Chapitre 7
Je m'ébouriffai un peu mieux les cheveux, lissai ma robe blanche et puis sortis de la chambre.
Mon coeur battait la chamade, je ne savais pas ce que Rogue allait dire. Oh pétard... je ne pus m'empêcher de bailler en avançant dans le salon. Nous étions le lendemain matin et les sept coups de l'horloge venaient de résonner. Le maître des potions était déjà là bien sûr, dos à moi dans son fauteuil, plongé dans sa lecture de la Gazette du sorcier. Un sac de viennoiseries trônait sur la table basse.
-Bonjour; miaulai-je la gorge nouée.
J'avais peur, peur d'être aussi exposée, aussi vulnérable.
Je m'avançai et Rogue resta tranquillement à lire son journal. En m'approchant et le fixant, je me rendis compte qu'il le tenait bizarrement. Ses poings étaient enfoncés dans les pages, les froissant; le papier tremblait. J'arrivai jusqu'à mon fauteuil dans un lourd silence et me tenais encore debout, prête à parler, lorsque Rogue rejeta son journal pour bondir hors du sien. Je croisai les bras devant ma tête, tout ce que je pus faire, avant qu'il ne me repousse violemment dans mon siège. Je cognai contre le dossier en haletant bientôt emprisonnée par ses bras, son corps. Il piégea mes deux poignets d'une main avant de les maintenir au-dessus de ma tête. J'écarquillais les yeux le souffle coupé.
En une fraction de seconde il avait pris le dessus, je ne pouvais plus m'échapper. Je tirai sur mes mains, tentai de lui faire lâcher prise sans parvenir à sortir le moindre son. Rogue gardait ses longs doigts glacés accrochés aux miens, la poigne dure, le regard sombre et glacial, blême. Il avait d'énormes cernes sous les yeux.
-Quelle est votre réponse, Lumare? Siffla-t-il son souffle échouant contre mes lèvres.
Un imperceptible frisson me parcourut et mon regard se voila. Je cillai pour revenir à la réalité, heurter ses orbes de charbon.
-Je ne... me rappelle pas avoir entendu... la moindre question; le provoquai-je.
Pourtant je n'étais pas dans ce qu'on pouvait appeler une situation de force. Je tentai de libérer mes poignets, les écarter, il ne fit que les enserrer davantage. Mes os rentraient dans ma peau et mes mains se glaçaient privées de sang. C'était pratiquemment secondaire tant son regard était hypnotique. Son éclat sombre vacillait.
-Restez. Avec moi.
Ce n'était pas une question et je ne pouvais pas.
-Vous savez que je devrais retrouver mes amis, dans moins de deux semaines; murmurai-je le regard un peu plus clair.
Il y eut quelque chose qui passa sur son visage, soudain, je n'eus pas le temps de comprendre qu'il me susurrait déjà:
-Mais pour l'instant Lumare, vous m'appartenez.
-Autant que vous m'appartenez Rogue; rétorquai-je le souffle court.
Ses lèvres entrouvertes étaient en train de se rapprocher, son odeur et sa chaleur m'enivraient, j'étais incapable de reculer, de me protéger. J'étais à sa merci.
-J'ai un prénom; gronda-t-il.
-Moi aussi Severus.
Et à l'instant où je prononçais son prénom, un éclat de douleur m'échappa en déchirant mon regard. Maintenant s'il vous plaît. Maintenant, embrassez-moi. J'ai... mal... Ses lèvres s'emparèrent des miennes, sans douceur aucune, térébrant, tellement, et il gémit autant que moi. Et j'essayais de tordre mes poignets pour agripper ses doigts pour me retenir à lui. Et je me cambrai sous lui pour son torse contre ma poitrine, son coeur contre le mien, sa chaleur, mon ventre se tordait. Son autre main convulsait dans mes cheveux, agrippant très fort les longues mèches ondulées. Merlin, sa bouche contre la mienne, son genou qui remontait entre mes jambes, ses doigts qui ne pouvaient pas lâcher mais le devaient, qui... agrippèrent soudain ma taille pour me maintenir contre lui. Libre, je l'agrippai aussitôt, aux épaules que j'aurais griffées sans toute l'épaisseur de ses vêtements. Il mordait, tournait la tête avec moi pour embrasser encore, sa langue heurtant la mienne maintenant, plus fort. Mes hanches ondulaient contre les siennes. Tout s'embrasait. Je l'aimais, j'avais besoin de lui. Je l'aimais! Sa bouche, son souffle, ses yeux voilés, ses mains sur moi!
Je me frottais contre lui pour plus de contact, enivrée et déchirée par le plaisir, cognant encore et encore contre son entrejambe qui durcissait. Des tremblements lui échappaient, ses mouvements et son souffle viraient à l'erratique. Il déchira ma lèvre au même endroit que la veille, enfiévré. Ses yeux n'étaient plus que ténèbres, des ténèbres partout. Il n'y avait plus que cette nuit sans fin, sans fond qui m'engloutissait. Je voulais qu'il m'appartienne, je voulais qu'il soit là, toujours près de moi, ses lèvres contre les miennes si j'en avais envie demain, ou dans une semaine, un mois, ou cinq ans. J'avais peur qu'il parte. Je ne pourrais pas le supporter. Mes doigts griffaient sa robe de sorcier, toujours, descendaient, pour finalement buter contre les boutons de son vêtement. Je... Je les détachai les uns après les autres en dévorant la bouche de mon professeur de potion.
-Sev... Sev; miaulai-je perdue et perdue et...
Sa robe de sorcier glissa de ses épaules et s'effondra à nos pieds, à ceux du fauteuil aussi. J'enlevai son gilet noir encore plus rapidement. Et il était en chemise blanche. Il n'arrivait pas à se détacher de moi et je ne pouvais pas le contempler comme il fallait. Une de ses mains parcourait mon corps et l'autre restait ancrée à mes cheveux, ne pouvait s'en détacher. Je mordis sa bouche, sa langue revint chercher la mienne et je gémis. Merlin! Supplie, je vous en supplie Severus! Mon coeur explosait! Je sentais son corps et la brûlure de sa peau par-dessus son vêtement. C'était plus fort que moi, je devais la caresser, mes doigts explorer son dos et son torse et ses flancs, tout ce que je pouvais atteindre de lui malgré sa chemise...
Severus n'essayait pas d'enlever ma robe, ou de passer ses mains en-dessous. Il pressait mon corps, l'agrippait, l'enserrait, le caressait durement mais il n'allait pas plus loin. C'était grisant, réconfortant. Je me sentais en sécurité, et embrasée par la chaleur de mon phénix... Petit à petit, nos caresses perdirent de leur violence... Ce fut très, très lent. Nos corps se lovant ensemble l'un contre l'autre, nos bouches en venant à se frôler avec tendresse, l'effleurement de ses doigts contre mes hanches, de ses mèches graisseuses contre ma joue. Je frissonnais en douceur, Rogue grognait de faibles gémissements.
Je me trouvais sur ses genoux à présent, au creux de ses bras, dans cette position si familière et si agréable qui me permettait de l'embrasser tout en caressant ses épaules, son dos, remonter jouer dans ses cheveux. Severus m'apaisait de ses longs doigts fins, traçant de doux cercles par-dessus ma robe, m'entraînant à fermer les yeux de bien-être. Nos baisers devenaient langoureux, plus profonds, bien que ce ne soit parfois que ses lèvres sur les miennes... Nous finîmes front contre front tandis que nos respirations se mêlaient. Le silence nous enveloppa...
-Je vous aime; murmurai-je.
Les mots m'avaient échappé, mais pas la douceur dans les orbes charbon de mon maître des potions. Mes paupières restèrent ouvertes sur un regard océan qui s'apaisa, s'apaisa... Severus ne souriait pas, pourtant il y avait quelque chose dans ses traits, ses yeux, de magnifique. Il était heureux. Son visage en était transformé et lumineux. C'était la première fois que je le voyais ainsi.
Ses caresses avaient cessé pour laisser place à une étreinte possessive.
-Vous mangerez ici; grogna-t-il d'une voix enrouée.
Cela m'arracha un sourire amusé, j'éprouvai la brûlante envie de l'embrasser au coin des lèvres, et c'est ce que je fis, avant de répondre:
-Je vais mettre des miettes partout Severus.
Son regard sombre brûlait, il s'attarda sur ma bouche, remonta percuter le mien.
-Le sortilège Tergeo a bien son utilité; rétorqua-t-il.
Ses longs doigts se resserrèrent sur ma robe et puis il quitta le dossier du fauteuil pour m'embrasser. Je gémis à la violente pression, au souffle qu'il m'arrachait, et puis capitulais. Je n'avais pas la force de quitter ses genoux maintenant.
Bien sûr en mangeant mon pain au chocolat je mis des miettes partout, mais l'ancien Mangemort n'y prêta pas attention, ni à celles de ses deux croissants. Il nettoya à la fin. Ensuite il fit voler sa tasse de café et ma tasse de thé, récupéra sa Gazette du sorcier froissée. Nous hésitâmes quelques instants sur la meilleure manière de nous installer, mais finîmes par tenir le journal d'une main chacun, pouvant siroter nos boissons grâce à l'autre. Ma tête reposait dans le creux de son cou tandis que nous lisions l'actualité du monde sorcier. Rien de très réjouissant.
-Nous avons une heure avant de nous occuper des sisymbres; rappelai-je en marmonnant vers neuf heure quarante.
Severus hocha la tête puis la cala sur le dessus de la mienne et tourna une page. J'étais bien. J'aurais souhaité rester ici pour toujours. J'aurais souhaité ne pas devoir le quitter.
oooooooooooo oOo oooooooooooo
Mon coeur se déchirait. Pourtant je savais que c'était le bon choix, que je devais partir. J'étais restée dans ce cocon protecteur trop longtemps, j'avais oublié la guerre, les pertes, la douleur. C'était indigne. Mes amis avaient besoin de moi.
Je pliai ma robe blanche, deux de mes jeans, pour les ranger dans la sacoche que m'avait donné Severus. J'avais les mains tremblantes au moment où je la refermais, où je la passais sur mon épaule et sortais de notre chambre. Mon maître des potions se tenait dans le salon, rigide, les mains dans le dos et le regard dur fixé sur moi. Je le rejoignis sans un mot, laissai tomber mon sac pour le prendre impulsivement dans mes bras. Je fermai les yeux, serrai très fort. Il ne mit pas longtemps à me rendre mon étreinte, sa main crispée dans mes cheveux et l'autre compressant ma taille contre la sienne. Oh Merlin...
-Je vous promets; prononçai-je d'une voix sourde, que cette guerre va finir. Et je vous promets que nous allons gagner.
-Quelles dangereuses promesses; susurra-t-il avant de relever ma tête vers lui et de cueillir un baiser au coin de mes lèvres.
C'était très doux. Je me laissai faire, me détendis entre ses bras. Severus me fit reculer petit à petit, embrassant doucement, tournant la tête avec moi tandis que nos lèvres se caressaient. Il m'amena jusqu'à son fauteuil et m'y fit asseoir, récupérant mes poignets pour les maintenir dans mon dos. Je n'y prêtais pas vraiment attention... mon regard océan s'embrumait... Et puis j'y sentis une brûlure, je ne pouvais plus les bouger, ni mes chevilles comme si... Rogue continuait ses attentions, s'emparait de mon souffle. Il avait du talent désormais, pour ces choses-là. Ce fut tout mon corps ensuite que je fus incapable de détacher du fauteuil. J'étais immobilisée, ça n'avait rien à voir avec son étreinte, je détournai la tête pour mettre fin au baiser, paniquée! Severus recula de quelques centimètres, ses onyx très calmes m'observant me débattre.
J'étais attachée! Les pieds et les poings liés, le corps maintenu au dossier derrière moi.
-Severus! Appelai-je.
Je ne comprenais pas. Lui s'éloigna sans un mot et me dépassa pour rejoindre le laboratoire. Je me débattis encore, malgré les liens magiques qui se resserraient et imprimaient leur brûlure sur moi. Non! Je ne comprenais pas! Pourquoi? Les mots se condensaient dans ma gorge nouée, des sons étranglés m'échappaient seulement. Je n'arrivais pas à me détacher! Puis Rogue revint, avec dans les mains les deux gourdes que nous avions remplies de Polynectar.
-Pourq...; couinai-je.
Il étai très calme, très sombre mais neutre alors qu'il les rangeait dans un repli de sa cape.
-Je préfère votre haine à votre mort; délivra-t-il pour toute explication.
Que... Le sentiment de trahison déchira mon regard. Il allait m'empêcher de partir pour Gringotts et m'empêcher de combattre durant ce qui devait être la bataille finale. J'avais froid, j'avais mal.
-Je t'en prie; suppliai-je, ne fais pas ça. Severus, je t'en prie.
J'étais contractée par la douleur, tandis que lui toujours droit et implacable pensait faire le bon choix. Un choix qu'il m'arrachait, c'était à moi de décider! La tendresse lissa ses traits l'espace d'un instant, puis il créa une brèche dans les défenses du sous-sol, et transplana.
-Non! Hurlai-je à m'en arracher la gorge.
Non! Non! Des éclairs mortels grésillèrent autour de mon bras droit, la fureur obscurcissait tout! Non! Elle explosa soudain, disloquant mes liens, éventrant mon fauteuil, déchirant les livres et les journaux de partout. Non! Pas lui! Il ne pouvait pas me trahir! Il ne pouvait pas me les enlever! Je ne me contrôlais plus et détruisis tout le salon, la plus grosse partie du sous-sol, aveuglée! Lorsque la douleur fut trop forte, je m'effondrai à genoux sur le parquet carbonisé. Je mis du temps à reprendre mes esprits, un temps que je n'aurais pas dû gaspiller. Harry, Hermione et Ron pouvaient partir de la Chaumière à tout moment, je devais les retrouver avant qu'il ne soit trop tard!
Vacillant, je me relevai. Je me concentrai. J'étais incapable de détruire un sortilège de Fidelitas. Mais je n'avais pas besoin de le faire. Ces défenses et ces barrières laissaient entrer les créatures magiques comme les doxys, les chouettes... Les phénix.
Je fis appel à ma magie, l'essence de ma magie, aux flammes et au brasier qui grondait en moi. J'appelai mon animagus.
Ce fut comme une vague brûlante qui parcourut ma peau, la recouvrant de plumes dorées et rouge feu, un long panache se dessina sur mon front, ma queue balaya le sol et mes serres s'enfoncèrent dans son bois. Mon bec claqua sur une trille primaire... J'étais... moi...
Une plume que je m'arrachai vint reposer devant la cheminée. Elle protégeait son possesseur.
Rogue serait en sécurité.
Mes yeux tout sombre se fermèrent tandis que je déployais mes ailes. Mes amis m'attendaient. Je décollai du sol et toutes mes pensées se tendirent vers eux. Ron. Hermione. Harry...
Je disparus dans une gerbe d'étincelles.
Une couronne de flammes se dessina au-dessus des dunes sablonneuses de la plage, ce fut quelques temps avant que je n'apparaisse. Un appel harmonieux quitta mon bec, déferlant vers les trois sorciers de premier cycle. Ils s'immobilisèrent tous sur le porche de la Chaumière aux coquillages.
Pétrifiés, le sorcier des ténèbres caché dans le sous-bois l'était aussi. Mais je devais me hâter et je devais me retransformer. Je volai, vrillai au milieu des ondes venteuses et mon corps d'humaine me fut restitué. J'étais Khorine de Lumare, ma cape volait derrière moi, je courais de toutes mes forces.
-Fuyez! Maintenant! Hurlai-je.
Les garçons tenaient les gourdes de potion, Hermione son sac de perle.
-Maintenant!
-Khorine! Cria Hermione en retour.
L'instant d'après elle fusait hors de leur abri, ses cheveux broussailleux s'emmêlant au coeur des bourrasques. Ron et Harry foncèrent à sa suite presqu'immédiatement, Severus sortit de sa torpeur. Le premier sortilège crépita au-dessus de la plage. Il me manqua de beaucoup et je redoublai d'efforts. Harry hurla quelque chose, je n'entendais rien. Le second Stupefix siffla à mon oreille. Mes poumons étaient en feu, il n'y avait plus d'air, Hermione n'étaient qu'à quelques pas. Il y eut un troisième maléfice!
-Protego! Prononçai-je le bras droit tremblant.
Mon bouclier nous sauva toutes les deux, l'instant d'après nous nous sautions dans les bras, Harry et Ron nous rejoignaient et nous transplanions très loin d'ici.
