Et boum ! Le chapitre 11 !
Bonne lecture !
NB : pour ce chapitre, j'ai écouté "Fortunate Son" de Creedence Clearwater Revival (le groupe de rock dont tu te souviens le moins du nom) car je trouve qu'elle colle plutôt bien à la première moitié du chapitre
1 mois plus tard, quelque part dans le Royaume d'Asgard
Le ciel était gris et les nuages lourds de flocons de neige. La mer quant à elle s'échouait sur les galets gris de la plage sur laquelle ils se trouvaient.
- Bon, techniquement, selon Saor, le monstre marin devrait être là d'une minute à l'autre, dit Shun, la tête tournée vers l'étendue maritime.
- Bientôt, à nous d'entrer sur scène ! fit Eliotis en étirant ses bras et en secouant ses pattes de bouc.
Shun fit une moue dubitative quant à l'issue de ce combat.
- Saor ? demanda Shura, les sourcils froncés en direction de la mer
- Oui ?
- Est ce que tu penses pouvoir rentrer en contact avec le monstre? Vu que c'est une créature marine, peut être qu'il faut juste l'apaiser ? demanda Shura
- J'aurai bien aimé figure-toi mais visiblement c'est hors de mon domaine de compétence. Je n'étais pas né lorsque ces créatures grouillaient sur terre !
- Vieux comme tu es c'est dire à quel point ce monstre appartient aux temps mythologiques, remarqua Esther d'un ton espiègle.
- Chut toi ! Répliqua la naïade
Shura regarda sa sœur du coin de l'œil et retint lui aussi un rire .
- Shun, on met nos armures ? demanda-t-il finalement.
- De suite !
Dans un grand éclat doré, les urnes explosèrent et les différentes parties des armures volèrent en éclat pour ensuite se déposer sur les deux chevaliers. L'armure d'Andromède n'était plus rose. À l'inverse, la couleur lila avait pris le dessus sur l'ensemble de l'armure. Mais ce qui frappa le plus était les chaînes. Elles étaient rouges. Aussi rouges que le vin et le sang réunis. L'armure du Capricorne, quant à elle, avait pris une couleur violet foncé qui virait au doré à certains endroits. Si au départ, Shura avait frémit car cela lui rappelait sa Cloth de renégat lors de la bataille contre Hadès, il avait quand même fini par voir que la couleur était différente. Elle ne faisait pas penser aux ténèbres et à l'enfer mais plutôt à la vigne et à la Nature.
- On est prêt ! fit Shunrei en ancrant les pieds au sol, comme pour prévenir que ce serait les pics rocheux qu'elle utiliserait pour cet mission
Shun la regarda, surpris.
- Attends, tu vas l'attaquer avec les pics ?
- On va bientôt combattre une réplique de monstre mythologique et tu penses que je vais utiliser mes lianes ?
- Je t'avais dis qu'on l'immobilisera tous les deux, toi avec tes lianes et moi avec mes chaînes mais visiblement ce sera les pics pour toi. Merci de me le faire savoir que maintenant, répondit Shun d'un ton sec.
- Shun, dé…
- Héhé le petit chef s'énerve ! s'exclama le faune.
- Eliotis, ne m'appelle pas petit chef. Ou même chef. S'il te plaît, répliqua Shun fermement.
J'ai déjà dû mal avec le fait que Dionysos m'ait désigné comme leader de l'équipe, n'en rajoute pas une couche, marmonna-t-il dans sa barbe.
Il regarda de nouveau la mer et prit une inspiration.
- Bon, il ne devrait pas tarder… Cilia ? Où est Cilia ? demanda-t-il, sentant la panique monter en lui.
- Bah iel où ? dit Eliotis en levant la tête.
- Oh mais c'est pas vrai… Cilia ? CILIA ?!
Tous les autres membres de l'équipe se mirent à scander le nom de la sylphe quand ils virent apparaître la fameuse nymphe au bout de la plage. Nymphe qui baillait à s'en décrocher la mâchoire. Cette fois-ci, Shun vit rouge.
Et il ne vit pas la mer s'ouvrir en deux dans son dos.
- CILIA ! Mais qu'est-ce que tu foutais ?
- Ah c'est aujourd'hui la baston ? demanda-t-iel encore dans les bras de Morphée
- Mais oui ! Tu crois quoi ?! Que…
- Euh… Shun ? fit Shunrei quand elle vit arriver avec les autres l'imposante créature tentaculaire qui fonça vers eux.
- Et en plus ! T'as ton baladeur ?! continua Shun, complètement absorbé par sa colère.
- Bah oui, pour écouter de la musique ?
- Mais je m'en fiche de ta musique ! Qu'est ce que tu… AAAAAAAH
Il eut à peine le temps de continuer que la créature venait d'atterrir sur la plage et de l'embarquer dans une de ses tentacules visqueuses.
- Bon on l'abat ! cria Shunrei
- Attendez ! Maintenez vos positions ! tenta Shun alors qu'il était dans les airs.
Mais cette tentative de rappel à l'ordre vu aussi efficace qu'un antibiotique contre une bactérie qui avait développé des résistances. Les positions ne furent pas maintenues, chacun utilisant ses techniques et oubliant complément ce qu'ils devaient faire à la base.
Shunrei se rendit compte que les pics étaient certes efficaces mais que des lianes auraient aussi été pas mal. Quand elle voulut tenter le plan original de Shun, ce dernier ressortait tout juste de son rollercoaster tentaculaire et eut du mal à activer les nouvelles fonctionnalités de ses chaînes. Alors, en essayant de se coordonner avec les lianes de Shunrei, il lança ses attaques classiques. L'upgrade sera pour plus tard.
Shura, n'ayant plus pour le moment Excalibur, tenta lui aussi d'attaquer avec seulement la force de son cosmos. Une tentacule vint le plaquer violemment contre les galets et il fut sauvé in extremis par sa sœur qui brûla jusqu'au 3ème degré la créature qui hurla de douleur, ce qui ne fit que redoubler sa colère.
Saor parvenait toutefois à bien comprendre comment le monstre fonctionnait. Mais tout seul, c'était difficile de l'abattre.
Eliotis fonça tête baissée et se retrouva dans la gueule du monstre (qu'il finit par éventrer).
Et Cilia écoutait la musique de son baladeur, se foutant complètement du monde extérieur.
OoOo
C'était une catastrophe… pensa Shun, assis à même le sol et couvert du sang vert de la créature. C'était le même problème, encore et toujours : s'ils parvenaient tous à s'en sortir individuellement lors de ces missions, ils peinaient à fonctionner ensemble. Et cela courait rapidement au chaos.
- On s'en est pas si mal sorti, tenta Shunrei avec un doux sourire pour lui remonter le moral.
Andromède la pointa du doigt en pinçant les lèvres
- Tu avais une tâche à faire. Juste UNE.
Shunrei parut embêtée. Et elle l'était.
- Oui c'est vrai… Après je l'ai utilisé à la fin…
- À la fin oui. Juste à la fin ! Tu n'as fait qu'à ta tête ! Comme d'habitude ! cria-t-il, un peu hors de lui.
Puis il détourna l'attention, conscient que s'il continuait, il allait dire des mots qui échapperaient le cours de ses pensées. Et il ne voulait pas être méchant. Le fait de voir Cilia bailler l'énerva mais il ne dit rien. Il avait vraiment besoin de se détendre ce soir. Pas sûr qu'il irait à la fête organisée par la ville en leur honneur.
OoOo
Andromède reposa sa tête contre le mur en bois et soupira. La chaleur du sauna lui faisait un bien fou. Dans cette humidité chaude quasi asphyxiante, il repensa à ses derniers mois. La première chose auquel il pensa fut son statut de leader de cette nouvelle équipe composé de ménades et d'anciens chevaliers. Leur but était très simple : accompagner Dionysos dans ses voyages pour asseoir son culte un peu partout dans le monde ou dans des royaumes dans lesquels il n'était jamais allé. Sur le papier c'était un beau projet. Mais en réalité… Qu'est-ce qu'il se sentait nul en tant que leader !
Il avait bien tenté dès le départ de se remémorer comment Seiya fonctionnait, lui qui avait la capacité à motiver les troupes, ainsi que Shiryu et son esprit stratégique. Mais il échouait lamentablement. Il avait beau donner les ordres, aucun membre de l'équipe ne parvenait à se suivre. Chacun avait son caractère, sa méthode de combat ainsi que ses limites. D'ailleurs, il était inquiet pour le chevalier du Capricorne : comme il n'avait pas retrouvé l'usage d'Excalibur, dire qu'il ne galérait pas était un euphémisme !
Il soupira pour la énième fois de la journée et décida de sortir du sauna avant de mourir déshydraté. Il enfila son jean et son t-shirt dans la petite cabine en bois et se dirigea vers l'extérieur. Le froid le surprit et il dû se hâter vers l'une des plus importantes tavernes de la ville. À l'intérieur, l'alcool coulait à flot. Pratiquement tous les habitants de la ville, à l'exception des enfants, se trouvaient là-dedans. Le chaos et la joie étaient maîtres : tout le monde chantait, dansait et riait.
- Gloire aux ménades de Dionysos ! hurla l'aubergiste.
Il se dirigea vers le comptoir. En chemin, il vit son groupe autour d'une table. Il aurait bien aimé les rejoindre car il est vrai que ses nouveaux compagnons n'étaient absolument pas désagréables. Bien au contraire : Saor avait de la conversation ; Shunrei était toujours enjouée ; Cilia, bien que souvent dans la lune, était très drôle ; et Esther était au demeurant très sympathique même si ce n'était pas la première chose que l'on disait d'elle quand on la voyait. Comme son frère d'ailleurs. En parlant du loup, il vit Shura arriver à la table avec plusieurs verres à destination du groupe qui l'accueillirent comme le Messie. Il eut un léger sourire en voyant le Capricorne : bien qu'il restait souvent en retrait et qu'il affichait constamment un air froid et arrogant, Shun avait noté une certaine volonté chez lui de s'intégrer malgré leurs différences. La présence de sa sœur jumelle devait aider à cela.
- Je te sers quelque chose à boire ?
Celui qui venait de lui adresser la parole, c'était Eliotis, un sourire taquin sur son visage. C'est sur qu'il devait bien rire en voyant tous les jours Shun échouer lamentablement dans sa mission. Une sorte de petite vengeance personnelle en somme.
- Je veux bien un whisky s'il te plait, dit Shun en se tenant la tête.
- Ah ! Voici mon tout jeune chef ! Comment va ? fit la voix forte de Dionysos alors qu'il s'asseyait près de Shun.
Malgré le fait qu'il avait une tenue haute en couleur et une voix forte, paradoxalement… personne à part Shun ne le voyait. Dès qu'il le vit, le chevalier rappela Eliotis :
- Un double whisky s'il te plait…
- Oh mais je vois que t'as besoin d'une forte dose ! continua le dieu du vin avec, comme convenu, un verre de cette boisson à la main. Bon alors, comment ça se passe les missions ?
- Ben vous le voyez bien ? C'est une catastrophe…
- Roh tu exagères ! Ce n'est que le début, c'est normal de cafouiller.
- Ça fait un mois.
- Chaque chose en son temps. Allez ! Santé ! s'exclama Dionysos quand il vit qu'Eliotis avait servi Shun.
Andromède fit une moue puis claqua son verre contre celui du dieu. Il commença à boire plusieurs grandes gorgées, sans savoir qu'il était observé du coin de l'œil par Dionysos. Quand il laissa retomber son verre, ce dernier était déjà à moitié fini.
- Tu bois pour oublier non ? susurra Dionysos.
- Hein ?
- Tu bois pour oublier, pour éprouver cette sensation de bien-être brumeux dans lequel l'alcool peut te plonger, je me trompe ?
- Euh… oui ?
- Pourquoi ?
- Pourquoi quoi ? Tout le monde fait ça non ?
- Non justement, c'est là où tu fais erreur, dit Dionysos de ce ton calme et posé qui induit le respect et l'écoute immédiate chez son interlocuteur.
Il reposa son verre de vin et regarda le reste de l'auberge.
- Vois-tu, l'alcool a toujours eu mauvaise réputation : il trompe les hommes, les égare, les rend violents et exécrables, et dans certains cas devient une drogue. Sans cette dose, ils perdent pied et ont besoin d'elle pour oublier et s'envelopper dans ce linceul de soie. Quitte à en crever.
Shun l'écoutait attentivement, le cœur serré.
- Mais le problème ne vient pas forcément de l'alcool.
- Comment ça ?
- Il vient de la manière dont les hommes l'utilisent.
- Ça revient au même non ?
- Pas du tout, répondit Dionysos dans un sourire. Vois-tu, quand j'étais demi-dieu, j'avais cette particularité d'avoir une partie divine et une partie humaine. Cette dernière me rappelait sans cesse la brièveté de la vie, sa fugacité. Et je ne pouvais que comprendre l'angoisse des hommes face à ce destin implacable, que rien au monde ne peut changer car c'est ainsi. J'ai alors mieux compris le rôle que pouvait jouer l'alcool.
- Pour oublier la peur de la mort ?
- Non. Pour célébrer la vie. L'alcool a ce don fabuleux de pouvoir exalter les sens. L'ivresse qui en découle rend joyeux et donne envie de se rouler dans l'herbe, de rire, de chanter. Il permet de retourner à l'essentiel. Alors, bien sûr, il y a d'autres moyens pour la célébrer. On peut très bien rire et danser sans alcool. De plus,il peut vite se transformer en démon si on ne se modère pas. Mais si on atteint le juste milieu, si on sait qui on est, si on sait quelles sont nos limites, alors l'alcool reste un moyen pour nous rappeler que l'on est en vie. Et que cette dernière coule dans nos veines. Comme le vin qui circule dans le sol de la terre.
Il conclut en paralysant Shun sur place avec son regard aussi beau qu'une myriade d'émeraudes.
- Les hommes qui utilisent l'alcool pour s'oublier… sont généralement ceux qui se connaissent le moins. Qui ne s'aiment pas. Et qui veulent s'oublier eux-mêmes.
Puis, il se leva d'une grâce féline et se retourna vers Shun.
- Je t'ai bien observé durant ses missions. Tu n'es pas toi. Tu veux imiter les autres car tu considères qu'eux sont dignes. C'est ça qui te pénalise et qui te ronge.
Et il disparut dans la foule. Shun se retourna vers son verre, légèrement abasourdi par ce qu'il venait d'apprendre, puis porta le whisky à ses lèvres. Il eut une grimace de dégoût : depuis quand un whisky avait un goût aussi infect ? Il reposa le verre et se rendit compte que le comptoir au niveau de ses bras était légèrement trempé : des gouttes d'eau tombaient. Il mit les mains sur ses joues et se rendit compte qu'il pleurait. Il eut aussi la sensation d'étouffer.
- Ça va Shun ? demanda Eliotis, l'air soucieux cette fois-ci.
Mais le chevalier ne pouvait plus répondre. Il se leva prestement et partit en courant de l'auberge.
OoOo
Le Capricorne était en train de fumer à l'extérieur. Une vilaine tare qu'il avait acquis vers ses 18 ans. Comme quoi, il était loin d'être parfait, même à l'époque. Shunrei lui avait offert un jean et un t shirt blanc car selon ses dires sa « tunique moyen ageuse d'entraînement » faisait pitié. Esther l'avait rejoint pour fumer aussi quant à elle fumait. Aucun des deux ne disait mot pour le moment.
- Je n'aurais jamais pensé que tu puisses continuer à danser, finit-il par dire en espagnol alors qu'il s'appuyait contre le mur.
Esther sourit en entendant leur langue maternelle puis fuma de nouveau.
- J'ai toujours aimé ça.
- J'aurais pensé que tu te forçais un peu vu que Papa nous demandait de faire ça pour les spectacles de rue.
- Tu te forçais toi pour la guitare ?
- Hm… Un peu…
- Ce n'était pas la guitare qui te posait problème non ?
Non…voulut lui répondre Shura. C'était les gens, le regard des gens chargé de mépris envers nous.
- Toi tu as continué de montrer que tu étais gitane ? Changea t il de sujet
- Oui, je n'avais pas de raisons de le cacher. Dionysos m'y a encouragé. J'ai eu la chance de pouvoir continuer à danser, à explorer toutes les manières de bouger mon corps. La maîtrise du feu m'y a aidé.
- C'est une catharsie ?
- Entre autres.
Shura ne répondit rien et se contenta de regarder le ciel en croisant les bras. Après leur chaleureuse étreinte il y a un mois lorsqu'il était sorti du coma, il ne s'attendait pas à ce que l'ambiance devienne un peu plus froide. Il avait beau essayer de la retrouver et de discuter avec elle, c'était… pas comme avant. Comme si finalement les années d'absence avaient créé un gap entre autres. Était-ce de sa faute ?
- C'était comment toi chez Athéna ?
- Pas facile. Les entraînements pour obtenir les armures étaient extrêmement difficiles. Mais j'ai appris à contrôler mon cosmos et à dépasser mes peurs. J'ai appris à devenir plus fort aussi. Et puis j'ai reçu une éducation aussi. Enfin, ce n'était pas grand chose mais…
- Parce que tu estimes que Papa et Nonna ne nous ont pas éduqués ?
- Attends Esther… On ne peut pas dire qu'on ait eu une éducation… On savait à peine lire à 8 ans.
- Si tu entends par éducation l'apprentissage de l'alphabet et des chiffres, alors là je te rejoins : on n'a pas été éduqué en ce sens. En revanche, là où je tique, c'est qu'il n'y avait pas que ça quand tu as employé le mot éducation.
- Comment ça ?
- Le ton que t'as employé était méprisant.
- Esther…
- On a été élevé dans la culture gitane Shura. Avec ses habitudes de langage, ses codes vestimentaires, ses chansons… Pourquoi est-ce que tu la méprise autant ?
Shura soutint le regard de sa sœur et ne ploya pas devant ses yeux d'acier.
- J'ai été élevé pour être un chevalier Esther. Un défenseur de la justice. Pas…
Les mots vinrent plus difficilement, comme une remontée acide dans sa gorge. Sa soeur lui lança un regard triste et lui lança une réplique cinglante :
- Pas un vulgaire voleur ? Pas une vermine que la société bannit ?
Voleur ! Vermine !
Les insultes du passé revinrent frapper Shura et il eut une sueur froide en repensant à l'épreuve que lui avait fait vivre Dionysos.
Esther soupira puis écrasa sa cigarette.
- Je suis peut être encore décadente à tes yeux. Mais au moins moi je sais qui je suis.
Et elle partit prestement, ses longues jambes la dirigeant bien loin de son frère.
- Attends Esther ! Esther !
Mais sa sœur était déjà loin. Shura soupira et frappa le mur de rage. Il venait à peine de la retrouver et voilà qu'il se disputait avec elle…
Quel nul…
Il passa la main dans ses cheveux d'ébène, plus par dépit qu'autre chose, et s'en alla en direction de l'auberge Il voulait s'excuser. Il ne pouvait pas rester sur cette mauvaise dispute. Il arriva dans la salle comble et la vit discuter avec des musiciens. Un des musiciens s'avança sur l'estrade et commença à chauffer la salle pour le concert à venir. Il avait énormément de prestance par sa gestuelle énergique et son sourire solaire. Un sourire… qui le fait penser à son père. En deux temps trois mouvements, Shura revit Papa et ses grands airs, ceux qu'il se donnait quand il était en représentation dans la rue ou quand il leur racontait ses histoires plus ou moins réelles. Il abordait tellement ces gestuelles que par moment Shura avait honte de lui. Cette honte avait d'ailleurs grandi quand il avait rejoint les rangs d'Athéna. Maintenant, il se retrouvait confronté à son passé, ce passé qu'il avait voulu oublier.
Avant même que les musiciens ne commencent à jouer, il détourna le regard. C'est à ce moment précis qu'il vit Shun, les yeux ruisselant de larmes, partir en courant vers la sortie. Il se demanda ce qu'il s'était passé, puis se dirigea vers le bar pour commander quelque chose à Eliotis.
OoOo
Sans trop savoir pourquoi, Shun s'était retrouvé près de la plage de galet. Tout autour de lui, la lune apportait de la lumière en cette froide nuit d'été. Il s'assit par terre et recroquevilla ses jambes. Il enfouit son visage dans ses genoux et versa encore quelques larmes. Dionysos avait touché une corde sensible. Bien sûr qu'il buvait pour s'oublier. Pour oublier qui il était et qui il est.
Il se détestait tellement…
Il était si plongé dans ses pensées parasites qu'il n'entendit pas les bruits de pas s'approcher derrière lui. Et il sursauta quand il vit une ombre.
- T'inquiètes ce n'est que moi, fit Shura de sa voix grave.
Il tenait dans les mains deux tasses en terre cuite
- Tiens, j'ai pensé qu'une boisson chaude te ferait du bien. C'est du café.
- Oh… merci Shura… fit Shun avec un sourire triste.
Shura inclina doucement la tête et s'assit à côté du jeune chevalier.
- Tu veux me dire ce qui t'as mis dans cet état ?
- Bah… Dionysos a appuyé là où ça faisait mal.
Shura leva un sourcil : il ne lui semblait pas avoir vu Dionysos… Mais il ne releva pas ce détail.
- C'est-à-dire ?
- Je m'évite. Quand je vous donne des ordres, j'essaye de me souvenir de ce que ferait Seiya et Shiryu. J'essaye de les imiter parce que pour moi… Ils ont raison, et…
- Et tu ne t'écoutes pas ?
- C'est ça. Ce sont toujours les autres qui ont raison. Pas moi.
Shura tourna son regard et dévisagea Shun dont le visage rouge fixait la plage. Les mots, cette fois-ci salvateurs, sortirent de la bouche d'Andromède.
- J'ai… toujours eu un peu de mal avec moi-même. Tu vois, à l'origine, c'était moi qui était désigné pour l'armure du Phénix. Mais il s'est proposé et a pris ma place pour me protéger. Quand j'ai su ce qu'il avait vécu… Ça m'a détruit. Je m'en suis voulu et j'en ai fait des caisses pour montrer que j'étais digne de cette armure d'Andromède qui aurait dû appartenir à mon frère. Puis Hadès est arrivé et… Tout ce que j'avais accompli, tout ce en quoi je croyais, toute la confiance que j'avais essayé de placer en moi malgré ce sentiment d'être un imposteur… Ça a juste volé en morceaux. Toutes mes actions avaient mené à ça finalement : à ce qu' Hadès revienne sur Terre. Et j'ai précipité la catastrophe. Juste après la guerre… Ça a été horrible. Peu importe où j'allais, je sentais les murmures et les regards sur moi. Personne ne savait comment se comporter avec celui qui avait été la réincarnation d'Hadès. Remarque, même moi à cette période je ne savais plus comment me comporter avec moi-même. Ikki était de nouveau parti. Dès qu'Athéna me voyait, je sentais qu'elle revivait les traumatismes de cette guerre contre le dieu des Enfers. Idem pour Seika et Shiryu. Et le pire, c'est que je devais vivre au Sanctuaire en sachant que Seiya était dans un état complètement végétatif. Alors j'ai fui. Pendant cinq ans, j'ai essayé de me détruire. Détruire cet être que je ne supportais pas. Je suis devenu un de ces oiseaux de nuit et quand je suis rentré au Sanctuaire, j'ai eu encore plus honte… Et il fallait bien que je me rende à l'évidence : j'étais l'ombre de moi-même. Enfin… Je ne sais même pas pourquoi je t'ai raconté tout ça. Mais merci d'avoir écouté.
Il eut un silence, seulement troublé par le murmure des vagues.
- "Si ma mort pouvait sauver plus d'un milliard d'êtres alors je le ferais"...
- Hein ?
- C'est bien ce que tu as dit à Ikki lorsque tu étais possédé par Hadès ?
- Oui et ?
- C'est bien la preuve que tu avais tes propres convictions ?
- Oui enfin… On était les pieds dans le mur. Je ne pouvais pas agir autrement.
- Sauf que tu as agi délibérément en ce sens. Pour sauver les gens. Ce qui fait que d'une certaine manière, tes actions n'ont pas toutes mené à Hadès.
Shun tourna son visage vers les yeux abysses qui le dévisageaient.
- Pour tout te dire, parfois on parle de toi avec les autres…
- T'aurais pas pu trouver un autre moment pour le dire ?
- Oh désolé…
Shun soupira et se frotta le visage tandis que Shura maudissait sa manière de communiquer. Pourquoi est-ce qu'il ne disait jamais les choses d'une bonne façon ?
- Bon au point où on en est…Vous dites quoi sur moi ?
- T'inquiètes, ce n'est rien de méchant.
Shura sentait qu'il était sur un terrain sensible. Le problème est qu'il n'avait jamais été très doué pour écouter et dire des paroles réconfortantes. Il essayait de ne pas le montrer à Shun mais à l'intérieur de lui, il bataillait pour trouver les mots corrects.
- Bon… Ce que j'essaye de te dire… En toute objectivité… tout le monde pense, moi y compris, que tu es capable de faire de grandes choses.
Andromède ouvrit de grands yeux.
- T'as quand même réussi à vaincre Aphrodite, Sorrento de la Sirène et j'en passe. Tout en gardant cette volonté de ne jamais faire de mal. Ce n'est quand même pas rien. Si tu avais vraiment été l'imposteur que tu pensais être, jamais tu serais arrivé là. Voire jamais tu n'aurais réussi le sacrifice d'Andromède pour obtenir la Cloth. Donc prends ce que tu veux de ces regards extérieurs mais sache que pour nous tu n'es pas quelqu'un de minable. Et puis tu sais… Même si on a du mal à le croire… Dionysos n'est pas aussi fou qu'il en a l'air. Et je pense que s'il t'a désigné comme chef de l'équipe, c'est je pense pour te secouer et révéler tout ton potentiel.
Parce qu'il semble te connaître mieux que toi tu ne te connais… Comme moi et Excalibur… se retint-il.
- Tu penses vraiment que je peux être un bon chef ?... demanda Shun du bout des lèvres.
Shura se tourna davantage vers lui et lui adressa un léger sourire.
- Oui. Et tu peux me croire : je me mens peut être à moi-même mais je ne mens jamais aux autres.
Shun retint un rire et sentit une douce chaleur l'envahir. Cela lui faisait du bien de parler avec Shura. Jamais il n'aurait pensé que cela arriverait un jour.
- Je ne savais pas que Seiya était ton meilleur ami, continua ce dernier.
- Si, il l'était. On s'est tout de suite bien entendu après les Galaxian Wars. Et mine de rien, nos binômes lors des missions fonctionnaient très bien. J'étais le côté calme et sensible, lui le côté bout-en-train et fonceur. C'était une complémentarité qui nous allait bien.
- Tu veux me raconter un souvenir ?
Auparavant, jamais Shura ne se serait permis de demander cela, prétextant qu'il n'en avait rien à faire de la vie des gens qui l'entouraient. Mais disons que deux morts et la perte d'Excalibur lui avaient fait revoir certaines de ses positions. Il craignit pendant un moment d'avoir gaffé en ravivant la tristesse d'Andromède mais ce dernier se mit à sourire.
- Bon allez autant en parler vu le sanctuaire où on est… Quand j'ai fais mon coming out bisexuel.
Cette fois-ci, Shura se tourna vers Shun et ce dernier put voir qu'il était surpris.
- J'aime les femmes et les hommes à la fois. Le sexe n'est pas un obstacle pour moi. Bien sûr, j'ai grandi en me demandant quel genre de créature bizarre j'étais et je me demandais pourquoi je n'arrivais pas à me focaliser seulement sur les femmes. J'ai fini par l'accepter et j'ai vécu ma vie en ce sens. Mais… On ne va pas dire que tout le monde accepte cela. Quand Ikki l'a su, il a été choqué, comme Hyoga et Shiryu. Enfin, comme tout le monde d'ailleurs. Même toi tu es surpris.
- Ah… Oui… Pardon.
- T'en fais pas, je comprends. Enfin… Tout le monde a été surpris et choqué… Sauf Seiya. Il a été la première personne à être au courant.
- Sérieux ?
- Oui très sérieux. On avait quatorze ans et j'étais en plein questionnement sur moi-même. Un soir, on était près du port et on buvait des sodas, et là je lui ai dit que j'aimais les hommes en plus des femmes. J'étais mort de trouille ce soir-là, j'avais tellement peur qu'il me rejette. Mais il m'a sorti la meilleure phrase de tous les temps.
- Il t'a dit quoi ?
- "Ouais… En fait, t'es en train de me dire que tu es à voile et à vapeur".
Il eut un blanc tandis que Shura captait cette phrase… et finit par exploser de rire. Un rire franc et joyeux qui le fit relever la tête. Bien que surpris de voir le Capricorne sourire, Shun le suivit. Et c'est ainsi que les deux chevaliers se tinrent les côtes en riant aux anges. Andromède fut toutefois le premier à se calmer et il observa son camarade reprendre son souffle. Jamais il n'aurait pensé voir Shura rire. Ses yeux d'habitude sévère s'étaient brusquement plissés et avaient perdu de leur acier, sa gorge s'était déployée et sa voix d'ordinaire monotone avait pris une consonance plus aiguë. Shun avait trouvé ça fascinant en plus d'être contagieux.
- Oh la vache… La meilleure réplique au monde, dit Shura en reprenant son souffle. Tu m'étonnes que cela soit un bon souvenir.
- Je ne te le fais pas dire ! Après ça… Il n'en a pas tenu rigueur. Il m'a juste remercié de lui faire suffisamment confiance pour lui confier ce qui me pèse.
Le silence conclut cet échange qui s'était révélé plus chaleureux pour Shun.
- Enfin… merci, ça va mieux, répondit Shun en lui lançant un sourire cette fois-ci étincelant.
Shura ouvrit grand les yeux en voyant ce sourire puis se ressaisit.
- Tant mieux… Bon, on devrait aller rejoindre les autres. Après c'est aussi à notre honneur que cette fête est organisée.
- Ça marche !
Ils se relevèrent et Shun partit devant. Alors qu'il s'éloignait, il ne vit pas que Shura l'observait un peu, sa main droite caressant sa nuque.
Cette même main qui l'avait aidé à se relever.
OoOo
Alors qu'ils discutaient de tout et de rien en se dirigeant vers l'auberge, Shura ne remarqua qu'à la fin que tout était devenu très silencieux… Trop silencieux…
Ils ouvrèrent la porte… et levèrent immédiatement les mains.
Devant eux se tenaient les nouveaux guerriers divins d'Odin, ressuscités eux aussi il y a cinq ans par leur dieu.
- La fête est terminée, déclara d'une voix forte Siegfried de Dubhe.
Clap de fin pour le chapitre 11 ! Alors, que pensez-vous de cette nouvelle équipe ? :)
Je dois dire, ça fait du bien d'écrire de nouveau.
Sur ce, j'essaye de finaliser le chapitre 12 d'ici la semaine prochaine (ou celle d'après au plus tard) et je vous dis à bientôt !
