Depuis quelques semaines, la relation entre Drago et moi est la suivante : aux yeux du monde, nous ne sommes que des amis, mais entre nous, nous formons un couple. Cette nuit encore, Drago dort chez moi. Je ne vais jamais au manoir, sauf lorsque Narcissa m'y invite à dîner. Je ne dors pas bien cette nuit, je n'arrête pas de me tourner et de me retourner dans le lit. J'ai même fini par réveiller Drago involontairement.

— « Qu'est-ce qui ne va pas ? », me demande-t-il.

— « Rien, je n'arrive pas à dormir… Je vais aller dans la chambre d'amis, rendors-toi », lui dis-je.

— « May… »

— « D'accord, si je te dis que j'ai un mauvais pressentiment ? J'ai l'impression que quelque chose de grave va arriver et ça m'oppresse… »

— « Allez, viens ici », dit-il en m'attirant contre lui.

Je pose ma tête sur son torse tandis que nos doigts s'entrelacent. Je n'ai jamais osé lui dire que je l'aime, par peur de sa réaction… qu'il me quitte. Je soupire en silence et ferme les yeux pour tenter de trouver le sommeil.

Le lendemain matin, je me réveille rapidement. J'ai toujours cette impression qu'il va se passer quelque chose, mais j'essaie de l'ignorer. Une fois habillée, je me rends à la cuisine pour préparer mon petit-déjeuner. Drago me rejoint. Je sais qu'il ne va pas rester longtemps, il doit rentrer chez lui rapidement pour ne pas éveiller les soupçons. Il m'embrasse, s'écarte puis transplane.

Plus tard, je descends dans la librairie pour ouvrir. En attendant William et son père, je fais un peu de rangement. Nous avons reçu plusieurs exemplaires d'un nouveau roman pour adolescents, et je décide de les mettre en rayon. Le tintement de la cloche retentit et j'entends William m'appeler.

Drago me remet les affaires de son fils pour la journée, et William s'enfuit littéralement à la recherche d'un nouveau livre pour sa sieste.

— « Rien de mal n'arrivera, d'accord ? », déclare Drago. « Allez, à ce soir. »

Il part et je me retrouve seule, face à la porte d'entrée.

Le va-et-vient incessant des clients me fait presque oublier mes appréhensions. Wendy arrive et sa bonne humeur est contagieuse. Même Beth nous rejoint et me raconte ses aventures chez ses parents. Je fais l'impasse sur ma relation avec Drago et préfère dire que tout s'est arrangé entre nous. Pourtant, à force de questions, Beth finit par me faire avouer :

— « C'est assez récent, tu sais. On se fréquente depuis presque deux mois, pas plus… »

— « Deux mois ?! », s'étrangle-t-elle. « Et moi, j'étais où pendant tout ce temps ? Chez mes parents ! », se gronde-t-elle elle-même.

Beth demande à utiliser mes toilettes et je l'accompagne. Elle n'est jamais entrée dans mon appartement. À peine dans les toilettes, je l'entends chuchoter. Je ne devrais pas écouter, mais la curiosité l'emporte.

— « Ça ne va pas… ça ne va pas, ça ne va pas du tout ! Il faut faire quelque chose… Réfléchis, Charlotte, réfléchis ! Tu ne peux pas… »

Je m'éloigne, à reculons, essayant d'être la plus discrète possible. Lorsque j'arrive dans le salon, je m'assois, feignant de l'attendre. Elle me rejoint quelques instants plus tard, affichant un sourire serein. Nous redescendons dans la librairie. D'apparence tranquille, je m'approche de Wendy qui joue avec William.

— « Au fait, je ne t'ai pas dit, j'ai vu Fred hier… Je crois qu'il va falloir le surveiller de près », lui dis-je.

Wendy hoche la tête et me répond sérieusement, entrant parfaitement dans mon jeu :

— « Tu es inquiète pour lui ? »
— « Très. »

Je soupire et retourne à mes activités, faisant mine que tout est normal. En réalité, je viens discrètement de lui faire comprendre de ne jamais laisser William hors de sa vue.

Le reste de la journée s'écoule ni trop vite, ni trop lentement. La présence de Beth — ou plutôt Charlotte — m'angoisse terriblement. Je ne laisse rien paraître, mais une atmosphère étrange s'est installée, et il semble que je sois la seule à la ressentir. J'ai hâte que Drago arrive pour qu'il emmène William loin de tout ça.

L'heure tourne et Drago ne devrait plus tarder. Curieusement, Beth est toujours là. Soudain, elle tape du plat de la main sur le comptoir et se lève de sa chaise haute.

— « Bon, il est temps pour moi de partir », s'écrie-t-elle. « Mais avant ça, je dois vous dire que j'emmène William avec moi. »

Elle s'avance vers moi, tandis que je cherche ma baguette. Wendy est avec William, et je sais qu'elle le protégera coûte que coûte.

— « Et pour une bonne raison : William, ici présent, est mon fils ! »

Je reste bouche bée. J'attrape ma baguette, prête à réagir.

— « Eh oui, très chère, ce petit garçon est à moi. »

William, qui a tout entendu, se précipite vers elle. Je le retiens par la manche, mais il se débat.

— «Laisse-moi! May ! C'est ma maman ! Laisse-moi!»

Il se débat si fort qu'il finit par me glisser des mains. Il court vers elle, et ils transplanent sous mes yeux.

Je suis en état de choc. William a été enlevé sous ma garde. Drago va me tuer, et je l'aurai bien mérité. Wendy tente de me sortir de ma torpeur, mais rien n'y fait. J'ai échoué à protéger William.

Je suis une piètre sorcière et une nounou minable !

Les minutes s'écoulent, je reste figée, incapable de réagir. J'ai peut-être entendu Rex hululer, mais je ne suis plus sûre de rien. Wendy me berce dans ses bras, essayant de me rassurer. Puis, j'entends le tintement de la cloche, et je devine que Drago vient d'arriver. Il se penche vers moi et me relève de force.

— « Qu'est-ce qui s'est passé ?! », s'écrie-t-il. « May ! Regarde-moi ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ?! »
— « Drago, tu vois bien qu'elle n'est pas en état de te répondre ! », s'énerve Wendy. « Tu sais ce qu'il s'est passé ! Laisse-la ! »

Elle essaie de nous séparer, mais Drago me tient trop fort.

— « Je vais le retrouver, mais crois-moi, May, jamais plus tu ne le reverras ! »

Il me lâche, et si Wendy n'avait pas été là, je serais tombée à la renverse. Je me sens vidée, brisée.

Quelques jours plus tard, tout bascule. Comme il l'avait annoncé, Drago a retrouvé William, d'une manière presque trop simple. En rentrant chez lui pour prévenir ses parents, il a été accueilli par son fils... et sa kidnappeuse. Charlotte, ou plutôt LA Charlotte, est bel et bien la mère de William…

Depuis ce coup d'éclat, je ne suis plus que l'ombre de moi-même. On pourrait me comparer à un robot : je me lève, je me lave, je m'habille, je mange, je travaille... et je retourne me coucher.

Mes amis ont tous été mis au courant des derniers événements. J'ai dû leur avouer que j'entretenais une relation, plus ou moins amoureuse, avec Drago. Chacun, à leur manière, m'a fait comprendre qu'ils n'auraient jamais rien fait pour s'opposer à cette idylle. Leur approbation m'a réchauffé le cœur, mais la réalité m'a vite rattrapée : il y a désormais Charlotte. Charlotte, l'amour de sa vie et la mère de son enfant… Elle est de retour et il ne me restait plus qu'à enfoncer un poignard dans mon cœur et à le tourner, juste histoire que ça me fasse encore plus mal.

Heureusement, je peux compter sur mes proches pour me remonter le moral. Ils se relaient tous pour me tenir compagnie. Petit à petit, je reprends du poil de la bête, essayant d'oublier Malefoy et sa maudite belle gueule. Le plus difficile, c'est de m'habituer à l'idée que William ne courra plus d'un bout à l'autre de la librairie pour accueillir les clients.

Beaucoup d'entre eux me demandent pourquoi il n'est plus là, et je peine à expliquer la situation. Alors, je préfère m'en tenir à une demi-vérité : je leur dis que sa mère a repris contact avec lui et qu'ils apprennent à se connaître.

De temps à autre, Narcissa me rend visite. Nous avons gardé contact, et depuis que Charlotte est de retour, nous nous voyons encore plus souvent. Elle ne l'aime pas, et elle ne se gêne pas pour me le faire savoir.

— « Elle m'empêche presque de voir mon fils et mon petit-fils ! », m'a-t-elle confié un jour, exaspérée. « Tu t'imagines qu'elle a demandé à privatiser tout une aile du manoir ? », a-t-elle soupiré. « On ne mange même plus ensemble. Elle fait porter les repas dans sa salle à manger ! Non, mais je rêve ! Madame se croit chez elle ! »

À chaque rencontre, elle se plaint pendant des heures, et chaque fois, elle a une nouvelle histoire à me raconter. Ces moments passés avec Narcissa me réconfortent plus que je ne saurais l'admettre. C'est là que je peux déverser toute ma rancœur envers Charlotte, sans aucune honte ni gêne.