Chapitre 17
Khorine dormit profondément, d'un sommeil lourd et sans cauchemar. Elle reprit conscience progressivement, gémissant un peu, bien au chaud, contre un corps souple et qui sentait divinement bon. Elle s'étira, les yeux clos avant de se rapprocher de Severus, parce que ça ne pouvait être que lui.
-Bonjour Severus; murmura-t-elle le nez contre son torse.
-Bonjour; grommela une voix au-dessus de sa tête.
Elle sourit et embrassa la peau près de sa bouche. Il soupira.
-Je n'ai pas aussi bien dormi depuis des lustres; avoua Khorine, les mains sur ses pectoraux.
Si chaud… Il la tenait serrée dans ses bras. Khorine ouvrit lentement un œil, puis l'autre, et s'étira encore un peu avant de relever la tête.
-Bien dormi?
L'homme avait de gros cernes violets sous les yeux.
-Très bien; grogna-t-il avant de ramener son menton sur le dessus de la tête de Khorine.
Elle se blottit contre lui sans insister. Les minutes passèrent. Le soleil s'immisçait entre les rideaux. Il devait être neuf heures passées… Son ventre grogna.
-Je vois; fit Severus d'une voix traînante en s'écartant un peu de Khorine.
Il avait un sourcil levé.
-J'ai faim; avoua la sorcière.
-J'avais cru comprendre. Que dirais-tu de te doucher pendant que Winky prépare le petit-déjeuner?
-Si ça ne la dérange pas.
Elle sentit à regret Severus relâcher son étreinte et quitter le lit. Mais elle ne regretta pas la superbe vue de ses fesses nues à la lumière du jour. Elle fut triste de les voir disparaître derrière une robe de chambre noire.
-Tu peux prendre ton temps; lâcha Severus sans se retourner avant de quitter la chambre.
Elle se retrouva seule dans son grand lit et roula sur le ventre avant d'enfoncer sa tête dans l'oreiller de Severus. Il sentait si bon… Lorsqu'elle réunit assez d'énergie pour s'extirper du lit elle trouva que la porte de gauche menait à une salle de bain attenante. Elle tressa rapidement ses cheveux puis entra sous le jet d'eau chaude… Un délice… Elle utilisa son savon à l'odeur de forêt après la pluie et laissa l'eau la caresser, glisser sur son corps. Lorsqu'elle sortit de la cabine de douche, elle prit une grosse serviette éponge sous l'évier et se sécha, et puis elle revint dans la chambre, nue et propre et ouvrit les placards de Severus. Elle hésita un moment mais la tentation était trop forte, et elle finit par lui emprunter une de ses chemises blanches. Elle sentait bon et lui tombait jusqu'à mi-cuisse. Avec un petit sourire aux lèvres Khorine sortit de la chambre et descendit l'escalier qui menait au salon. Là elle retrouva Severus qui lisait un Potions Magazine dans son fauteuil. Sur la table basse étaient pliés la robe et les sous-vêtements de Khorine. Elle récupéra sa culotte.
Severus haussa un sourcil devant son accoutrement mais s'abstint de tout commentaire.
-Le petit-déjeuner sera prêt dans quelques minutes.
Le ventre de Khorine grogna à cette nouvelle. Elle lui fit un petit sourire, puis, sans la moindre gêne, comme si elle était chez elle, Khorine se mit à explorer le salon et la bibliothèque. Il y avait des romans sur certaines étagères! Des classiques moldus et sorciers, et des œuvres de théâtre, de la poésie de toutes les époques, des traités scientifiques, des carnets d'explorateurs, des ouvrages de psychologie, mais aussi des herbiers rares et des grimoires de potions. Par Merlin, elle pourrait passer sa vie à lire le contenu de sa bibliothèque.
Il y eut un craquement dans son dos et Khorine se retourna en sursaut, pour voir sur la table du salon qu'un gigantesque petit-déjeuner était apparu et, juste à côté, Winky. La petite elfe rajusta une fourchette, puis se tourna vers elle. Ses oreilles papillonnèrent aussitôt et ses yeux globuleux s'embuèrent de larmes. Khorine avança. Winky ne bougea pas, triturant son vêtement.
-Winky est heureuse de revoir Miss, Miss; croassa l'elfe.
Khorine lui fit un doux sourire. L'elfe s'inclina, puis disparut dans un petit craquement.
Severus referma son journal et ils prirent place tous deux. Une théière replète en argent trônait, fumante, au milieu de montagnes de pancakes, crumpets, scones, d'une motte de beurre, de pots de confiture, de rayons de miel, de raisins, de myrtilles, fraises, framboises, pommes, bananes, d'œufs brouillés, de saucisses, bacons et tomates avec des champignons, des toasts grillés et du cheddar. Khorine ne savait pas par quoi commencer.
-Merlin, je viendrai ici tous les matins si c'est pour avoir droit à ce petit-déjeuner.
-Il semblerait que mon elfe se soit surpassée; concéda Severus, placide, en leur servant de l'Earl Grey.
Khorine lui fit un sourire éclatant avant de remplir son assiette de crumpets avec des myrtilles, des morceaux de banane et d'y faire fondre un gros morceau de beurre. Occupée à dévorer son assiette, elle ne s'aperçut pas du pincement attendri des lèvres de Severus. Le sorcier, pour sa part, opta pour le bacon avec cheddar, tomates, champignons et toasts. Il lui semblait qu'il avait retrouvé son appétit ce matin, et il avait faim.
-Oh c'est délicieux; s'enthousiasma Khorine en enfournant un gros morceau de crumpets. Comment fais-tu pour ne pas grossir avec une elfe aussi talentueuse?
Il haussa un sourcilen avisant Khorine se resservir une montagne de crumpets:
-Je me restreins.
Sans une once de culpabilité, la sorcière rajouta un gros morceau de beurre:
-Je vois.
Ils mangèrent encore en silence, puis Khorine jeta un coup d'œil à Severus, et lui demanda:
-Je n'y pensais pas mais, peut-être as-tu des choses de prévues aujourd'hui.
-Rien d'urgent.
-J'aurais mon filleul à aller chercher à 15 heures, mais rien avant. Evidemment ce n'est pas une raison pour m'imposer. Je veux dire…
Elle semblait avoir perdu de sa superbe de la veille au soir. Mais évidemment, à la lumière du jour, tout était plus compliqué.
-Nous pourrions passer la matinée ensemble; proposa Severus en fixant sur elle ses yeux de nuit.
Khorine lui fit un petit sourire. Puis hésita, et finit par demander:
-Est-ce que… toi et moi… nous sommes euh, ensemble?
Il y eut un silence et Khorine semblait incertaine et vulnérable et se trouvait soudainement très intéressée par le découpage de ses crumpets, manquant la tendresse évidente sur les traits de son amant.
-Il semblerait; finit-il par acquiescer.
Elle releva des yeux scintillants vers lui.
-Alors je pourrais t'emprunter des livres, et venir lire chez toi certains soirs, et nous pourrions aller nous promener le long des falaises? J'adore l'odeur iodée et le cri des mouettes, à vrai dire je ne sais pas pourquoi je ne vis pas moi-même près de la mer. Et je pourrais t'inviter au restaurant, il y a un indien près de Camden market qui est à tomber. Je pensais aussi à prendre quelques jours de congés en été, je pourrais peut-être te rendre visite.
Elle se mordit la lèvre. Est-ce que c'était trop d'un coup? Elle ne pouvait pas s'imposer ainsi chez un homme qui avait vécu seul durant si longtemps. Et si elle le gênait? Et s'il se lassait d'elle? Pourquoi ne réfléchissait-elle plus avant de parler?
-C'est moi qui t'inviterais à ce restaurant indien. Nous pourrions convenir de nous y retrouver vendredi soir, vers dix-neuf heures.
-Oui; murmura-t-elle, soulagée, et une brusque envie de l'embrasser la prit au cœur.
Elle dut se retenir, et retourner son attention à son assiette. En cinq coups de fourchette elle avait fini, et finit par siroter son thé en se renfonçant dans sa chaise. Hormis ses babillements incontrôlés et ses incertitudes, tout allait bien. Severus ne semblait même pas y faire attention, occupé à finir son petit-déjeuner calmement. Cela sembla rasséréner Khorine, quelque part. Elle se resservit en thé d'un geste de sa bague puis savoura son Earl Grey.
-Il fait tellement beau; fit-elle remarquer, peut-être pourrions-nous nous promener ce matin?
-Dans cette tenue? Rétorqua-t-il un sourcil levé posément.
Khorine rougit.
-Tu aurais un pantalon à me prêter? Autrement je passe rapidement me changer chez moi et je reviens.
Note à elle-même: à partir de maintenant, toujours avoir des affaires de rechange dans son sac, bien qu'elle adorât porter une des chemises de Severus.
-Je te trouverai un pantalon.
Elle lui fit un petit sourire reconnaissant et, une fois le petit-déjeuner terminé, dûment habillés, les deux sorciers quittèrent la chaumière pour se promener le long des falaises. Le vent était puissant, l'air marin frais et vivifiant, emmêlant les cheveux de Khorine malgré sa tresse et il y avait le chant des goélands et la chaleur du soleil, les vagues qui s'écrasaient au pied des falaises, et Severus qui marchait à ses côtés.
-Est-ce que tu penses que l'eau est bonne? Demanda Khorine le regard scintillant de joie.
-Je ne me suis jamais posé la question.
-Peut-être que nous pourrions nous baigner. Ah mais nous n'avons pas de maillots ou de serviette. Alors la prochaine fois?
-Si cela te fait plaisir.
Au sourire qu'elle lui lança, il ne pouvait en douter. Ils continuèrent leur chemin, Khorine recherchant des criques où descendre et se baigner, Severus la regardant faire.
Il n'y avait personne à des kilomètres à la ronde.
Lorsqu'ils firent demi-tour, ils avaient le vent dans le dos et le soleil était à son zénith.
-Severus; demanda-t-elle au bout d'un moment, est-ce que je peux te prendre la main?
-Si tu le souhaites.
Elle lui prit la main, la serra fort et se haussa sur la pointe des pieds pour lui embrasser la joue. Le sorcier ne répondit rien, la laissant faire. Ils finirent leur promenade main dans la main. Et lorsqu'ils rentrèrent à la chaumière, Khorine retint le sorcier contre la porte, les cheveux tout emmêlés, les joues rouges et les yeux scintillants.
-Merci Severus; murmura-t-elle avant de l'embrasser.
Il referma ses bras autour d'elle. Ses lèvres étaient accueillantes et souples et douces, et Khorine darda sa langue entre leurs deux fentes pour s'immiscer dans sa bouche. Leurs langues se caressèrent, se mêlèrent, Khorine écrasa son corps contre celui de Severus, le prenant aux épaules, gémissant. Severus avait une main dans les cheveux de sa sorcière, l'autre autour de sa taille et son érection était pressée contre son corps fin.
-Le lit? Haleta Khorine les yeux brûlants.
Elle voulut s'écarter un peu mais il la retint, refusant de perdre ce contact, et la souleva. Elle eut un cri de surprise avant de rire et de se retenir à son cou. Il avait un bras dans son dos, l'autre sous ses genoux et il la porta lui-même jusqu'à sa chambre.
Cette fois, ce fut plus brutal, passionnel, presque animal et Khorine lui griffa le bras et chacun des coups de butoirs de Severus lui faisait voir des étoiles. Ils eurent tous deux un violent orgasme, puis retombèrent dans les draps. Epuisés.
-C'était… vraiment bon… Severus.
Il lui adressa un haussement de sourcil très suffisant, qui la fit grogner, puis se réfugier contre lui.
-Il m'a semblé également; finit-il par lui répondre, un petit sourire aux lèvres, en refermant ses bras autour d'elle.
Les battements de leurs cœurs s'apaisèrent. Elle se sentait bien et en sécurité tout contre lui. Ses yeux se fermèrent tout seuls, et elle sombra dans une douce torpeur.
Elle en fut tirée pour le déjeuner, et parce qu'elle n'avait plus qu'une heure avant de partir chercher son filleul. Ils mangèrent de bon cœur, discutant des livres de leurs bibliothèques. Et puis Khorine dut partir. Elle prit son sac avec la robe qui avait tant plu à Severus et l'embrassa une dernière fois avant de quitter la chaumière.
-À vendredi! Lança-t-elle par-dessus le vent qui avait redoublé.
-À vendredi; lui répondit-il dans un murmure qu'elle n'entendit pas.
Elle s'était déjà retournée et transplana quelques instants plus tard.
Lorsqu'elle rentra chez elle, Khorine eut la soudaine réalisation de ce qu'il s'était passé la nuit dernière, le matin même, et elle hurla de joie. Il lui fallut un peu de temps pour arrêter de trépigner. Puis elle alla dans la salle de bain, et, devant le miroir, retoucha de sa baguette la chemise et le pantalon de Severus afin qu'ils lui aillent mieux. Elle lui en achèterait d'autres avant vendredi, mais ces vêtements, à présent, elle les gardait. Khorine rangea sa baguette dans sa manche. Elle défit sa tresse et démêla les nœuds dans ses cheveux avant de les rattacher et puis, sans se départir d'un grand sourire heureux, elle partit chercher son filleul.
oOo
Elle eut plus de temps à elle le dimanche, pour se reposer et réfléchir. Elle s'assit sur sa terrasse, baignant dans le soleil de fin de printemps. Il faisait bon, sa peau se faisait chatouiller par une légère brise chargée des odeurs de la forêt. Ses épaules se relaxaient, ses muscles se détendaient et elle prenait de grandes inspirations. Parfois elle en avait besoin, de simplement fermer les yeux et de se détendre. Il lui semblait que les nœuds dans ses muscles se défaisaient un à un, que ses membres devenaient légers et que l'oxygène pouvait circuler plus librement. Dans ces moments-là, quand son corps était en paix elle ouvrait son esprit et le laissait prendre le soleil. Les ombres reculaient. Les peurs s'apaisaient; l'angoisse qui la tenaillait ne trouvait plus de raison d'être et s'estompait.
Elle était à un moment dans sa vie où elle avait tout ce qu'elle avait souhaité, la guerre était terminée, ses proches étaient plus en sécurité qu'ils ne l'avaient jamais été, Harold était heureux et elle le gâtait autant que possible, elle avait un travail qui était prenait, qu'elle adorait et qui lui donnait le sentiment d'être utile, et puis Severus était enfin revenu. Elle avait une nouvelle chance avec lui, qu'elle ne laisserait pas partir. Son cœur bondissait à cette pensée.
Pourtant des nuages se profilaient à l'horizon, deux principaux, qui étaient les tentatives d'assassinat contre sa personne qui se multipliaient, et le début prochain des campagnes d'élection pour le titre de Premier Ministre. Draco et Arthur étaient persuadés qu'elle devait se présenter, pour éviter une catastrophe avec Whytt, mais elle ne le désirait pas. Si jamais elle était élue, elle s'éloignerait de sa mission, de ses objectifs, ce qu'elle souhaitait c'était contribuer à un système juridique plus juste, et elle était à la meilleure place pour y parvenir en tant que directrice du Département de la Justice Magique et Présidente du Magenmagot. Elle avait enfin les alliés qu'elle cherchait, après des années de lutte.
Et à vrai dire, à présent, ce qu'elle souhaitait, c'était déléguer le plus de travail possible à des collaborateurs de confiance. Elle souhaitait avoir plus de temps pour elle, pour son filleul, pour ses amis, et pour Severus. Sans jamais y penser, elle savait qu'elle désirerait avoir un enfant, un jour; une famille. Alors elle ne voulait pas d'un travail encore plus contraignant.
En vérité, son corps comme son esprit se rebellait à l'idée même de l'envisager. C'en était trop, elle ne souhaitait plus se sacrifier, pour qui que ce soit. Elle avait trop de cicatrices, trop de traumatismes enfouis qu'elle mettrait une vie entière à combattre. Assez. Tout ce qu'elle souhaitait à présent, c'était un peu de repos…
Sur son bureau, au Ministère, se trouvait le dossier d'Amanda Jones, la candidate qui méritait le plus d'obtenir le poste de Ministre de la magie. Elle était droite, juste, intransigeante, elle cherchait l'équité et avait soutenu ses lois pour l'assimilation des créatures magiques chez les sorciers et l'égalité de traitement entre les espèces. Elle avait fourni des informations à l'Ordre en tant de guerre, avait participé à la Bataille Finale, et s'était déjà opposée à Whytt à plusieurs reprises. Dès lundi, elle serait convoquée dans son bureau.
Quant aux tentatives d'assassinat. Rien. Le seul prisonnier qu'ils avaient s'était arraché la langue et était mort à Azkaban avant même d'être interrogé. Ils avaient perdu deux hommes pour le capturer.
Khorine soupira.
Les oiseaux chantaient dans le lointain. Les feuilles bruissaient, caressées par la bise et elle se rappelait d'un vent plus fort, iodé, et Khorine finit par sourire.
Il n'y avait rien qu'elle puisse faire. Aujourd'hui, elle ne pouvait rien faire de plus. Alors elle leva la main et attira à elle un livre regroupant les œuvres complètes d'Edgar Allan Poe. Puis, baignant dans un doux soleil, elle se plongea dans sa lecture et oublia tout le reste.
Elle alla déjeuner au Terrier, puis passa rendre visite aux orphelins dans l'après-midi et se trouva enrôlée comme gardienne dans une partie de Quidditch endiablée. Elle rentra chez elle épuisée, le sourire aux lèvres, mangea rapidement, se doucha, et s'écroula sur son lit. Sa dernière pensée fut que la journée avait été ensoleillée, puis elle sombra.
oOo
Les jours qui suivirent, elle s'entretint avec Amanda Jones, présida trois séances du Magenmagot, promulgua deux lois au Journal Officiel, déjeuna avec différents membres de la Cour de Justice Magique et du Magenmagot, eut des rendez-vous avec Arnest Synn, Arthur, Maître Ryles, le président de la Cour de Justice Magique, différents juges et avocats de son équipe.
Arrivée au vendredi soir, elle était fatiguée.
Il était déjà 18h30. Qu'allait-elle mettre? Elle avait plus ou moins pensé à ce rendez-vous toute la semaine, mais sans vraiment s'arrêter aux détails. A présent, devant sa penderie, elle sortait des vêtements, les fixait, puis les jetait sur son lit. Qu'est-ce qu'elle devait porter? Il faudrait qu'elle se douche rapidement aussi. Plutôt une robe? Pouvait-elle rester en habit de travail? Non, c'était un rendez-vous. Elle finit par opter pour une belle petite robe orange qu'elle avait acheté l'année précédente avec Ginny. Elle était un peu décolletée, enserrait sa taille fine et tombait vaporeusement jusqu'à ses genoux. Parfait.
Khorine courut se doucher, puis se sécha, enfila sa robe, se fit une tresse en épi et juste quand elle terminait on toqua à sa porte. Son cœur fit un bond dans sa poitrine. Severus.
Elle n'était pas prête. Enfin si, elle était habillée, et coiffée, mais intérieurement, elle n'avait pas vraiment réfléchi à ce qu'elle allait lui dire. De quoi allaient-ils parler? Etait-elle trop fatiguée pour être intéressante? Après l'avoir attendu pendant six ans, qu'arriverait-il s'il la trouvait trop ordinaire?
Elle crispa les mâchoires puis quitta la salle de bain, descendit l'escalier et arriva dans son salon comme on part en guerre, puis elle ouvrit la porte. Severus attendait derrière. Le visage neutre, ses beaux yeux onyx sans fond, vêtu d'un pardessus noir sur une chemise blanche, avec un pantalon noir au style moldu. Il était séduisant, et le cœur de Khorine manqua un battement.
-Severus; l'accueillit-il en caressant son prénom du bout des lèvres, il ne me reste plus qu'à prendre mes chaussures et j'arrive.
L'homme ne dit rien, mais son regard ne se détacha pas de sa robe. Khorine sourit, se dit qu'elle avait bien choisi, mit rapidement ses sandales de cuir, prit son sac, ferma la porte à clé et rejoignit Severus sur le perron. Galamment il lui tendit le bras, elle le lui prit, et ils transplanèrent.
Ils parvinrent dans une rue déserte aux abords du Castlehaven Community Park puis se dirigèrent vers leur restaurant. Le bras de Severus enveloppait le sien. Il faisait doux, une légère brise lui caressait le visage et sa robe voletait autour de ses jambes.
-C'est l'un de mes restaurants préférés; murmura-t-elle alors qu'ils arrivaient à destination.
Il lui tint la porte et furent conduits à une table à deux, idéalement située au fond du restaurant, près d'un mur recouvert d'un magnifique mandala en mosaïque. Ils ouvrirent la carte du menu.
-Je l'ai découvert il y a quelques années avec Ginny et Luna après une journée shopping. Leur lassi est délicieux, et leurs naans! As-tu déjà essayé?
Severus referma le menu, ayant manifestement fait son choix, et la fixa un moment avant de lui avouer:
-J'ai vécu en Inde durant plusieurs mois.
-Oh.
Elle s'imaginait Severus avec un costume traditionnel indien, noir, sillonnant les forêts à la recherche d'ingrédients rares, mangeant des naans au milieu de langurs et de mambas noirs. Cela dût se lire sur son visage, car Severus eut l'ombre d'un sourire amusé.
-Il s'agissait de découvrir un antidote au venin de scorpion rouge indien. J'ai passé la majeure partie de mon temps dans un laboratoire chez un confrère.
Il lui en dit un peu plus, puis ils commandèrent, Severus lui parla encore de l'Inde, puis de sa potion, et Khorine l'écoutait, envoûtée par sa voix profonde et basse, heureuse d'avoir une raison de le contempler et de graver dans sa mémoire chacun de ses traits, la manière dont ses mains se mouvaient, dont cette mèche lui effleurait la joue. Les plats arrivèrent, l'odeur était divine, et le goût incroyable. Ils ne laissèrent rien dans leurs assiettes, et Severus dut bien reconnaître qu'ils étaient acceptables.
-Acceptables? Je leur mettrais un Optimal moi; protesta Khorine.
-Et quelle notation te resterait-il pour les échoppes en Inde?
-Optimal-Optimal? Proposa-t-elle avant de demander. Tu m'emmènerais?
Ses yeux océan scintillaient comme des vagues sous le soleil.
-Oui; souffla-t-il.
Et ce murmure avait l'accent d'une promesse.
Elle ne se rendit pas vraiment compte du temps qui passait alors qu'ils commandaient des desserts et conversaient. Et puis le serveur leur indiqua qu'ils allaient fermer. Severus sortit si rapidement ses billets qu'elle ne put rien faire et quelques temps plus tard ils étaient dehors, éclairés par la pleine lune et une myriade d'étoiles.
-J'ai passé une merveilleuse soirée; avoua Khorine.
Severus hocha la tête, et il y eut un silence.
-Je vais…; commença Khorine mais fut coupée.
-Nous pourrions la continuer chez moi; proposa le sorcier.
Khorine cligna des yeux, avant d'hocher la tête avec véhémence. Oui… Ils trouvèrent une allée déserte et transplanèrent sur le chemin caillouteux qui menait à la chaumière de Severus. Là, Khorine gonfla ses poumons d'air marin avant de s'émerveiller devant le ciel constellé d'étoiles qui n'étaient plus masquées par les lumières de la capitale.
-Severus, c'est magnifique; s'enthousiasma-t-elle avant de lui indiquer toutes les constellations qu'elle pouvait déceler, les montrant du doigt tandis qu'ils remontaient la petite allée.
Arrivée devant la chaumière, Khorine s'arrêta et tourna la tête vers Severus. Les étoiles se reflétaient dans les yeux noirs de son amant. Elle lui sourit avec tendresse puis passa le pas de la porte. Severus suivit et ferma à clé. Khorine posa son sac sur le porte-manteau puis fit un pas en direction du salon, avant d'être happée par derrière par deux bras puissants.
-Sev…; haleta-t-elle sans finir alors qu'il la serrait douloureusement.
Il avait son nez dans ses cheveux et ses hanches pressées contre ses fesses.
-Reste ici ce soir; lâcha-t-il dans un murmure rauque.
Il y avait une vraie douleur dans sa voix et Khorine voulut se retourner pour lui faire face. Il la maintint contre lui, lui enserrant les hanches et les épaules.
-Severus; souffla Khorine…
-Reste avec moi.
Le cœur de Khorine tambourinait contre sa poitrine et une vague de chaleur lui enserrait la gorge. Elle renversa sa tête en arrière, contre l'épaule du sorcier.
-Oui; murmura-t-elle.
Un halètement chaud lui caressa l'oreille. L'étreinte se resserra, et Khorine s'arqua jusqu'à ce que son postérieur bute contre l'érection du sorcier. Ils haletèrent. Une brume de désir engloutissait ses pensées, ses sens, elle savait juste qu'il lui fallait Severus, qu'il lui fallait plus, plus de contact, plus de chaleur, plus de sa peau contre la sienne. Son odeur l'enivrait. Son étreinte douloureuse lui faisait perdre pied; elle se sentait désirée, violemment, nécessaire, et elle était noyée sous son besoin, sa force, son désespoir.
Ils se déshabillèrent dans le salon, seulement éclairés par le feu de cheminée et la lune entre deux rideaux. De fiévreux, Severus devint tendre et il la pénétra en scellant ses lèvres des siennes. Les cheveux de Khorine ondulaient au rythme de ses hanches et une douce chaleur se répandait dans les yeux océan. Ce fut délicieux… Et après son orgasme, Khorine n'avait plus de force dans les jambes. Severus la souleva sans un mot et l'amena jusqu'au lit où il la rejoignit. Elle se blottit contre lui et s'endormit aussitôt.
Le lendemain, Winky leur prépara un petit-déjeuner qui aurait pu nourrir la moitié de Poudlard, ils partirent se balader en haut des falaises, main dans la main, puis rentrèrent pour le déjeuner. Ils lurent quelques temps puis Khorine entraîna Severus sur la plage, sortit de son sac sans fond son maillot de bain et, quelques temps plus tard, plongeait dans les vagues froides de l'Océan Atlantique. Elle tint quelques minutes puis retourna sur la plage pour se réchauffer au soleil. Elle augmenterait son endurance au fur et à mesure. Et, au fil des semaines, en prenant également ses bains de soleil, sa peau se dora et de mignonnes éphélides apparurent sur ses pommettes.
Au bout de quelques mois, ils en étaient venus à passer deux ou trois nuits ensemble par semaine, et se voir tous les week ends, et Khorine était moins angoissée à l'idée de faire un faux pas, et Severus se laissait devenir plus tactile. C'étaient des caresses sur la joue au réveil de Khorine, des effleurements lorsqu'ils se promenaient, une main dans le creux de son dos, deux doigts jouant avec ses mèches de cheveux.
Khorine avait lu quelques parts qu'il y avait cinq langages de l'amour; assurément, la dominante de Severus était le contact physique. Alors, elle ne se privait plus de son côté, pour demander un câlin, ou l'embrasser, ou se rapprocher de lui; et les yeux sombres s'en illuminaient.
Khorine se sentait plus heureuse qu'elle ne l'avait jamais été. Amanda Jones était très appréciée d'après les sondages de la population; et puis ses cauchemars disparaissaient dès qu'elle dormait aux côtés de Severus, elle le voyait presque tous les jours, et, après une courte dispute, Severus avait accepté de venir déjeuner chez les Weasley le dimanche. Il lui passait tous ses caprices et les mois s'écoulaient paisiblement. Elle avait très vite remarqué qu'il se retenait d'être tout à fait lui-même, qu'il proposait rarement une activité qui lui ferait plaisir mais lui accordait tout ce qu'elle demandait, alors gentiment elle s'était mise à le rassurer, à lui demander de choisir et au fil du temps les sarcasmes revinrent, ainsi que ses mouvements d'humeur et elle en fut soulagée.
Un jour elle lui proposa de venir avec elle à l'orphelinat.
-Ce sera sans moi, j'ai vu assez d'enfant pour le restant de mes jours.
Un nuage passa sur le front de la sorcière, elle ne lui avait pas encore parlé de son désir d'être maman. Alors elle ne dit rien, hocha la tête et partit à l'orphelinat pour l'après-midi. Une morne mélancolie s'empara d'elle, elle surveillait les plus petits jouer dans le salon. Ils étaient tous siens, quelque part, mais elle n'était pas leur mère, et elle ne pouvait en adopter un sans adopter les autres, et en adopter cinquante était impossible. Et puis, elle s'était prise à rêver, à plusieurs reprises, d'un enfant avec le nez de Severus et ses yeux bleus, leur enfant. Un sourire triste s'étira sur ses lèvres. Pouvait-elle abandonner son rêve pour lui?
Elle fut presque distraite le reste de la semaine, pas vraiment là, entourée d'un nuage de douleur dont elle ne se rendait pas compte.
-Khorine?
-Hmm? Murmura-t-elle sans quitter son grimoire de potions des yeux.
-Ai-je fait ou dit quelque chose de blessant?
Khorine cilla et murmura d'une voix très rauque tout à coup:
-Non, non, tout va bien.
Elle ne comprit pas lorsque deux larmes chaudes lui roulèrent sur les joues. Severus s'agenouilla auprès de son fauteuil, montrant clairement son inquiétude.
-Qu'y a-t-il?
-Rien, tout va bien; répéta bêtement Khorine le visage mouillé de larmes.
Severus lui prit la main et l'inquiétude se stria d'une colère dirigée contre lui-même:
-Qu'est-ce que je t'ai fait?
-Ce n'est pas de ta faute; murmura Khorine en posant la main sur la sienne. C'est juste… Tu… Tu as dit que…
Elle sentait une boule lui obstruer la gorge et des pleurs qui montaient et un hoquet qui lui fit serrer les mâchoires.
-Excuse-moi Severus, ce n'est pas de ta faute.
Elle déglutit puis fit un suprême effort pour se ressaisir et dire de la voix la plus neutre possible:
-Tu m'as dit que tu avais vu assez d'enfant pour toute une vie. Et je désire avoir un enfant avec toi.
D'autres larmes lui échappèrent, elle les ignora, rencontrant enfin le regard onyx de son amant. Il était plein de douleur, et Severus était blême.
-J'essaye de faire mon deuil de ce rêve; finit-elle d'une voix éteinte.
-Je ne pensais pas… Khorine c'est…
Le sorcier s'interrompit à deux reprises, le choc et la souffrance se mêlant sur ses traits sans qu'il n'essaye de le lui cacher, il lui faisait confiance; et elle s'en voulait d'autant plus de pleurer devant lui, et de ne pas se satisfaire de tout ce qu'il lui offrait déjà.
-Tout ce que tu voudras; lâcha-t-il finalement dans un souffle.
-Non. Il aurait fallu que tu le désires aussi. Ne te force à rien. Je t'interdis de te forcer à avoir un enfant avec moi pour me faire plaisir. Si tu n'en veux pas, nous n'en aurons pas.
-Khorine; murmura le sorcier à genou en lui serrant la main, je n'y avais jamais pensé. Il y a quelques mois il aurait été inconcevable d'avoir une chance d'être à tes côtés.
La sorcière eut un doux sourire à travers ses pleurs et Severus prit sa joue dans la main gauche, effaçant du pouce ses sillons de larmes.
-Pourrais-tu me laisser du temps? Reprit-il. Je vais y réfléchir.
-Tu n'es pas obligé Severus…
-Je vais y réfléchir; répéta-t-il.
L'instant d'après elle se blottissait contre lui et il prenait place dans son fauteuil pour l'avoir sur ses genoux. Le cœur content, les joues sèches, Khorine s'endormit contre le torse de son amant. Severus fixa longtemps les flammes, sa sorcière sur les genoux.
