Alors heu, joyeux Noël tout le monde?
Alors en fait, j'avais envie de publier, mais le hasard fait que the chapitre bascule de la première partie tombe aujourd'hui. Du coup bah enjoie.
Merci pour vos reviews^^
Bisous et mumusez vous bien.
Déjà l'avant-dernier jour de camp. Hier, j'ai testé le jet-ski pour la première fois. C'était à la fois grisant et frustrant. Grisant, à cause de la vitesse, et de la maniabilité de l'engin. Frustrant, parce qu'on ne pouvait faire qu'un tour de dix minutes et surtout qu'on avait pas le droit de conduire. Enfin. Aujourd'hui, une grande partie des enfants sont partis avec trois des quatre moniteurs à une sorte de grande fête extérieure. Il est hors de question que j'y mette les pieds, je suis sûre qu'il y a des centaines de gamins là bas. Je veux bien faire un effort et me sociabiliser un peu, mais y a des limites. Du coup, je suis retournée au phare.
Je suis là haut depuis une vingtaine de minutes déjà, à écrire, lorsque je vois un mioche s'approcher entre les dunes. Je le reconnais assez vite à ses cheveux bruns, c'est Arthur. Je ne m'inquiète donc pas en entendant quelqu'un gravir prudemment l'escalier pour me rejoindre. Il se rapproche de moi et s'assoit avec précautions. Je finis d'écrire mon vers avant de le regarder. Je me demande ce qu'il fait ici, sans son cousin à qui il reste collé d'habitude.
« Je me disais bien que tu serais là.
-Et tu as eu raison. Tu es venu sans James ?
-Il est allé à la fête, moi ça m'intéressait pas. Du coup je lui ai dit d'y aller sans moi, ça sert à rien qu'il se force à rester, et puis, t'es là.
-On dirait bien. »
Je sais pas trop si je suis contente d'avoir de la compagnie mais au moins Arthur est plutôt calme pour un gamin de douze ans. C'est la première fois que je le vois seul, et il paraît relativement confiant malgré tout. C'est peut-être une opportunité d'en apprendre davantage sur lui, de comprendre ce qui est étrange avec lui. Pas que ça m'intéresse des masses, mais ça peut être distrayant.
Finalement, il me demande ce que je fais. Je lui explique que j'écris des poèmes, et quand il demande à voir j'hésite. Je finis par trouver un poème ni codé ni compromettant, sur la nature, écrit en anglais, que je le laisse lire sans lâcher mon cahier pour autant.
Waves, oceans and stars
Melted together as I fall apart
Like a giant galaxy of luminescent scars
An entire universe full of art
Always moving
Always changing
Never the same as yesterday
Moving water all day
Il lit en silence, attentif. Je sais que c'est pas fameux mais je l'aime bien quand même, ce poème. Quand il a fini de lire je reprends mon cahier et le range dans mon sac bandoulière. Il me complimente sur ce que j'ai écrit, mais je ne lui montre rien de plus. Nous descendons sur la plage après quelques minutes de silence.
Une fois arrivés nous voyons Erwan, un des gamins les plus jeunes du camp qui joue un peu à l'écart de deux « grands » (quatorze ans quoi). Je m'attends à ce qu'Arthur les rejoigne spontanément, mais il reste près de moi, indécis. Pour une fois qu'il n'est pas accroché à son cousin c'est à moi hein ? Enfin bref, au final nous nous asseyons dans le sable et les deux grands, William et Jens (le grand frère d'Erwan) nous rejoignent. Ils nous proposent une partie de cartes, et nous finissons par entamer une partie de kems.
Au bout de quatre ou cinq rounds, je remarque qu'un homme d'une quarantaine d'années s'est assis pas très loin d'Erwan, et nous fixe. Je le surveille du coin de l'œil, son regard insistant sur moi m'est extrêmement désagréable. Je finis pourtant par me reconcentrer sur le jeu, après avoir fait perdre deux manches à mon équipe. Encore un peu et j'oublie l'homme. Ce n'est que quand Jens se rend compte que son frère a disparu que nous relevons la tête. L'homme étrange n'est lui aussi plus là. Nous nous dispersons un peu à la recherche d'Erwan, dans la direction qu'il a probablement prise, vu que nous l'aurions remarqué si il était passé devant nous.
Nous le retrouvons assez vite. Il donne la main à l'homme inquiétant, marchant à ses côtés. Il ignore nos appels alors nous courrons derrière pour les rattraper. Ils sont assez loin déjà sur la plage, mais au bout de deux minutes nous arrivons à leur niveau. Avec ses longues jambes d'adolescent, Jens arrive le premier, et interpelle l'homme :
« Où amenez vous mon frère ?
-Oh, c'est ton frère ? J'aurais dû le voir tout de suite. » L'homme a une voix un peu rude, mais qui se veut amicale.
« Il m'accompagnait chez moi. Nous avons un peu parlé et il était intrigué par mes maquettes, je suis collectionneur. J'habite à côté et je lui ai proposé de venir les voir et d'en profiter pour prendre un goûter. Vous pouvez venir aussi si vous voulez, il y a assez à manger pour tout le monde. »
J'interviens sans laisser le temps à Jens de répondre : « Je pense que nous allons plutôt aller goûter à la colo. ».
Je ne suis pas du tout à l'aise. Je ne sais pas vraiment ce que cet homme cherche, mais je suis prête à parier qu'il vaut mieux qu'on s'en éloigne au plus vite. Un pédophile peut-être ? Pourquoi chercherait il à entraîner Erwan avec lui sinon ? Un frisson de dégoût me parcourt à cette idée. Pourtant, une part de moi me dit que je ne peux pas toujours soupçonner le pire de chacun, que je ne peux pas passer ma vie dans la crainte à m'attendre à ce que tous les hommes que je croise cherchent à me violer ou à violer quelqu'un d'autre. De près, d'ailleurs, le pédophile potentiel n'a pas l'air menaçant. Il est plutôt maigre et pas particulièrement grand. Ses cheveux sont soignés, et ses vêtements de bonne coupe. Je me dis qu'en cas de combat je pourrais sans doute réussir à gagner grâce à l'effet de surprise que mon poignard ne manquerait pas de créer avant de secouer la tête. Je suis vraiment incorrigible.
Il se contente de hocher la tête à ma répartie, avec un sourire horripilant. Il demande à Erwan, dont il tient toujours la main : « Qu'est-ce que tu en dis ? Tu préfères manger à la colo ? ». Il s'incline vers l'oreille du gamin et lui chuchote quelque chose que je n'arrive pas entendre, puis Erwan affirme d'un ton décidé : « Je veux pas manger à la colo ! Je veux venir ! » Il attrape la main de son grand frère et lui dit : « Viens aussi ! ». L'homme hoche la tête avec un sourire qui se veut bienveillant et insiste « Venez avec nous si vous vous inquiétez pour votre ami, j'ai assez à manger pour tout le monde et vous serez ainsi assuré qu'il ne se passe rien. Si je vous voulais du mal pensez bien que je ne ferais pas le poids contre quatre jeunes gens dynamiques comme vous ».
Devant l'insistance de son petit frère, Jens finit par céder, et j'ai beau faire, je ne peux les convaincre de laisser tomber. Qui écouterait une gamine de six ans de toute façon… Je soupire à part moi, déçue par les capacités éducatives des parents des mômes qui m'entourent. Enfin, je les suis malgré tout, histoire de les protéger en cas de besoin. Mon poignard est à sa place, accroché à ma cheville. Et puis, je ne veux pas vivre toujours dans la peur. Alors, même si mon instinct me hurle de partir, je suis les autres en silence pour affronter ma peur. L'homme se présente sous le nom de Carsten et commence à parler avec enthousiasme de modélisme. Il est plutôt crédible, et sa passion finit par convaincre les autres de se détendre.
Arthur me colle, toujours avec son air un peu perdu. Pourtant, il n'a pas vraiment l'air de trouver la solution étrange. Nous marchons quelques minutes le long du littoral avant de nous diriger vers une maisonnette blottie entre deux dunes. La bâtisse a l'air plutôt ancienne et tient plus de la cabane de jardin que de la maison. L'homme entre le premier, lâchant la main d'Erwan au passage. Nous suivons tous le mouvement, et nous nous retrouvons dans une salle plongée dans la pénombre.
Le temps que mes yeux s'habituent, je distingue que notre hôte s'est immobilisé au centre de la pièce. Je le vois saisir un objet long dans la poche avant de se retourner vers moi. Il pointe l'objet, une baguette de bois, vers la porte, et prononce d'une voix nette « Collaporta ! ». La porte émet un bruit de succion et j'essaye de l'ouvrir, prise d'une panique soudaine, mais elle me résiste.
À côté de moi, Arthur s'écrie «Vous êtes un sorcier ! », alors que mon cerveau peine à réaliser ce qu'il se passe. L'homme se contente de pointer sa baguette tour à tour sur Jens et William puis moi, tout en prononçant une nouvelle formule. « Pétrificus Totalus ! ». Dès lors qu'il m'a désigné de sa baguette je me retrouve incapable de bouger. Je suis consciente de ce qui se passe, dans la limite de ce que mon cerveau choqué parvient à suivre. J'essaye de contenir la panique qui menace de s'emparer de moi, mes instincts éprouvant une révulsion viscérale contre cette immobilité forcée. Néanmoins, en faisant un effort conscient pour ne pas paniquer, je réussis à garder mon calme. Ce n'est pas la première fois que je fais quelque chose de semblable, il m'est déjà arrivé dans ma première vie de repousser la claustrophobie en spéléo au moment de passer dans un boyau étroit par exemple.
À présent que ma panique est repoussée pour l'instant, un deuxième choc s'impose à mon cerveau : Je suis immobilisée par un sort ! Comme dans Harry Potter ! Ce sont les mêmes mots, les mêmes effets que dans la saga que j'avais lue dans ma première vie. Je reprends conscience de mon environnement. La pièce est toujours plongée dans la pénombre. Je distingue Jens et William paralysés à mes côtés. Erwan n'a été touché par aucun sort mais observe la scène avec un calme complètement incompréhensible. Le sorcier a à présent sa baguette dirigée vers Arthur, qui reste immobile, paraissant choqué, mais pas pour les mêmes raisons que moi.
« Vous êtes un sorcier ! Pourquoi vous attaquez des moldus ? Il ne faut jamais faire de magie en leur présence ! Qu'est-ce que vous nous voulez ? »
L'homme a l'air amusé, et répond d'une voix désagréablement calme, tout en allumant une lanterne d'un sort :
« Effectivement je suis un sorcier. Tu sais, faire de la magie en présence de moldus, ce n'est un problème que si ça met en danger le secret magique… Mais ledit secret restera à l'abri puisque les morts ne parlent pas. Quant à ce que je veux, tu ne vas pas tarder à l'apprendre, petit. Tu tombes bien, j'ai rarement l'occasion de voir des sorciers ici, même si tu risques de me compliquer la vie… Que fais tu là ?
-Je suis en vacances avec un cousin. Laissez nous partir, on ne dira rien !
-Tu es mignon.. Je pensais commencer avec le petit là, et garder la plus jeune pour la fin, mais finalement je vais m'occuper de toi en premier. Viens me voir. Et ne pense même pas à t'enfuir, tu connais la magie, tu sais que tu n'as aucune chance de me résister. »
Pendant qu'une partie de moi écoute le dialogue, le reste de mon être observe mon environnement avec frénésie. Nous sommes dans une salle presque nue avec deux fenêtres aux volets fermés. La seule lumière provient de la lanterne que l'homme a pris le temps d'allumer après nous avoir pétrifiés. Dans un angle de la pièce je vois une trappe au plafond qui mène sans doute à un grenier. Une porte fermée sur la droite ne m'apporte pas d'indication supplémentaire. Derrière l'homme se trouvent encore un vieux lit en bois, une table de nuit et une chaise sur laquelle l'homme s'assoit d'ailleurs au moment d'enjoindre Arthur de le suivre.
Il ne résiste d'ailleurs pas vraiment, semblant avoir du mal à appréhender la situation. Il paraît effrayé et choqué par la menace que l'homme fait peser sur lui, matérialisée par sa baguette. Une part de moi tourne à plein régime, ayant déjà mis de côté l'existence de la magie pour se concentrer sur le plus urgent. Au calme de l'homme, à son attitude détendue et à sa façon de parler, je sens son habitude. Il sait ce qu'il fait, il l'a déjà fait. Il ne craint pas d'interruption et il est sûr de sa puissance. Il ordonne à Arthur de se déshabiller, et comme il ne réagit pas assez vite à son goût il pointe sa baguette sur Erwan et le pétrifie, avant de revenir vers Arthur qui n'a pas osé bouger. Il redemande d'une voix calme à mon ami de se déshabiller, mais devant son refus se contente de soupirer avant de dire, presque avec délicatesse : « Imperio ».
Il ordonne à nouveau à Arthur de se déshabiller et mon ami commence à s'exécuter, sans la moindre expression. Pendant ce temps, le pédophile se rapproche de nous, nous examinant l'un après l'autre comme de la marchandise. Il caresse le torse de Jens avant de passer devant moi, en profitant pour m'effleurer les fesses. Si je n'avais pas déjà été paralysée je me serais pétrifiée d'horreur. Ce contact répugnant fait effleurer tant de souvenirs, me rappelle des sensations qu'en dépit de mon changement de corps je n'ai jamais oubliées. Je me sens instantanément salie, et je me replie dans un coin de mon esprit, bloquant toute émotion, en état de choc, sans pour autant parvenir à m'éloigner suffisamment pour ne rien sentir. Je désire ardemment briser le sort qui m'entoure pour pouvoir m'enfuir, et je le visualise presque comme un nexus brillant de fils emmêles et serrés autour de moi. Dans le même temps une part de moi est paralysée, incapable de réagir même si on lui en donnait l'occasion. Je reconnais la sensation, et je la hais. Et je pleurerais de rage, si je pouvais, de la ressentir à nouveau. Rien n'a changé. Rien ne change jamais.
Mon attention se recentre péniblement sur la scène qui se joue devant moi, sans que je puisse y échapper, incapable comme je suis de ne serait ce que bouger les yeux. Le pédophile tourne autour d'Arthur et lui ordonne de se caresser. Prisonnier de l'imperio, mon ami s'exécute maladroitement et je ne peux pas détourner le regard. Je voudrais l'aider, et une fois de plus je visualise presque comme un embrouillamini de fils lumineux autour de moi qui m'entrave, sans parvenir à me défaire. Et j'ai peur, et je suis toujours tétanisée. Le connard finit par se lasser et commence à caresser Arthur lui-même. À cet instant, j'oublie mes blocages et mes traumatismes, ou plutôt il me servent de moteur, parce que je sais ce qu'Arthur ressent et ressentira si ça continue. Mon propre sort m'est relativement indifférent comme il l'était déjà avant même que je me tue. Mais celui de mes amis ne l'a jamais été, ne peut pas l'être. Je ne connais pas bien ce gamin, il est bien plus jeune que moi. Mais il m'a témoigné de l'affection, et il m'a tenu compagnie cette semaine. Je peux pas laisser faire ça. Je ne laisserait pas ce connard traumatiser un ami à vie ! Jamais.
Une rage protectrice m'emplit et à nouveau je vois le nexus de fils brillants autour de moi, mais cette fois ci il ne m'arrête pas. Je bondis en avant sans me demander comment je me suis libérée du sort, mais le pédophile me voit et me paralyse à nouveau. Je me suis à peine approchée. Pourtant, cela suffit à le détourner d'Arthur. Il se plante devant moi après avoir ordonné à mon ami de rester immobile et dit à mon adresse « Une petite sorcière, hein ? En vacances toi aussi ? Elle est de ta famille ? ». Lorsque Arthur répond par la négative l'homme semble réfléchir puis un sourire de prédateur étire ses lèvres. Il dirige sa baguette sur moi en déclarant « En tout cas, devant tant de motivation, je suppose que je peux lui accorder un peu d'attention ». Il prononce à nouveau la formule honnie alors que je cherche un échappatoire. « Imperio »
Aussitôt, je me sens comme léthargique, incapable d'imposer à mon corps le moindre mouvement. Je vois et comprends ce qu'il se passe, mais comme de très loin, mon corps déconnecté de l'horreur qui m'emplit toute entière. Le pédophile me dit de me rapprocher et de me déshabiller et mon corps commence à obéir sans que je ne puisse rien y faire. Mais alors que je m'apprête à enlever mes chaussures tandis que le sorcier commence à se masturber devant moi je vois Arthur brandissant une chaise arrivant derrière lui. La chaise s'abat sur le bras du connard sans lui causer trop de dommages, je pense, mais c'est suffisant pour qu'il lâche sa baguette. Le sort se rompt et sans prendre le temps de réfléchir je dégaine mon poignard et saute à la gorge du pédophile. Je plante la lame dans son cou de toutes mes forces et je le sens s'enfoncer sans trop de peine. Je pense que j'ai touché la trachée. Il me repousse presque aussitôt, mais c'est trop tard.
Alors que je me retrouve à terre, à moitié nue, je le vois essayer de compresser sa gorge tout en cherchant sa baguette à tâtons. Je la vois en premier, et je la saisis tout en m'écartant le plus possible de lui. Il essaye de me poursuivre mais n'enchaîne que quelques pas avant de tomber. Il essaie de parler, mais sa voix se perd dans un gargouillement d'air et de sang. Arthur s'est éloigné, sur ma droite, et observe la scène les mains crispées sur sa chaise, mort de peur.
Finalement, après une minute qui me paraît une éternité, le pédophile arrête de bouger alors que la flaque de sang sur ses vêtements et le sol à ses côtés cesse de s'étendre. Jens, William et Erwan recommencent à bouger. Ils parlent et pleurent tous en même temps mais je ne leur accorde pas d'attention. Je vais voir Arthur qui tient toujours sa chaise, et je ramasse ses vêtements éparpillés sur le sol en même temps que les miens. Il les remet sans un mot tandis que les autres ouvrent la porte en grand. Avant qu'ils n'aient le temps de s'enfuir, pourtant, je leur crie d'attendre. Ils m'écoutent, probablement apeurés par le couteau ensanglanté toujours dans ma main. Ou bien ils sentent peut-être que je suis en contrôle et me font confiance, mon âge oublié.
Je leur dis qu'il vaut mieux qu'on reste ici tous ensemble, qu'il faut qu'ils nous laissent le temps de nous rhabiller et qu'il me faut un portable pour appeler les secours. Arthur me dit d'une voix tremblante qu'il en a un, et me le tend alors que les autres se réfugient dans la salle d'à côté, qui est apparemment une cuisine, pour ne pas voir le corps. Mon ami finit par lâcher sa chaise et s'assoit, en boule, dans le coin le plus éloigné du cadavre. Moi même, j'évite de poser les yeux dessus plus que nécessaire. Mon sang froid est complet, comme à chaque fois que je suis dans une situation de crise, et mes émotions sont en veille. Je me concentre sur les actions à faire. Si ce que j'ai lu dans les romans de Harry Potter ne recèle ne serait-ce qu'une part de vérité il me paraît évident qu'il faut prévenir des sorciers pour qu'ils gèrent ça, pour préserver le secret magique mentionné par Arthur plus tôt.
Je demande à mon ami le plus délicatement possible si il a un moyen de communiquer avec sa famille. Il me répond qu'il y a le numéro de portable de sa mère dans son téléphone, qu'on lui a donné pour ses vacances dans le monde moldu. Il ne paraît pas se rendre compte qu'il me donne trop de détails inutiles, et ne s'étonne pas de ma connaissance de son monde. Il appelle lui même sa mère et lui explique à grand peine ce qu'il s'est passé. Quelques larmes coulent sur ses joues mais il ne s'effondre pas. Finalement, il me donne le téléphone et je me borne à expliquer que des enfants moldus sont avec nous et risquent de répandre la nouvelle si on attend trop longtemps. J'indique ensuite où nous sommes précisément et la mère d'Arthur, assez déstabilisée, me garantit qu'elle se met en route, et qu'elle va appeler les Oubliators.
Une fois rhabillée et après qu'Arthur aie fait de même je remarque la baguette magique du pédophile au sol. Il faut que je me la procure, c'est sans doute ma seule chance d'en avoir une avant mes onze ans (si les bouquins Harry Potter disent juste, bien sûr) et ça pourrait m'être très utile. Je refrène néanmoins mon réflexe d'empocher la baguette tout simplement car les sorciers la chercheront sans doute, et je ne serai pas à l'abri d'un accio par exemple. Non, il me faut juste espérer trouver une occasion pour la prendre avant de partir, sans doute. Je vois qu'Arthur laisse ses yeux s'égarer trop souvent en direction du cadavre et je le recouvre à l'aide de la couverture du lit. Je fais en sorte que la baguette soit aussi recouverte, avec un peu de chance les oubliators ne la chercheront pas.
Nous restons ensuite côte à côte en silence plusieurs minutes avant que je ne me décide à aller ouvrir la porte de la cuisine et à dire aux autres enfants que les secours sont en route et ne vont plus tarder. Jens serre Erwan dans ses bras et je suis contente pour lui qu'il puisse supporter le contact physique. Je ressors de la pièce, j'ai envie d'être seule, et je me poste près de l'entrée. Arthur reste avec moi. Il ne dit rien, et je n'ai pas de mots à lui offrir. Finalement on entend du bruit au dehors, et Arthur ouvre la porte en grand. Un groupe d'adultes est là, ils sont quatre au total, tous habillés normalement. Une femme ouvre la marche, elle est la seule à ne pas avoir de baguette magique sortie. En la voyant, Arthur se précipite dans ses bras en l'appelant « Maman ! ».
Les Oubliators font rapidement le tour de la bâtisse, l'un d'eux examinant le cadavre avec soin sans toucher à la baguette pour autant tandis qu'un autre s'occupe des enfants (moi y comprise, à mon grand déplaisir). J'aperçois le dernier ouvrant la trappe au plafond, se faisant léviter jusqu'au grenier (LEVITER BORDEL, de un what the fuck et de deux moi aussi je veux savoir faire ça!). Il redescend assez vite d'ailleurs, et glisse à ses collègues quelques mots que je ne comprends pas d'un air dégoûté. Les oubliators finissent de nettoyer la scène, celui qui examinait le cadavre le recouvre à nouveau de la couverture. Je suppose qu'ils attendent qu'on soit partis pour le découvrir et en faire… Ce qu'ils comptent en faire.
Les enfants moldus sont amenés à la cuisine, et je peux voir par la porte entrouverte deux des oubliators les endormir puis utiliser des sorts pour nettoyer leur mémoire et leur donner de faux souvenirs. Arthur donne la main à sa mère, et le dernier oubliator discute avec elle. Je ne sais pas vraiment où aller et je me contente d'écouter ce qu'il se passe. Je ne sais pas ce que les adultes vont décider de faire de moi.
En tout cas, il est hors de question que je laisse qui que soit triturer mon cerveau ou me faire perdre la mémoire. L'existence de la magie… C'est une information cruciale pour moi ! Ça peut expliquer que je sois en vie, j'en suis sûre ! Mes recherches pourraient tellement avancer. Il y a tellement de choses que je vais pouvoir tester aussi, je vais pouvoir voler… Pas question qu'on m'enlève tout ça, même dans l'hypothèse où j'irais vraiment à Poudlard à mes onze ans. Ensuite, et c'est une question de personnalité, peu importe à quel point les souvenirs de la journée sont déplaisants et vont me faire du mal, je dois les affronter, et ils vont me construire que je m'en souvienne ou pas. Pour cette raison aussi, il n'est pas question que j'oublie quoi que ce soit. Ça m'appartient. Je ne suis moi que par mes souvenirs et mes pensées, je n'ai même plus mon corps, ma famille et les gens à qui je tenais avant de mourir pour me rappeler qui j'étais. Je n'ai que ça.
Finalement les oubliators se regroupent et se demandent ce qu'ils vont faire de moi. Je les entends dire « C'est une née moldue, elle devrait recevoir le même traitement que les moldus par sécurité ». Je m'y attendais, mais je reste sidérée par leur culot. Prendre une décision si capitale sans me consulter… D'accord, ils pensent que j'ai six ans, mais quand même ! Ils ne m'expliquent rien, et pensent décider à ma place ce qui est bon pour moi ? Je sens la colère monter en moi, et je me plante devant eux alors qu'ils discutent encore. La mère d'Arthur est avec son fils, un peu à l'écart, mais je sais qu'il me regarde. Sera il un allié ?
« Je refuse de perdre mes souvenirs. Vous n'avez pas le droit de me les voler. »
Les sorciers se retournent vers moi, surpris, et l'un d'eux me répond : « Désolé, petite, mais tu habites chez ceux que nous appelons moldus, et même si les aptitudes que tu as manifestées font de toi l'une des nôtres il faudra encore de longues années avant que tu rejoignes notre monde. Il serait trop dangereux de te laisser partir avec ce que tu sais.
-Je sais ce que sont les moldus, j'ai lu Harry Potter il y a des années !
-Il y a des années ? Quel âge as tu petite ?
-J'ai six ans, j'ai lu les livres quand j'avais quatre ans. Je suis ce que les moldus appellent une surdouée, je suis plus mature que mon âge. Ne me prenez pas pour une gamine imbécile qui parle à tort et à travers. Je sais me taire, je sais qu'il faut respecter le Secret magique. Si vous ne me faites pas confiance, utilisez un sort pour m'empêcher de mentionner l'existence du monde magique jusqu'à ce que j'y entre si vous voulez, mais ne me faites rien oublier ! »
Les oubliators se dévisagent en silence, et je les sais surpris de mes mots et de mon intelligence. J'ai peur d'en faire trop, mais c'est mon intégrité qui est en jeu. Je ne peux pas me permettre de perdre ma mémoire, l'enjeu de cette discussion. Le concept de « surdoué » est flou pour moi, alors il devrait l'être d'autant plus pour des sorciers. Finalement l'oubliator reprend la parole, avec l'appui muet de ses camarades. J'en déduis qu'il est probablement leur chef.
« Tu t'exprimes comme une adulte, alors je vais te parler comme une adulte, commence il avec un sourire encourageant. Il faut que tu comprennes que nous ne puissions pas laisser un enfant né moldu dans son environnement moldu avec ces connaissances. C'est un risque. Tu es intelligente, comment ferons nous, par exemple, si tu t'essayes à la magie et blesse des moldus, ou révèle des secrets ? J'ai une contre proposition : nous verrouillons ta mémoire, mais seulement jusqu'à ce que tu entres à Poudlard. À ce moment là nous te rendrons tes souvenirs, et nous assurerons que tu reçoives un soutien psychologique pour t'aider à ranger ces souvenirs à leur place. »
Il a l'air raisonnable, sûr de lui, et je sais que je ne peux pas m'enfuir. Pourtant, c'est ce dont j'ai le plus envie en ce moment. Je sens dans sa voix qu'il est convaincu de ce qu'il dit et qu'il ne me fera pas confiance. Le désespoir commence à m'envahir, et la frustration. Une part de moi se demande si je ne devrais pas trancher ma gorge pour ne pas avoir à perdre mes souvenirs. Mais je sais que ça ne m'avancerait à rien, ils réussiraient sans doute à me « sauver ».
Je rétorque donc, d'une voix qui commence à vaciller : « Laissez moi mes souvenirs, je vous en prie. Que je m'en souvienne ou non, ils influenceront ma construction de moi-même, et si je ne m'en souviens pas je risque d'en souffrir d'autant plus. Ils m'appartiennent, vous ne comprenez pas ? Ce qu'il s'est passé est horrible, très bien. Mais je ne regrette pas d'avoir protégé mon ami, et je ne veux pas oublier tout ce que j'ai appris aujourd'hui, c'est important pour moi !
La mère d'Arthur, qui s'était rapprochée pendant notre débat, intervient à ce moment, Arthur toujours accroché à sa main.
« Excusez moi de vous interrompre, mais ce qui pose problème ici serait de laisser cette jeune fille livrée à elle même dans un environnement moldu, au risque qu'elle crée des problèmes ?
-Vous avez bien compris.
-Si ma famille se porte garante d'elle, accepteriez vous de lui laisser les souvenirs auxquels elle semble accorder une si grande importance ?
-Cela changerait les choses, effectivement. Mais êtes vous sûre que vous et vôtre famille voulez vraiment prendre cette responsabilité ? Cela implique que si le moindre problème d'ordre magique est causé par cette enfant vous en aurez la responsabilité. Vous pourriez avoir à payer des amendes, et si elle pose vraiment problème elle perdra ses souvenirs de toute façon.
-Cette enfant a sauvé la vie de tous les autres présents aujourd'hui, en particulier celle de mon fils. Et même davantage. Alors oui, je prends le risque et ma famille le prendra aussi. Enfin, si cela lui convient, bien sûr, fit la mère d'Arthur en se tournant vers moi.
-Cela me convient, merci. Merci beaucoup.
-Et bien dans ce cas, je suppose que nous pouvons en rester là. Je vous conseille néanmoins de consulter un psychomage pour votre fils, et la petite en a sans doute besoin aussi. Pour ce qui est du reste je vais juste vous faire signer une décharge qui attestera que vous êtes responsable de la petite, puis vous serez libre de partir. Venez avec moi. Vous autres, j'en veux un qui ramène les gamins moldus à un endroit où leurs responsables les trouveront, et l'autre qui me nettoie le grenier. Et pitié, de la discrétion ! »
Et c'est comme ça que je me retrouve seule devant la porte en compagnie d'Arthur tandis que sa mère se dirige dans la cuisine en compagnie du chef des oubliators. Je suis tellement soulagée. La tension ne me quitte pas, néanmoins, il me reste toujours à trouver un moyen d'emporter la baguette du pédophile avec moi.
Alors que j'y réfléchis, Arthur me dit, hésitant :
« Maman m'a dit que je ne retournerais pas à la colo, elle veut qu'on rentre à la maison dès qu'on aura fini ici. Est-ce que tu veux venir avec nous ? On pourra te ramener chez toi demain.
-Vous y allez comment ?
-On va transplaner je pense, tu sais ce que c'est ?
-Oui, j'ai lu Harry Potter je te rappelle. Enfin, tu sais peut-être pas ce que c'est… Bref, je veux bien, si ça dérange pas tes parents, j'ai pas trop envie de rester là non plus.
-T'inquiète pas, en vrai je suis sûr qu'elle avait déjà prévu de faire ça. Mais du coup c'est vrai que tu connais le monde magique que par ces livres ?
-Oui, ils disent vrai ?
-Je sais pas trop, je les ai jamais lus, mais ils sont connus pour être proches de la vérité sans être complètement exacts. Si j'ai bien compris, les informations vérifiables par les moldus vont être fausses, mais celles juste sur les sorciers sont à peu près vraies.
-Je vois. »
Arthur a l'air un peu plus détendu que tout à l'heure, mais ne regarde pas du tout dans la direction du cadavre. Moi, par contre, depuis que je sais que je risque de repartir en transplanage, je regarde beaucoup vers là bas, car la baguette se trouve toujours sous la couverture. Le problème, c'est que si les adultes remarquent que je l'ai avant que je n'aie pu la cacher dans un endroit sûr, ça risque de mettre en péril mon droit à la mémoire. Et maintenant que j'y pense, ça risque aussi d'embarrasser la famille d'Arthur. Mais cette baguette m'ouvre trop de possibles pour que j'y renonce. Et la mère d'Arthur a choisi de prendre un risque après tout. De toute façon, si ils comprennent que je l'ai, je jouerai l'enfant traumatisée qui veut un truc pour se défendre si ça tourne mal (ce qui de fait est une partie de mes raisons, si on ne garde que la fin). Alors, je fais signe à Arthur de ne rien dire, et je me dirige discrètement vers la couverture. Les adultes dans la cuisine ne peuvent pas nous voir, et l'oubliator dans le grenier a toujours l'air occupé. Je me demande ce qu'il y a là-haut d'ailleurs, mais je ne vais pas prendre le risque de perdre la baguette pour le savoir.
Je soulève la couverture, tâtonne un peu en évitant de toucher le cadavre qui refroidit, sans pouvoir m'empêcher d'y jeter un coup d'œil. Je saisis enfin la baguette et la glisse dans l'élastique de mon pantalon avant de rabattre mon tee shirt dessus. Il est assez large et dissimule assez efficacement l'objet. Je rejoins Arthur qui me chuchote frénétiquement (et j'apprécie le bon sens dont il fait preuve) : « Qu'est-ce tu fais ?
-J'ai besoin de cette baguette, je vis chez des moldus et je ne savais pas que j'étais une sorcière avant aujourd'hui, tu le sais. Je veux pouvoir me défendre, s'il-te-plaît, tu es mon ami et tu sais ce qu'il vient de se passer, c'est ma seule chance d'avoir une baguette magique avant d'aller à Poudlard. Juste l'avoir me rassurera. Je sais que c'est un gros service que je te demande, je suis désolée. Tu veux bien faire ça pour moi ? Si les adultes comprennent que je l'ai je dirai que tu ne savais pas. »
Arthur est un peu ébranlé, mais répond néanmoins sans hésitation : « D'accord, tu peux me faire confiance ». Il est mignon, pour un peu je le serrerais dans mes bras. Enfin, si j'étais une gamine normale et que je supportais le contact physique. Haha. Si j'étais une gamine normale, de toute façon, rien de tout ça ce serait passé, ou en tout cas pas de cette façon.
Peu de temps après, les adultes reviennent et la mère d'Arthur me propose effectivement de venir chez eux pour ne pas avoir à retourner à la colo. Je pense qu'elle se sent redevable vis à vis de moi, mais aussi qu'elle aimerait mieux me connaître pour savoir à qui elle a affaire. Elle a quand même pris des risques en proposant d'être ma « tutrice magique ». Quoi qu'il en soit j'accepte avec empressement, pressée de partir avant que quelqu'un ne se pose de question à propos de certaine baguette magique. Je ne sais pas trop quelle histoire va être utilisée pour justifier de notre départ précipité de la colo, mais je laisse les adultes se débrouiller avec ça. Après tout, je suis juste une gamine de six ans dépassée par les événements, non ?
Avec un sourire d'excuse, la mère d'Arthur prend la main de son fils en me promettant qu'elle reviendra tout de suite me chercher. Je lui dis que je l'attendrai dehors, et je la vois disparaître avec une espèce de « pop », et même si je savais intellectuellement que ça se passerait je bugue brièvement. Comme je me doute qu'elle va quand même prendre quelques minutes pour installer son fils chez eux, je sors de la cabane et m'assois dans le sol, le menton sur les genoux. Elle fait assez vite, et réapparaît bientôt. M'examinant rapidement elle lance un sort qui fait disparaître le sang de mes vêtements et les nettoie un peu. Ensuite, elle me demande si je suis prête et essaye de me rassurer, mais je lui donne la main sans trembler, dissimulant à la fois mon excitation à l'idée de transplaner et ma révulsion à son contact.
Le transplanage est une expérience à la fois rapide, déroutante et inconfortable, mais étrangement, je ne déteste pas ça. Je trouve que la description du tuyau de caoutchouc rend plutôt justice à la chose en elle même.
Nous arrivons dans une pièce qui semble être un vestibule. Je m'empresse de lâcher la main de mon accompagnatrice tout en regardant autour de moi. Une porte en bois majestueuse me fait face, et je suppose qu'il s'agit de l'entrée du manoir, car au vu des dimensions de la salle dans laquelle je me trouve ça ne peut pas s'appeler une maison. La salle possède un alignement de portemanteaux à gauche de la porte, et à droite une fenêtre apporte de la lumière. En face d'elle une autre porte, de dimensions plus modestes, est entrouverte et Arthur se tient devant elle en compagnie d'une dame qui semble très âgée.
Alors que je la dévisage, elle prend la parole d'une voix abîmée par l'âge mais ferme : « Soyez la bienvenue chez nous, jeune fille ».
Partir chercher le bout du monde
Vagabonde
Nulle part chez moi et partout à ma place
Trouver des souvenirs que rien n'efface
Partir pour m'enfuir loin d'ici
En sursis
Et peut-être de merveille en nouveauté
Trouver une raison de toujours exister
Partir pour ne pas avoir à me souvenir
Ne pas souffrir
Chercher une voie et disparaître
Loin de ceux qui ont pu me connaître
-SMS envoyé par Aurore Berger à Quentin Lemage le 18/09/07-
Voilà voilà, un chapitre un peu plus long en plus, j'attends vos réactions avec impatience!
Je vais faire une petite pause dans la publication, c'est à dire que je publierai le prochain chapitre soit la première, soit la deuxième semaine de Janvier, pour cause de sociabilisation intensive (et en vrai faut aussi que j'écrive un peu, même si j'ai encore pas mal de chapitres d'avance...
Bonne soirée les gens^^
Signé: Un pingouin SDF
