entraîna un minuscule sourire au coin de mes lèvres, avant que je n'enfile ma chaussure au pied gauche, aussi cirée et brillante qu'elle pouvait l'être malgré le Reducto qu'elle avait subi, le sable, le vent iodé, les courses dans la forêt, la croissance brusque de mon pied et un dernier Amplificatum.
-Prête! Lançai-je en me relevant, toujours vêtue d'une de ses chemises blanches trop grande et d'un de ses pantalons noirs. Mais vous devrez vous attendre, si vous tenez vraiment à rester avec moi pendant mon shopping, à perdre un certain nombre d'heures de votre temps si précieux.
Rogue tiqua au mot "shopping", cela ne le fit pourtant pas changer d'avis.
-Inutile d'insister; siffla-t-il. Je ne vous laisserai pas vous promener seule dans le Londres moldu.
Je soupirai, lui fis une moue de Gryffondor contrariée et puis avançai. Mon professeur me tendit le bras.
-Prenez mon bras, nous transplanons.
Je m'avançai et tendis la main.
-Et puis je ne vois vraiment pas ce qui vous presse, le Polynectar doit reposer soixante-treize h...
Mes doigts venaient de s'agripper à la manche de sa redingote moldue et il n'attendit pas une seconde de plus pour transplaner. Les barrières de ses protections se déchirèrent l'espace d'un instant, pour nous laisser passer, se refermer derrière nous dans un grondement d'énergie.
Puis ce ne fut que couleurs, tourbillons vertigineux et courants violents. J'étais étirée dans tous les sens, accrochée par le nombril, déformée. Je dus fermer les yeux bien sûr, mais Rogue était là. C'était lui qui transplanait. Il ne pouvait rien m'arriver.
Je m'écroulai sur les pavés d'une ruelle au final. Un genou à terre. Je respirais avec difficulté.
-Aime pas... le transplanage; grognai-je prête à vomir d'un moment à l'autre.
Rogue se contenta de renifler de mépris alors que ma main tremblante était toujours agrippée au tissu de son vêtement. Il faisait chaud.
-C'est ainsi que vous souhaitez passer les soixante-treize heures de votre temps Lumare? Susurra-t-il d'un ton narquois.
Je grognai, encore, inspirai plusieurs fois puis relevai la tête et me remis debout. J'étais un peu nauséeuse mais ce ne serait jamais pire que subir d'énièmes sarcasmes venant de mon professeur de potions... ex-professeur... Il me fallut le lâcher, pour passer plutôt ma main tremblante dans mes cheveux en bataille.
-Ravi de pouvoir récupérer mon bras; se moqua Rogue.
Je lui jetai un regard noir... et trouvai un sourire plein d'ironie au coin de ses lèvres. La ruelle autour de nous était ombragée et déserte, il n'y avait personne, je ne sentais aucune présence exceptée celle de Rogue. Les charbons sombres de son regard se réchauffaient doucement.
-Il fait vingt-huit degrés professeur. Je suis sûr que votre guilde des sorciers plein de mystères et drapés de noir acceptera que vous enleviez votre redingote aujourd'hui.
Son expression se modifia.
-Nous sommes en 1996, ne l'oubliez pas.
L'instant d'après il partait, faisant doucement tournoyer les pans de son vêtement. Je crispai les mâchoires, l'océan de mes yeux gelé soudain, puis retrouvai une expression neutre et me dépêchai de le rejoindre. Nous marchâmes en silence par la suite, nous rapprochant petit à petit de l'embrouillamini des conversations, des cris, des vacarmes des voitures et autobus. La foule bientôt. Il n'y avait que des moldus autour de nous, je le sentais. Mais pas trop. Nous arrivâmes dans le quartier de Soho, que nous avions silloné de nombreuses fois avec Mione et Ginny. Nous n'eûmes aucun mal à parvenir jusqu'à la rue piétonne de Carnaby. Rogue s'était tenu à ma gauche tout le temps, l'air sévère et dangereux pour toux ceux qui nous frôlaient de trop près.
Moi je ne faisais attention qu'aux auras des Londoniens, et avais tout de même une main dans ma poche de pantalon, là où étaient rangés mes chèques de Gringotts.
Un sourire m'échappa lorsque nous passâmes enfin sous l'arche de Carnaby Street, que nous arrivâmes devant Fornarina. Un vent frais s'engouffra entre les bâtiments pour m'ébouriffer les cheveux. J'avais l'impression qu'en me retournant ce seraient mes deux meilleures amies que j'aurais auprès de moi.
-Je ne vous demande pas de rentrer avec moi; ironisai-je en gardant le regard rivé sur les grandes vitrines.
-Ce ne serait pas nécessaire, je vous accompagne aujourd'hui où que vous alliez.
Etonnant... J'hochai seulement la tête, me faisant la réflexion qu'il n'avait jamais dû accompagner qui que ce soit faire du shopping.
Je pris mon temps à faire plusieurs fois le tour du magasin, prendre quelques jeans, des olgha, quelques top à manches longues nylon, clothilde et des tricots légers. Rogue ne fit aucun commentaire, se contentant de me suivre lorsque je marchais, de s'arrêter lorsque je le faisais. Il resta debout dans l'angle du couloir destiné aux cabines d'essayage lorsque je m'y rendis.
J'éliminai quelques articles de moi-même, sortis avec ceux que j'appréciais pour les montrer à Rogue. Il se contenta de quelques remarques sur une chemise trop transparente et un gilet trop court. Le principe du katya qui était coupé pour s'arrêter au-dessus du ventre le laissait sceptique...
Je payais par chèque mes trois jeans, mes deux pantalons noirs, le gilet et les trois hauts que je m'étais choisis. Ensuite je réussis à traîner Rogue à Pylones, retrouvant un des magasin préférés de Ginny. En face, il y avait Irregular choice, je m'émerveillai devant les créations, l'inventivité et me rappelai que nous nous étions promis d'y amener Luna.
Dans une nouvelle boutique je trouvai deux nouveaux hauts, un léger traversé par des arabesques dorées de vignes, l'autre noir et sobre. Je m'achetai de nouvelles chaussures noires fermées et confortables, tout ce qu'il fallait en chaussettes. Oh, et je découvris une robe blanche et tellement légère, ainsi qu'une fine ceinture ocre qui faisait deux fois le tour de ma taille pour aller par-dessus! En sortant de la cabine d'essayage, tellement apaisée et bien plus libre de mes mouvements que dans les vêtements de Rogue, je lui adressai un sourire, présentai ma tenue.
Le regard du maître des potions dériva sur ma taille fine, mes jambes parcourues de quelques hématomes, d'une égratignure.
-Merlin; m'exclamai-je, ça guérira! Je ne m'étais pas sentie aussi légère et libérée dans des vêtements depuis longtemps!
Il ne desserra pas les lèvres. Je payai tous les articles choisis quelques temps plus tard et entraînai Rogue dans un nouveau magasin de chaussures pour trouver les sandales qui iraient parfaitement avec ma robe.
Le maître des potions avait insisté pour porter mes sacs. Il en avait déjà trois dans la main gauche, deux dans la main droite, bien remplis. Nous fîmes plusieurs magasins avant que je puisse trouver celles qui me convenaient.
Rogue ne fit aucun commentaire, ni ne se plaignit. Ce qui était surprenant au vu de son caractère. Je proposai vers treize heures de nous arrêter pour manger. Il ne répondit que d'un bref hochement de tête et me laissa le choix du restaurant. Ce fut lui par contre qui décida à quelle table nous devions nous poser. Tous mes sacs furent rangés contre le mur comme nous étions à une table au fond du bar dans un angle. D'ici nous pouvions voir arriver n'importe quel ennemi.
Rogue commanda le vin, il nous fut apporté, versé. Je me décidai pour des lasagnes végétariennes plus tard, quand Rogue préféra le plat du jour sans même savoir ce que c'était. Il y avait de la viande semblait-il, et le serveur s'empressa de demander de quelle manière il la voulait cuite. Un lourd silence suivit, le jeune homme nous observait, moi d'ailleurs plutôt que le maître des potions.
Il... souriait...
-De la façon que vous aurez l'audace de choisir; siffla l'espion d'une voix polaire. Sachez cependant que vous y risquez plus que votre minable petit poste de serveur.
Le sourire se fissura, je crois que le garçon était glacé au vu du coup d'oeil qu'il lança à Rogue. Il battit en retraite quelques secondes plus tard, en bredouillant... quelque chose?
-Vous avez d'étranges manières de passer inaperçu; m'amusai-je en m'étirant sur ma chaise.
-Je ne me priverai pas de donner quelques leçons à des moldus aussi arrogants que celui-là; gronda-t-il en allongeant ses longs doigts fins en direction de son verre.
Il était en cristal, une longue tige ciselée portait le gobelet rempli de vin rouge. Rogue s'en empara délicatement, le tendit vers moi le visage parfaitement neutre. Mon regard s'adoucit et nous trinquâmes doucement avant de goûter l'alcool. Passable, de l'avis d'une sang-pur.
-Vous étiez déjà venue? Demanda Rogue après un instant de silence reposant.
Les autres clients se trouvaient à l'extrémité de la salle, ou bien sur la terrasse. Il y avait l'odeur du vieux bois, les vitraux et les puits de lumière qui offraient une atmosphère paisible à l'établissement.
-Oui; acquiesçai-je. Avec Hermione et Ginny, c'était la première fois que je sortais... dans une ville... Je veux dire qu'à part le manoir, Poudlard et ensuite le Terrier, je n'avais jamais mis un pied dehors.
-En quelle année étiez-vous?
... Je ne comprenais pas pourquoi cela l'intéressait tout à coup. Ni pourquoi il n'avait pas dit plus de quelques mots depuis ce matin, ne serait-ce que pour se plaindre! Rogue agissait bizarrement.
-J'allais entrer en deuxième année à Poudlard, c'était pendant les vacances d'été que j'avais passées au Terrier.
-Et pour vos fournitures scolaires de première année? Votre baguette?
Je reniflai un petit rire, amusée, un rien amère.
-Une Sang-pur ne se déplace pas pour de si futiles prétextes. Nos elfes de maison sont allés acheter tout ce qu'il me fallait, Mr Gregorovitch a été reçu dans le salon pour me présenter une série de baguettes magiques et Mme Guipure s'est déplacée spécialement pour prendre mes mesures et discuter des détails de ma garde-robe avec Mme ma tante... A ce propos, je crois qu'elle se retournerait dans sa tombe en sachant que je m'habille de vêtements moldus.
Le coin de mes lèvres s'étira vers le haut, je les trempai dans mon vin, savourai une gorgée. Les lueurs colorées passant le vitrail venaient échouer sur notre table, à peine sur les manches de Rogue. Tout le reste de sa personne était caché dans la semi-pénombre de notre recoin. C'était... étrange... son regard brûlait d'une drôle de façon dans l'obscurité.
-Et vous, pour votre première année?
Il y eut comme des volutes de silence qui s'étirèrent autour de notre table.
-Ma mère m'a conduit au Chemin de Traverse.
Rogue ne laissa rien voir d'autre qu'un masque froid et maîtrisé. Pourtant...
-J'étais fasciné; avoua-t-il dans un murmure.
Oh Merlin; je ne pouvais m'empêcher d'imaginer un petit Rogue aux orbes noirs étincelants, au grand nez busqué levé vers les enseignes, les étalages, les vitrines de toutes ces boutiques colorées du Chemin de Traverse. Il y avait été avec sa mère, une sorcière, et je me rappelais de son nom... Eileen Prince. La noble famille des Prince.
Comment une sorcière de sang-pur avait pu choisir de se marier à un mineur moldu ignorant et sûrement aussi vulgaire que pouvaient l'être ces prolétaires?
-La librairie de Fleury était particulièrement impressionante.
-Et les chouettes d'Eeylops à côté de l'apothicaire; me rappelai-je.
Rogue enchaîna sur les nombreuses boutiques que nous avions découvertes au Chemin de Traverse étant enfant et j'abandonnai mes cogitations sur ses parents et le passé du maître des potions. D'heureux souvenirs me revenaient en mémoire. Je me rappelais l'animalerie magique du Chat Noir, et ma première visite d'une apothicairerie! Oh, mon premier magasin de bonbons sorciers! Et celui de Badin et Pirouette pour les farces et attrapes, Ron m'avait fait visité tout le magasin s'arrêtant devant chaque étagère, chaque armoire, chaque nouveauté exposée dans les petites vitrines. On y avait passé des heures!
Mon maître des potions, lui, parla de son entrée au magasin de chaudrons, à l'apothicairerie et aux différentes librairies du Chemin de Traverse. Ce ne fut qu'à la fin du repas que je réussis à lui faire avouer qu'ils s'étaient aussi arrêtés à la terrasse du glacier Florian Fortarôme.
J'avais eu quelques suspicions en l'entendant commander une énorme coupe de glace en dessert au lieu de son café habituel.
Ensuite, à force de persévérance, je parvins à payer l'intégralité de notre déjeuner. Rogue grogna, il grognait encore au moment où nous sortions du restaurant, pour s'arrêter net à la vue de la foule qui circulait devant nous. Tous ces gens qui jouaient des coudes, des sacs plein les mains, ou collés à leur téléphone portable. Ils étaient bien trop nombreux dans l'allée marchande principale. Et nous devions la traverser sur plusieurs dizaines de mètres avant de retrouver la rue passante où je souhaitais continuer mes achats. Nous échangeâmes un regard appréhensif pour ma part, agacé pour Rogue...
-Je pourrais nous faire transplaner; proposai-je dans un chuchotis encore à la porte du bar.
-Pas de magie; gronda Rogue à mon oreille.
Je soupirai, sans prendre la peine de parlementer, parce que nous étions bon pour un bain de foule.
Mon regard dériva sur tous ces gens, sans que je parvienne à forcer mes pas vers l'avant. Je n'aimais pas ça. Même si toutes les auras étaient moldues, je... Rogue prit soudain tous mes sacs dans sa main gauche et agrippa mon poignet de la droite, avant de m'entraîner à sa suite. Je n'eus même pas le temps de protester!
Il y avait tant de monde qui se pressait à gauche, et à droite, derrière, devant nous, certains étaient à contresens et il n'y avait aucune logique. Je sentais la tiédeur de sa peau contre mon poignet, ses doigts fins qui bloquaient ma circulation sanguine et m'emmenaient toujours plus loin.
-Prof...
-Continuez à avancer Lumare; me coupa-t-il sans se retourner.
Je détestais ça! La foule, tous ces gens, qui pouvaient attaquer! Je me rappelais à la bibliothèque où Rogue m'avait emmenée, les gens passaient dans mon dos, me frôlaient sans prévenir. Là c'était pire, des moldus de tous côtés, des moldus aussi dangereux que pouvaient l'être les sorciers.
A la bibliothèque il m'avait soulevée de ma chaise et installée sur ses genoux, ses bras m'avaient entourée pour me protéger et je m'étais calée sur sa respiration pour me détendre, me blottir contre lui en lisant un quelconque vieux bestiaire. Aujourd'hui nos mains étaient en contact et peu importait la pression de la foule autour, Rogue ne lâchait pas.
Je... J'avais besoin... Je lui indiquais que la rue passante que nous cherchions étaient à trente mètres dans cette direction. Rogue continua frôlant les bancs ou les vitrines. Je... tournai le poignet malgré son étreinte, étreinte qu'il resserrait. Il avait peut-être l'impression que je voulais lui échapper, alors que... j'essayais de... enfin je pus étirer ma main et agripper son avant-bras de toutes mes forces!
Je crois que sa poigne se desserra au fur et à mesure de nos pas, j'avais l'impression qu'il lâcherait, que nous serions bientôt séparés! Mais lorsque ses doigts glissèrent de mon poignet, ce fut pour serrer les miens. Nous nous tînmes par la main tout le temps que dura ce calvaire. Puis je lui montrai le passage à prendre sur notre droite et quelques rues plus tard nous étions libérés de toute cette cohue.
Je m'empressai de le lâcher pour m'arrêter, les deux mains sur les genoux, respirant difficilement et tremblant encore un peu.
-Agoraphobe sur les bords, n'est-il pas? Se moqua Rogue en remettant trois de mes sacs dans sa main droite.
Il était aussi droit et stoïque que si nous venions de terminer une promenade en forêt.
-Je n'ai pas peur; reniflai-je en crispant les poings. C'est juste que... je n'aime pas ça.
Quelques remarques narquoises de l'espion plus tard, nous reprenions notre chemin. Aucun de nous ne fit de commentaire sur nos mains entrelacées, et je me gardai bien de dire combien cela m'avait apaisée.
La prochaine boutique se trouvait être Victoria's secret, et je fus aussi naturelle et sarcastique que possible au moment où Rogue compris qu'on y vendait des sous-vêtements.
Il y avait des bancs en face du magasin, plusieurs hommes attendaient assis, ou adossés aux murs ou lampadaires. Mon maître des potions restait de marbre.
-Vous préférerez sûrement profiter du merveilleux soleil de ce mois d'Avril; le taquinai-je, certaine que cette fois il...
-Je vous accompagne, Gryffondor bornée, où que vous puissiez aller.
J'écarquillai les yeux en me tournant vers lui, choquée. Est-ce que Rogue (Rogue!) s'apprêtait réellement à m'accompagner dans une boutique de lingerie? Ne se rendait-il pas compte que...
-Le danger peut se cacher n'importe où, même dans un endroit aussi futile et superficiel que celui-ci. Vous n'entrerez pas seule; siffla-t-il le regard obscurci. Vous ne pratiquerez pas la magie, et vous ne vous enfuirez pas.
-Merlin, comme si j'avais la moindre envie de...
-Entrons; m'interrompit-il d'un ton tranchant en pointant la boutique du menton.
Je secouai la tête.
-Professeur, je n'ai aucune intention de m'enfuir; repris-je en le suivant comme il entrait avant moi et ne me regardait même plus. Vous savez que je vous aiderai à préparer le Polynectar jusqu'au bout et ce même si...
-Bonjour! Et bien venu à Victoria's secret, que puis-je pour vous? Me coupa une voix aigûe fort désagréable.
La vendeuse maquillée souriait de toutes ses dents blanches, c'était contrariant, Rogue ne disait plus rien et gardait son regard bien loin de cette femme ou de moi. J'inspirai.
-Je recherche quatre modèles de sous-vêtements en 34B, 9 à 10 pour les hanches, ni trop simples ni trop aguicheurs.
-Vous auriez tort de ne pas essayer les aguicheurs; gloussa-t-elle en jetant un coup d'oeil à Rogue.
Il crispa les mâchoires, sans commentaire...
-Oui, bien, j'ai ce qu'il vous faut. Suivez-moi à l'étage!
Elle se dandina sur ses talons, passa devant nous pour monter les marches du grand escalier tournant menant au deuxième niveau. Il n'y avait que des femmes, tout autour, agglutinée devant les produits de beauté, le maquillage, les parfums, les sacs. Il y en avait un peu moins aux rayons lingerie, ce n'était pas moins gênant d'être accompagnée de mon professeur.
-Alooors... Celui-là, de la collection bombshell, très mignon avec ses tâches léopard ou les carreaux et la dentelle. Ah? Oui? D'accord; elle chercha la taille avant de me tendre le modèle. Celui-là sans bretelle? L'hybride corset, il fait remonter la poitrine et la maintient ferme...
-Pas de corset; réussis-je enfin à placer.
La vendeuse recula un peu pour nous conduire plus loin. Au niveau des soutiens-gorges les plus sexy et dentelés du magasin. Je faisais tout ce que je pouvais pour occulter la présence du maître des potions.
-De la colleciton Very Sexy, le rouge sang à dentelle noire est pas mal.
J'acquiesçai, elle s'empressa de me tendre celui à ma taille.
-Oh! Notre nouvelle ensemble avec porte-jaretelle devrait vous aller parfaitement.
Je fus détaillée de haut en bas. Je n'appréçiai pas. Cela ne m'était jamais arrivée en compagnie de Hermione et Ginny.
-Monsieur devrait être content, non? Qu'est-ce que vous en dîtes? Demanda-t-elle à Rogue en présentant ladite tenue.
Elle était sombre, agrémentée de dentelle rouge au bustier et assez bien coupée... Mais il y avait si peu de tissu au niveau de la culotte et des flancs que c'en était indécent!
Je jetai un regard gêné à mon professeur de potions. Il était crispé, le teint légèrement rougi si je ne m'abusais...
-Je n'ai aucun avis sur la question; siffla-t-il au final les mâchoires serrées.
-Bah alors, ne soyez pas si timide!
Je faillis m'étouffer à cette remarque, et Rogue l'avakédavriser du regard.
-Vous avez le dr...
-Nous ne sommes pas ensemble; la coupai-je violemment.
Ce qui interrompit immédiatement le flot de paroles de cette moldue bizarre.
-Ah booon, hum c'est votre père?
-Merlin, non! M'exclamai-je écoeurée.
Cela suffit à mettre Rogue de fort méchante humeur.
-Cessez de nous importuner et fichez le camp! Cracha-t-il assez fort pour que plusieurs clientes se retournent.
-Nous trouverons le reste de nos articles sans votre aide; complétai-je le regard dangereux. Je vous remercie.
-M-mais...
Nous nous éloignâmes et je ne savais pas si j'étais furieuse ou gênée, et pourquoi.
Je choisis des motifs sylvestres pour un soutien-gorge et sa culotte, des bandes bleu ciel et blanches pour un autre ensemble et partis tout essayer en cabine. Nous sortions de la boutique quelques temps plus tard, le climat alourdi par l'interaction avec cette tête de linotte de vendeuse!
Je ne trouvai rien à dire pour y remédier. Trois autres boutiques plus tard nous pouvions enfin transplaner jusqu'à l'Impasse du Tisseur. Je m'écroulai dans mon fauteuil, Rogue déposa mes sacs près de moi sans un mot avant de s'asseoir élegamment à sa place.
Le silence s'étendit. Le feu ronflait déjà dans l'âtre.
-... Je vous remercie de m'avoir accompagnée aujourd'hui.
Ma tête s'affaissa contre le dossier et se tourna vers lui, neutre mais sévère comme à son habitude. Il fixait les flammes et rien n'aurait pu montrer qu'il venait de subir une journée entière de shopping avec moi.
-N'en parlons plus; murmura-t-il au final calmement.
Cela me surprit, je l'aurais imaginé agacé voire aigri après ce shopping forcé de près de neuf heures.
Mais il semblait juste qu'il veuille se reposer, étirer ses longues jambes et les croiser devant lui.
Il fit voler un grimoire d'Ingen-Housz jusqu'à lui, une compilation de ses travaux en tant que botaniste, puis l'ouvrit et se plongea dans sa lecture. Je soupirai, fatiguée, mais contente.
J'avais enfin une garde-robe, des sous-vêtements à moi, et même deux pyjamas à ma taille! Un sourire s'étendit au coin de mes lèvres, ma tête se cala plus confortablement contre le dossier du fauteuil et mes paupières se fermèrent... Je crois bien que je m'endormis en toute confiance, dans le salon, face au feu, auprès de Rogue.
