Chapitre 1 : L'écho du silence
Le bruit métallique du bâton sur les barreaux et les pas du gardien répétant sans cesse les mêmes mots étaient les seuls sons que les prisonniers entendaient quotidiennement. La lumière ne passait que très peu à travers le plafond de la cellule, la plongeant dans une obscurité presque totale. Les prisonniers n'avaient droit qu'à un repas par jour: une sorte de bouillie de poisson mélangée avec de l'eau et d'autres ingrédients non identifiés.
Edmond n'était au Château d'If que depuis quelques mois, mais il lui semblait que des siècles s'étaient écoulés depuis son arrestation. Il ne cessait de penser à sa fiancée la belle Mercédès et au dernier jour qu'ils avaient passé ensemble, avant le mariage. Pas très loin de la demeure des Morcerf, se trouvait un joli petit lac où la famille avait amarré une petite barque. La jolie femme avait beaucoup insisté pour qu'ils fassent un tour sur l'eau. Fou amoureux et prêt à tout pour les beaux yeux de sa dulcinée, Dantès avait immédiatement accepté. Les deux amoureux avaient donc passé la journée à rire, à tenter de pêcher des poissons et à rêver de l'avenir qu'ils allaient construire ensemble.
"Clang."
Un silence pesant suivit. Puis, une voix rauque résonna :
"Vivant ?"
"Vivant," répondit Edmond, se redressant péniblement, à temps pour apercevoir brièvement le geôlier."
Celui-ci disparut aussi vite qu'il était arrivé, laissant le jeune homme seul avec l'écho de ses pas. Le froid de la cellule l'enveloppa de nouveau, lui rappelant qu'il était bien loin de sa vie d'avant. Les souvenirs s'évanouissaient lentement, emportés par l'humidité des murs et la morsure du silence. Il se laissa retomber sur la couchette de pierre, son corps épuisé, son esprit plus encore.
Soudain, sous un ciel noir comme de l'encre, un cri déchira le calme ambiant, aussi fulgurant qu'un éclair illuminant la nuit. Un cri qui vous paralyse, vous glace le sang. Un cri que l'on n'oublie jamais.
Edmond se redressa aussitôt, le cœur battant violemment dans sa poitrine, l'écho du cri résonnant dans son esprit. C'était probablement la voix d'une femme, mais que s'était-il passé ? Les murs de la cellule étaient tellement hauts qu'il était impossible d'apercevoir quoi que ce soit.
« Foutez-la dans sa cellule avant que j'ai envie de la battre une seconde fois ! »
Les mots du gardien résonnèrent comme un coup de tonnerre dans le silence oppressant de la prison. Edmond se tendit, chaque fibre de son être à l'écoute de ce qu'il se passait au-dessus de lui.
« Osez me toucher encore et je vous donnerai un coup de pied bien placé ! » lança-t-elle, le dégoût et la haine transparaissant dans sa voix.
Dans ce lieu de souffrance, où l'espoir semblait avoir fui à jamais, il ne pouvait s'empêcher de se demander qui elle était et ce qu'elle avait subi. Chaque bruit, chaque mouvement, devenait une pièce d'un puzzle qu'il voulait désespérément résoudre. Il ressentait un lien inexplicable envers elle. Peu à peu, les voix s'éloignèrent, devenant de moins en moins audibles, jusqu'à ce que l'ouverture au plafond de la cellule se referme avec un bruit sourd. Le silence s'installa à nouveau dans la prison, comme un voile pesant sur les lieux.
Les mois s'écoulaient, identiques, sans qu'aucun événement ne vienne rompre leur monotonie. Edmond désespérait de plus en plus, se demandant s'il pourrait un jour quitter cet endroit misérable. Il tournait sans cesse en rond, envahi par la haine contre le procureur et ceux qui l'avaient faussement accusé. Les souvenirs de son ancienne vie le torturaient. Le visage de Mercédès flottait sans cesse devant ses yeux, avec ses yeux pétillants de joie, son sourire radieux et ses longs cheveux qui lui semblaient presque irréels dans l'obscurité de la prison. Pour noyer son chagrin et accélérer l'écoulement du temps, Edmond se réfugiait dans le sommeil chaque fois que cela lui était possible.
Un jour, alors qu'il somnolait, Edmond fut tiré de sa torpeur par un bruit inhabituel, comme si quelqu'un déplaçait des pierres. Au début, il n'y prêta guère attention, croyant à une illusion de son esprit fatigué. Mais bientôt, le son devint plus distinct, et il réalisa qu'il provenait de l'autre côté du mur de sa cellule. Intrigué, il se leva d'un bond et aperçut un petit morceau de pierre qui dépassait légèrement du mur. Saisi d'une soudaine excitation, il se précipita vers l'endroit, déterminé à découvrir ce qui se cachait derrière. D'abord, il tenta de dégager la pierre avec ses mains nues. Quand enfin un éclat de roche se détacha et tomba au sol, il le ramassa avec hâte pour l'utiliser comme un outil, grattant fébrilement pour déloger la pierre coincée dans le mur.
Edmond gratta le mur sans relâche. Ses gestes devenaient de plus en plus fébriles à mesure que la pierre semblait enfin céder. Après ce qui lui parut une éternité, elle s'effrita sous ses doigts, laissant apparaître un petit trou. Edmond, le souffle court, approcha son œil pour voir à travers. C'est là qu'il l'aperçut. De l'autre côté, à peine éclairée par un rayon de lumière, se trouvait une jeune femme blonde. Elle était immobile. Son visage était marqué par la fatigue, mais elle semblait étrangement calme dans cette obscurité étouffante.
