Ce matin, Drago et moi paressons encore au lit. Blottie contre lui, je profite du calme de la pièce. Voilà maintenant huit mois que nous nous fréquentons, et tout se passe bien entre nous. Cependant, j'ai décidé de profiter de cet instant pour aborder un sujet délicat… et je sais d'avance que cela ne va probablement pas lui plaire.
— « Drago, j'ai réfléchi, et je pense que ce serait une bonne idée pour William d'aller dans une école moldue », dis-je en me redressant pour mieux observer sa réaction.
Comme prévu, il soupire profondément.
— « Tu parles déjà comme si tu étais sa mère… », me réplique-t-il.
Sa remarque me blesse, mais je ne laisse rien paraître. Drago me rappelle constamment que je ne suis que la nounou, et cela commence à peser sur moi. Contrairement à lui, William m'a déjà intégrée à sa vie comme un membre de la famille… Mais je ne vais pas lâcher l'affaire aussi facilement.
— « Il a sept ans, il sait lire, écrire, compter, et j'ai l'impression qu'il s'ennuie… », insisté-je.
— « May, j'ai peur qu'il fasse de la magie incontrôlée… », m'avoue-t-il.
Je sens son inquiétude sincère, elle semble dictée par une peur profonde. Pourquoi est-il si angoissé à l'idée que William fasse de la magie incontrôlée ? Ce n'est pas une mauvaise raison, mais je ne la comprends pas totalement.
— « Drago ? », l'appelé-je doucement. « Je n'ai jamais vu William faire de la magie. »
Il écarquille les yeux, visiblement surpris, réalisant qu'il ne l'a jamais vu non plus. Avant qu'il ne puisse répondre, je m'empresse d'ajouter :
— « Cela ne veut rien dire, d'accord ? Pense à Neville, il a développé ses pouvoirs tardivement et c'est aujourd'hui un excellent Auror. »
Mais c'est trop tard. Je vois déjà dans ses yeux qu'il envisage la possibilité que William soit un Cracmol. J'aurais dû me taire… Quelle idiote ! J'essaie de rattraper ma gaffe, lui expliquant qu'Hermione et moi non plus n'avions pas manifesté de magie très tôt, mais Drago a réponse à tout... Il prétend que c'est notre sang moldu qui a ralenti le processus. Je soupire et laisse tomber. À ses yeux, son fils est potentiellement un Cracmol, et il n'y a rien que je puisse dire pour changer ça.
Je me lève et me rends dans la salle de bain pour me doucher. Sous l'eau, je repense à notre discussion. Si William est un Cracmol, qu'est-ce que ça change ? Tant qu'il a son père et ses grands-parents, il sera heureux ! Et puis, être Cracmol n'est pas une tragédie. Les gens qui pensent ainsi sont vraiment étroits d'esprit.
Je sors de la douche et enfile un peignoir. Quand je reviens dans la chambre, Drago est en train de s'habiller. Sans prévenir, je m'approche de lui lui donne une petite tape sur l'épaule. Assez fort pour qu'il perçoive ma colère, mais trop légère pour lui faire mal. Il ne comprend pas, et je le vois faire un effort pour rester impassible.
— « J'arrive pas à croire que tu serais capable de renier ton propre fils parce qu'il est un Cracmol ! Tu devrais avoir honte de toi ! Qu'il soit Cracmol ou non, cela ne change rien au fait qu'il est ton fils ! », l'accusé-je avant de quitter la pièce en lui tournant le dos.
Dans la cuisine, je commence à faire la vaisselle à la main. Cela m'aide à me détendre, et ça me donne une excuse pour avoir les mains occupées. Je suis terriblement déçu par le comportement de Drago et rester sans rien faire m'est impossible, d'autant plus que je suis en congé.
Ma sœur, Wendy, et moi avons récemment embauché une nouvelle employée à la librairie, et elle en est déjà à son troisième mois parmi nous. Anya* est une sorcière très douée, et elle connaît bien le monde moldu grâce à son petit ami, qui est moldu lui-même.
Drago me rejoint dans la cuisine et s'appuie contre le plan de travail. Il me regarde en silence, tandis que je continue de laver les assiettes, faisant semblant de ne pas le voir. Après quelques minutes, il commence à ranger les couverts et les ustensiles. Une fois ma vaisselle terminée, je vide l'évier et quitte la pièce. Il est presque dix heures, et William n'est toujours pas levé… Je me dirige vers sa chambre et entre doucement. Je l'observe un instant, puis m'approche de son lit et caresse ses cheveux.
— « Petit chat, il est temps de se réveiller… », murmuré-je en caressant doucement sa joue.
— « Huum… pas main'enant, maman… », me répond-il à moitié endormi.
Ce n'est pas la première fois qu'il m'appelle maman dans son sommeil, mais c'est bien la première fois qu'il le fait alors que Drago est là. Mon cœur se serre.
— « Mon cœur, c'est May, allez, il faut se lever… », dis-je un peu plus fort.
Cette fois, William ouvre les yeux et s'accroche à mon cou. Je me relève en le portant, ses bras et ses jambes s'enroulent automatiquement autour de moi. Alors que je passe devant Drago, je le toise du coin de l'œil. Il semble visiblement mal à l'aise, peut-être même triste.
De retour dans la cuisine, je dépose William à terre et lui prépare son petit déjeuner. Il se sert lui-même son lait et ses céréales avant de les dévorer. En le regardant, je me rends compte que je n'ai pas encore mangé non plus. Je fais griller quelques tartines et en prépare aussi pour Drago, qui prend place à côté de moi. Nous mangeons en silence.
Je jette un coup d'œil à Drago, et je le vois perdu dans ses pensées, son regard tourné vers William. Il n'est pas simplement préoccupé par la magie, ou même par le fait que William soit peut-être un Cracmol. Non, c'est plus profond… Il a peur ? Peur de perdre son fils ? Je me demande si Drago réalise que William me voit déjà comme une figure maternelle…
Plus tard dans la matinée, je décide d'aller m'habiller. Tandis que je choisis une tenue, Drago entre dans la chambre et referme la porte derrière lui. Je m'attends déjà à ce qu'il commence à me sermonner sur le fait que je ne devrais pas me mêler de ses affaires, ou quelque chose du genre. Je continue de l'ignorer royalement. Il s'assoit sur le lit et m'observe en silence. Peut-être pense-t-il que je vais craquer et parler en premier ? Si seulement il savait !
Cher Drago Malefoy, je te signalerais bien que je me disputais si souvent avec ma soeur et que je suis la championne en titre du « je fais semblant que l'autre n'existe pas», mais… je dois faire semblant que tu n'existes pas!
Je prends tout mon temps pour choisir ma tenue, changeant d'avis plusieurs fois juste pour le plaisir. Finalement, je me décide pour un jean beige et un t-shirt kaki. Je quitte la pièce sans lui adresser un mot et je rejoins William dans le salon. Il est à moitié allongé sur le canapé, son doudou à la main, visiblement en train de retomber dans les bras de Morphée.
— « Tu vas te laver, petit chat ? », lui demandé-je doucement.
Avec un effort considérable, il se lève, va chercher des vêtements et s'enferme dans la salle de bain. Je veille à ce que la porte ne soit pas verrouillée avant de retourner dans le salon. Je suis rapidement rejointe par son père qui prend place dans un fauteuil en face de moi.
Toujours résolue à ignorer Drago, je balaye la pièce du regard, cherchant une occupation. Mon regard se pose sur le doudou de William qu'il a laissé sur le canapé, un lapin en peluche élimé. J'avais déjà remarqué que la peluche était abîmée par endroit, mais je n'avais pas vu ses oreilles et ses bras commençaient à se découdre.
D'un « accio ! », je récupère mon matériel de couture et commence à réparer la peluche, comme mes grands-mères me l'ont appris. L'ouvrage me prend quelques minutes, et quand William revient et je lui tends son doudou réparé.
— « Merci, May ! T'as vu papa, elle a réparé Monsieur Carotte ! », s'exclame-t-il avec enthousiasme.
— « Oui, j'ai vu, il est reparti pour des années », répond Drago en souriant.
William, ravi, court ranger son doudou dans sa chambre afin qu'il « se repose de son opération difficile ». Je souris tendrement en le regardant partir. Drago se racle la gorge pour attirer mon attention.
— « Viens vivre avec nous au manoir. », déclare-t-il sans détour.
Je le fixe, incrédule.
— « Quoi ? »
— « Viens vivre avec nous au manoir », répète-t-il.
Il semble sérieux. Qu'est-ce qu'il lui prend?
— « Je sais ce que tu vas dire : que tu as déjà ton appartement et que William et moi passons beaucoup de temps ici, mais je ne nous vois pas vivre dans ce petit appartement… »
Il marque une pause avant d'ajouter :
— « Surtout si nous voulons d'autres enfants. »
Je reste silencieuse, encore sous le choc. Est-il vraiment en train de me demander ça ? Drago Malfoy, l'homme qui, i peine quelques minutes, doutait encore de la place que j'occupe dans la vie de son fils, me demande maintenant d'emménager chez lui et d'envisager d'avoir des enfants ensemble ?
Je souris, avant d'annoncer :
— « Je préfère te prévenir tout de suite: je ne vendrais pas mon appartement! »
— «Aucun problème. Je vais faire nos bagages et je rapatrie tout au manoir», répond-il, un peu trop précipitamment.
Je l'arrête aussitôt d'un geste de la main.
— «Laissons Monsieur Carotte se reposer encore un peu…», déclaré-je en souriant.
Il rit doucement et se rassoit.
