À la base, ils devaient se rencontrer dans les toilettes. Puis j'avais pensé à ce que Jehd refuse de vendre les droits de ses livres et annonce qu'il allait se charger lui-même de son adaptation, demandant à Link d'y figurer. Help
J'vous déteste, snif.
Bref, j'avais hésité sur le sens à prendre, mais j'ai décidé de partir sur "vedettes" que "étoiles". Et le thème précédent "Batman n'aimerait pas ça" a finalement été supprimé. Year of the OTP, à l'origine, est pour le fandom Batman et je ne parvenais vraiment pas à écrire dessus. Du coup, j'ai refais mes comptes et nous passons de 71 textes à 69, et je pense que je ne changerai pas d'ici la fin ( ノ ゚ー゚)ノ
Bonne lecture !
Il n'y avait rien de pire que ces sempiternelles remises de prix. Tout le monde savait qui avait déjà gagné, les discours se ressemblaient tous, et qu'est-ce qu'on était mal assis alors !
Déjà démoralisé à cette perspective, Link prit tout son temps pour se laver les mains.
Se cacher dans les toilettes pour hommes n'avait rien d'élégant, mais il fallait avoir pitié de lui. Jouer les coqs plein aux as n'était pas son genre.
À la base, il était un garçon simple. Il avait grandi avec l'idée de reprendre la ferme familiale, peut-être d'ajouter quelques nouvelles têtes à leur troupeau, de semer de nouvelles graines dans leurs champs, bref, de faire prospérer l'héritage.
Mais il était aussi un adolescent débordant d'énergie et aussi solidement charpenté que n'importe quel héritier d'agriculteur, et l'équipe de leur lycée avait récolté un certain nombre de médailles et de coupes. Suffisamment, en tout cas, pour attirer l'attention de plusieurs coachs de grandes écoles qui ont tenté de les recruter avec de nombreuses promesses.
Certaines furent tenues, d'autres n'étaient que de la poudre aux yeux.
Et, comme toute étoile montante du sport, une bête blessure l'avait éjecté hors des terrains, hors de la grande école et de ses nouveaux rêves, hors de la superbe bourse promise.
Et même, une fois de nouveau remis sur pieds, ses rêves d'enfant de reprendre la ferme familiale se trouvèrent hors de sa portée, sa blessure rendant l'activité agricole compromise.
Heureusement, la reconversion était loin d'être impossible et il s'était fait suffisamment d'amis et de connaissance durant ses études (qu'il était parvenu à finaliser, même sans bourse et sans sa majeure en sport.
Et le voilà, à fuir les caméras et appareils photos intrusifs, des questions stupides et les potentielles mains baladeuses, en se cachant dans des toilettes.
À force, il pourrait sortir un guide sur les meilleures toilettes de chacun de ces lieux…
S'il continuait de frotter, il allait sortir les mains en sang, il dut donc s'arrêter. Mais il ne voulait pas pour autant quitter son abri, alors il resta là, à se fixer dans le large miroir, ouvrant et fermant les mains sur la porcelaine, tentant de garder une respiration calme et de ne pas céder à la panique.
Il n'allait pas pouvoir rester là indéfiniment, il devait sortir. Et, si possible, avant que son agent ou l'une des célébrités avec lesquelles il partageait la tête d'affiche ne décide de le sortir de là par la peau du cou.
Régnant sur ses nerfs, il prit une dernière profonde inspiration et fourra ses mains encore légèrement humides dans ses cheveux, mettant à mal la coiffure sophistiquée sur laquelle s'était épuisé son coiffeur. Il aura sa peau, lui aussi…
Tout juste convaincu, il se redressa, ses os craquant légèrement, avant qu'il n'attrape la poignée de la porte et n'aille rejoindre la masse de célébrités, tentant de se faire le plus discret possible.
Mais, non seulement il n'avait jamais vraiment été bon pour ça – le malheur quand vous étiez pourvu d'un physique absolument pas passe-partout, et plus encore quand il correspondait aux standards de la beauté masculine actuelle – mais en plus, le dernier film dans lequel il apparaissait avait eu énormément de succès, attirant une attention dont il se passerait bien.
Le résultat fut donc bien loin de ses attentes et il rejoignit l'équipe du film avec difficulté, son sourire devenu tellement automatique qu'il n'avait plus rien de naturel. Une actrice lui colla d'ailleurs un coup de coude dans le ventre pour le lui arracher, ce qu'il fit aussitôt, remuant les mâchoires afin d'ôter la sensation douloureuse qui s'y trouvait.
Ils ne pouvaient pas encore s'asseoir, des photos d'eux tous étant réclamés. Pour le coup, Link s'en voulut de s'être planqué, surtout aussi longtemps. S'il ne l'avait pas fait, ils auraient tous pu prendre place dans ces affreuses chaises, bien plus tôt.
Personne ne le lui reprocha, mais ça ne signifiait pas pour autant qu'ils ne le pensaient pas. Juste qu'ils étaient trop polis pour l'exprimer à voix haute.
Un soulagement commun les traversa quand ils purent enfin prendre leurs places et que la cérémonie commença.
Comme prévu, le dossier était trop raide, le coussin pas assez épais, son costume était trop étroit, et s'il se trémoussait encore une fois d'inconfort, Iria allait lui transpercer le pied de son talon aiguille.
Appelez SOS Acteurs maltraités.
La soirée débuta, un silence relatif se mettant en place. Les discours s'enchaînaient, les récompenses aussi.
Link sentait sa tête osciller, mais aussi les ongles pointus d'Iria qui les lui enfonçait périodiquement dans la main.
La première fois, il s'était tourné vers elle, une plainte aux lèvres, mais elle le prit de cours en lui offrant un sourire appuyé qui lui fila froid dans le dos, le convainquant de se taire et d'endurer.
Il n'était pas difficile de comprendre pourquoi il devait subir ça, tout comme les regards furtifs un peu tout autour de lui.
Lors d'une des premières remises de prix, au début de sa carrière, il s'était fait remarquer en dormant comme une masse, bouche ouverte et ronflements bruyants, alors qu'il avait été appelé à plusieurs reprises sur scène. On évoquait encore maintenant cette honte magistrale pour le taquiner et il avait dû présenter ses plus plates excuses à la télévision pendant tout le mois suivant.
Certains auraient vu leurs carrières se faire enterrer pour l'occasion, mais cette fois la chance était avec lui et il fut pardonné.
Mais le pardon n'était pas l'oubli.
Et, depuis, il était surveillé comme le lait sur le feu.
Si jamais une biographie était un jour écrite sur lui, nul doute que ça fasse partie des anecdotes. Ça pourrait même en être le titre !
Forcé, donc, de garder toute son attention sur la scène illuminée, se mordant la langue régulièrement afin de ne pas bailler malgré l'ennui de la situation.
Pourquoi ne pouvait-il pas tomber malade pour ce genre d'occasion ? C'est vrai ça, on l'oubliait souvent, mais eux aussi étaient des humains, ça leur arrivait de manger des trucs pas frais, de côtoyer une personne malade et de récupérer force virus et bactéries. Ils n'étaient pas des dieux ou allez savoir quoi !
Ou bien, sa petite sœur avait raison, et les idiots n'étaient jamais malades.
Ses pensées allaient un peu dans tous les sens alors que les mots n'entraient même plus dans ses oreilles, la sensation des ongles d'Iria n'étant plus qu'une vague information traitée par son cerveau.
Hé, il avait eu à affronter l'équipe Goron de la Montagne de la Mort sur le terrain, sans parler de toutes les cascades dont il était parvenu à obtenir l'accord de réaliser par lui-même, ce n'était pas sa manucure qui allait le faire rouler par terre de douleur, merci bien !
Mais tout cela disparut, s'estompant en un vague brouillard mental, quand un nom bien particulier fut appelé.
Le Dr Jehd Butler ? Le vrai ? Celui auquel je pense ? Non, ça devait être un homonyme… il a certainement mieux à faire…
Mais, alors que Link torturait ses pauvres neurones pour ne pas exciter son pauvre cœur à cette possibilité, l'interpelé foula à son tour la scène et le doute n'était plus permis.
Si, là encore, les oreilles de Link ne captait pas un mot prononcé dans les micros, ce n'était plus par ennui mais bien parce qu'il était hypnotisé par celui qui le tenait (bon, il y avait aussi une jeune débutante à ses côtés, sans doute plus pour son physique que par son humour, hélas), ses yeux le scrutant avec attention.
Aussi impeccable que toujours, à l'exception de cette mèche rebelle qui rebiquait sur son front malgré tous les efforts possibles, le maquillage mettait en valeur ses traits, complimentant la teinte légèrement orangée de sa peau, son costume crème soulignant les contours de son corps à la musculature sèche, les spots créaient des reflets chauds dans sa chevelure rousse…
Ils n'avaient que deux ans de différence, et pourtant Link se sentait comme un ado, en comparaison, en particulier quand il se sentait tout chaud, l'estomac rempli de papillons et les genoux faibles, comme maintenant.
Il l'avait découvert par hasard, par son petit frère qui avait toujours le nez fourré dans un livre, bien avant qu'il ne décroche des résultats toujours plus brillants au point d'obtenir lui aussi une bourse et de partir pour une université de l'autre côté du pays, à la capitale.
Il était allé le saluer dans sa chambre alors qu'il y était alité, suite à une mauvaise grippe, et l'avait retrouvé devant la télé. Colin l'avait regardé, comme une biche face à un camion, la télécommande à la main. Link l'avait taquiné mais avait rapidement promis de ne rien dire à leurs parents. Pour le remercier, il avait raconté tout ce qu'il savait dans une longue tirade au travers de laquelle il oublia souvent de reprendre son souffle, ce qui avait beaucoup amusé son frère qui l'avait laissé faire.
Il ne comprenait pas un broc de ce qu'il lui racontait, mais le voir si enthousiaste malgré son air maladif était adorable et le faisait sourire.
Puis l'émission montra enfin un visage, celui d'un hylien d'environ son âge mais à l'air aussi sérieux que celui d'un adulte. Le crush avait été aussi dévastateur qu'évident.
Il avait alors suivi sa vie, de loin, bien aidé par Colin qui pensait alors qu'ils partageaient simplement le même intérêt pour l'Histoire méconnue d'Hyrule, ce qu'il s'assura ne jamais détromper.
Link avait alors dévoré des revues d'Histoire et d'archéologies, s'était assis à des conférences aussi sombres que soporifiques et avait roulé sur des kilomètres pour obtenir chaque publication. Et, évidemment, son cadet était toujours de la partie, autant pour lui servir de justification que pour l'aider à comprendre certains sujets obscurs.
Par associations d'idées, Link sourit en repensant à son frère. Il avait récemment lui-même publié quelques articles et allait bientôt finaliser son manuscrit. Il le lui avait envoyé en avant-première, étant sans doute le seul de la famille capable de comprendre un tantinet ce dont il était traité. Mais il ne s'était pas attendu à ce qu'il le remercie pour son soutien toutes ces années, alors qu'il n'avait fait tout ça que pour satisfaire une amourette aussi égoïste que stupide.
Il revint à la réalité alors qu'Iria et Midona l'attrapaient par les coudes, le forçant à se lever. Il les suivit alors qu'ils quittaient la rangée, attendant qu'ils s'amassent en bas de la scène pour les interroger :
— Mais qu'est-ce qu'on fout là ?
— Sérieusement Link, la prochaine fois, casse-toi une jambe, chope la malaria, je ne sais pas, mais arrête de venir aux cérémonies si c'est pour faire uniquement acte de présence physique.
La belle apparence de Midona cachait un caractère affirmé et une langue des plus virulentes. Ce n'était pas si surprenant qu'elle s'épanouisse dans des rôles de femmes fatales et indépendantes, c'était tout à fait elle.
— Nous avons été récompensée ! lui chuchota Iria, excitée.
La première à monter sur scène, elle eut bien du mal à se retenir de courir jusqu'aux pupitres où se trouvaient les fameuses statuettes.
Les applaudissements étaient si bruyants que Link se morigéna pour ne pas les avoir entendus plus tôt, c'était évident que c'était pour cette raison seule qu'ils se trouvaient tous les trois là !
Malheureusement, le monde était mal fait, et si le Dr Jehd tendit les récompenses et félicita les deux actrices, lui dut se contenter de Hannah qui tenta de le prendre dans ses bras, ce qu'il parvint à éviter de peu.
Le sourire un peu figé, il rejoignit ses collègues pour faire face à la salle, tendant les bras pour leur montrer une énième représentation de la déesse Din. Qui était de moins en moins reconnaissable, d'ailleurs, c'en était blasphématoire.
Heureusement qu'il n'était pas tout seul, Iria et Midona se chargeant du relationnel bien mieux que lui, alors que la partie discours et petites plaisanteries se réalisaient. Mais, bien sûr, on n'allait pas le laisser complètement s'en tirer !
— Et vous, M. Ordon ? Êtes-vous satisfait de cette récompense ?
Si ç'avait été Hannah qui lui aurait tendu le micro, nul doute qu'il aurait été capable de débiter le texte rasoir qu'il avait préparé pour l'occasion, mais ce n'était pas la jeune actrice, hélas.
Leurs regards s'étaient enfin accrochés l'un à l'autre et plus rien n'existait pour Link en cet instant. Juste lui, et cet hylien remarquable, l'un des historiens les plus respectés malgré son jeune âge et sans doute la raison principale pour laquelle il avait accepté de devenir acteur, espérant pouvoir le croiser au détour d'une scène, les quelques fois où il participait en tant que consultant ou tout simplement en tant qu'acteur lui-même.
Et ce fut ainsi que Link, étoile montante du cinéma, marqua une nouvelle fois sa carrière lors d'une cérémonie de remises de récompenses.
— Je peux vous inviter à dîner ?
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