Le lendemain, lorsque Charlotte dépose William à la librairie, l'atmosphère devient froide et pesante. William reste accroché à sa mère, à la regarder comme si elle était Merlin. Elle s'accroupit devant lui, son regard dur, et lui explique qu'il va devoir rester avec moi toute la journée. Visiblement, cela ne lui fait pas plaisir… Le voir mécontent me brise le cœur, mais je garde bonne figure. Charlotte se relève et entraîne William vers moi, me lançant un regard plein de dédain, le visage fermé. Suis-je une menace ? Pourquoi me le confie-t-elle alors ? Je reste silencieuse, attendant qu'elle prenne la parole.

Elle me réexplique rapidement les règles à suivre, puis m'annonce une nouveauté : plus de sieste.

— « Plus de sieste ? », répété-je, hébétée.

— « Oui, plus de sieste ! Il est grand maintenant », insiste-t-elle en se tournant vivement vers William. « Tiens, n'oublie pas ta potion à midi ! », dit-elle à son fils en lui tendant son sac à dos.

— « William est malade ? », m'inquiété-je aussitôt..

— « Rien de grave », répond-elle sèchement, évasive.

Je n'insiste pas, et acquiesce. Mon petit monstre prendra sa potion à midi.

Lorsqu'elle se retourne pour partir, elle ne prend pas la peine de faire un dernier bisous ou câlin à son fils. William la regarde avec des yeux de chien battu, espérant un dernier geste d'affection. Après quelques pas vers la porte, elle se tourne légèrement vers nous, il a encore un éclat d'espoir dans les yeux, mais tout ce qu'elle fait, c'est le regarder avant de demander d'une voix mielleuse :

— « William, tu veux que ce soit Maman ou Papa qui vienne te chercher ? »

Je prie silencieusement pour qu'il choisisse son père, mais William murmure :

— « Maman. »

— « J'essayerai d'être là pour te chercher », lui répond-elle avant de partir pour de bon.

Je reste abasourdie. Comment peut-elle être si détachée alors qu'il l'adore autant ?

Je secoue la tête alors que Wendy entre dans la librairie. Elle est ravie de revoir William, mais lui semble contrarié. D'un geste autoritaire, il me tend son sac et me demande de le garder. J'hésite un instant, puis je le récupère. Sans un mot, William grimpe les escaliers à toute vitesse pour aller chez moi.

— « C'était William, ça ? », me demande Wendy, perplexe.

— « Non, c'était le fils de Charlotte », réponds-je d'un ton amer.

Wendy acquiesce, puis s'approche pour me demander des détails de son arrivée.

— « Une potion, tu dis ? Montre voir ! », dit-elle, visiblement préoccupée. Son inquiétude me contamine, et je tremble légèrement en ouvrant le sac.

Lorsque je trouve la fiole, je la lui tends. Elle observe le liquide à l'intérieur attentivement.

— « Ma chérie, je parierais mes enfants que ça, c'est la clé du mystère… », m'annonce-t-elle avec une lueur de méfiance dans les yeux.

William serait sous l'effet d'une potion?

Durant la matinée, je monte régulièrement voir comment va William, mais à chaque fois, je le trouve simplement assis devant la télévision, immobile, comme figé. Wendy finit par rentrer chez elle, me laissant seule avec cet enfant si méconnaissable…

Je prépare le repas et l'invite à venir manger. Lorsqu'il me dit que c'est bon, je sens mon cœur s'alléger un peu. Peut-être que sa mauvaise humeur s'atténue enfin, et j'ai l'impression qu'il commence à profiter de sa journée avec moi.

Pendant le dessert, je m'aperçois que je n'ai pas donné la potion à William. Je me lève pour aller la chercher et la pose devant William. Il la fixe un moment, l'air hésitant, puis il pose sa cuillère. Il la regarde comme s'il s'agissait d'un poison. Soudain, dans un accès de rage, il frappe violemment la fiole, la faisant éclater en mille morceaux sur le sol. Il fond alors en larmes, inconsolable.

— « C'est pas bon, j'en veux pas, j'en veux plus ! », gémit-il entre ses sanglots.

Mon cœur se brise en mille morceaux. Je m'approche doucement et le prends dans mes bras. Il se laisse bercer, jusqu'à s'endormir.

Je l'emmène dans la chambre d'amis et le couche. Pas de sieste, hein ? Je soupire en sortant. Je nettoie la cuisine avec un sort rapide, avant de redescendre à la librairie pour l'après-midi.

Mon esprit est en ébullition. La potion est définitivement au centre de cette histoire. Pourquoi Charlotte a-t-elle besoin de garder son fils sous contrôle ? Lui qui avait l'air si heureux de retrouver sa maman… Pourquoi Drago la laisse-t-il faire ? Rien de tout cela n'a de sens, mais une chose est certaine : je vais mener mon enquête.

Après sa sieste, William descend me rejoindre dans la boutique. Il me demande un câlin, que je lui offre avec plaisir. Il semble redevenu lui-même, et je suis soulagée. Il commence à me parler de sa nouvelle vie avec sa mère, m'expliquant qu'il prend une potion à chaque repas, mais que celle du matin est la pire. Il tente de m'expliquer les effets de la boisson, que lorsqu'il se réveille, il souhaite voir son père ou ses grands-parents, mais que c'est toujours Charlotte qui arrive en premier dans la chambre, la potion à la main.

Je reste stupéfaite et ses mots résonnent en moi : « On dirait qu'au début, je ne l'aime pas, et qu'après, je n'aime qu'elle… »

Une idée folle traverse alors mon esprit. Je regarde William tout sourire, l'aidant à compter quelques galions posés sur le comptoir près de la caisse. Je dépose un baiser sur le sommet de sa tête, ce qui le surprend.

— « May... Moi je voudrais que ce soit toi ma maman », avoue-t-il doucement.

Je me fais la promesse silencieuse de tout faire pour protéger cet enfant de l'influence toxique de Charlotte Beaufort.

Les jours passent, et cette promesse tourne sans cesse dans ma tête, jusqu'à en devenir une obsession. Assise dans mon salon, en train de boire un énième café, je réalise que l'heure est venue. Il est tard, presque deux heures du matin, mais ce soir, je mets enfin mon plan à exécution. Cela fait des jours que j'y pense... Depuis que j'ai revu William, je n'ai plus qu'une seule idée en tête : je dois découvrir la vérité sur ce que Charlotte lui fait.

Crac ! Grishka, une elfe de maison, apparaît dans mon salon. Elle appartient encore aux Malefoy – enfin, jusqu'à ce qu'Hermione la libère –, et m'est envoyée par Narcissa. Ne pouvant pas parler de mon plan à William au risque qu'il révèle tout sous l'effet de la potion, j'ai envoyé un message discret à Narcissa pour qu'elle m'aide. Grishka me tend sa petite main, que j'attrape. Crac ! Nous transplanons.

Nous atterrissons au manoir Malefoy, mais pas n'importe où. Nous sommes dans l'aile réservée à Drago, Charlotte et William, dans un grenier poussiéreux.

— « Lumos », prononcé-je à voix basse, illuminant la pièce d'une lueur vacillante.

Ce n'est pas un grenier ordinaire : c'est un véritable laboratoire secret ! Grishka avait raison… Elle a espionné Charlotte pour moi durant une semaine, et tout mène à cet endroit. Mon regard se pose immédiatement sur une table encombrée d'ingrédients et d'un chaudron. Il est propre, et semble avoir été récuré récemment.

Mes doigts tremblent légèrement lorsque je récupère des échantillons de chaque ingrédient, les rangeant soigneusement dans mon sac. Tout est préparé ici… Un peu plus loin, se trouve un grand buffet, surmonté d'étagères.

Bingo!

Des potions prêtes à l'emploi, soigneusement disposées dans des fioles alignées sur une étagère, séparées par couleurs, et très certainement selon leurs effets. Connaissant Charlotte, elle a sûrement compté chaque fiole avant d'aller se coucher. Avec l'aide de Grishka, j'utilise une pipette pour prélever un peu de chaque potion, que je transfère dans des fioles vides de ma poche. Chaque mouvement est calculé, précis. Il ne faut laisser aucune trace.

— « Très bien Grishka, on peut y aller », murmuré-je à l'elfe, qui acquiesce d'un petit signe de tête avant de tendre sa main à nouveau.

Crac ! Nous transplanons à nouveau. De retour chez moi, je range les fioles et échantillons dans un placard bien caché, personne n'ira fouiller ici. Je remercie Grishka pour son aide et la laisse repartir. L'adrénaline commence à retomber, alors je décide de prendre une douche pour me détendre. Malheureusement pour moi, l'eau chaude ne parvient pas à calmer mes pensées tourbillonnent sans cesse….

Je finis tout de même pas m'enrouler sous les couvertures et m'effondrer de fatigue. Mes rêves sont étranges et oppressants : des rangées de fioles m'assaillent, s'avançant vers moi comme une armée menaçante.

Je me réveille en sursaut lorsqu'une main me secoue doucement.

— « May ! May, réveille-toi ! »

J'ouvre les yeux, désorientée. Drago est là, penché sur moi.

— « Qu'est-ce qu'il y a ? Où je suis ? »

— « Tu faisais un cauchemar… », m'apprend-il doucement.

Je reprends peu à peu mes esprits en voyant Drago près de moi.

— « Drago ? Qu'est-ce que tu fais ici ? »

Il semble aussi perdu que moi.

— « J'en sais rien, je viens de me réveiller. J'avais soif, et… j'étais à côté de Charlotte… et je ne sais pas, May, je ne comprends pas… »

Il semble paniqué, ses mots sont confus.

— « Je ne sais pas pourquoi Charlotte dort dans mon lit ! »

Je le regarde, une lueur d'inquiétude me traverse. Quelque chose ne va pas, c'est évident.

— « Et qu'est-ce que tu fais dans le mien ? Et comment t'es entré, d'abord ? », éludé-je.

— « Grishka. Je l'ai croisée dans le couloir… Mais pourquoi était-elle réveillée à cette heure ? »

— «Ecoute Drago, je ne sais pas ! Je n'en sais rien ! Tout ce que je sais c'est que tu vas te marier avec Charlotte ! C'est pour ça qu'elle est dans ton lit ! Tu ne crois pas ? », déclaré-je avec douceur.

Mais, il semble sur le point de craquer.

— « Me marier ? Non… May, je ne veux pas épouser Charlotte ! Quelque chose ne va pas ! »

Le voir dans cet état me fait mal, et soudain tout devient limpide : Amortentia. Drago est sous l'emprise d'un filtre d'amour.

Je garde mon calme, ne laissant rien paraître.

— « Tu devrais retourner te coucher, je ne peux rien pour toi… Ça ira mieux demain… », soufflé-je doucement, espérant qu'il me croie.

Soudain, je sens un poids sur moi. Drago s'est assis à califourchon sur mon ventre, ses mains encadrant mon visage.

— « Tu mens », murmure-t-il d'une voix rauque.

— « Non. »

Mon mensonge est presque trop évident.

Une mèche de ses cheveux tombe sur son visage, et je l'enlève machinalement. Sans réfléchir, mes bras s'enroulent autour de son cou et je laisse glisser mes mains dans ses cheveux. Ses lèvres s'approchent des miennes, si près que je peux sentir son souffle. Puis, je reprends mes esprits.

— « Ce n'est pas bien. », murmuré-je péniblement.

Il s'arrête à un cheveu de m'embrasser, puis se lève subitement, appelle Grishka et tous deux disparaissent en transplanant. Je soupire longuement, frustrée et désemparée.