Chapitre 8

Nous nous écrasâmes tous au sol dans la forêt d'enfance de Hermione, celle où nous avions déjà campé et où Harry avait vu apparaître le fantôme d'une biche qui l'avait guidé jusqu'au lac gelé. J'avais comme l'impression de posséder les clefs de cette magie, de pouvoir la comprendre. Mais pour l'instant je ne pensaisr à rien d'autre qu'à nous, eux, enfin!

On parlait tous en même temps, en criant, en essayant de se rassurer, de s'expliquer, de se retrouver! J'étais tellement heureuse d'être auprès d'eux. Longtemps plus tard notre plan était en place, le soleil déclinait à l'horizon et les ombres naissaient autour de nous. Nous bûmes notre Polynectar, Harry se drapa de sa cape d'invisibilité et nous partîmes pour Gringotts. Je savais que Rogue n'essaierait pas de nous arrêter là-bas.

Il ne le fit pas.

L'imposant toît de Gringotts explosa lorsque le dragon que nous avions délivré fonça dessus. Il hurla de souffrance, ses ailes déchirées déployées dans des mouvements désespérés. Hermione, Harry, Ron et moi nous accrochions à ses écailles tant que nous pouvions... mais nous pouvions lâcher... nos ongles ne suffiraient...

Calme, calme toi; mon bras droit crépitait et toute cette énergie m'échappait pour fusionner avec lui. Calme toi, tu ne souffres plus, tu ne souffres plus... Il vacilla dans les airs, faillit plonger dans le Londres sorcier, avant de reprendre ses forces et de s'expulser au-dessus des nuages. Nous tenions bon! La puissance qu'il me fallait pour calmer un gigantesque dragon m'échappait. Hermione me vint en aide, puis Harry et Ron. La créature magique finit par se stabiliser tout à fait, planant, portée par les vents... Je tremblais de fatigue. Lorsque Hermione nous ramena au campement, je m'écroulai sur mon matelas, sus que personne n'était blessé, et puis sombrai dans l'inconscience.

Le lendemain nous envoyions un message à l'Ordre annonçant que nous étions près.

La coupe de Poufsouffle était détruite.

Il ne manquait plus que la réponse de nos alliés pour que la dernière partie de notre plan s'enclenche.

Les garçons étaient partis chercher à manger tandis que Hermione et moi nous reposions aux abords de notre campement, sans cesser de parler, nous ne pouvions plus nous arrêter, surtout Hermione en fait, elle me racontait tout ce qui était arrivé en mon absence, la libération de Luna, les raffleurs, les Malfoy et...

Un bourdonnement... Très discret au départ... Il enflait.

-Et Malfoy nous a pratiquemment laissé partir, il était terrifié; me confia Hermione les yeux ambré plein de compassion. Tu t'imagines devoir vivre avec Lestrange et connaître tous ces mangemorts.

Je grommelai:

-Tu pardonnes trop facilement Mione, ai-je besoin de te rappeler tout ce qu'il t'a fait subir à Poudlard?

Hermione fronça les sourcils et se redressa, comme, pour me réprimander:

-Nous étions des enfants, tous, cela n'a rien à voir avec la guerre.

J'y réfléchis, aveuglée par ma rancoeur, dérangée par le vrombissement qui amplifiait. J'aurais pu finir agacée s'il n'y avait eu le regard lumineux de ma meilleure amie mêlé au mien.

-Bien! Tu as raison! Finis-je par capituler.

Elle m'adressa un gigantesque sourire.

-Après les elfes de maison, elle s'attaque à défendre les droits des Malfoy, on aura tout vu; marmonnai-je avant qu'elle ne s'empare d'un torchon pour me le lancer.

Je n'eus même pas le temps d'éviter et me le pris en pleine tête. Hermione pouffa de rire. L'instant d'après toutes nos protections volaient en éclat.

Je bondis sur mes pieds, balançai le torchon loin de moi pour sortir ma baguette. Le grésillement d'un énorme sortilège résonnait dans toute la forêt, il me vrillait les tympans, mais Hermione n'entendait rien. Elle pointait sa baguette de l'autre côté, dos à moi.

-Qui est là? Lança-t-elle.

Je n'avais senti aucune aura, comment avais-je pu être leurrée de la sorte?! C'était impossible! Le premier sortilège explosa au-dessus d'Hermione, je me retournai aussitôt sans percevoir la moindre présence, assourdie par la magie bruyante.

-M-mione. Je ne sens rien.

-Expelliarmus! Stupefix!

Elle ne touchait que les arbres, aucune trace de nos agresseurs.

-Hominium Revelio!

Je retins mon souffle. Mais il n'y avait qu'une seule boule de lumière, une seule personne, derrière nous. Nous nous retournâmes aussitôt et...

-Protego! Balançai-je juste à temps pour éviter son sort.

Qu'est-ce qui se passait? Je courus, vers l'intrus, prête à le débusquer. Hermione me suivit. Un maléfice violent me fit trébucher, un autre aussitôt après, encore un. Des rafales de magie m'empêchaient d'avancer, nous empêchaient, et on ne le voyait toujours pas!

-Harry! Ron! Appela Hermione avant qu'un sortilège ne fuse vers elle.

Et malgré son Protego elle fut propulsée dans les herbes déssechées. Elle hoquetait au sol, j'étais trop loin pour la protéger. Mais il n'y eut pas de nouveau sort, seulement la disparition d'une ombre près d'un gros chêne, le frémissement des fourrés, j'entendais malgré les sifflements stridents tout autour. Et puis soudain, une longue cape noire se dessina d'entre les troncs, avec un masque d'argent. Mon coeur se glaça. Un mangemort.

Il me fixait.

Le temps s'arrêta. J'avais peur. Hermione. Sa baguette se leva..

-Protego! Balançai-je en direction de ma meilleure amie.

Une barrière surpuissante se forma autour d'elle, et je roulais sur le côté pour éviter le sortilège qui m'était destinée. Magie noire. Hermione... Hermione se relevait. Je connaissais ce sort.

Et puis... Et puis sa voix s'éleva:

-Sectumsempra.

Glacée, tétanisée, soufflée par la puissance du sort qui me fit vaciller. Je trébuchai sur plusieurs pas, les grondements se rapprochaient, je n'avais plus de force.

-Sev; chuchotai-je en tremblant.

Hermione dut jeter un sort, je ne m'en rendis même pas compte, le prochain qui m'était destinée me propulsa dans les airs en plein dans son piège vrombissant d'énergie. J'y fus happée et tout disparu, Hermione, la forêt, les arbres, le campement. Tout. Tout me privait d'air. Je n'arrivais plus à respirer. Et puis je m'écrasai contre le parquet, parquet brulé, du sous-sol, convulsant pour trouver de l'oxygène. Le Mangemort apparut quelques secondes seulement plus tard, son masque méprisable encore sur son visage, sa baguette à la main. L'air m'échappait, ma tête tournait et le sous-sol était flou. Mais je ne restai pas prostrée au sol, j'étais trop fière et je ne pouvais pas, en m'aidant du dossier de son fauteuil je remis sur mes pieds, je poussai pour tenir debout. Souffle erratique. Rogue marchait vers moi. Je ne pus reculer que d'un pas avant qu'il ne m'empoigne fermement la taille, qu'il n'arrache son masque et ne s'empare de ma bouche. Je gémis, plus d'air, je tremblais, j'aurais voulu lui hurler des reproches, hurler qu'il nous avait tous mis en danger, qu'il n'avait aucun droit de me priver de ma liberté, que je ne lui pardonnerai jamais! Mais mes lèvres étaient scellées, mes poumons brûlaient.

Je dus séparer nos bouches avec mes dernières forces puis, la respiration sifflante et désespérée, je sentis ma tête chuter contre son épaule. Mes doigts étaient agrippés à sa cape et je tremblais. Rogue me compressa dans l'étau de ses bras et je serais tombée, mes genoux auraient cédé, sans la force de cette étreinte. Inspiration... Expiration... Inspiration...

Il murmura à mon oreille d'une voix soyeuse et apaisante, son long nez busqué venant se perdre dans mes cheveux. Je fermai des yeux plein de larmes, le coeur réchauffé malgré tout ce qu'il avait fait! Je l'aimais...

-Tu n'avais... aucun droit...

-Chut; susurra-t-il en resserrant sa prise.

-Je ne sais pas... si je te pardonnerai.

Rogue tressaillit à cela, mon regard bleu sombre se déchira, je ne voulais pas qu'il souffre, mais il avait voulu me priver de ma liberté! Il avait voulu m'arracher à mes amis, m'arracher à mes choix!

L'air revenait gonfler mes poumons.

-Je sais; répondit Rogue d'une voix rauque.

Je relevai la tête, nos deux regards embrumés se mêlèrent, le sien empli de ténèbres à l'océan du mien. J'étais dans ses bras, si près de lui, son coeur battait contre mon poing, la chaleur se répandait entre nous et nous enveloppait dans un cocon protecteur.

Severus pencha la tête, juste pour que nos lèvres puissent se retrouver, se caresser. Oh Merlin...

Plusieurs baisers se succédèrent, puis nous finîmes front contre front, nos respirations entremêlées, tout comme ses cheveux graisseux et mes mèches ondulées.

-Quand prévoyez-vous de retourner à Poudlard?

Je fermai les yeux...

-Dès que l'Ordre nous le permettra.

N'essayez pas de m'en empêcher, s'il vous plaît. S'il te plaît Severus...

Il renifla.

-Depuis quand suivez-vous les instructions de l'Ordre? Remarqua-t-il narquois.

-C'est très récent; répliquai-je en essayant de retenir mon petit sourire.

Je n'y réussis pas vraiment alors que le regard de Severus devenait plus lumineux. C'était ainsi qu'il souriait, je trouvais cela magnifique.

-Il faudra que tu me préviennes, aussi tôt que le message vous sera parvenu.

... Je n'étais pas encore assez aveuglée pour ne pas me méfier. J'embrassai la peau cireuse au coin de sa mâchoire.

-Pourquoi faire? Susurrai-je.

-Je m'arrangerai pour prévenir le Seigneur des Ténèbres de votre attaque; me parvint la suite dans un murmure glacial.

Je tressaillis. Je relevai la tête vers lui les yeux écarquillés.

-Non. Non. Non, c'est trop dangereux! Il ne sait même pas que vous êtes encore en vie!

Je m'agrippais à lui, la glace dans ses yeux se brisa presqu'aussitôt, ses longs doigts fins passèrent dans mes cheveux.

-Le Seigneur des Ténèbres n'aura pas besoin de le savoir; me révéla-t-il dans un murmure son coeur tambourinant sous ma paume. Mais il saura que vous marchez sur Poudlard pour le lui reprendre.

-Ne...

-Plus le Seigneur des Ténèbres sera en confiance, plus sa vanité obscurcira son jugement, plus il sera facile de l'atteindre. Pensez à Potter.

Mon regard vacilla ainsi que ma respiration.

-Je pense à vous! C'est trop dangereux!

Ses orbes noirs brûlaient doucement et cette fois le coin de ses lèvres remonta vers le haut.

-Vous avez fait votre choix, à moi de faire le mien.

Nous étions revenus au vouvoiement sans que je m'en sois rendu compte, j'étais terrifiée. La seule manière de le retenir était de l'enfermer à Spinner's End, parce que je savais qu'autrement il irait jusqu'au bout. Dans ses onyx je lisais tout ce qu'il était, tout le courage d'un serpent, Dumbledore avait eu raison. Mon regard gela, le sien de même, nous ne pouvions les détourner.

-Je t'interdis; lâchai-je hachant chaque mot, de mourir. Tu entends? Je t'interdis de mourir.

Il crispa les mâchoires et mon souffle échouait sur ses lèvres, ses doigts se glaçaient.

-Dumbledore m'a laissé tous les documents pour prouver ton innocence, même devant le Mangenmagot tu comprends? Dès que la guerre sera finie, je prouverai au monde sorcier que tu as combattu pour la Lumière. Alors tu n'as pas intérêt à mourir!

...

-... Toi non plus petit phoenix, toi non plus; murmura Severus en me ramenant à lui de ses mains glacées.

Nous échangeâmes encore un baiser, puis un autre, encore un. Dans quelques minutes je devrais retrouver mes amis, leur expliquer, je devrais me séparer de lui. Nous ne savions même pas si nous pouvions survivre à cette dernière bataille. Ses lèvres fondaient sur les miennes. J'avais peur. Nos langues se mêlaient, nos souffles, nos coeurs.

Merlin laissez-nous vivre, je vous en prie, laissez-nous vivre ensemble. Je vous en prie...

FIN