Histoire: Une touche de couleur dans le gris
Livre 3 : Nuancer le Tout
Date: 25 octobre 2024
Beta: Personne
Fandom: D Gray Man
Avertissement: Non, je ne possède pas D Gray Man et je ne fais aucun profit avec cette histoire.
Résumé : Le point de vue des Noahs sur l'histoire du chapitre 33 à la fin de NlN :)
Le troisième chapitre bonus couvrant toute la fin de l'histoire du point de vue des Noahs ! Contenant l'extrait qui m'a donné envie d'écrire cette histoire bonus : la tuberculose d'Eve.
Bonne Lecture !
Chapitre 34 : Le vélo
C'était hilarant : Tyki montant avec tant de confiance sur sa nouvelle bicyclette pour aussitôt tomber tête la première dans les graviers… Évidemment, Road s'en était donné à cœur joie. Ce qui avait été surprenant, c'est qu'Eve s'était jointe à elle, laissant échapper un grand rire à gorge déployée, fortement hors de caractère. La jeune fille était d'habitude toujours la première à les rabrouer ou, plus souvent, les regarder d'un air désapprobateur lorsqu'ils se moquaient de quelqu'un. Mais Road supposât que ça avait dû la surprendre, preuve en est, sitôt la première exclamation retentit, elle avait mis une main sur ses lèvres, les yeux grands ouverts et l'air convenablement repenti lorsque Mère les avait disputés. Il n'empêche que les coins de ses lèvres étaient toujours résolument tournées vers le haut et que ses yeux pétillaient de joie. Cette expression avait marqué Road et avait tranquillement trotté dans un coin de sa tête. Il n'était donc pas surprenant que c'est cette image qui lui revint en mémoire lorsqu'elle vit son exact opposé à peine quelques heures plus tard.
Road prenait le thé avec le Prince lorsque l'incident était arrivé. Ils profitaient du soleil d'été dans le petit jardin ouest du manoir Kamelott, une jolie chose à la française bien symétrique et surtout, dégagée. Il n'y avait pas de possibilité pour un serviteur de trébucher sur leurs conversations. Pas que ça les embêterait outre mesure, mais il serait dommage de se séparer définitivement d'un des habitants du manoir. Ou pire, de Tricia et d'Eve. Alors ils avaient pris leur précautions, discutant calmement avec des akumas pour seuls témoins. Bien sûr, ils auraient toujours pu parler au manoir Campbell ou dans l'arche mais Adam avait une nouvelle passion retrouvée des jardins Kamelott depuis qu'ils y avaient mangé avec Mère et… Road vivait pour servir le Prince.
"Je ne pense vraiment pas qu'il faut le laisser sans rien faire plus longtemps." Disait la semble-t-il jeune fille en regardant avec une fascination éternelle Adam ajouter encore et encore des cubes de sucre dans son thé.
"Je le conçois bien, il a besoin de stimulation et d'une occupation pour penser autre chose qu'à la mémoire mais j'avoue ne pas savoir très bien quoi lui confier." Lui répondit-il et Road admettait sans soucis que le point était valable.
Skin Bolic était… un cas compliqué. Bien sûr, la mémoire de la colère avait toujours été une des plus difficiles à porter, ses sentiments si fort distordant ses hôtes sans pitié mais d'ordinaire, ce n'était tout de même pas aussi extrême. Un hôte était généralement en contrôle en majorité avec, de temps en temps, des pics de colère. Mais Skin Bolic… ne l'était certainement pas. Il y avait évidemment la dureté du réveil à prendre en compte, ça allait toujours mieux avec le temps, mais l'amélioration tardait à venir dans ce cas. Cela faisait des semaines, des mois, que Skin était dans cet état, à peine capable d'enchaîner une phrase et des pics d'émotions lui faisant briser tout ce qui lui passait sous la main. Si Road espérait bien que son état reviendrait sous contrôle, il était évident que ça n'arriverait pas seul : Il avait besoin d'un objectif.
"Même s'il retrouve toute ses facultés sociales, je doute qu'il soit très utile en politique." Nota Road. "Peut être devrions nous le garder à nos côtés pour l'instant et aviser plus tard selon ses vœux également ? peut-être comme serviteur ? Il répond bien aux ordres… tant qu'il y a du sucre à la clef."
Le Prince secoua la tête d'un air désapprobateur mais un mince sourire poussait ses lèvres. "J'ai remarqué. Tu n'aurais pas dû lui donner autant de bonbons pendant son réveil." Road se moqua, comme s'il ne lui en avait pas donné tout autant. C'était douloureux de voir un des leurs souffrir et le moindre réconfort était difficile à refuser. "Et quelque chose de plus combatif, comme garde ?"
"Cela me semble raisonnable." Acquiesça Road et Adam souris, semblant heureux d'avoir trouvé une solution.
"Faisons comme cela, alors. Il peut faire ses armes au manoir Campbell avant que j-..." Il s'arrêta net en pleine phrase, tournant d'un coup la tête vers la droite, Road à peine une seconde derrière lui.
"Qu'est-ce que…" murmura-t-elle.
"Tyki." Confirma le Prince maintenant clairement inquiet. "Il n'avait pas prévu de s'entraîner, n'est-ce pas ?"
"Pas avant ce soir et certainement pas dans la forêt du manoir." Confirma Road. Resté non dit étant l'énorme source de pouvoir qui n'était certainement pas dans les capacités actuelles de Tyki. Non, c'était… une perte de contrôle.
D'un seul mouvement, ils se levèrent tous les deux, Road ouvrant une porte qu'ils passèrent aussitôt. En un temps record, ils se trouvaient des centaines de mètres plus loin, dans la forêt du manoir et il ne leur fallut que quelques secondes de plus pour trouver la source de l'énorme pouvoir oppressif. Même s'ils ne l'avaient pas senti, c'était visible, une sphère de matière noire englobant tout sur le chemin de terre menant au lac. Et en son centre… Tyki et Eve. Les deux jeunes adultes flottaient dans la sphère, Tyki recroquevillé sur lui-même, les doigts enfoncés dans ses boucles sombres et Eve devant lui, la main étrangement tendue vers le Noah et les cheveux dansant autour de sa tête.
Ils n'eurent pas besoin de parler pour se partager les tâches. C'était le rôle du patriarche de s'occuper de ses Noah, après tout. Alors Road le laissa faire, se dépêchant simplement d'attraper Eve aussitôt qu'Adam eut brisé la sphère. Reposant la jeune fille doucement au sol, elle se surprit elle-même avec un soupir de soulagement lorsque ses petit doigt sentirent un poul. Faible, mais bien présent. Utilisant ses propres pouvoirs, Road essaya de réveiller Eve. Elle n'était pas Wisely, mais elle avait appris quelques tours dans ses longues années de vie et, heureusement, quelques secondes plus tard, les paupières de la jeune fille papillonnèrent.
"Ro…ad ?" Hoqueta l'humaine, la gorge compréhensiblement roque.
"Eve." Dit-elle en retour, plus soulagée qu'elle ne voulait l'admettre. Si elle était capable de la reconnaître et de la nommer aussitôt, Tyki n'avait pas dû faire trop de dégâts. "Que s'est-il passé ?"
Les yeux d'Eve s'ouvrirent grand et un pic de panique passa à travers eux, sa respiration s'accélérant légèrement avant qu'un vertige lui fasse tourner la tête. "Je suis…tombée de vélo." Balbutia-t-elle à moitié en français, ses yeux perdant leur focus. "Je crois que… Tyki m'a attrapé ? Est-ce qu'il va bien ?"
Road tourna la tête, regardant ses deux frères Noahs à quelques mètres d'eux. Adam était à genoux dans la terre, semblant faire peu cas de son pantalon détruit au profit du jeune Noah du Plaisir. Il le tenait fermement, mais avec douceur, murmurant ce que Road supposait être des réassurances. Tyki pour sa part, était cramponné au patriarche, les doigts enfoncés dans sa veste comme s'il avait peur qu'il disparaisse. Il paraissait déjà plus conscient que quelques secondes auparavant mais… à peine. S'il avait été en pleine possession de ses moyens, jamais il n'aurait été en train de sangloter comme ça, le regard fiévreux et les stigmates en sang. Road vit double une seconde, un grenier poussiéreux et un Tyki bien plus jeune se superposant à la forêt. Seule constante restait le Comte Millénaire agenouillé autour du Noah du Plaisir.
"Il s'est fait mal aussi, c'était une mauvaise chute…" murmura-t-elle, sentant son Noah réagir à la détresse d'un des leurs. C'était de plus en plus compliqué de ne pas se transformer pour protéger le Noah du Plaisir alors même que, rationnellement, Road savait qu'il n'y avait pas de danger. Il n'y avait aucune raison de se battre contre cet instinct, cependant, pas lorsqu'Eve était la seule témoin et qu'il était facile d'en disposer. "Mais il ira bien." Conclut-elle avant de se tourner vers Eve.
La jeune fille avait l'air aussi confuse que terrifiée, les larmes commençant à s'agglutiner dans ses yeux. Ce n'était pas étonnant, même si elle ne savait pas concrètement ce qu'il se passait, l'aura d'un Noah était déstabilisant pour un humain. "Chhhh…" souffla Road en posant ses mains sur les yeux d'Eve. Il ne fallut que quelques secondes avant que les gémissements se taisent, laissant place à une respiration profonde.
Road enleva ses mains, regardant les traînés de larmes sur les joues d'Eve avant de soupirer et se lever. L'humaine était déjà au sol, la laisser là quelques minutes de plus ne lui ferait pas de mal et elle avait des choses plus urgentes à faire. Alors c'est ce qu'elle fit, laissant Eve giser dans la terre alors qu'elle se tournait pour s'accroupir devant le Noah du Plaisir. Ses sanglots s'étaient à peine calmés et il serrait toujours la veste d'Adam comme si sa vie en dépendait, mais ses yeux avaient l'air un peu plus conscient.
"Qu'est-ce qu'il s'est passé, Tyki ?" Demanda-t-elle doucement, sa main venant se reposer sur son épaule pour attirer son attention.
Il sursauta aussitôt, semblant à peine remarquer la présence de Road. Alors elle reposa sa question, mais il secoua violemment la tête, se recroquevillant sur lui-même. Pire, il enfonça son visage dans la poitrine d'Adam, se cachant dans son manteau dans un geste que Road ne l'avait pas vu faire depuis des années.
Road et Adam échangèrent un regard, se sentant plus perdu qu'ils ne l'avaient été depuis longtemps. Ils en étaient là, à se demander quoi faire, lorsque Tyki releva légèrement la tête, comme s'il venait de se rappeler quelque chose. Regardant Road légèrement sous ses boucles noires, il parut hésiter une seconde avant de poser la question.
"E-...Eve est…?" Murmura-t-il, sa voix se brisant dès la première syllabe.
"Elle va bien." Confirma Road et Tyki hocha lentement la tête, ses yeux sautant derrière Road, sûrement où Eve devait être étendue.
"D'accord." Chuchota-t-il et il desserra légèrement sa prise de fer, laissant même une de ses mains tomber sur ses genoux. Road n'était pas bien sûr d'avec quoi il était d'accord, mais il semblait avoir pris une décision, essayant de stabiliser sa respiration alors même que le sang des stigmates coulaient le long de son nez.
Adam, ayant maintenant une main libre, sortit son mouchoir pour l'endiguer.
"Tyki ?" Appela doucement le patriarche lorsqu'il ferma les yeux. Mais peu importe à quel point ils essayèrent de le faire parler, il secoua simplement la tête, l'air épuisé.
"Pourrais-tu ouvrir une porte pour l'Arche, s'il te plaît Road ? Je pense que Tyki a besoin d'un peu de temps à la maison. Je vais appeler Miss Barnes et Eliott pour qu'ils prennent soins de Miss Campbell." Demanda Adam en se levant, soulevant Tyki sans effort avec lui.
Road hocha la tête, jetant un dernier coup d'œil à la forme désossée d'Eve sur le sol avant de se mettre à la tâche. Elle se demanda quelles seront les ramifications de tout ça pour Eve et Tyki.
Chapitre 36 : Impossible ou Improbable
"Non, non, c'est plus un truc genre… do, fa, sol." Dit Eve en gribouillant sur la partition en se penchant par-dessus l'épaule de Tyki. "Essaie ?"
Le Noah s'exécuta sans plainte, ses doigts filant sur le clavier. "Ça sonne mieux déjà." Conclut-il une fois terminé. Mais Eve n'avait pas l'air convaincu, les bras croisés, sa lèvre mâchonnée sans pitié et les yeux fixés sur le piano comme s'il pouvait lui donner toutes les réponses.
"Il manque un truc, ce n'est pas pareil…" marmonna-t-elle et, par réflexe, Tyki se décala un peu sur le banc pour lui laisser la place. Ce ne fut pas une surprise lorsque, moins d'une seconde plus tard, Eve se penchait de nouveau par-dessus son épaule pour appuyer sur des touches avant de grogner et recommencer. C'était toujours exactement le même schéma lorsque Eve et Tyki travaillaient ensemble sur une de ces retranscriptions. Eve essayait de retrouver la musique dont elle se souvenait à l'oreille et Tiki l'aidait à la jouer et lui proposait des alternatives quand elle restait bloquée. Comme maintenant, où elle avait beau essayer toutes les notes possibles après la série dont elle était sûre, aucune ne sonnait juste pour elle.
"Et comme ça ? Ce serait logique avec le couplet précédent." Suggéra Tyki en enchaînant six notes sur le clavier.
"C'est bien mais…" Eve fronça les sourcils avant de soupirer et de se laisser tomber sur le banc à côté de Tyki, dos au piano, comme si elle le boudait.
"Tu sais que ce n'est pas grave si ce n'est pas précisément ce que tu as en tête, hein?" lui rappela Tyki en se penchant en arrière pour croiser son regard. "Ce sera tout de même bien."
Eve eut un petit rire moqueur. "j'en doute… mais de toute façon, ce ne sont pas mes compositions, je ne veux pas les défigurer."
Tyki humma pour montrer qu'il avait entendu, mais il ne dit rien de plus. Ce n'était pas la première fois qu'ils en parlaient tous les deux, loin de là, et Tyki n'était pas sûr pourquoi Eve insistait que ce n'était pas ses musiques. Il l'avait cru sans souci la première, seconde, même dixième fois qu'elle avait fait ça… mais ces dernières années, elle avait rempli des pages et des pages de musiques soi-disant écoutées dans son enfance que Tyki n'avait lui-même jamais entendu de sa vie. Certes, il n'était pas un musicien professionnel, il disposait juste de l'éducation classique d'un noble spécialisé dans le piano. Cependant, lorsqu'Eve s'était plaint de ne pas retrouver le titre de l'une d'entre elles, Tyki avait consulté un Akuma. C'était une machine créée à partir d'un compositeur célèbre et, curieusement, Tyki lui avait demandé s'il reconnaissait les musiques d'Eve. Lorsqu'il n'avait pu en nommer aucune, même celles qui sonnaient les plus classiques, Tyki avait dû se rendre à l'évidence : c'était une autre des bizarreries d'Eve. Une autre de ces choses qui n'avaient aucun sens et que Tyki glissait sous le tapis à chaque fois qu'elles apparaissaient. Et c'est exactement ce qu'il avait fait cette fois-ci aussi, parce que loin de lui l'envie de confronter la jeune fille. Les conséquences pourraient être… désagréables.
Donc, même si Eve était catégorique que ce n'était pas ses œuvres et que Tyki avait tendance à la croire ne serait-ce que parce qu'elle était une très mauvaise menteuse, hé benh… Pour autant qu'il était concerné, vu que personne au monde ne semblait les connaître, elle pouvait aussi bien en faire ce qu'elle voulait. De toute façon, vu l'imagination vivide d'Eve et ses problèmes de mémoirs, ça n'étonnerait même pas Tyki si elle avait simplement rêvé tout ça au lieu de réellement s'en souvenir.
"Passons à une autre, ça te reviendra sûrement plus tard." L'encouragea Tyki avec un coup de coude. De mauvaise grâce, Eve rangea leur ébauche de partitions dans un des nombreux dossiers jonchant la table ronde. Sa table ronde, pour être honnête. Ça faisait des mois qu'elle ne prenait plus la peine de ramener ses dossiers dans sa chambre après chaque séance de travail. Tyki et elle étant les seuls habitants de la maison intéressée à fréquenter la salle de musique, ce n'était pas un problème, mais le fait lui-même était notable. C'était intéressant de voir qu'Eve était de plus en plus à l'aise avec eux. Jamais elle n'aurait laissé traîner quoi que ce soit en dehors de sa chambre lors de sa première année au manoir.
"Je crois bien qu'on a atteint le bout des projets en cours." Dit Eve après avoir feuilleté quelques pages. "Oui, le reste ne sont que des musiques dont je n'arrive vraiment pas à me souvenir d'un passage."
"On a réussi à en finir deux, c'est déjà pas mal." Sourit Tyki et Eve lui rendit automatiquement un des siens.
"Surtout pour celle de 'La-haut', ça m'ennuyait vraiment de ne pas m'en souvenir. Et comme ça j'ai un nouveau projet complet." Dit-elle satisfaite alors que Tyki se levait pour observer le projet en question.
Comme la plupart de ses autres travaux, c'était un livre qui mélangeait les médias. Il y avait à la fois une histoire écrite, dont Tyki se souvenait bien vu que c'était lui qui l'avait recopié au propre, ainsi que des dessins illustrant l'histoire et deux partitions de musique coincée à la fin. L'ensemble était soigneusement cousu à la main et rejoindrait bientôt ses autres projets finis sur l'étagère de son bureau. Tyki était toujours impressionné du soin qu'elle apportait à ces choses sans pourtant en faire quoi que ce soit après. D'ailleurs…
"Et lui ? tu ne vas pas le publier non plus ? L'histoire est courte et intéressante et je suis sûr qu'Adam a une ou deux maisons d'édition sous le coude qui pourraient la publier." Ou dix ou vingt. C'était un des loisirs d'Adam d'éditer les livres qui le passionnaient. Qui plus est, ça ne faisait jamais de mal de contrôler l'information et les livres et journaux étaient le meilleur moyen pour ça.
Mais sans grande surprise, elle secoua la tête, les lèvres pincées. "Je ne peux pas, ce ne sont pas mes histoires. Je les refais juste pour moi, pour ne pas les oublier. Enfin… pas plus que je ne l'ai déjà." Elle marmonna la dernière phrase d'un ton amer, mais Tyki n'eut pas de difficulté à l'entendre avec ses gènes améliorés. "Au fait ! Je me suis rappelé d'une nouvelle musique qui, je pense, pourrait te plaire. Tu avais bien aimé le Jazz rapide la dernière fois, non ? Bon hé bien dans Lup-... je veux dire, ça m'a fait penser à un autre groupe de musique que j'avais entendu, attend…" Et sans autre cérémonial, elle retourna au piano, humant la musique avant de tenter d'appuyer sur les touches.
Oooh, pas mal, pensa Tyki avant de se rapprocher curieusement. Il n'y avait vraiment qu'Eve pour lui faire découvrir des musiques si différentes.
Chapitre 38 : Racine de Pissenlits
"Et le médecin a dit qu'une rémission était improbable à ce stade ?" Murmura le Comte en détournant les yeux du salon. Comme pour lui répondre, une faible toux résonna et Tyki tressaillit. Il n'aurait jamais pensé manquer la toux grasse et tonitruante qui avait secoué le corps d'Eve toute la semaine dernière, mais… Au moins, elle y réagissait, grimaçant en se massant la gorge, souriant à Tyki lorsqu'il lui donnait un verre d'eau… Maintenant, elle ne se réveillait même plus, son corps simplement ébranlé par la vague, restant lax comme en attente d'une autre. "Sheryl, je conçois qu'elle a peu de chance de s'en sortir, mais c'est tout aussi dangereux. Et, même si cela fonctionne, elle ne sera plus humaine."
"Je ne vois pas le souci avec ça." se moqua Sheryl. Tyki resta silencieux, il ne savait pas quoi en penser. Il ne voulait pas y penser. Malheureusement, ce n'est pas comme si le problème pouvait attendre qu'il ramasse son courage. "Soit elle meurt, soit elle survie, mais je n'ai pas le temps d'attendre qu'elle se décide. Tout ce qui m'importe, c'est Tricia ! À force de s'inquiéter pour cette fille, elle ne cesse de se détériorer. Je me débarrasserai d'elle moi-même si j'étais sûr que Tricia pourrait s'en remettre, mais elles sont malheureusement devenues tellement proches ces dernières années que…" Il soupira. "Alors oui, s'il y a une possible solution, utilisons là. Si Miss Campbell s'en remet : très bien ! Sinon, au moins Tricia pourra faire son deuil au lieu de se laisser mourir à petit feu à ses côtés."
Le Prince hocha lentement la tête avant de regarder Road comme pour avoir son avis.
"Son état ne va qu'en empirant, elle ne va pas s'en sortir." Déclara factuellement Road. "Je ne pense pas qu'il y aura de moment plus propice. Il faut que son corps soit assez faible pour accepter le changement, mais assez fort pour l'accompagner. C'est même sûrement trop tard." Répondit calmement Road. Trop calmement. Tyki se demanda encore une fois s'il était le seul à réellement s'inquiéter pour Eve. Mais Road ne se serait pas embêté à venir la voir et chercher une solution si elle s'en fichait… non ?
"J'en suis conscient." Murmura le Prince avant de tout à coup regarder Tyki. Aussitôt, il se tient plus droit, le visage figé, l'air aussi neutre qu'il le pouvait. "Et toi Tyki ? Tu es au courant de ce qu'il pourrait arriver si cela échoue ?"
Tyki se mouilla les lèvres. "Road m'en a informé." murmura-t-il. La plus ancienne des Noahs lui avait expliqué les risques lorsqu'elle lui avait parlé de cette solution.
Mais, au lieu de continuer comme il l'espérait, le Prince énuméra les possibilités, son regard doré fixé sur Tyki. "Elle va souffrir terriblement, et après cela, elle aura autant de chance d'en mourir, que de se transformer en Akuma ou en Skull que d'en guérir. Maitora a même une fois théorisé que cela pourrait déclencher un réveil Noah même si le cas ne s'est jamais présenté le peu de fois que nous avons tenté l'expérience."
"Je sais, mais… Road a dit que ça avait déjà réussi, n'est-ce pas ?" Demanda Tyki, bien conscient qu'il n'apparaissait sûrement pas très calme à ce moment. Pas étonnant vu qu'il ne se sentait pas calme du tout.
"Deux fois sur onze essais, oui. Mais c'est loin d'être suffisant pour en sortir une tendance." déclara-t-il avant de poser une main sur l'épaule de Tyki. Le Noah du plaisir se sentit aussitôt revenir huit ans en arrière, lorsque ce même homme était venu le chercher au fin fond du grenier miteux de la maison Mikk. Il avait eu la même expression douce et inquiète dont Tyki s'était abreuvé sans gêne. "Miss Campbell est une charmante jeune fille, et je sais que tu l'apprécies beaucoup, Tyki, je veux simplement que tu réfléchisses à ce que tu feras dans le cas probable où ça ne fonctionnerait pas."
Tyki n'hésita pas longtemps, il avait prit la décision à la seconde où Road lui avait parlé des possibilités. "Avec votre permission, si Eve devient un Akuma, ou un Skull, ou je ne sais quoi d'autre… j'aimerais libérer son âme."
Le Prince le regarda, peiné avant de murmurer doucement : "Tu n'essaieras pas de la garder à tes côtés ?"
"À quoi bon ? Ce ne sera plus elle. Pas vraiment." Murmura Tyki en baissant la tête. Mais, pas assez pour manquer le sourire douloureux du Prince.
"Non, en effet." Souffla-t-il plus à lui-même qu'aux autres Noahs alors qu'un toussotement se faisait entendre. Le Prince se tourna vers la porte de la chambre de fortune, silencieux. Il la scruta quelques secondes, comme si les rainures du bois pouvait lui donner la bonne solution avant de soupirer et se tourner à nouveau vers ses Noahs. D'une voix forte et impérative, il déclara : "Je vais y réfléchir." et il tourna des talons, s'enfonçant dans les couloirs du manoir. Sheryl ne manqua pas un battement, s'engouffrant aussitôt à sa suite, parlant déjà d'une affaire politique surement très importante pour le Clan.
Tyki avait envie de le retenir, de le secouer, de lui demander pourquoi était-ce si compliqué pour lui de faire ce simple geste pour une humaine que même lui appréciait… Mais il n'en fit rien, d'autant plus lorsque la petite main de Road vient se glisser dans la sienne.
"Je sais que c'est difficile pour toi, Tyki, mais ça l'est encore plus pour lui, tu sais ?" Murmura-t-elle, ses yeux prenant une soudaine teinte dorée, faisant sursauter Tyki. Elle qui avait toujours une impeccable prise sur ses pouvoirs, qu'ils s'échappent, comme ça… Il devait y avoir une histoire douloureuse derrière cette solution. "Il y a eu si peu de cas parce qu'Adam ne l'a utilisé que sur des personnes à qui il tenait beaucoup et… ils sont presque tous morts. Même si elles étaient décédées sans son intervention, c'est tout de même lui qui les a achevées en essayant de les sauver."
Oh. Réalisa Tyki, mais Road n'avait pas terminé.
"Quant à ceux pour qui cela a réussi… malgré la résilience que ça leur a donnée ensuite, un est tout de même décédé peu après et l'autre… hé bien, il n'est plus vraiment ce que l'on pourrait appeler un ami maintenant et ses aptitudes supplémentaires ne nous aident certainement pas à s'occuper de son cas."
Tyki grimaça. Autant dire que toutes les tentatives étaient, d'une certaine manière, un échec. Un échec qui pesait difficilement sur le Prince. Tyki comprenait mieux, mais tout de même… Il ne pouvait s'empêcher d'espérer qu'Adam donnerait une nouvelle chance à Eve, aussi mince soit-elle. Et dans le cas contraire… Tyki forma une sphère sombre entre ses doigts, le furieux entraînement par lequel il était passé ces derniers mois portant enfin ses fruits. Il n'y avait aucune raison de la faire souffrir plus longtemps.
Il ferait ce qu'il faut.
Rien que rentrer dans la pièce était incroyablement déprimant. Malgré les efforts des serviteurs akumas de Sheryl pour maintenir une pièce aussi aérée et hygiénique que possible, l'odeur tenace de la maladie était définitivement présente. Fermant doucement la porte derrière lui, Adam s'approcha du lit. La plupart des fauteuils du petit salon avaient été poussés contre le mur du fond pour faire place au lit, mais un était resté au chevet de la jeune fille. C'était sans doute là que s'asseyait Road et Tyki lorsqu'ils venaient la voir. Prenant place lui-même, il jeta un coup d'œil à Miss Campbell.
Si c'était possible, elle avait l'air encore pire que la veille. La peau cireuse et tirée, les cheveux gras, la respiration difficile… Elle ne s'était même pas réveillée lorsque Adam s'était assis et pourtant on ne pouvait pas dire qu'il était d'un naturel discret.
Quel gâchis.
Miss Campbell était une gentille jeune fille, un de ces humains qu'Adam pouvait apprécier mais… il soupira. Il ne voulait pas voir la douleur dans les yeux de Tyki ou l'acceptation sombre dans ceux de Road lorsqu'il leur annoncera qu'il ne ferait rien.
C'est pour ça qu'il était venu la voir. Il devait au moins être témoin de la fin de cette vie qu'il refusait d'essayer de sauver. Et, aussi, pour l'éteindre. Parce qu'Adam savait que s'il enlevait ce dernier espoir à Tyki, il viendrait lui-même mettre fin à la vie de Miss Campbell. Le jeune homme ne pouvait pas laisser souffrir un être cher et Adam le comprenait. Parce qu'après tout, il ne pouvait pas le laisser souffrir non plus.
Un toussotement lui fit relever la tête. Tyki allait être en colère, sans doute triste de ne pas avoir pu lui faire ses adieux. Mais Adam avait beaucoup d'expériences avec le deuil, les innombrables siens ou ceux qu'il croisait dans son rôle de Comte Millénaire. Et voir un être cher aussi diminué, si loin de son soit habituel, ce n'était jamais un dernier bon souvenir. Il valait mieux qu'il se souvienne d'elle comme elle était.
Oui, c'était mieux.
Levant la main, Adam la posa avec compassion sur le front de la jeune fille, s'occupant très peu de la sensation poisseuse et brûlante. Mais avant qu'il puisse rassembler son pouvoir pour mettre fin à sa vie aussi paisiblement qu'il le pouvait, les lèvres de Miss Campbell se séparèrent.
"...Papa ?" Murmura-t-elle alors qu'une fissure s'ouvrait légèrement entre ses paupières, des yeux floues essayant de se concentrer sur Adam.
Surpris, ce dernier lâcha aussitôt la jeune fille.
"Je… Miss Campbell." Balbutia-t-il, prit au dépourvu, d'autant plus lorsqu'il sentit un poids frôler son genou. Baissant les yeux, il vit la main pâle de la jeune fille se balancer mollement hors du lit. Perplexe, Adam la prit dans la sienne pour la remettre sur les draps, mais, aussitôt, avec une force qu'il ne lui aurait pas soupçonnée, Miss Campbell enlaça leurs doigts, ne le laissant pas partir. Croisant à nouveau le regard de la jeune fille, Adam sentit ses yeux s'adoucir en voyant le sourire fatigué, mais réel, de la jeune fille.
"Papa ?" Murmura-t-elle à nouveau, son sourire laissant place à de la confusion lorsqu'Adam ne dit rien.
"Je… je ne suis pas…" Commença-t-il par réflexe, balbutiant, hésitant, avant de s'arrêter net en sentant une faible pression sur sa main. Baissant à nouveau les yeux, il regarda longuement leurs doigts entrelacés, traçant le contraste entre sa peau bronzé et celle maladivement blanche de Miss Campbell. Sans qu'il n'en soit même conscient, son pouce avait commencé à faire des cercles paresseux sur le dos de sa main. Comme il le faisait lorsque Road était en colère. Ou lorsque Tyki était inquiet. Ou que Lulubelle était fatigué. Il serait si facile de lui accorder ce maigre confort… si facile qu'Adam n'hésita pas plus longtemps avant de répondre : "Oui." Souffla-t-il en serrant à son tour la main. "Je suis là… Eve."
Le prénom aussitôt passé ses lèvres, Adam savait qu'il ne pourrait pas continuer son précédent plan.
La suite fut rapide. Comme s'il redoutait de changer à nouveau d'avis s'il attendait trop longtemps, sans lâcher la main, il se leva et s'assit directement sur le lit. Il était bien conscient que, passé la première étape, il devrait la retenir pour qu'elle ne se fasse pas mal. De son autre main, il forma rapidement une mince lame de Matière Noire sur son index et ferma le poing, créant aussitôt une blessure non négligeable sur sa paume. Comme répondant à son appel, le sang s'agglutina aussitôt dans le creux de sa main et il se maudit de ne pas avoir pris un verre. Il y en avait bien un sur la table de chevet, mais il devrait lâcher la main d'Eve pour le prendre et… Adam n'avait pas le cœur de faire ça. Tant pis, il avait plus souvent fait ça comme ça, de toute façon.
"Eve ? Je sais que ce n'est pas très agréable, mais j'ai besoin que tu boives, d'accord ?"
Les yeux toujours flous, il fallut quelques secondes avant qu'elle n'ait l'air de comprendre ce qu'Adam lui demandait, mais elle finit tout de même par décoller ses lèvres, obéissante. Adam ne perdit pas une seconde, amenant son poing au-dessus de ses lèvres avant de l'incliner, laissant un filet de sang s'écouler jusqu'à couler dans sa bouche. Sans surprise, Eve grimaça par réflexe. Elle était sûrement sur le point d'essayer de se débarrasser du goût ferreux lorsque Adam recouvrit ses lèvres.
"Non, non, il faut que tu avales, s'il te plait." murmura-t-il et avec un bruit malheureux, Eve s'exécuta.
Il ne se passa rien pendant plusieurs secondes, assez pour qu'Adam retire sa main, laissant derrière lui des joues peinturlurées de rouge. Il retient son souffle, c'était la première étape. Si elle réagissait, alors il y avait une chance. Heureusement, il n'eut pas à attendre longtemps, car peu après, des tremblements commencèrent à secouer le corps d'Eve, et Adam soupira de soulagement.
Rien n'était encore gagné, mais c'était une chance minime en plus et ça n'était jamais de trop. Déterminé, il maintient ses épaules. C'était la seule chose qu'il pouvait faire de plus, maintenant, c'était à elle de se battre et en sortir victorieuse… ou non.
Chapitre 39 : Un Noël à la Eve
Jasdero attrapa un autre petit sandwich et n'en fit qu'une bouchée, mâchant lentement pour prolonger le plaisir. Il devait admettre, ce n'était pas si mal.
Jasdero n'avait pas été tout à fait convaincu lorsque Tricia avait dit qu'elle voulait faire tout comme Eve faisait dans sa précédente famille. Elle voulait lui remonter le moral, la faire sentir comme à la maison. Jasdero était d'accord sur l'idée, mais il ne voyait pas vraiment pourquoi ils devaient faire comme son ancienne famille. Ça ne ferait que faire remonter des souvenirs inutiles à Eve alors qu'elle ferait mieux de les oublier tout court. Mais finalement, Jasdero aimait bien. Déjà, cet idiot de Sheryl avait été horrifié lorsque Eve avait dit qu'ils cuisinaient le repas du soir en famille. Tricia avait été un peu incertaine aussi, mais lorsqu'Eve avait dit que ce n'était pas grave, qu'ils n'avaient pas besoin de tout faire, elle avait aussitôt décidé du contraire et forcé Eve à lui dire comment. Jasdero avait déjà cuisiné quelques fois avec Eve, assez pour que Devit sache qu'elle avait cette fois spécialement choisi des choses extrêmement facile à faire. Mais Jasdero pensait que ça avait été une bonne idée parce que Sheryl avait passé son temps à regarder sa planche à découper comme si c'était un des problèmes de math trop dur des jumeaux. Tricia et Tyki n'étaient pas mieux, regardant Eve confusément à chaque fois qu'elle leur demandait de lui passer un outil. Le Prince n'avait pas eu de soucis cependant, mais c'était le Prince après tout, ce n'était pas étonnant.
Ils avaient fait des petits sandwiches, des tartes, une soupe et des salades variées sous l'œil vigilant de Berthe, la cuisinière. Jasdero l'avait toujours trouvé plutôt chouette, mais elle était gravement montée dans l'estime de Devit lorsqu'elle avait tenu tête à Sheryl. Berthe ne plaisantait pas avec la cuisine et même si elle désapprouvait qu'ils fassent la besogne eux-mêmes, elle n'avait pas hésité à reprendre Sheryl lorsqu'il avait tenté de faire reposer une miche pas bien pétrie.
Si Jasdero doutait qu'ils verraient à nouveau Sheryl en cuisine un jour sans qu'il y soit contraint, il n'était pas si sûr pour Tricia. Une fois passé ses réticences, elle avait eu l'air d'apprécier dresser joliment les plats. Elle complétait bien Eve, comme ça, vu que la plus jeune aimait bien faire la cuisine, mais que temps que c'était bon, ça ne l'embêtait pas si tout ressemblait à de la bouillie. En tout cas, Jasdero, lui, avait bien aimé, surtout quand il pouvait lécher les plats qu'Eve lui donnait dans le dos du couple Kamelott.
Ils n'avaient pas tout fait exactement comme Eve faisait, par contre. Eve avait murmuré aux jumeaux que, d'habitude, ils grignotaient ce qu'ils avaient préparé dans le salon en faisant des jeux. Mais elle avait trop peur que Sheryl fasse une crise cardiaque alors, elle n'avait rien dit à Tricia et ils étaient allés dans la salle à manger. Ce n'était pas une mauvaise idée parce que ça avait déjà été compliqué de faire avaler à Sheryl de faire un buffet, d'autant plus lorsqu'ils étaient passés aux jeux.
C'était avec beaucoup de peine que les jumeaux avaient réussi à se retenir d'éclater de rire lorsque Sheryl avaient commencé à mimer une autruche. Et uniquement parce qu'ils savaient que même les yeux doux de Road ne suffiraient pas à le convaincre de continuer s'ils les voyaient se moquer. Mais malgré tous leurs efforts, ça avait été trop dur de tenir bien longtemps, surtout lorsque Jasdero avait vu la tête d'Eve. Elle avait les yeux ronds et sa bouche n'était plus qu'une ligne sombre. Aussi proche des jumeaux d'éclater, elle s'empêchait de provoquer le moindre son, ses mains agrippées à ses genoux. Même cet idiot de Tyki regardait son grand frère avec une joie mal contenue.
Les jumeaux la savaient, évidemment, c'est eux qui avaient choisi le mot, prenant un animal qu'ils avaient vu une fois au Zoo avec le Prince. Ils s'étaient dits, c'était une victoire facile, les autres ne connaissant peut-être même pas cet animal exotique. Mais mieux que ça, personne n'avait fait l'effort de chercher, préférant laisser Sheryl continuer son mime le plus longtemps possible. Enfin personne… personne sauf Tricia. Fronçant très légèrement les sourcils en confusion, elle avait hasardé un "Une poule ?" qui força Eve à très vite cacher son visage rouge dans l'épaule de Tyki. Les jumeaux et Road n'avaient pas cette clémence, riant aussitôt à gorge déployée.
Cet idiot de Sheryl s'arrêta aussitôt, restant une bonne seconde dans sa position stupide, légèrement accroupi et les bras pliés avant de sursauter et se drésser droit comme un I.
"Un… un pigeon ?" Hésita Tricia, sentant bien que son Mari était en train de perdre patience.
"Un dindon !" Cria Road en sautant sur le canapé faisant rebondir Eve. Pas que ça avait l'air de la déranger outre mesure, elle avait toujours la tête enfoncé dans le bras de Tyki, les épaules secouées de tressautement silencieux.
"Un moineau." n'essaya même pas Tyki faisant ricaner Devit. Sheryl lança un regard outré à son frère et desserra les lèvres, sans doutes prêt à vendre la mêche lorsqu'il fut de nouveau interrompu.
"Hmmm… et pourquoi pas une autruche ?" S'exclama tout à coup le Prince, son regard fixé sur les jumeaux.
Devit grogna aussitôt et Jasdero gémit encore plus fort mais leurs deux réactions furent aussitôt noyées par le cris de victoire de Sheryl qui pointa aussitôt Adam du doigt avec un rire maniaque. Tricia eut un sursaut surpris et ce dû réveiller Sheryl car il baissa tout de suite son bras, toussota légèrement et tira dignement sur son gilet.
"C'est cela, oui." Dit-il simplement avant de se diriger résolument vers le second canapé où l'attendait Tricia.
Adam se leva gracieusement, se dirigeant vers son chapeau haut de forme abandonné sur la petite table ronde près du sapin. C'est lui qui servait de contenant pour piocher les petits papiers et le Prince y glissa sa main avec entrain. C'était sans conteste la personne la plus motivée par leur jeu et il s'empressa de lire le prochain papier.
"Oh, je crois bien qu'il y a un mot en double, que se passe-t-il dans ce cas là ?" Demanda-t-il en levant les yeux vers Eve.
Mais Eve était toujours à moitié cachée derrière l'épaule de Tyki et il fallut que ce dernier lui tapote la tête avec amusement pour qu'elle se décide à leur faire face.
Jasdero ne l'avait jamais vu aussi heureuse. Devit non plus. Elle était incroyablement rouge, plus rouge que les champignons vénéneux qu'ils avaient vu en forêt et ses joues étaient humides. Les larmes coulaient encore de ses yeux alors même qu'elle essayait désespérément de les essuyer avec le mouchoir que lui avait élégamment procuré Tyki. Il aurait dû le garder pour lui, pensa Devit, Eve avait laissé deux tâches rondes sur son épaule. Pourtant, il ne semblait pas s'en préoccuper, chuchotant quelque chose à l'oreille d'Eve qui lui tira un nouveau hoquet de rire vite réprimé.
"Pardon, pardon, hum… le mime en double… euh… vous pouvez le mettre de côté si vous préférez, ou le faire tout de même, ça n'a pas grande importance." réussit elle à balbutier, repoussant Tyki lorsqu'il se pencha pour dire à nouveau quelque chose qui relancerait son fou rire.
Devit aurait parié que si Tricia et Sheryl n'avaient pas été là, Eve aurait carrément mis sa main sur la bouche du Noah ou plaqué ses mains sur ses propres oreilles en criant "lalala" à tout bout de champs. Elle était drôle, comme ça, et ça ne faisait qu'une raison de plus d'en vouloir à Sheryl de les priver de ce gag.
Le Prince eut un sourire indulgent et piocha un second papier très sérieusement. Jasdero se reinstalla confortablement, prêt à continuer cette soirée irréaliste.
Chapitre 42 : Mes joies quotidiennes
"Je vais adopter Miss Eve."
La phrase fit l'effet d'une bombe, ou tout du moins intérieurement. Extérieurement, Sheryl se limita à enfoncer sa plume dans son bureau. Une honte : le stylo était un cadeau de Tricia et c'était on ne peut plus agaçant de trouver un si beau bureau mais enfin… au moins la destruction n'était que minime.
"Miss Campbell ?" Répondit Sheryl sans prendre la peine de cacher le scepticisme qui en suintait. Il fallait le comprendre, Miss Campbell n'était pas tellement un poid… mais ce n'était certainement pas un atout non plus. Bien sûr, elle pourrait permettre un nouveau mariage politique, peut-être avec un haut dignitaire des Indes, mais la lié au duché Campbell ? Quand il n'y avait pas d'héritier mâle ? Ça n'annoncait que des rumeurs obscènes et guerres de successions en perspective. Non, le plan précédent d'attendre qu'un jeune Noah masculin se réincarne pour devenir l'héritier officiel était toujours plus adéquat.
Pourtant, considérant le regard doux et la soudaine utilisation du prénom de la jeune fille, Sheryl doutait qu'il arrive à lui faire changer d'avis. Ça ne voulait pas dire qu'il n'allait pas essayer cependant. Posant soigneusement sa plume ruinée, Sheryl entremêle ses doigts, prêt à faire face aux nouvelles frustrations qui n'allaient pas tarder à venir.
"Allons mon Prince, son adoption n'est d'aucune utilité pour le Clan." Admonesta Sheryl avant de péniblement adoucir sa voix. "Vous avez fait déjà beaucoup pour elle en lui sauvant la vie, il n'est pas nécessaire d'aller aussi loin."
Le patriarche Noah eut un air peiné avant que sa bouche ne forme bientôt une moue boudeuse digne de la Noah du rêve. "Il est si rare qu'un humain survive à mon sang… Qui plus est Sheryl, la matière noir se multiplie déjà tout le long de ses méridiens, il ne sera pas long avant qu'elle soit capable de pratiquer la magie."
"Être capable ne veut pas dire qu'elle l'utilisera." Balaya Sheryl. "Même nous Noah ne nous embêtons pas avec la magie la plupart du temps. Serait-il même possible pour elle d'activer la magie sans instruction extérieure ?"
"Hé bien, c'est peu probable, c'est vrai… il faudrait que la matière noir produise une quantité d'énergie considerable et même alors je doutes qu'elle prenne forme sans formule à moins d'un danger émotionel extrême." Le Prince hésita, forçant aussitôt un sourire satisfait sur les lèvres de Sheryl.
"Il n'y a donc aucune raison d'utiliser Miss Campbell autrement que comme nous l'avons fait jusqu'à présent."
"Je supposes qu'Eve a l'air heureuse auprès de Tricia." Réfléchit le Prince ce qui n'était absolument pas le point qu'essayait de faire passer Sheryl, mais enfin… Si cela le convainquait, il pouvait bien prendre en compte le bonheur de Miss Campbell. Malheureusement, le Prince revient à la charge. "Ne dis-tu toujours pas que je passe trop de temps à m'occuper des affaires du duché ? Un futur héritier Noah serait trop occupé pour s'en occuper également. Alors qu'une humaine… En temps qu'heritière présomptif, il serait tout naturel de lui déléguer les devoirs du duché, ce qui me laisserait plus de temps pour le Clan."
Sheryl leva un sourcil douteux. "Rien ne me ferait plus plaisir que de vous voir déléguer un peu plus de tâches. En effet, le management du Duché ne mérite pas votre attention. Cependant, si vous êtes enfin prêt à concéder, l'Akuma qui s'occupait du Duché il y a deux ans est toujours actif. C'est un très bon intendant, il serait un choix bien plus pertinent qu'une jeune fille qui ne sait même pas assister a un bal correctement."
Le Prince eut un petit sourire amusé aux mots du Noah du désir. "Tu es dur, Sheryl, elle remplissait son rôle à merveille jusqu'à ce que Tyki l'assomme."
Sheryl ignora ce point sans aucune honte, reposant sa tasse avec un cliquetis perçant. "Miss Campbell ne connait rien du monde, que ce soit Mondain ou du peuple, le seul avantage qu'elle pourrait éventuellement nous apporter est, contrairement à un Akuma, sa capacité à vieillir ce qui pourrait lui permettre d'apparaître en société sur le long terme. Même alors, nous n'avons jamais eu de réels problèmes à propos de ça auparavant. Un akuma serait de tout évidence bien plus efficace, discret et surtout loyal."
Le Comte acquiesça lentement mais il avait une lueur dans les yeux que Sheryl connaissait bien : il aurait beau présenter les arguments les plus logiques, le Prince avait décidé et ça n'y changerait rien. "Tout de même, je me sens responsable d'elle maintenant et j'aimerais mieux la connaître. Elle a déjà mon sang, il me semble tout naturel de le rendre officiel."
Sheryl leva deux doigts pour ajuster son monocle, se retenant de se masser les tempes au passage. Le Prince n'allait pas abandonner. Il était encore plus têtu que Sheryl et, hé bien, en temps que Noah, il se devait de lui obéir. Pourtant, ça ne voulait pas dire qu'il ne pouvait pas tourner ça à son avantage. "Soit." Accepta-t-il avant d'ouvrir le tiroir pour sortir une nouvelle plume. "Alors adoptez Miss Campbell !"
Le Prince eut un sourire rayonnant. Sourire qui se fit bientôt timide lorsque Sheryl plaqua une feuille vierge sur son bureau.
"Ah. Je suppose que tu as des conditions ?" Sourit le Prince en se dandinant nerveusement.
Sheryl laissa échapper un sourire digne de sa part Noah et trempa la plume dans l'encrier avant de l'essuyer d'un geste sec.
Qu'on ne dise pas que Sheryl ne savait pas s'adapter.
Chapitre 43 : Essaies et Erreurs
Adam leva la tête précisément une seconde avant qu'un cris perçant rebondisse sur les murs. Pourtant, il ne fut pas le plus rapide à se rendre à la source. Non, ce record allait sans contexte à Tricia. Du fond du couloir, il vit la porte de la chambre des maîtres s'ouvrir avec un bang et Tricia courir jusqu'au battant d'à côté avec une vitesse qu'il ne lui soupçonnait pas.
"Eve ?!" S'exclama Tricia en poussant la porte, semblant tout à coup avoir oublié ses bonnes manières face à l'urgence. Trottinant jusqu'à elle, Adam dépassa Jasdero qui pointait sa tête hors de sa chambre et manqua de rentrer dans Road lorsqu'elle sortit de la sienne. Un adroit pas de côté plus tard et il regardait à l'intérieur de la chambre de Miss Campbell par-dessus l'épaule de Tricia.
La jeune fille était figée sur place, une jambe au sol et l'autre repliée sous sa couverture comme si le temps s'était arrêté alors qu'elle sortait du lit. La bouche légèrement ouverte, la peau aussi blanche que ses draps et la main légèrement levée vers le feu, elle ne réagissait pas. Tout du moins pas jusqu'à ce que Tricia la rappelle de nouveau. Au son, elle sursauta violemment, tombant maladroitement sur son lit avant de les regarder les yeux écarquillés.
"Eve ça va ? Que s'est il passé ?" Demanda de nouveau Tricia en entrant prudemment dans la pièce.
Toujours en dehors, il n'était pas difficile pour Adam d'entendre le cœur battant beaucoup trop vite de la jeune fille. Pourtant, elle fit admirablement bien semblant, avalant difficilement avant qu'un "Ce n'est rien, j'ai juste… hum… vu une araignée dans mon lit. Je ne m'y attendais pas, je suis vraiment désolé de vous avoir dérangé." tombe de ses lèvres.
"Elle devait être énorme pour que tu cris comme ça." Se moqua Road et Adam baissa les yeux pour la voir à ses côtés. Les jumeaux et elle s'étaient attroupés dans l'encadrement de porte, attiré par le cris. Heureusement pour Miss Campbell, Sheryl et Tyki étaient dans le bureau de ce premier et bien qu'ils n'avaient pas dû manquer le hurlement, ils n'avaient pas non plus fait mine de les rejoindre.
La taquinerie de Road ne suffit pas à faire reprendre des couleurs à la jeune fille. Avec un faible sourire un peu tordu, elle ne fit qu'acquiescer alors que Tricia lançait un regard désapprobateur à sa fille.
"Pff, une araignée." marmonna Devit avant de faire volte-face. Jasdero resta une seconde de plus, souriant à Eve avant de trottiner derrière son frère. Voyant que la jeune fille était en bonne main et étant bien conscient que Tricia n'allait pas être très contente de le voir là une fois la crise terminée, Adam ne tarda pas non plus. Filant vers l'aile des invités, il ne fut pas le moins du monde surpris lorsqu'une petite main vint se glisser dans la sienne.
"Une araignée, hein?" Murmura Road et Adam acquiesça.
"C'est un peu étonnant mais pas en dehors du domaine du possible." Murmura le Prince en serrant la petite main entre ses doigts. "Voyons si notre nouvelle amie à huit pattes nous rend de nouveau visite avant toute décision hâtive." ajouta-t-il. Road ne fit qu'un bruit indistinct avant de sauter pour planter un bisou sur la joue d'Adam en guise de bonne nuit.
Adam fut très surpris lorsque treize jours entiers passèrent avant qu'une nouvelle "araignée" n'intervienne. En effet, il s'était attendu à une nouvelle explosion magique dès le lendemain, six tout au plus. Alors lorsqu'une semaine était passée sans le moindre fumet de surnaturel, Adam s'était dit que la jeune fille avait soit trop peur pour retenter l'expérience ou alors qu'elle n'avait tout simplement pas compris comment la renouveler. Pourtant, dans ce dernier cas, connaissant Miss Campbell et son étonnante acceptation des pouvoirs familiaux, il s'était attendu à des expérimentations de sa part. C'était bien pour ça qu'il s'était attardé quelque jours au manoir Kamelot d'ailleurs, essayant d'être là lorsque Road ne le pouvait pas.
Bien que, Miss Campbell avait semblé très secoué de sa première visite dans le paranormal… Adam se demandait bien comment elle avait déclenché sa magie. Sans un objet ou une formule pour la canaliser, ce n'était généralement pas une force facile à invoquer sans être en danger immédiat. Ce qui, à la connaissance d'Adam, n'avait pas été le cas étant donné qu'ils l'avaient retrouvé au fond de son lit.
Finalement, c'était au cours d'un entretien avec Sheryl, alors que ce dernier le mettait au courant de ses derniers projets politiques, que le Prince des Noah ressentit une nouvelle vague de magie. C'était une chose brute, ombré, qui ne faisait pas dans le détail. Comme si la jeune fille avait poussé l'énergie hors d'elle à l'exemple d'un bouchon d'un champagne bien secoué. Un faible carillon retentit au loin et Adam se demandait bien ce qui avait cédé face à ça.
Il pouvait difficilement s'esquiver pour assouvir sa curiosité sans alerter Sheryl. Le Noah du Désir avait à peine réagi : un simple froncement de sourcils légers et une vague de sa main avant de continuer à discourir. Adam ne pouvait pas lui en vouloir, c'est le patriarche qui n'avait pas jugé nécessaire de pourvoir à sa culture magique. Ça avait paru moins important que les langues, le savoir vivre, ses pouvoirs de Noahs et la politique à l'époque. Maintenant, Adam se demanda s'il n'aurait tout de même pas dû en toucher un mot. Qu'au moins le pauvre homme sois au courant de ce qu'il se passait sous son toit.
Enfin, ce n'était pas comme si Adam ne pouvait pas gérer cet incident lui-même. C'était de sa responsabilité, après tout, c'est lui qui avait choisi de donner son sang et de faire face à ce qui pourrait en ressortir.
Ce qui en était ressorti, c'était vraisemblablement une jeune fille qui parvenait à peine à ne pas tourner de l'œil dans son potage. Pas étonnant considérant la force brute qu'elle avait utilisé pour éclater les fenêtres de la bibliothèque. Même la remarque de Tyki sur lesdites fenêtres parvinrent à peine à lui faire écarquiller les yeux. Et seulement une seconde avant qu'elle ne les laisse fermés bien trop longtemps, semblant avoir toutes les peines du monde à les rouvrir.
Adam ne fut pas le moins du monde surpris lorsqu'elle s'esquiva adroitement de la soirée familiale ce soir-là pour aller se glisser plus tôt dans son lit. Heureusement pour elle, Tyki avait lui aussi pris la poudre d'escampette, sûrement pour rejoindre une belle. Tricia avait regardé le canapé vide avec un sourire satisfait et Adam n'avait pas daigné briser ses attentes. Non, il était plutôt allé faire un tour dans le jardin intérieur, Road pendu à son bras.
"Ça fait deux fois." Nota la Noah du rêve après qu'Adam lui ait raconté les événements de l'après-midi. "La connaissant, maintenant qu'elle a compris comment la manifester, elle va forcément recommencer. Et sans instruction, ça pourrait être très dangereux pour elle, comme pour d'autres."
"En effet." Murmura Adam. Même si, dans ce cas, les autres concernaient uniquement Tricia et les serviteurs humains du manoir. Les Noah risquaient fort peu à part si la jeune fille réussissait à compresser si fort sa magie qu'elle s'en faisait exploser. N'ayant pas l'air de rechigner à l'utiliser, l'option semblait peu probable. Tout de même... "J'ai quelques vieux livres au manoir… il serait peut-être temps de l'inviter à la maison ?"
Mais Road secoua la tête. "Je ne pense pas que la confronter directement soit la meilleure idée. Eve est une souris, si on la chasse, elle va s'enfuir. Mieux vaut lui laisser le fromage en évidence et la laisser le découvrir seul."
Adam acquiesça lentement. L'analogie n'était pas si bonne, surtout étant donné le véritable dégoût que la jeune fille avait pour le lait fermenté. Mais il voyait ce que la Noah voulait dire : le statu quo était terriblement important pour Miss Campbell. Elle avait eu beau être au courant des pouvoirs de Tyki pendant des mois, elle n'en avait pas pipé mot. En tout cas pas jusqu'à ce ça avait été si évident que Tyki avait dû la coincer dans la bibliothèque pour la forcer à en discuter. Lui donner les ressources pour qu'elle puisse mieux comprendre cette nouvelle force de son côté tout en sous-entendant leur connaissance et soutiens semblait le plus adéquat.
"Dans ce cas, je vais lui montrer le balcon." Répondit résolument Adam. Il l'avait dit presque sans y penser, la raison étant sûrement qu'il ne voulait en effet vraiment pas y penser.
Road s'arrêta net, entraînant le prince à sa suite. Il savait ce qu'il allait lire dans ses yeux, voilà pourquoi il fixa une très jolie rose par-dessus son épaule. Ça ne le sauva pas de ses mots, cependant.
"Ce ne sera plus pareil si elle y va et touche aux livres, tu le sais ?"
"Ce n'est déjà plus pareil." Murmura Adam. Une soudaine fatigue l'assaillit. Oui, ça faisait des décennies que ce n'était plus pareil. Peut être fallait il enfin laisser le temps reprendre sa course. Ces livres méritaient d'être lus, après tout.
Adam se remit en marche. Tiré par leurs bras noués, Road lui emboita le pas. Un petit pas, se dit Adam, juste un. De quoi les aider tous les deux. Eve avec son futur et Adam avec son passé.
Chapitre 47 : Les Débutantes
Ce n'était pas habituel au manoir Kaamelott que tout le monde mange ensemble au petit-déjeuner. Bien sûr, ça arrivait de temps en temps, et ces derniers mois, ils l'avaient même fait de plus en plus souvent. Mais presque tous les jours ces deux dernières semaines ? Du jamais vu. Même au tout début de leur mariage où Sheryl essayait d'être le plus présent possible, il était au moins un jour sur trois en affaires. Pourtant, maintenant il mettait un point d'honneur à assister religieusement à chaque petit déjeuner. Tricia n'était pas sûr s'il le faisait pour elle dans l'idée de lui faire oublier l'absence d'Eve ou plutôt pour essayer d'arranger sa relation tumultueuse avec Tyki. Sûrement un peu des deux.
Dans l'état, Tyki n'était pas très réceptif aux tentatives de conversation de son frère, jouant distraitement avec le contenu de son assiette. Tricia n'avait pas le cœur à l'admonester même en considérant l'état pitoyable dans lequel il avait mis ses œufs. L'atmosphère était si lourde que même Road, qui essayait pourtant d'ordinaire de réconcilier tout le monde semblait à deux doigts de partir en avance pour ses classes.
"Lady Kamelott, une lettre pour vous." Annonça tout à coup Eliott en lui tendant son plateau où une note reposait.
Un répis ! Espéra une seconde Tricia, mais elle déchanta bien vite en voyant l'écriture. Ces lettres beaucoup trop rondes et étonnement séparés ne pouvaient appartenir à personne d'autre qu'Eve. En d'autres situations, elle en aurait été enchantée, maintenant cependant…
Se retenant de laisser échapper le soupir qui pesait sur ses lèvres, Tricia ouvrit la lettre d'un geste vif et la parcourut rapidement du regard.
"Une lettre d'Eve, mère ?" Demanda Road.
"Ah, oui ma chérie." Sourit distraitement Tricia en essayant de déchiffrer un passage particulièrement mal écrit. Il faudra vraiment ajouter des cours de calligraphie au curriculum d'Eve. Bien que plus tard. Il n'y avait aucun moyen de glisser ça dans son programme déjà très serré.
"Quelles sont les nouvelles ? Y a-t-il un message pour moi ?" Insista Road.
Ce ne fut que des années de pratique qui empêchèrent Tricia de laisser échapper la grimace qui la démangeait.
"Non mon cœur, c'est une lettre d'affaire, elle répond à quelques questions que j'avais au sujet du mariage." Répondit vaguement Tricia en relisant plus soigneusement la lettre.
Road répondit quelque chose mais Tricia était de nouveau trop concentré pour l'entendre. Il n'y a ne serait-ce qu'un mois, Tricia était à peu près sûr qu'une lettre d'Eve aurait été toute différente. Polie, certes, mais enjouée, maladroite, pleine de bon sentiments. Maintenant, elle était… plate. Aussi impersonnel qu'il était possible d'être. Il n'y avait pas un mot au-dessus de l'autre, c'était même presque excessivement polie. Pourtant, cachée entre ses phrases courtes et au point, Tricia pouvait facilement sentir toute la frustration de la jeune fille.
La lettre était si… insolente. Il était étrange de penser à Eve avec ce mot mais c'était vrai, au moins à cet instant. Elle avait certes toujours été un peu… libre, mais jamais méchante. Tricia ne pouvait s'empêcher de penser à son propre mariage et comparer leur deux réactions si différentes. Elle même avait fait des pieds et des mains pour se marier avec Sheryl, sa propre mère n'appréciant pas du tout l'idée au départ. Pourtant avec la mort de son frère aîné et l'infortune qui avait touché les affaires de son père, ils n'avaient pas été en position de refuser bien plus longtemps. Tricia louait chaque jour sa chance que ce soit Sheryl qui avait finalement gagné sa main et pas un des riches et surtout vieux Nobles qui la courtisait à ce moment-là.
Tout ça pour dire que Tricia avait sauté dans son propre mariage avec toute la détermination du monde, confiante en son choix et prête à se battre élégamment contre toutes les autres suivantes de Sheryl.
Elle avait déjà eu l' impression d'être une héroïne de roman à l'eau de rose, remportant la main de son beau Prince mais il n'y avait aucune comparaison avec l'histoire d'Eve. En bien comme en mal, elle s'était transformée en véritable conte de fée. Une douce jeune fille de bonne naissance perdant tragiquement sa famille et tout ce qu'elle connaissait dans un incendie ravageur. Une mémoire abîmée et puis soudain une main aimable, lui permettant de trouver du travail au manoir. Deux années, que Tricia osait penser fabuleuse considérant les éclats de rires rebondissant sur les murs, avant d'être tout à coup adoptée par un Duc. Et puis, un mariage, certes rapide, mais avec un ami cher. Enfin après tous ces drames : un mari aimant, une famille aux petits soins, un titre… il ne manquait plus que les enfants et alors ne serait-ce pas une histoire parfaite ?
Alors pourquoi Eve était si… si… blessé ?
Tricia elle-même n'aurait jamais osé envoyer une lettre comme ça à sa mère. Bien sûr, elle n'était pas la mère d'Eve mais elle aimait à se considérer comme une grande sœur réconfortante et, jusqu'à la vente aux enchères, elle se plaisait à se dire qu'Eve la voyait comme tel aussi. Mais maintenant…
Tricia soupira.
"Qui y'a t'il ma chérie ?" demanda Sheryl et Tricia sursauta légèrement, ne s'étant même pas rendu compte que Sheryl avait terminé son sermon. "Miss Evelyne est encore irraisonnable ?"
Tricia allait répondre mais Tyki fut plus rapide, posant sa fourchette avec un petit bruit sec.
"Si tu fais référence à sa robe, je ne vois pas en quoi il était irraisonnable qu'elle ne veuille pas parader dans un de ces sacs impraticables. Elle aurait suffoqué sous ses millions de voiles avant même la fin de la première heure."
"Tu sais très bien pourquoi Tyki, il est important de montrer que ni le Duché Campbell ni la Marquiserie Kamelott n'est en quelconque difficulté financière." Répliqua aussitôt Sheryl. "Les robes que favorisait Miss Evelyne étaient beaucoup trop simplistes. Tu sais comme les apparences sont importantes."
Tyki pinça les lèvres mais, étonnement, il ne répondit pas, préférant fixer ses yeux sur son assiette. Tricia aurait pourtant parié qu'il aurait enchaîné sur une de ses tangentes sur son ennuie du paraître. Ce dû surprendre Sheryl aussi, car il lança aussitôt un regard perdu à Tricia. Lorsqu'elle ne pu que légèrement secoué la tête, il se tourna de nouveau vers son frère.
"En parlant de vêtements, ne tarde pas trop ou nous allons être en retard chez le tailleur."
"Comment ça "nous" ?" répondit Tyki en se figeant. "Tu n'as pas besoin de m'accompagner, tu as déjà choisi et envoyé le modèle, ce ne sont que des retouches."
"Évidemment que je viens, je veux être le premier à te voir dans ton costume de marié." Insista Sheryl avec un sourire fière.
Sourire non partagé par son petit frère. Tout ça devait être trop pour lui car au lieu de simplement lever les yeux au ciel comme il l'aurait fait d'ordinaire, il se leva d'un coup, sa chaise grattant durement sur le sol.
"Je vais me préparer dans ce cas." dit-il sèchement avant de partir sans une excuse.
"Tyki !" S'exclama aussitôt Sheryl, un froncement de sourcil remplaçant aussitôt son sourire. "Ne fait pas l'enfant ! Je ne comprends pas pourquoi est-ce que tu prends toujo-..."
"Je t'arrête tout de suite, je ne vois pas l'intérêt d'avoir à nouveau cette conversation stérile. Mais si tu y tiens temps, attendons au moins d'être dans le fiacre pour ne pas déranger ces dames."
Sheryl pinça les lèvres, secoua la tête mais finalement la hocha d'un coup sec. "Bien."
"Bien." Répéta Tyki et il fit volte face, disparaissant dans le hall.
Tricia plia doucement sa serviette, limitant les mouvements brusques dans l'optique de ne pas provoquer son Mari. Elle avait été si sûr… Évidemment Tyki et Eve avaient toujours habilement évité l'idée, mais ils étaient si complices qu'il aurait été triste de perdre une telle amitié. Et ils l'auraient assurement perdu à leur inévitable marriage car être aussi proche d'un autre être du sexe opposé était inconvenant. Un mariage était inévitable, au moins pour Tyki. Quant à Eve, elle aurait certes pu rester à leur service indéfiniment mais… non, ce n'était pas une vie.
Donc oui, un mariage était inévitable et Tricia ne voyait pas un meilleur dénouement que celui-là. Pourtant, en voyant le dos de Tyki disparaître par la porte et la lettre d'Eve devant elle, Tricia ne pouvait s'empêcher de redouter d'avoir mal géré la chose. Aurait-elle vraiment dû insister autant sur ce mariage ? Pousser pour qu'il arrive si vite ? Laisser Eve au manoir Campbell ? Forcer Tyki à s'occuper de ses devoirs sociaux ? Les séparés ?
Les mains tremblantes, elle posa la serviette sur la table. Elle était terrifiée de les perdre. Malheureusement, elle n'était pas sûr que ses tentatives pour renouer leurs liens soit plus efficaces que celles de Sheryl.
Chapitre 48 : Le Maudit Mariage
Le premier cris étranglé passa ses lèvres alors même que le mariage était officialisé.
Pour être honnête, Sheryl s'était attendue à hurler bien plus tôt. Oh bien sûr, il avait toute confiance en les capacités d'organisation impeccable de Tricia, c'était une des nombreuses raisons pour laquel il l'avait choisi après tout. Pourtant, il était aussi toujours étonné par les facultés de Miss Campb-... Evelyne, à retourner la situation. Le bal des neuf ans de Road en était un bon exemple.
Ce qu'il se passait devant lui en était un autre. Avait-on jamais vu une femme embrasser son mari comme tel en publique dans la haute société ? Avec une initiative et un empressement que Sheryl aurait juré que la jeune fille ne possédait pas. N'avait-elle justement pas fait toute une histoire car elle refusait de se marier à Tyki ? Sheryl n'y comprenait plus rien.
Road caqueta de joie à ses côtés et son sifflement couvrit celui de Sheryl. Sa petite chérie était toujours là pour l'aider, pensa avec émotion Sheryl. Cela suffit à le calmer et il inspira un bon coup, reprenant rapidement contenance alors que Tyki et Miss Ca-... Evelyne se tournaient vers l'assistance sous les applaudissements polis. Une main se glissa dans la sienne et Sheryl la serra légèrement. Très légèrement, avec à peine un centième de sa force. Pourtant, pour les mains délicates de Tricia, ce devait déjà être bien assez.
"Ne t'en fais donc pas autant, mon cœur, le plus gros est fait." murmura sa compagne à son oreille.
Sheryl acquiesça mais il n'était certainement pas d'accord avec elle. Le mariage était accompli mais il n'en restait pas moins la soirée avec tout le gratin de la haute société Européenne. Connaissant les compétences sociales plus que douteuses de Tyki et de Mis-... Evelyne, Sheryl n'était pas très confiant.
C'est bien pour cela qu'il ne les quitta pas d'une semelle ensuite, les suivant à la trace comme un chien de garde. Les mariés avaient subi un entraînement assez intensif ces derniers mois que Sheryl n'eut heureusement pas à intervenir bien souvent. Contrairement à ce qu'il avait redouté, Evelyne fut la moins problématique de la paire. Tout simplement parce qu'elle avait pris le parti de coller Tyki comme une bernacle à son rocher et de ne pas décoller les lèvres à moins qu'on lui adresse spécifiquement la parole. Une stratégie incroyablement efficace considérant qu'elle possédait déjà la réputation d'une jeune fille timide et surprotégée par son père grâce au bon travail de Sheryl. Ainsi, fusionnée comme elle l'était avec Tyki, les femmes tournant autour d'eux comme des requins ne pouvaient pas l'attraper seul à seul pour commencer leur jeu politique. Sheryl se demandait si c'était un effort conscient de la jeune fille ou seulement son instinct de conservation qui lui sauvait la mise. Ou leurs mise, vraiment, même avec ses classes intensives, elle n'était certainement pas prête à se battre à mots égales avec des dames comme la Comtesse de Tuny ou Lady Grey et quelle honte ce serait pour le Prince.
Ainsi, seuls de vieils hommes influants ou des couples à la femme muette les accostaient. Dans cette situation, les seules paroles dirigées vers Evelyne étaient de simples commentaires sur sa beauté ou le duc auquel elle répondait facilement avec un sourire et un remerciement.
Politesse pour la dame d'honneur effectuée, les loups se tournaient aussitôt de nouveau vers un Tyki ayant à peine pu reprendre son souffle et attaquaient de nouveau. Tyki, qui n'avait jusqu'alors seulement eu besoin de divertir de jeunes filles à cause de son statut douteux de petit frère du Marquis Kamelott prenait alors la pleine attaque que son nouveau statut d'héritier présomptif par alliance du Duché Campbell. Le pauvre suait à grosses gouttes, mais il s'en sortait finalement plutôt bien au grand soulagement de Sheryl. Évidemment, il n'était attendu rien de moins de l'éducation hors pair de Sheryl ces dernières années mais connaissant dans quel état de sauvagerie sa génitrice avait laissé son petit frère à quatorze ans, c'était toujours un exploit louable.
De son côté, heureusement que Tricia maîtrisait élégamment la conversation car Sheryl était si concentré sur les mariés qu'il n'avait pas la tête au jeu politique plus de quelques minutes à la foi. C'était pourtant une parfaite occasion, entre ce mariage de haut vol et son travail de ministre, tous ces humains se jetaient d'eux même entre ses fils. Ce n'est pas grave, se dit-il, Tricia prenait bien soin de laisser la porte ouverte et alors il ne resterait plus qu'à Sheryl d'attendre leur propositions plus tard. En attendant, Sheryl évitait avec grâce les regards jugeant du Prince, lui-même assailli d'humains. Il voulait que Sheryl laisse les deux mariés tranquilles. Ridicule. Ils feraient des erreurs et, bien sûr ils avaient assez d'akumas dans leur poche pour éviter des conséquences fâcheuses mais enfin, s'ils pouv-... Le Prince !
Sheryl ne sursauta pas lorsque le Duc Campbell glissa une main sur son épaule, mais c'était uniquement parce que ses instinct de Noah ne pouvaient réagir négativement au patriarche. Il savait que ce n'était pas le genre du Prince, mais Sheryl se prépara tout de même mentalement à une réprimande chuchoté sur son comportement.
"Un exorciste nous rend visite." Murmura Adam.
Sheryl se raidit aussitôt. Un exorciste ? Ici ? Son regard glissa nonchalamment sur la foule, s'attardant à peine plus sur les différents membres de l'Ordre Noir. Un cardinal accompagné de trois officiels dont un Corbeau sous couverture et deux notable des familles ancestral Luberrier et De Chemoine. Tous faisaient partie de la liste des invités et étaient attendus même si pas bienvenue.
"Ne t'inquiètes pas, c'est le Bookman Junior. Il est venu sans Bookman, déguisé en serveur. Je soupçonne qu'il est là pour le côté mariage politique important et non pour la guerre sainte."
Sheryl hocha la tête, ses yeux sautant tout de même de serveurs en serveurs jusqu'à ce qu'il sente une faible démangeaison lui remonter la colonne vertébrale. Là. Taille moyenne, cheveux roux, et maintenant qu'il y prêtait attention, la puanteur de l'innocence s'échappait de son tablier. A peine venait-il de le remarquer qu'Evelyne lui fonça dedans.
C'était délibéré, complètement délibéré et Sheryl se retient de crier uniquement parce que le Prince avait toujours une main ferme sur son épaule. Que diable faisait-elle, encore ?! Et voilà qu'ils causaient une scène maintenant ! La commotion et les excuses à profusion avaient invariablement attiré tous les regards. Sheryl fit un pas, prêt à intervenir, mais Tyki fut plus rapide, guidant sa femme vers la sortie, l'exor-... Bookman junior sur les talons.
"Ah, on dirait qu'ils avaient besoin d'une petite pause." Murmura le Prince. Sheryl lui lança un regard incrédule mais il n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit que le baron Felworth se dandinait vers lui. Ah, évidement, avec les hôtes d'honneur partis, les gardiens prenaient encore plus d'importance. Il plaqua un sourire sur ses lèvres, tendit son bras à Tricia et se lança de nouveau dans la bataille.
Heureusement, les mariés ne tardèrent pas à revenir. D'ici là, la soirée commençait à être un peu trop arrosée au goût du couple Kamelot et Tricia s'empressa de limiter temporairement l'alcool et d'amener la pièce montée. Un timing impeccable, parce qu'Evelyne semblait avoir oublié son armure de timidité et parlait maintenant avec animation à son ami auteur et sa femme. C'était le plus détendu qu'il l'avait vu de toute la journée mais elle faisait trop de bruit. Elle ne semblait même pas remarquer que toutes les conversations avaient fortement baissé aux alentours, chacun tendant l'oreille pour écouter la mariée. Sheryl pinça les lèvres et pressa le pas vers elle. Le sujet en cours, quelque chose à propos d'un roman, n'avait pas besoin de beaucoup de discrétion mais il ne valait mieux pas laisser la moindre miette d'informations aux vautours.
Malheureusement il fut de nouveau accosté avant qu'il puisse l'atteindre et à son horreur, ce fut le groupe de l'Ordre Noir qui rejoint la jeune fille. Où diable était Tyki ?!
Il peinait à se débarrasser de sa compagnie lorsqu'un grand fracas retentit derrière lui. Avec horreur, il fit volte-face pour voir la pièce montée par terre, le glaçage dégoulinant sur le sol et les jumeaux s'éloignant tout doucement.
Sheryl resta une seconde interdit ne revenant à lui que lorsqu'une piqûre et un bruit aigu retentit. Baissant les yeux, il vit qu'il avait malencontreusement écrasé son verre de champagne heureusement presque vide. Son gant l'avait quelque peu protégé et sa peau Noah avait fait le reste il n'y avait donc heureusement pas de blessures. Les petites mains de Tricia s'empressèrent tout de même de lui enlever ce qu'il restait du verre des mains.
"Ce n'est pas grave, mon cœur, nous avons d'autres desserts tout aussi impressionnant." L'assura-t-elle avant de se tourner vers Eliott et lui donner le verre. "Indiquez aux serviteurs d'amener rapidement la pyramide de choux."
"Une quoi ?" Demanda-t-il, pris de cours. Chou, comme le légume ?
"C'est un dessert qu'Eve à demandé, elle a dit que c'était une tradition aux mariages de sa famille." Expliqua Tricia.
Il cligna des yeux avant de se rappeler qu'il avait une situation à gérer. Pourtant, lorsqu'il se retourna, tout était déjà presque réglé, une armée de serviteurs essuyant les derniers restes du gâteau et les jumeaux nul part en vue. Un nouveau regard à la mariée et elle aussi avait profité de la situation pour s'extirper, abandonnant ses amis aux loups. Et voilà Tyki ! Sheryl espérait qu'il n'avait pas osé passé sa disparition avec une quelconque jeune fille à son propre mariage… La pensée lui fit attraper un nouveau verre mais il n'avait même pas pu prendre une gorgée que Tricia lui prenait de nouveau des doigts.
"C'est assez, n'est-ce pas ?" Demanda-t-elle et Sheryl lui laissa de mauvaise grâce. Avec ses gênes Noah's, ce n'était certainement pas 'assez' pour faire quoi que ce soit, que ce soit bénéfique ou néfaste mais il pouvait difficilement l'expliquer à sa femme. Il n'empêche, ça le demangea toute la soirée de reprendre en verre. À chaque fois qu'un des deux protagonistes s'empêtraient dans une situation, ses yeux cherchaient le serveur le plus proche. Tricia dû le remarquer parce que lorsqu'elle emmena Evelyne dehors elle lui lança un dernier regard qui annonçait qu'il n'avait certainement pas intérêt à sentir l'alcool en la rejoignant plus tard.
De toute façon, tout ce potentiel désastre politique touchait à sa fin et Sheryl s'empressa de rejoindre son frère. Avec le Prince, ils disaient bientôt au revoir à chaque dignitaire, pressant les plus imbibés vers la sortie.
Deux heures plus tard, il se retrouvait, épuisé mentalement, entre ses draps, sa femme à l'air bien trop satisfait à ses côtés. Il avait signé deux nouvelles affaires, planté les graines d'une dizaine d'autres et à part l'incident du baisé et du gâteau le reste ne s'était pas aussi mal passé qu'il l'avait redouté. En sommes, si pas un retentissant succès, c'était loin d'être un désastre non plus. Et avec Tyki et Evelyne impliqué ? Il s'en contenterait.
Chapitre 51 : La fin de la vie (presque) normal
"Merci Lucie" répondit chaudement Evelyne, ses traits se tirant en un sourire fatigué. "Je n'y serais pas arrivé sans vous."
Lulubelle hocha la tête, tapotant son tas de feuilles pour le remettre en forme. "Mettez d'un côté les documents que vous avez complété et d'un autre ceux où vous avez des questions et je les regarderai demain. Bonne soirée."
"Bonne soirée !" Répondit la jeune humaine avec un dernier sourire avant de se pencher de nouveau sur son tas de paperasses. Une mèche rebelle glissa de son oreille et elle l'a remit distraitement, de nouveau concentré.
Lulubelle passa la porte de l'étude juste comme l'Akuma assigné à Evelyne tournait le coin du couloir. "Une porte." Ordonna-t-elle.
L'akuma s'inclina, se décalant prestement contre le mur pour laisser toute la place à la Noah.
"Maitresse Road en ouvre une dans l'étude." L'informa-t-il.
Lulubelle hocha la tête d'un coup sec. Elle ne s'arrêta même pas pour de dernières recommandations : elle n'avait pas besoin. Le Prince avait choisi un des meilleurs Akuma servant pour accompagner Evelyne. Un niveau 3, un comptable à l'esprit vif dans le corps bien entrainé d'une femme de chambre de bonne maison. Simple, efficace, l'Akuma avait gravi les rangs à Edo avant d'être recruté au manoir Campbell pour aider aux affaires internes il y a plus de trois ans. Il était certainement plus utile dans le traitement d'informations que dans le service à la personne mais c'était de toute façon le premier dont Evelyne avait besoin présentement. Ça et un garde du corps, s'il lui prenait l'envie d'une autre excursion impromptue.
Lulubelle s'arrêta devant le bureau de Sheryl, retenant une moue dégoûtée alors qu'elle frappait sur le battant. Elle attendit à peine le "entrée" avant de pousser la porte, ne s'embarassant pas de politesse avec lui. Un regard agacé lui répondit mais elle n'en fit peu cas, fermant la porte derrière elle avant de marcher d'un pas ferme vers la petite bibliothèque attenante sans un mot. Là, caché derrière de lourds rideaux, non loin du téléphone, se trouvait lorsque Road le voulait, la porte vers le manoir Campbell. Passant la monstruosité rose, Lulubelle se retrouva instantanément dans la salle de réception du manoir Campbell.
C'était un petit salon, les canapés artistiquement organisé autour de la porte, comme dans l'attente d'un invité. Ici, il n'y avait pas besoin de la cacher, il n'y avait aucun humain qui pourrait trébucher dessus. Pas depuis qu'Evelyne était retournée au manoir Kamelot en tout cas. D'un pas vif, elle traversa la pièce vers la porte menant à la grande entrée. Juste comme elle allait la traverser, un Akuma l'ouvrit pour elle, s'inclina et lui indiqua que le Prince l'attendait au jardin. Elle aurait pu s'en douter, il quittait rarement sa terrasse lorsque le soleil venait les gracier de sa présence dans ces campagnes reculés.
En effet, il était là, assis dans une des petites chaises en fer délicatement ouvragées à regarder les fleurs. Derrière lui, deux Akuma habillés en femme de chambre montaient la garde, prêt à sauter au moindre besoin de leur maitre. Un rapide coup d'œil au profil du Prince arma Lulubelle de prudence : il avait les yeux dans le vague, un sourire tiré et mélancolique… il y avait des chances qu'il soit de nouveau perdu dans le passé.
"Mon Prince." Salua-t-elle lorsqu'elle fut à distance confortable.
Le patriarche Noah cligna lentement des yeux, ses cils se caressant l'un l'autre avant de laisser apparaître une lueur dans ses pupils.
"Ah, Lulubelle ! Quel bon vent t'amène ?" S'exclama-t-il tout à coup comme si de rien n'était.
Lulubelle s'installa élégamment à ses côtés, attendit patiemment que l'Akuma lui serve du thé et répondit :
"Une simple visite entre deux tâches. J'étais avec Évelyne pour lui expliquer certaines affaires et je m'apprête à me rendre en Thaïlande concernant les brokers que vous m'avez demandé de traiter."
"Ah oui, triste histoire… C'est décevant de se séparer d'un aussi grand nombre de brokers si soudainement, mais enfin, l'humain est comme ça, toujours si avare…" Le Prince secoua la tête, les lèvres courbées en une moue triste. Bien que vraie, cette expression ne s'attarda pas plus de quelques secondes, aussitôt remplacée par une curiosité joyeuse. "Et comment Evelyne se porte-t-elle ? Ce doit être compliqué de se faire à tout ça sans formation adéquate. Pauvre petite, nous ne cessons de la jeter dans de nouveaux défis, elle qui préférerait passer sa vie à lire dans un coin."
La description était apte et les coins de lèvres de Lulubelle se contractèrent légèrement vers le haut. "Après ces dernières semaines, la gestion des affaires quotidienne se passent bien." Reporta-t-elle avant de froncer légèrement les sourcils. "Cependant, elle est toujours très inquiète à l'approche d'une nouvelle tâche."
"Ça ne m'étonne pas. Evelyne a profondément peur de décevoir autrui." acquiesça Adam.
"C'est absurde, l'Akuma que vous lui avez assignés est là pour l'aider, et je la guide également. Qui plus est, même si une erreur arrivait, ce n'est pas ça qui mettrait la famille en péril."
"Tu le sais, Lulu, mais Evelyne n'a pas tout à fait ces informations. Considérons cela de son point de vue : elle a signé assez de papier pour savoir que nous bougeons sans soucis les finances entre les Kamelot et les Campbell. Elle doit donc non seulement s'inquiéter du Duché Campbell mais de Sheryl également, avec qui elle n'est toujours pas très à l'aise. Nous ne lui avons donné à gérer uniquement les affaires légales ayant strictement liens au Duché. Elle ne sait donc pas que nous disposons d'autres ressources considérables grâce aux akumas et nos affaires moins légales." Expliqua le Prince avant de prendre une rapide gorgée de son thé. "Evelyne est une jeune fille intelligente et elle est donc bien consciente qu'elle n'a pour l'instant pas les capacités pour s'occuper de la tâche qu'on lui a confiée. Elle a donc sûrement l'impression que la moindre erreur aurait beaucoup plus d'impacts sur nos deux familles qu'en réalité."
"Soit, mais même elle doit bien savoir qu'il n'y a pas de graves conséquences à approuver l'abattage de quatre ou alors cinq cochons pour la fête du village."
Le Prince sourit, ses lèvres collées l'une contre l'autre en une courbure calme et avenante. "En parlant de la fête, nous devrions lui montrer les conséquences de tout son travail. Evelyne a besoin de voir un peu plus du monde que l'intérieur des manoirs et des livres. Oui, allons-y tous les trois."
Lulubelle pinça les lèvres, très peu enthousiasmé par l'idée de se mêler à la foule des sujets du duché. Temps d'humains qui se pressaient autour d'eux, suppliant des subventions ou alors, au contraire, les ignorants en faveur de l'alcool, dansant sauvagement. Pourtant, le Prince aimait cette ambiance festive et ce serait une bonne occasion d'apprentissage pour Evelyne. Soit, se dit-elle. Il n'empêche qu'elle espérait tout de même un empêchement.
Chapitre 53 : L'épilogue
Le Comte Millénaire regardait Evelyne pédaler dans l'allée centrale. Bientôt, elle atteindrait la grille permettant l'entrée au domaine Kamelot. Il ne pensait pas qu'elle avait réfléchi une seule seconde au fait que le gardien n'était certainement pas censé la laisser sortir en pleine nuit sans escorte. Qu'importe, une seule pensée du Comte et l'akuma ouvrait déjà la grille.
Dans un coin de sa tête, il pouvait sentir l'akuma qu'il avait assignée à Eve la suivre de loin. Le combat n'était pas sa spécialité, mais un Akuma n'arrivait pas au niveau 3 sans une certaine compétence. Il serait largement suffisant si Evelyne faisait une mauvaise rencontre. En attendant, il la suivrait à distance, gardant un œil sur elle pour le Comte. Enfin, pas qu'un œil. Les grandes villes pullulaient d'Akuma et Adam doutait qu'Evelyne s'en éloigne. Pas tout se suite en tout cas.
"Il est encore temps de la rattraper." Murmura-t-il.
Seul le vent se fit entendre, la masse sombre derrière lui n'esquissa même pas un geste. Pourtant, il n'y avait aucun doute que Tyki ne dormait pas. Sa respiration était courte, silencieuse, bien différente que lorsqu'il paraissait sous la couette en d'autres circonstances. Par la fenêtre, il vit Evelyne jeter un coup d'œil en arrière. C'était comme si, pendant une seconde, leurs regards s'étaient croisés. Pourtant, à la distance à laquelle elle était et dans la nuit, il doutait qu'elle ait pu le voir, même avec ses sens améliorés par son sang. Adam laissa le rideau tomber, tourna la tête vers son lit et insista.
"Elle n'est pas loin il suffirait de l'appeler et…"
"A quoi bon ?" l'interrompit cette fois Tyki, sa voix s'élevant, amère, de derrière un coussin. "Elle se souvient maintenant."
Adam eut à peine le temps de décoller les lèvres que Tyki s'asseyait pour le regarder, sa langue se dénouant tout à coup.
"Le pire, c'est que je me souviens à peine de ce soir-là. Si les akumas ne les avaient pas retrouvés ensemble dans la forêt, jamais je n'aurais su que j'avais assassiné sa famille. J'ai tué des dizaines d'humains, sa sœur n'est pas plus mémorable qu'un autre. Et encore, j'ai un vague souvenir du bébé mais Eve elle-même ? Je sais qu'il y avait une seconde fille dont je n'ai pas eu le temps de m'occuper mais son visage n'est qu'une masse flou dans mon esprit. Eve, elle, est malade rien qu'à voir le mien."
Adam ne savait pas quoi répondre à ça, heureusement, Tyki ne semblait pas en attendre une, passant une main dans ses cheveux en bataille avec un soupir. "Non seulement des excuses ne serviraient à rien, mais elles seraient malhonnête : je ne peux même pas me résoudre à regretter avoir tué sa sœur parce qu'autrement, Eve ne serait jamais venue au manoir."
Adam s'approcha du lit, s'asseyant doucement aux côtés de Tyki. Le garçon leva la tête vers lui, même ses boucles sombres semblaient fatiguées, reposant lâchement sur son front.
"J'aurais voulu qu'elle ne s'en souvienne jamais." Avoua-t-il à mi-voix.
Si Wisely avait été éveillé, l'option de lui effacer les souvenirs de sa vie d'avant aurait été envisageable. Pour la première fois, Adam était bien content que son frère soit encore endormi : c'est un choix qu'il n'aurait pas envié Tyki de faire.
Adam posa une main sur l'épaule de Tyki, le guidant doucement jusqu'à ce que sa tête repose dans le creux de son cou.
"Tu sais Tyki… malgré tout ça, je pense que tu restes la personne la plus importante pour Evelyne. Ce ne sera jamais exactement comme avant et ça prendra du temps, mais ça ne m'étonnerait pas qu'elle te pardonne."
Tyki se figea dans ses bras avant qu'un faible soupir passe ses lèvres. Ils restèrent comme ça quelques minutes, Adam passant ses doigts dans les boucles de Tyki jusqu'à ce qu'une question bien plus calme passe ses lèvres.
"Où est-elle maintenant ?"
Adam regarda une seconde vers l'intérieur, triant instantanément les milliers de liens s'entremêlent dans son esprit avant de tirer celui de l'akuma suivant Eve.
"Sur la route du village, elle va bientôt tourner pour aller à Londres."
"Déjà ?"
"Elle a pris ton vélo." expliqua-t-il et lorsque Tyki fit la grimace : "Elle a dû penser qu'il ne te manquerait pas."
"Bon débarras… Est-ce qu'elle va même arriver jusque là sur cette chose ?" dit-il faiblement.
Le Comte sourit légèrement, rassuré de voir Tyki essayer de reprendre son ton habituel. Pourtant, ça ne dura pas longtemps et le garçon retomba aussitôt dans son mutisme. Adam lui laissa le temps de mettre en forme ses pensées, jouant distraitement avec ses boucles. C'est ce qui l'aidait toujours à les différencier, il ne les avait jamais portés aussi long, ne laissant pas l'occasion aux boucles de prendre forme et… non, non, ce n'était pas le moment.
"Q'est-ce qu'elle va faire maintenant ? Rejoindre son frère aîné ?" souffla Tyki en se relevant. Adam le laissa partir, faisant tomber ses bras, un peu déçu.
"C'est probable. Evelyne est prudente, elle n'aime pas les situations inconnues et a peu de contact en dehors du manoir. Elle a à la fois une vision très pessimiste et optimiste de l'humanité. Cela m'a toujours amusé qu'elle se sente plus à l'aise avec nous qu'avec les humains." Rit Adam mais lorsqu'il vit que Tyki ne le suivait pas, il finit plus sérieusement. "Mr Doyles et, à la rigueur la tenancière de cette auberge où vous allez jouer parfois sont ses seules autres options."
Tyki fronça les sourcils, décolla ses lèvres et puis les referma aussitôt avant de hocher lentement la tête. Adam le regarda curieusement, se demandant ce qu'il se retenait de dire. Enfin, si c'était important, il lui dirait plus tard.
Moins d'un jour après, alors que Tricia faisait les cents
pas, la note d'Eve annonçant son départ serré entre ses doigts, Clarisse Barnes glissa jusqu'à lui comme une ombre pour l'informer d'un coup de téléphone urgent. Laissant le soin à Road d'essayer de calmer sa mère, Adam eut le déplaisir d'avoir Mahulda au combiné. Avoir des nouvelles de l'akuma qu'il avait assigné à Evelyne n'était, en soit, pas une mauvaise chose. Ce qu'elle avait à lui dire, par contre, l'était.
Il semblerait que dans les dernières heures, un exorciste un peu trop zélé avait fait un gros ménage à Londre, se débarrassant d'un nombre non négligeable d'akumas du port, de l'East end et des quartiers alentour. C'était justement dans un de ces quartiers qu'Evelyne avait terminé sa nuit après avoir pédalé jusqu'à Londre.
Dans ce genre de situation, la majorité de ses akumas auraient fait profiles bas, laissant seulement ceux n'étant pas dans des positions importantes se jeter dans la bataille. Seulement, l'avait informé Mahulda, c'était comme si l'exorciste était capable de les discerner, les détruisant avant même qu'ils n'aient pu enlever leur peau. L'akuma n'avait pas eu besoin de décrire sa griffe d'innocence pour que le Comte sache qui c'était : ce nouveau jeune exorciste qu'il avait rencontré deux mois plus tôt… Walker ? Oui, Walker.
Comme beaucoup d'autres akumas de niveau supérieurs occupant des places stratégiques dans la société Londonienne, Mahulda avait donc choisi de fuir. L'akuma avait supposé que laisser sa charge seul quelques heures serait moins dangereux que de la laisser seule tout court jusqu'à ce que le Comte s'en rende compte. Ayant beaucoup de choses dans son assiette et comptant justement sur ses akumas pour l'informer en cas de problèmes, cela aurait pu prendre des jours. C'était donc une décision tout à fait censée.
Oui mais voilà, lorsque l'exorciste avait terminé son massacre et s'en était allé, Mahulda était revenue à l'auberge où Evelyne avait pris refuge pendant la nuit et la jeune fille n'était plus là. Mahulda avait donc passé l'heure suivante à la chercher, mais sans succès, elle avait préféré en informer le Comte.
Ce n'était pas grave, s'était dit Adam, Evelyne n'avait pas dû aller bien loin : la bicyclette de Tyki était encore dans la cour de l'auberge. Pourtant, lorsque quelques heures de plus passèrent sans qu'elle ne revienne, Adam prit les choses en main et ordonna à quelques akumas des quartiers proches de partir à sa recherche. Le lendemain, près de vingt-quatre heures après le premier rapport de Mahulda, il n'y avait toujours aucune nouvelle de la jeune fille.
Evelyne Campbell avait disparu.
Voilà, c'était le troisième et, hem, ce qui aurait dû être le dernier chapitre mais l'extrait d'Allen s'est transformé en monstre donc… Je l'ai enlevé et il y aura peut être un quatrième chapitre consacré à Allen et l'évolution de sa relation avec Eve tout le long de NLN et un peu après aussi.
J'espère que vous avez aimé ce chapitre et trouvé des réponses qu'on n'avait pas du point de vue unique d'Eve.
On approche des 10 ans de NLN, je suis curieuse, y'a-t-il encore des lecteurs de la première heure ? Des gens qui lisent cette histoire depuis 2016 ? 2017 ? Quoi qu'il en soit, que vous soyez un ancien lecteur ou un nouveau, j'adorerais connaître votre avis ; ce que vous avez aimé ou non, ce qui vous a surpris, ce que vous n'avez pas compris etc… avec un commentaire !
