Bonjour, bonsoir à tous et bienvenue dans ce nouveau chapitre.
Okay, à nouveau en retard mais hey. C'est un monstre ce chapitre. Le plus long que j'aie jamais écrit. 19 pages! 19! xD
Au bout de cinq pages, ils étaient toujours pas dans le Poudlard Express, alors que ce chapitre est à la base censé couvrir les vacances de Vivian chez Al'.
Le week end dernier j'en étais à 9/10 pages. Mardi, à 12, mais je pouvais pas couper le chapitre comme ça!
Donc euh, voilà.
Y a pas mal de dialogues, de discussions sérieuses, et j'espère avoir vos avis là-dessus!
Un remerciement aux trois personnes toujours fidèles qui ont review (si seulement ils pouvaient inspirer les autres... C'est précieux les reviews, vous savez? C'est ça qui motive, et c'est la seule gratification qu'on reçoit en tant qu'auteur de fic).
Bref, j'espère que tout le monde tient le coup avec le confinement, et que vous n'avez pas perdu de proches à cause du virus...
Bientôt la liberté, on espère.
Sur ce, je vous laisse avec le résumé de l'épisode précédent et de qui est qui. Puis le chapitre aussi, quand même.
Vivian: bon, j'espère que vous savez qui c'est. Surnommée Baby Monster par une partie des élèves.
Arthur: Poufsouffle, septième année, ami avec Vivian depuis leur rencontre folichonne avec le pédophile.
Ewald: Le Serpentard trop coool (qui a dit que je devais rester pro?) qui se trouve être le meilleur ami d'Arthur, aussi en septième année.
Alphonse (Al'): Gryffondor, sixième année, les concours de cran ça rapproche.
Scorpius Malfoy: Poufsouffle, première année, ami avec Vivian jusqu'à leur dispute et qu'elle refuse de renouer avec lui.
Résumé de l'épisode précédent: La course d'obstacles. La course d'obstacles quoi, l'anarchie, le bazar, les bombes à eau qui volent... Et puis une lettre inquiétante des parents de Vivian aussi, qui ont l'air de savoir des trucs qu'ils devraient pas, et une discussion avec Arthur sur la Serdaigle de ses rêves et sur Scorpius.
Enjoie!
Le lendemain matin, Arthur arrive en retard au repas. Quand il me voit, il se dirige droit sur moi, l'air décidé.
« Il faut qu'on discute Vivian. Maintenant.
-Qu'est-ce qu'il y a ?
-Je pense que tu vas préférer qu'on parle en privé.
-Tu ne manges pas ? » je demande, dans l'espoir vain d'échapper à une conversation que je suis à peu près sûre de vouloir éviter.
« Je mangerai là bas. Viens, on a pas beaucoup de temps avant le départ du train. » Il attrape une pomme sur la table et je le suis à contrecœur, sous le regard songeur d'Ewald. Je suppose qu'il est au courant. Al' ne mange pas avec nous ce matin et nous passons derrière lui, installé à la table des Gryffondor, en sortant de la grande salle. On va s'asseoir dans notre QG. Je suis extrêmement tendue et j'essaye dans bien que mal de le dissimuler. J'appuie mes coudes sur la table et mon menton dans mes mains, pour me mordre aussi discrètement que possible à la jointure du pouce. Arthur me regarde droit dans les yeux avec intensité.
« ça ne peut pas continuer, Vivian.
-Qu'est ce qui ne peut pas continuer ? » Je demande, avec un ton qui se veut ennuyé et calme, alors que je suis prête à m'enfuir.
« Tu gardes pour toi tout ce qui est important, tu ne te reposes sur personne. Tu fais des choses beaucoup trop dangereuses, bordel, tu n'es pas immortelle ! »
C'est plus fort que moi, je laisse échapper un rire. Pas immortelle ? Si il savait ! Je me reprends vite, néanmoins, parce qu'il a l'air furieux. Je ne l'ai jamais vu dans cet état auparavant, et j'avoue que si l'expérience est intéressante je n'apprécie pas le voyage. Ça prouve juste que je me suis trop rapprochée. Je savais qu'il était attaché à moi pourtant. Et vas y que je me laisse prendre à devenir amie avec lui, à baisser un peu ma garde. Négligent. Dangereux. Je ne peux pas le contrôler. Si je veux des amis, okay, c'est une bonne distraction. Mais pas si ça veut dire m'exposer. Bref. Je demande, avant qu'il n'explose.
« Qu'est-ce qu'il y a, Arthur ?
-Je veux que tu me dises ce qu'il t'arrive. Je veux savoir pourquoi tu fais des trucs risqués tout le temps. Je ne veux pas continuer comme ça, à passer l'éponge avec le sourire. Je ne te sous estime pas, je sais que tu n'es pas ordinaire, que tu es extrêmement mature et intelligente, je ne dis pas ça parce que je te considérerais comme une gamine ou quoi. Tu m'as sauvé la vie, comment je pourrais ? Mais si on est amis, ça ne peut pas continuer comme ça.
-Et toi tu m'as sauvée en retour, Arthur. Je tiens à toi, je te l'ai dit, tu es mon premier ami ici, tu es mon meilleur ami. » (j'ignore la pointe de douleur que je ressens en disant ça, parce que mon meilleur ami, ça a toujours voulu dire Quentin, depuis que je l'ai rencontré) « Mais je veux que tu respectes ma vie privée et mon indépendance. Tu vas trop loin. Il ne m'arrive rien de plus qu'être en vie, et je trouve que tu exagères.» (Il ignore à quel point je dis la vérité. Je suis en vie et c'est tout le problème.)
« Et ta vie est importante, mais tu agis comme si elle t'était égale ! La magie ne ramène pas les morts ! Si tu t'étais écrasée au pied de la tour d'astronomie, aucune poussos n'aurait pu te sauver ! Il ne s'agit pas de respecter ta vie privée, Vivian. Arrête de me prendre pour un imbécile, on sait tous les deux que tu te sur-protèges ! On sait tous les deux que ce n'est pas normal, mais que tu refuses de l'admettre ! C'est mon rôle en tant qu'ami, de te dire que tu as tort. C'est mon rôle d'être là, même si tu veux pas de moi. Je ne te laisserai pas tomber !
-Pas de problème, c'est moi qui le ferai puisque c'est nécessaire. Adieu, Arthur.
-Non. »
Sa voix est calme, à l'opposé de tous les sentiments dont il a fait étalage jusqu'à présent. Il murmure un sort. J'essaye d'ouvrir la porte. Fermée. (il faut vraiment que les gens arrêtent de faire ça) Je respire profondément.
« D'abord, tu vas m'écouter. Tu ne vas pas te débarrasser de moi aussi facilement, Vivian. Là, je vais te laisser sortir d'ici, profiter de tes vacances. Mais tu vas réfléchir à tout ça. Et j'espère qu'à la rentrée tu seras plus disposée à discuter avec moi, parce que tu n'auras pas le choix. Je veux savoir pourquoi tu joue avec ta vie comme ça, et aussi comment ça ce sera passé avec ta famille, si tu la vois. Bon sang, Vivian ! Qu'est-ce que tu ferais si c'était moi ?
-Tu as fini ? » je demande, pour ne pas avoir à lui mentir. Parce que malgré tout, je sais que je l'aiderais autant que je pourrais si les rôles étaient inversés. Enfin, je ferais pas comme lui, à attaquer de front. J'observerais, je rassemblerais des indices, je me renseignerais auprès d'autres gens, j'empathiserais avec lui, j'étudierais ses réactions, quitte à les provoquer…
« Pour l'instant. »
La porte se déverrouille. Je m'enfuis, d'abord en marchant, puis dès que je me suis un peu éloignée, je cours, comme si je pouvais m'échapper. J'emporte l'image d'Arthur, les poings serrés, dans la salle de classe vide, que j'ai vue en me retournant. Je vais chercher mes affaires, parce que le train arrive. Je regrette presque d'aller chez Al', juste parce que je sais que je risque de croiser Arthur dans le train, et avant ça, dans les calèches. Je me coupe, deux rapides traits rouges sur mon cou, un délicat mélange de péril et de douleur, je bois un peu de sang, je réactive mes glamours, je cours vers les calèches. Je me cache dans un groupe de deuxième années enthousiastes et monte avec eux, jetant au passage un coup d'œil au sombral que tous les gamins autour de moi ne voient pas. Je me sens triste pour Arthur, qui s'est attaché à moi. Triste pour son affection inutile, puisque je vais mourir. C'est quelqu'un de bien, et dans une autre vie on aurait pu être proches. Mais je suis ce que je suis, et je ne peux rien oublier. Il vaut mieux que je me distancie maintenant, à vrai dire, même si j'aurais dû le faire bien plus tôt. Mieux vaut maintenant que plus tard, limiter les dégâts autant que faire se peut. Je l'aperçois justement, il aide une serdaigle à monter dans une carriole avec un large sourire. La mystérieuse Cian, sans doute ? Ewald est déjà installé, l'air un peu guindé entouré des amies de la serdaigle, sans doute. Arthur fait un commentaire, ils rient tous. Je souris aussi, et mon sourire a le goût de la tristesse. Je me rappelle d'une fois, où j'ai aperçu Quentin qui mangeait avec Florian et Élias, au lycée. Il souriait brillamment, comme il ne souriait jamais avec moi parce que je n'apportais que de la souffrance. Je m'étais sentie exclue à ce moment là, douce-amère parce qu'il était heureux, mais pas grâce à moi. C'est un peu ce que je ressens en ce moment, à Poudlard, mais en bien moins fort parce que j'étais amoureuse de Quentin, mais je ne le suis d'aucun des septième année.
Enfin, j'arrive au train. Je veux me glisser tout au bout, comme le jour de la rentrée, mais Al' me voit entrer dans le wagon et me traîne derrière lui, dans un compartiment encore inoccupé, en jacassant sur la course d'obstacles. Nous sommes rejoints assez vite par Ewald, et je me tends, mais Arthur n'est pas avec lui.
« Il est avec son amie Serdaigle, Cian. Je crois qu'il ne voulait pas partir en vacances sans lui faire sa déclaration.
-Arthur a une copine ? » demande Al'
« Si tout se passe comme il l'a prévu, ça ne devrait plus tarder » répond Ewald.
Ils discutent un peu, et je suis bien contente de les laisser faire, parce que j'ai peur qu'Ewald évoque ma discussion avec Arthur, et je commence à appréhender un peu mon séjour chez Al. Aller chez lui, ça implique quand même une certaine dose de confiance. Ou de résignation je suppose, à vrai dire. J'essaye de me dire que rien de mal ne va arriver, c'est comme ça la plupart du temps après tout, non ? Et si il ne se passe rien, c'est le meilleur choix que je pouvais faire, parce qu'aller chez mes géniteurs aurait été hors de question, et rester à Poudlard pas génial. Je vais pouvoir découvrir une nouvelle ville, j'essaye de me concentrer là-dessus plutôt que sur mes peurs liées à Alphonse. Et à vrai dire, la dispute avec Arthur m'aide bien, dans le sens où elle m'a suffisamment impactée pour m'obnubiler un peu. Je plante mes ongles dans ma peau. Deux filles assez jeunes entrent dans notre compartiment, s'excusent parce qu'elles n'ont pas de trouvé de place ailleurs. Les garçons leur font de la place et se rapprochent de moi, formant un groupe distinct d'avec les deux gamines, un peu intimidées. Al' nous laisse tomber, disant qu'il veut passer un peu de temps avec les membres de l'équipe avant de les abandonner pour deux semaines, et je le regarde partir avec un certain soulagement, même si ça me laisse seule avec Ewald. Lui au moins ne s'attendra pas à ce que je sois joyeuse ou exubérante. Et avec les deux gamines, je suppose qu'il ne me posera pas trop de questions.
Je suis très vite déçue lorsqu'il lance un assurdiato. Ça m'apprendra à espérer tiens. Je souris intérieurement, amusée par l'ironie, même si je suis tendue. Je n'ai vraiment pas besoin que quelqu'un me fasse à nouveau la leçon, Arthur m'a suffit, merci. Mais comme souvent, le serpentard me surprend :
« Détends toi, Vivian, je ne compte pas te parler d'Arthur, à moins que tu veuilles le faire, évidemment. J'ai une idée de comment la discussion s'est passée, et je suppose que tu as conscience qu'il s'inquiète pour toi, même si il est maladroit.
-Oui, c'était assez clair, je fais, un peu sèchement.
-Je voulais savoir si t'as retravaillé un peu sur l'occlumencie depuis notre séance.
-Pas beaucoup, j'admets. J'essaye de défendre mon esprit de temps en temps, mais j'ai du mal sur la durée, surtout en essayant de garder mes perceptions en dehors de mes barrières.
-Si tu continues à t'entraîner ça va venir, sourit Ewald. À ce propos, s'il-te-plaît, tu voudras bien ne pas tenter de nouvelles expériences en la matière tant que tu seras chez Alphonse ? Vous serez dans le monde moldu, et je doute fort qu'il aie la moindre notion en occlumencie, et j'apprécierais pouvoir continuer à avoir une partenaire de duel miniature à la rentrée.
-Merci pour le miniature, je fais, faussement indignée. Et quoi, tu penses que je ferais de la magie en dehors de Poudlard ?
-Vivian… Tu insultes mon intelligence, c'est une vengeance pour l'allusion à ta taille ? Ne crois pas que j'ai oublié ta deuxième baguette. Et ne détourne pas le sujet aussi, tu veux bien ? »
Je soupire, un léger sourire aux lèvres malgré moi. Je dois reconnaître qu'il me comprend bien, à défaut de bien me connaître. C'est pour ça que je l'apprécie aussi. Il est raisonnable.
« Si tu veux. Je n'avais pas trop d'idée d'expériences de toute façon. J'aurai déjà toute une ville à explorer sur les bras, je serai bien occupée ! »
Ewald a un petit sourire.
« Merci. Puisqu'on en a parlé, tu accepterais de me montrer la baguette en question ? »
Je suis un peu surprise, mais après un regard aux deux serdaigles qui ne nous prêtent pas la moindre attention je sors la baguette de son étui à ma cheville. Je vois les yeux d'Ewald accrocher le poignard juste à côté, mais il ne fait pas de commentaire. Il prend plutôt la baguette pour l'observer, avant de me demander avec curiosité si elle me répond bien, et si je sais quelle est sa composition. Le trajet se passe agréablement ensuite, partagé entre la lecture et des discussions autour de théories magiques, d'occlumencie… Je réussis à lui demander un peu ce qu'il pense de la réincarnation, et des possibilités de faire revivre quelqu'un à l'aide de magie, et même si il a l'air un peu surpris par mon choix de sujets il répond de son mieux. Hélas sans me pointer vers une piste intéressante, vu que le seul moyen connu de prolonger une vie est les horcruxes, et que je suis plutôt certaine de ne jamais en avoir fait. Alphonse revient une dizaine de minutes avant l'arrivée, le temps de ranger sa robe de sorcier et histoire de ne pas me perdre. Le train finit par s'arrêter, et Ewald nous quitte pour essayer de croiser Arthur avant de partir. Alphonse semble un peu étonné que je ne suive pas le mouvement, mais il ne pose pas de question.. Nous devons attraper un train pour Oxford qui part d'une autre gare, et miniaturiser nos malles avant de passer côté moldu. Al' est surpris que je sache le faire, mais pas tant que ça.
Une fois dans le train pour Oxford, nous avons une heure devant nous. Au début, on ne parle pas trop, on échange juste quelques banalités sur le début des vacances, sur ce qu'on pourra faire pendant la semaine, puis on garde le silence un moment, et on sort spontanément nos téléphones portables. Ça me fait sourire. Al' semble avoir pas mal de nouveaux messages, moi je profite de mon reste de batterie (comment il fait pour charger son téléphone à Poudlard, d'ailleurs?) pour écouter de la musique. Ça fait du bien, ça m'avait manqué ! Un peu de sonata arctica, nostalgique, du icon for hire, plus vitaminé, du Eisbrecher… ça fait longtemps que j'avais pas entendu d'allemand. Quand je vois Al' relever la tête, je lui demande quel genre de musique il aime, et étonnamment il écoute un peu du métal/rock. J'aurais cru qu'il était plus du genre pop, mais tant mieux. Après, il écoute surtout du rap, mais bon, tout n'est pas à jeter dans ce style, loin de là.
Dans le bus, Alphonse me prévient :
« Tu verras, mon père n'est pas très bavard, et pas toujours aimable. Le canapé et la télé lui appartiennent, pour le reste, fais comme chez toi. Il ne sera pas beaucoup là de toute façon, il travaille sur des chantiers en journée, il est grutier.
-Et ta mère ? Je demande avec curiosité
-Elle est morte. Répond Al'.
-Oh. Désolée..
-T'inquiète, c'est arrivé quand j'avais cinq ans… Je l'ai pas beaucoup connue. Elle est morte de maladie, on a eu le temps de voir venir, et elle a eu le temps de me dire tout ce qu'elle voulait que je sache. Je sais qu'elle m'a aimé, et je garde son héritage. C'est d'elle que je tiens ma magie, et elle était française, tu vois ? Je sais parler sa langue, c'est quelque chose que j'aurai toujours d'elle. » Alphonse sourit avec une douceur inhabituelle chez lui. Ça explique son prénom, en tout cas.
« Je pense que je comprends ce que tu veux dire. » je réponds, et j'ajoute en français, obéissant à mon impulsion « Merci d'avoir partagé ça avec moi.
-Attends, tu parles français ? Depuis quand ? Comment ? » me demande Alphonse, son vague à l'âme oublié aussitôt. Son air complètement choqué amène un rictus sur mes lèvres.
-Alors, oui, depuis un certain temps, et comme je parle anglais : en faisant vibrer mes cordes vocales » je réponds, toujours en français parce que ça fait une vie que je n'ai pas parlé ma langue natale, et ça fait bizarre d'y revenir, étrange d'entendre un léger accent anglais dans ma voix, et en même temps je réalise que ça m'a manqué.
« En tout cas, changer de langage n'améliore pas ton caractère » lâche mon ami, un peu frustré, en français, avant de me donner un petit coup de poing.
« Par contre il faudrait qu'on évite de parler français devant mon père, si tu veux bien. Il peut le parler aussi, mais il refuse de le faire, et n'aime pas que je le fasse. Je crois que ça lui rappelle ma mère, et elle lui manque toujours. »
La maison d'Alphonse est située en bordure de la ville, dans un quartier avec pas mal d'HLM. La bâtisse est assez petite, même si il y a deux étages, serrée entre deux autres maisons, et la façade est décrépite. L'intérieur non plus ne paie pas de mine. Alphonse crie : « Papa, c'est moi ! » en entrant, et un homme dans la cinquantaine vient nous accueillir. Il a le front haut et les cheveux grisonnants au tempes. Il est assez grand, et un peu rond, et porte une moustache. Une vague odeur de bière flotte autour de lui. Il a l'air heureux de revoir son fils, qu'il serre brièvement dans ses bras.
« Content de te revoir, fils ! Et elle, c'est l'amie dont tu m'as parlée ? Elle est pas bien grande, dis donc. Bienvenue dans la ville aux clochers rêveurs, jeune fille. Comment tu t'appelles ?
-Vivan monsieur. Merci de m'accueillir.
-Pas de problème, pas de problème. Je laisse Alphonse te montrer la maison, si vous avez faim servez vous, y a de quoi faire au frigo. »
Et juste comme ça, il disparaît dans le couloir et je me retrouve seul avec Al'. Effectivement, il a pas l'air embêtant le bougre. Mon ami me dit qu'on a qu'à commencer par déposer nos malles, et je le suis jusqu'au premier étage. Il m'indique ce qui se cache derrière les portes fermées. Toilettes, chambre de son père, sa chambre. C'est là que nous déposons mes affaires. Il installe un matelas sur le sol pour moi, avec une couverture, et je réalise que nous allons partager la même chambre. J'essaie de dissimuler la peur que cette idée instille en moi, et le suis en bas une fois qu'il a fini d'installer. Il me montre encore la salle de bain, la cuisine, et la salle à manger où son père regarde la télé avec une bière. Nous retournons à la cuisine ou mon ami fait réchauffer une pizza au four en affirmant que la cuisine des elfes lui manque déjà. Pendant qu'il s'affaire, son téléphone sonne et il me dit que je peux monter, et qu'il me rejoindra avec la nourriture. Je regagne la chambre d'Alphonse. Elle est bien plus petite que celle d'Arthur, ou même que la mienne. Toutes les pièces sont petites, dans cette maison. Les murs tapissés d'un jaune vieillot disparaissent un peu sous des posters de basketteurs et de quelques photos moldues, où je reconnais un Alphonse plus jeune posant avec des gamins de son âge, dont un noir avec un sourire éclatant, qu'on retrouve sur la plupart des photos, sur une autre Alphonse avec un couple âgé, sans doute ses grands parents, en train de manger un croissant, et sur une autre encore, un enfant que je suppose être mon ami, tout jeune, sur les genoux d'une dame aux cheveux blonds comme les blés qui doit être sa mère. Il y a une fenêtre qui donne sur la rue, et un lit au châssis en métal. Un bureau, dont le bois est abîmé par des gravures et des dessins maladroits, sur lequel reposent un globe et un pot à crayon à moitié plein. Une poubelle, un placard, et un ballon de basket qui traînent complètent le tableau, avec mon lit.
Faute de mieux, je m'assois sur mon matelas. Je n'arrive pas à faire taire ma sensation de malaise, même si j'essaye, en me plongeant dans un roman. Au bout d'une dizaine de minutes, Alphonse n'est toujours pas venu et je n'arrive plus à faire semblant. Je prends mon carnet bleu, et je me coupe rapidement. Ça ne m'apaise pas, alors je prends le risque de faire des coupures plus profondes, en guettant des bruits qui indiqueraient que quelqu'un vient. Ma cuisse reçoit deux marques profondes, et j'attends qu'elles arrêtent de trop saigner en buvant un peu de sang. Je suis toujours sous tension, mais je suppose que ça m'a aidé un peu. Après une dizaines de minutes, j'entends des pas dans l'escalier. Je lance un glamour rapide, grogne lorsqu'il s'avère inefficace, retente un coup, ça fonctionne. Je remets mes vêtements bien en place, mais je n'ai pas le temps de cacher la baguette car Alphonse entre déjà en rangeant son téléphone dans sa poche, la pizza dans l'autre main. Il voit la baguette dans la mienne, et me demande d'un ton alarmé :
« Attends, j'espère que tu n'as pas fait de magie ?! On risque d'avoir de gros ennuis !
-Sauf que ce n'est pas ma baguette. » je fais, tranquillement. Ewald est déjà au courant après tout, et avec la magie à portée de main, Al' et moi auront sans doute pas mal de trucs cool à faire à Oxford.
« Qu'est-ce que tu veux dire ? Elle est à qui ?
-Je vais t'offrir un secret, Alphonse. »
Il s'assoit sur son lit, et me regarde, impatient. Je souris.
« Je t'écoute.
-Tu te rappelles de l'histoire du pédophile ? » Il a un rire jaune.
« C'est difficile à oublier.
-C'est sa baguette.
-Comment ça se fait ? » Il secoue la tête, et ajoute : « Qu'est-ce qu'il s'est passé, ce jour là, exactement ?
-Il n'y a pas grand-chose de plus à dire que ce que tu sais déjà… Après que le connard soit mort, j'ai compris que si la magie existait, il fallait que les enfants moldus ne racontent rien, alors on leur a dit d'aller dans la cuisine en attendant les secours. On a contacté la mère d'Arthur avec son portable, et le temps qu'elle arrive on s'est rhabillés, et j'ai remarqué la baguette de l'homme près de son corps. J'ai réalisé que je devais la récupérer, pour avoir accès à la magie en attendant d'entrer à Poudlard. Arthur m'a vu la voler. Heureusement, les aurors ne m'ont pas vu faire, et la mère d'Arthur m'a fait transplaner chez eux. Sa famille m'a hébergé pour une nuit… En fait, les aurors voulaient me faire perdre la mémoire, mais je me suis battue pour la garder, et la mère d'Arthur s'est portée garante de moi pour me remercier d'avoir sauvé son fils.. Alors que bon, sans son aide on serait tous les deux morts, sans doute. Bref, on a caché la baguette le soir même, au cas où, et on a bien fait, parce que le lendemain un auror est venu nous demander si on savait où elle était. Je n'avais pas pu trouver d'excuse vraisemblable, mais Arthur a sorti un mensonge crédible, et le mec l'a cru. Plus tard, quand j'ai estimé que c'était safe, j'ai récupéré la baguette, et tadaa ! Une baguette non bridée, avec laquelle j'ai appris la magie.
-Putain… » parvient à articuler Alphonse. « Je pensais pas qu'Arthur avait ça en lui, je l'ai sous estimé je crois… Et toi… T'es un peu flippante, tu sais ?
-Mais on pourra faire de la magie cette semaine. Ça compense, non ? »
Alphonse fait mine de réfléchir, et l'ambiance se détend beaucoup, même si il y a un reste de tension en l'air. Ça m'a fait bizarre de parler de tout ça, et je crois qu'Al' a été un poil secoué, malgré tout. Il n'a tout de même pas l'air d'avoir trop peur de moi, parce qu'il acquiesce avant de se rapprocher de moi d'un coup. Ma peur est de retour, mais j'enveloppe mon geste de recul spontané sous une couche d'humour, alors qu'il demande :
« Je peux l'essayer ?
-Plus tard, on a une pizza à manger, crétin. J'ai attendu assez longtemps, non ? » je fais, dans l'espoir de l'éloigner un peu, et aussi parce que je commence vraiment à avoir faim.
« Oh, désolé ! J'ai eu Lucian au téléphone, c'est mon meilleur ami, on va se voir demain, et j'ai pas vu le temps passer... »
Al' a vraiment l'air contrit, mais il me tend un bout de pizza, alors je lui fait un signe de main qui veut dire « t'inquiète » et je commence à manger. Il fait de même, et pendant quelques temps on n'entend plus que des bruits de mastication dans la pièce. Alphonse s'est rassit sur son lit, et je me détends un peu. Une fois que nous avons enfin l'estomac plein, il reprend la parole.
« Du coup comme je disais je vais voir Lucian demain, mais je préférerais que tu ne viennes pas, au moins le matin, ça fait longtemps que je l'ai pas vu et on a plein de choses à se dire, et il te connaît pas… Il sait même pas que t'es là pour l'instant. Désolé, je sais que c'est pas cool…
-Non, t'inquiète » je fais, avec un sourire. « C'est normal. Il est pas au courant pour Poudlard, j'imagine ?
-Non… Il croit que je vais à une école privée internationale, pour pouvoir parler français.
-On pourrait lui raconter que je suis ta cousine peut-être ? Ça expliquerait pourquoi je squatte chez toi alors que je suis plus jeune, et comme je parle français ce sera crédible.
-C'est une bonne idée. » admet Alphonse. Néanmoins, il a pas l'air ravi, mais je devine assez facilement pourquoi.
« Tu n'aimes pas ça, hein ? Mentir…
-Je déteste ça » crache mon ami avec dépit. « C'est facile pour les sang purs, les gens qui ont grandit et qui vivent du côté sorcier, mais pour les nés moldus, ceux qui vivent à cheval entre les mondes.. ? On est obligé de mentir, d'inventer des excuses, et j'ai l'impression qu'au final il faut choisir entre les deux, sinon on est condamnés à une vie où l'on ment à ceux qu'on aime… Je comprends que le secret magique doive être maintenu, mais je voudrais au moins pouvoir être honnête avec ceux dont je suis le plus proche… Parce qu'avec le temps, ça fait comme un mur entre nous, qui nous sépare de plus en plus à chaque nouveau mensonge. »
Je reste un instant silencieuse, surprise par l'éclat un peu inattendu d'Alphonse. Mais je le comprends. J'ai déjà ressenti ça, je crois, même si à l'époque je l'exploitais pour m'éloigner des gens.
« Ce serait bien d'avoir un sort qui permettrait de parler aux gens tout en les empêchant de partager cette connaissance avec d'autres, pour pouvoir être honnête avec les gens de confiance.
-C'est vrai… soupire Alphonse. Mais le monde magique n'accepterait jamais ça je pense. »
Je ne réponds rien, parce qu'il a sans doute raison. Mais au final, qu'est-ce qui empêche les gens de parler aux moldus ? Rien. Maintenant que j'y pense, ça doit sans doute être le principal boulot des oubliators, de limiter les dégâts lorsque quelqu'un mis dans la confidence trahit le secret. Et beaucoup plus de gens doivent être au courant qu'on ne le croit.
On finit de manger tranquillement, puis je laisse Alphonse essayer un peu la baguette du pédophile. Il a pas mal de difficultés à la maîtriser, et moi aussi, ce qui confirme ce que j'ai remarqué en remettant mes glamours, tout à l'heure. Deux mois avec ma baguette, qui me correspond, et celle là m'est beaucoup plus difficile à maîtriser. Pas impossible, mais les sorts sont plus compliqués à lancer. Enfin, nous nous préparons à dormir, et mes inquiétudes reviennent en force. Je m'allonge sur mon matelas, et je lis en écoutant de la musique pendant qu'Al est sur son portable. Après quelques temps, il éteint la lumière et je reste allongée, les yeux ouverts dans la pénombre, tendue comme la corde d'un arc. Le silence s'étire, brisé seulement par les bruits des voitures, lorsqu'Al' demande :
« Qu'est-ce que ça fait… de tuer quelqu'un ? »
Surprise, je mets quelques secondes à répondre.
« Ce que ça fait... » je rassemble mes pensées. Je peux répondre honnêtement à cette question. « C'est étonnamment facile. C'est presque choquant la rapidité à laquelle ça s'est passé… Je ne regrette pas ce que j'ai fait, et je le referais sans hésiter. Mais… ça laisse des traces. Je ne m'en veux pas de l'avoir tué, mais je m'en veux d'avoir tué tout court, je sais pas si ça a du sens pour toi. Mais si c'était à refaire, ou si j'étais à nouveau dans une situation semblable, je tuerai sans hésiter. Je fais ce que j'ai à faire. »
Un long silence suit à nouveau ma déclaration, puis Al' me dit, avec un sérieux auquel il ne m'a pas habitué :
« Merci d'avoir partagé ça avec moi. Je comprends je crois. Je pense que je le ferais aussi, si je n'avais pas le choix. Tu es forte, Vivian. »
Je ne réponds pas, et il me demande :
« ça va ?
-Toujours, t'inquiète » j'affirme, souriant par réflexe même si il ne peut pas le voir dans le noir. Finalement, il me souhaite bonne nuit et après un temps qui me paraît très long il finit par ronfler légèrement, et je me détends un peu. Je malaxe nerveusement mes cicatrices fraîches, mais finis enfin par trouver le sommeil au bout d'un moment. Je dors très mal, me réveillant à chaque bruit provenant du lit d'Alphonse, mais je dors un peu, et il ne me fait rien.
Je me réveille avant lui, à cause de la lumière du soleil, et même si il est encore tôt et que je n'ai clairement pas assez dormi je sais que je vais rester réveillée, alors je prends un livre aussi silencieusement que possible et je lis, adossée contre le mur. Alphonse n'est pas trop bruyant en dormant, et je le regarde un peu, à la dérobée. Il dort sur le dos, bras écartés, une jambe sortant du lit, totalement détendu. À l'aise comme toujours, même en dormant. Mais beaucoup plus calme comme ça, quand même.
Plus tard, il finit par se faire réveiller par son réveil. Il est huit heures et demie. En me voyant debout, il me demande si je suis réveillée depuis longtemps, et j'élude sa question d'un geste vague de la main accompagné d'un « Pas tant que ça... ». Il hausse les épaules, et passe un tee shirt rapidement (il dort torse nu) avant de me guider vers la cuisine pour qu'on prenne un petit déjeuner. Je n'ai pas très faim, mais j'arrive quand même à avaler un truc vu que ça fait quelque temps que je suis debout. Son père est déjà parti travailler. Al' me donne un double des clés de la maison, et me recommande de ne pas me perdre avant de partir rejoindre son ami, non sans avoir promis de revenir vers midi. Enfin seule, je fais le tour des pièces en silence, observant le décor, curieuse, mais ne touchant que peu de choses, que je remets méticuleusement en place comme je les ai trouvées. Deux habitudes que j'ai, visiter les maisons où je suis, quand je suis livrée à moi-même, et ne laisser aucune trace de mon passage. Je finis par retourner dans la chambre d'Alphonse, le seul endroit où je me sente à peu près à l'aise, moins étrangère et déplacée. Je lis un peu, mais très vite la fatigue me gagne, et je dois m'endormir parce que je me réveille en sursaut en entendant des voix dans la maison.
J'entends Alphonse m'appeler et je descends les escaliers, curieuse. Je le trouve dans le salon en compagnie d'un jeune que je devine être le gamin qu'il y avait sur beaucoup de photos dans la chambre de mon ami. Al' fait les présentations, rapidement :
« Vivian, je te présente Lucian, mon meilleur ami. Lucian, Vivian. »
Je serre la main à l'adolescent, remarquant qu'Al' ne m'a pas vraiment présentée comme sa cousine. Je suppose qu'il l'a soit déjà dit, soit qu'il préfère éviter de mentir aussi longtemps que possible. Apparemment, ils sont rentrés pour manger. Ils ont ramené des fish and chips, et on mange dans le salon, devant la télé qui diffuse un match de basket. Les deux garçons sont apparemment assez intéressés, mais malheureusement pour eux on n'assiste qu'au dix dernières minutes du match. Lucian me demande :
« Tu aimes le basket ?
-J'ai rien contre, j'ai toujours trouvé que c'était un sport sympa. Après, jouer en équipe n'est pas trop mon truc. Je suppose que toi oui ?
-Absolument ! J'en fais depuis que je suis gamin, c'est à cause de moi qu'Alphonse aussi d'ailleurs.
-Oh, cool, je savais pas ! Et tu fais quoi dans la vie sinon ?
-Je passe mon A-level à la fin de l'année, après ce sera l'université…
-Tu sais ce que tu veux faire ?
-J'aimerais vraiment bosser dans le basket, passer pro, mais si j'y arrive pas je ferai sans doute éducateur, j'ai envie d'aider les jeunes du coin.
-Je vois. Tu pourrais devenir entraîneur, sinon, vu que ça mêle le basket et le social, non ? »
Lucian a un sourire un peu triste.
« Si je n'arrive pas à passer pro, je vais laisser tomber le basket complètement, être entraîneur me rappellerait trop que j'ai échoué. »
Un silence s'installe, que Lucian rompt à nouveau.
« C'est marrant, à t'entendre on croirait qu'on a le même âge. Je suis moins surpris qu'Alphonse t'aie invité chez lui.
-Tu n'as pas idée, soupire Al'. Tu n'es pas au bout de tes surprises avec cette gamine. »
Lucian rigole un peu, et après quelques temps nous décidons d'aller nous promener un peu dans le quartier. Al' amène son ballon de basket, et nous nous lançons dans des un contre un sur un terrain voisin. Bon, je perds tout de suite et je comprends que même avec mon corps de dix-sept ans je n'aurais pas eu une chance. Même si Al' ne pratique pas à Poudlard (je pense), il a un très bon niveau, et Lucian met des paniers à trois points sans paraître faire des efforts, même marqué par Alphonse. Après quelques temps, quelques jeunes se rassemblent et un vrai match s'organise spontanément. Je me retrouve dans l'équipe de Lucian contre celle d'Alphonse, étant la pire joueuse (supposée du moins, au vu de mon âge), et le noir étant le meilleur joueur à priori. On ne compte pas trop les points de toute façon, sauf quelques jeunes qui se disputent toujours pour savoir où on en est exactement. Pour ma part, j'apprécie l'exercice, même si à ma grande frustration presque personne ne me fait de passe, parce que je suis petite, etc. Enfin, à la fin au moins je réussis à avoir plus souvent le ballon, une fois que j'ai fait mes preuves, même si il est hors de question de me laisser shooter. Ma spécialité, c'est plutôt les passes avec rebond, et éviter les gens qui veulent m'empêcher d'avancer en dribblant.
Le soir, après s'être séparés de Lucian et avoir pris une douche, je prépare un truc à manger avec Al', et il est s'étonne un peu de voir que je sais AUSSI cuisiner, même si il en est content. Apparemment, ce n'est pas son point fort. On s'installe à nouveau dans sa chambre pour manger, et on discute des plans pour le lendemain et de la journée écoulée.
« Il est sympa, Lucian » je fais. Al' sourit, et acquiesce :
« C'est pas mon meilleur ami pour rien !
-Vous vous connaissez depuis longtemps ?
-Houlà, oui ! On s'est rencontrés quand on avait cinq ans. Je venais de perdre ma mère, et j'étais nouveau à l'école. Lucian est le premier à être venu vers moi. Il m'a convaincu de rejoindre l'équipe de basket en même temps que lui, et ça m'a sauvé d'avoir ça pour me défouler, et de me faire des amis. Sans ça, je ne sais pas ce que je serais devenu. Je me serais renfermé. En plus, pas mal de gamins se moquaient de moi en m'appelant la grenouille, parce que j'arrivais de France. » Al' reste songeur quelques temps, et je garde le silence, parce que je sens qu'il n'a pas fini de parler. « Tu sais… Je ne t'ai jamais expliqué ce que je faisais dans ce couloir à harceler Ewald, ce jour là. Avant d'entrer à Poudlard, j'ai pas mal souffert des moqueries des autres, et aussi de tous les connards de racistes qui cherchaient des embrouilles avec Lucian juste à cause de sa couleur de peau. J'aurais jamais pensé être de l'autre côté de la barrière, un jour. Quand je suis arrivé côté sorcier et que j'ai entendu parler des mangemorts et de leurs idées, j'ai été dégoûté. Les mangemorts étaient vaincus, même si quelques élèves partageaient encore encore leurs idéaux, ou venaient de familles alliées à Voldemort. Pas mal de gens savent qu'Ewald est le fils d'un mangemort, quand je suis entré à Poudlard plusieurs personnes lui menaient la vie dure pour ça, dans les plus vieux. Je le sais parce que j'ai voulu savoir de qui me méfier. Je suis entré dans l'équipe de quidditch, et ça m'a fait du bien, parce que le basket me manquait. Enfin… Ce soir là du coup, j'avais passé une mauvaise journée, et je venais de parler à Lucian. Il s'était fait tabasser par une bande de connards juste parce que sa tronche leur revenait pas. Du coup, quand on est tombés sur Ewald avec l'équipe, que Jenkins a commencé à l'insulter, et qu'il s'est défendu, j'ai vu une occasion de passer ma frustration. Je ne connaissais pas Ewald à l'époque, et je pensais qu'il croyait en les mêmes choses que sa famille. En plus, il était dangereux pour mon équipe. Je ne t'apprends rien en disant qu'il sait se défendre. J'ai été très con, je sais. J'ai une explication pour mes actes, mais c'est pas une excuse. Je crois que même pendant que ça arrivait je savais que c'était une connerie, mais on était déjà allés trop loin. Heureusement que tu es intervenue. »
La voix d'Alphonse est amère, et je me sens obligée de répondre :
« Ça se voyait que tu n'étais pas dans le même état d'esprit que Jenkins et la plupart des autres. C'est pour ça aussi que je t'ai défié. Instinctivement, j'avais l'impression que tu valais mieux que ça. » je marque une pause. « Merci de m'avoir expliqué en tout cas. Ça a du sens. Je suis contente de pouvoir comprendre. »
Al' a un sourire soulagé, et on passe le reste de la soirée à tester quelques sorts débiles en échangeant des anecdotes sur notre vie et Poudlard. C'est surtout Al' qui parle, vu que je peux difficilement sortir des anecdotes sur ma vie d'avant. Néanmoins il se montre assez intéressé par tout ce que je lui raconte côté urbex et exploration urbaine, infiltration de chantiers…
J'ai un peu moins de mal à m'endormir ce soir là, même si je suis toujours sous tension, prête à réagir au moindre geste d'Alphonse. Je me réveille en même temps que lui, cette fois. On a mis un réveil vers neuf heures pour aller visiter la ville. On passe la matinée au centre ville, et je suis immédiatement charmée par l'architecture ancienne et désuète de ce quartier au style victorien, qui me fait rêver à l'ancien temps. Nous visitons le marché couvert qui me rappelle un peu camden town à Londres, et j'adore vraiment cet entrelacs de ruelles mi-souterraines mi-ouvertes. Nous trouvons à manger là bas, puis continuons la visite par quelques églises, l'université et plein de monuments historiques et pleins de dignité. Je repère deux trois endroits que je reviendrais bien escalader.
Les jours suivants se passent plutôt bien. Alphonse voit Lucian tous les jours pour quelques heures, et je me joins parfois à eux. Lucian est plutôt cool comme type, et je ne le mets pas trop mal à l'aise je crois. En même temps, je suppose que mon intelligence est moins inquiétante maintenant que quelques années en arrière, vu que le contraste est moins violent avec mon apparence physique. Avec Lucian, on fait surtout du basket, et on joue à des jeux vidéos. Ça fait une vie que ça m'était pas arrivé, et on s'amuse bien sur mario kart. Je me défends plutôt bien, ce qui n'est pas le cas au basket, où mes deux aînés essayent de m'enseigner quelques bases. J'ai de bons réflexes (je suis attrapeuse quand même), mais je manque de précision dans mes lancers, et de puissance tout simplement. Le troisième jour, je fais la connaissance de deux autres amis d'Alphonse, Rakin et Azmi, qui sont frère et sœur. Azmi est basketteuse, elle aussi (comme c'est original…), et je l'apprécie tout de suite. Grande, élancée, elle a des cheveux bruns et raides qu'elle attache toujours en queue de cheval, et ne se laisse pas marcher sur les pieds. Son frère est moins remarquable. Il a un tempérament plus doux, et un début d'embonpoint qui ne l'encourage pas à participer à nos jeux sur le terrain de basket. Quand je ne me joints pas à eux, je fais mes devoirs, j'écris, ou je fais des recherches comme il y a internet chez Alphonse. Quand il est là, on se promène le plus souvent. Il y a pas mal à faire, avec les activités que propose la ville, et on explore quelques bâtiments abandonnés qu'Al' connaît. On fait aussi des jeux, ou on s'occupe chacun de notre côté selon l'humeur. Je lui apprends aussi à cuisiner quelques trucs. Le soir, quand je n'arrive pas à dormir, je sors discrètement et je me promène, je fais un peu d'escalade sur les toits, même si je ne vais jamais trop loin.
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Le cinquième jour, je vais à Londres pour voir mes parents. Je n'en ai pas envie, mais j'ai besoin de savoir, et j'ai pas totalement le choix de toute façon. Alphonse reste à Oxford, mais il m'accompagne quand même jusqu'à la gare. J'ai du mal à me montrer sociable ce matin là, mais mon ami ne me fait de remarque. Lui même a l'air un peu dans les nuages de toute façon. Dans le train, je suis tendue. Je finis par prendre mon poignard discrètement, et je le passe sur mon bras. Je coupe plus profond que prévu. Merde. Au moins, à mon grand soulagement, le saignement finit par se calmer et je peux dissimuler tout d'un glamour. Mais bordel, un peu plus et j'allais devoir trouver un truc pour faire bandage. Pas super discret. Je suis une abrutie.
Quand j'arrive à la maison, c'est ma mère qui ouvre la porte, elle a l'air rassurée de me voir. Mon père aussi est là, c'est exceptionnel qu'ils soient là tous les deux, en semaine. Après les salutations d'usage, mon père me propose de manger un truc. J'accepte, nerveuse, le poids de la discussion à venir qui n'a pas encore commencé pesant sur chacun de nous. Mon père va préparer lui même un en cas à la cuisine, et ma mère explique :
« On a donné une journée de congé à Mrs Winston. Ce sera plus simple pour parler de magie… et du reste. »
Je hoche la tête, et quand mon père revient la discussion commence pour de bon. Ma mère me prend la main et j'ai un mouvement de recul instinctif qui semble la blesser, mais elle se force quand même à sourire.
« Je ne sais pas trop par où commencer… On est inquiets pour toi. On s'en veut de ne pas avoir compris que quelque chose s'était passé, quand tu es rentrée de colonie.. Tu avais six ans ! Six ans ! » Elle se cramponne à ma main, et mon père a le regard fermé.
« Pourquoi tu ne nous as rien dit, ma puce ? On aurait pu t'aider
-Vous êtes des moldus, je n'avais pas le droit. Et de toute façon, je vais bien, et je n'ai pas besoin d'aide. Ce qu'il s'est passé ce jour là… C'était horrible, c'est sûr, mais ç'aurait pu être bien pire. Donc ne vous inquiétez pas. Ce que je voudrais savoir, moi, c'est comment ça se fait qu'une prof soit au courant. Vous savez combien de personnes le savent, et comment ça se fait ? »
Mes parents affichent un air un peu surpris, et vaguement scandalisé pour mon père, mais ma mère répond malgré tout :
« Ce n'est pas la priorité ! On s'en fiche, non ?
-Pas moi ! » je crie, exprimant mon angoisse malgré moi « J'ai besoin de savoir QUI est au courant !
-Ton professeur d'études des moldus m'a dit qu'à part elle, seuls la directrice, l'infirmière et ton directeur de maison sont au courant. Je ne sais pas comment ça se fait par contre, c'est peut-être une procédure normale.. ? Le mieux sera sans doute que tu leur pose la question.
-Je vois… » je fais. Au moins tout le monde ne sait pas, à priori. Je n'ai pas honte ou quoi, mais je déteste que les gens aient des informations sur moi alors que ma vie ne les regarde pas.
-Quoi qu'il en soit, intervient mon père, c'est complètement scandaleux qu'on t'aie laissé ainsi livrée à toi même alors que tu avais six ans. Ces sorciers sont complètement inconscients ! Si ils voulaient t'interdire de parler, alors ils auraient dû s'occuper de toi !
-Ils voulaient m'effacer la mémoire, je coupe. Comme aux enfants moldus. »
Mon père arrête de tempêter, stupéfait.
« Mais alors… Pourquoi ils ne l'ont pas fait ?
-J'ai refusé. Je me suis battue pour la garder.
-Quoi ? Pourquoi ?
-Parce que ces souvenirs m'appartiennent. Ils m'auraient influencée, même si je les avais oublié, de façon inconsciente, et ç'aurait été mauvais pour moi. Tandis que comme ça, j'ai pu mettre ces événements à la place qui leur convient. La mère d'Arthur s'est portée garante de moi jusqu'à ce que j'entre à Poudlard, elle était chargée de m'aider si besoin » j'ajoute, pour les rassurer. Vu la tronche que mon père tire, ça marche qu'à moitié, ce qu'il ne tarde d'ailleurs pas à confirmer.
« Je continue à penser que c'est n'importe quoi, ce qu'ils ont fait. En tant que parents, ont aurait dû savoir bien plus tôt.
-En tant que moldus, vous n'avez aucun droit, je siffle. Vous n'avez pas lu les Harry Potter ? La situation a l'air d'avoir pas mal évolué depuis, mais ils pensent toujours pas aux parents moldus, vous avez bien vu. D'ailleurs, je ne sais même pas pourquoi ils vous en ont parlé maintenant.
-Aucun droit ?! » mon père s'étouffe de rage, mais ma mère le calme en posant sa main sur la sienne.
« Ce n'est pas l'important maintenant chéri. Maintenant, on est au courant, et on peut faire quelque chose. Nous ne connaissons pas très bien le monde dans lequel vit Vivian à présent, mais son professeur comprend qu'on a le droit d'être au courant au moins. Et toi, » ajoute elle en se tournant vers moi. « Ne nous cache plus jamais des choses comme ça. Nous respectons ton indépendance, mais un enfant n'a pas à porter des choses comme ça. Il n'y a pas de honte à avoir, tu comprends ? Cet homme, ce salopard qui t'a attaquée, il n'avait aucun droit de faire ce qu'il a fait, et il est en tort. Et j'ai conscience qu'on est fautifs aussi dans cette affaire. Tu es tellement indépendante qu'on ne t'a jamais appris à ne pas suivre les inconnus, alors qu'on aurait dû ! Je suis tellement désolée, ma chérie !
-Pas de honte à avoir ? » J'ai un rire distordu, tellement ma mère est à côté de la plaque. « Je n'ai honte de rien ! Je suis fière d'avoir su me défendre, et d'avoir pu défendre mon ami ! Je ne vais pas avoir honte de m'être faite attaquer par un pervers détraqué ! » ma mère me fixe, la bouche entrouverte, et je poursuis. « Et j'y suis allée en sachant que c'était dangereux, parce que les autres le savaient pas et que je voulais pouvoir les aider ! » je reprends la maîtrise de ma voix, et ajoute : « je n'aurais juste jamais pu deviner que c'était un sorcier. Mais en tout cas, ne vous inquiétez pas, je sais qu'il ne faut pas suivre les inconnus et vous avez fait votre travail de parents. »
Un silence suit ma déclaration. Mes parents se regardent, l'air un peu confus. Finalement, c'est mon père qui prend la parole, sa colère de plus tôt oubliée pour le moment.
« Et bien… Tu es forte, Vivian. Je suis impressionné. » il marque une pause, et je l'imagine un instant comme l'antagoniste d'un manga. Il sort les même répliques. Néanmoins, j'attends le mais, qui ne tarde d'ailleurs pas à arriver. « Mais malgré ça, une enfant de ton âge n'aurait jamais dû avoir à affronter ça, personne n'aurait dû, d'ailleurs. Et nous avons failli à notre rôle de parents.
-J'ai pas mal discuté avec ta prof, ajoute ma mère. Nous pensons que tu as besoin de pouvoir discuter de ces événements avec quelqu'un de confiance, et j'ai bien conscience que nous ne sommes sans doute pas les plus adaptés, avec ton père, même si nous aimerions que tu puisses te confier à nous. C'est pourquoi ton infirmière scolaire pourrait te permettre de voir une sorte de psychologue sorcier... »
La colère tombe sur moi d'un coup, étrécissant ma vision. Un psy ? Ils m'ont écoutée au moins ? TOUT ÇA NE LES REGARDE PAS ! Et je n'ai PAS besoin d'un putain de psy ! Ils semblent sentir la tension grandissante de la pièce, parce que je les vois se raidir un peu. Je réponds d'une voix tendue qui finit en cri, lorsque je perds mon contrôle de moi-même.
« Je vous dis que je n'ai pas honte de ce qu'il s'est passé, que je me débrouille, que je suis en règle avec les événements. J'ai défendu un ami. Je suis restée en vie. Je suis mature, je sais où je vais, je suis indépendante. Je vous dis tout ça, et vous me répondez que j'ai besoin de soutien ? Vous devriez être fiers de moi ! Vous dites que je suis forte, que vous êtes impressionnés, mais vous ne m'écoutez pas ! Je n'ai pas besoin d'aide !EST-CE QUE VOUS M'ÉCOUTEZ SEULEMENT?!
Encore le silence. Mes parents me regardent à nouveau d'un air un peu saisi, puis mon père m'ordonne :
« Calme toi Vivian. On ne nie pas ton indépendance ou quoi que ce soit, mais on s'inquiète pour toi. C'est normal d'avoir besoin d'aide, beaucoup de gens vont voir des psys, tu sais ? » il me fait un sourire qui se veut encourageant, mais que je ressens surtout comme condescendant. Je ne suis pas une putain de gamine. Ma mère esquisse un geste vers moi, mais se reprend lorsque je retire violemment ma main.
« Ma chérie, on t'aime, mais on voit bien que tu as besoin d'aide. Ce n'est pas normal de ne pas supporter le contact physique comme ça, par exemple. Le psy pourrait t'aider avec ça… »
Je pleure de frustration à présent, mais ma voix est froide et maîtrisée. Sous la table, mes ongles sont plantés dans mon bras.
« Normal ? J'ai jamais aimé le contact physique, c'est pas à cause d'une saloperie de pédophile. Non, figurez vous qu'il y a des gens comme ça, dont c'est pas le truc. Et vous me parlez de normalité, alors que vous avez toujours su que je ne suis pas une enfant ordinaire. Ça vous allait très bien de me laisser tranquille jusqu'à présent, et tout d'un coup vous apprenez un truc qui s'est passé il y a des années et vous vous rappelez que vous êtes mes parents ?
-Tais toi ! m'ordonne mon père.
-JE N'AI PAS FINI ! Je le coupe. Je ne suis pas une psychopathe, même si vous allez finir par vous en convaincre, sans doute. Je ne suis pas non plus une pauvre gamine traumatisée. Je suis en règle avec ce que j'ai fait. Oui, j'ai tué un homme. Je l'ai fait pour défendre un ami, et je le referais sans hésiter, parce que c'était nécessaire. Et il est hors de question qu'un inconnu vienne me poser des questions parce que je n'ai besoin de personne pour ça. J'ai grandi seule, et je tiens debout sans aide. Ma vie ne regarde que moi, et ce n'est pas parce que je suis votre enfant que vous avez le droit de vous mêler de ma vie privée. Je vous aime, mais on ne me forcera pas à partager ou à donner ce que je n'ai pas envie de partager ou de donner. Il y a des limites, et si vous ne pouvez pas les accepter vous n'aurez plus rien de moi.
-Tu es notre fille, notre responsabilité, et tu nous dois le respect. Nous ne voulons que ton bien ! » ma mère. Elle pleure. Je me demande si, comme moi, c'est de la frustration.
« Je vous respecte ! Mais vous, vous ne m'écoutez pas vraiment. Je n'ai pas besoin d'aide ! Je suis surdouée, et magique, et je comprends que ça soit dur à vivre et accepter. Je suis désolée de ne pas être la petite fille mignonne et modèle dont vous rêviez sans doute, avec qui vous auriez pu vous émerveiller. Mais vous devez l'accepter ! »
Je ne vois pas venir la claque de ma mère. C'est la première fois de ma vie qu'elle me gifle, et même si la douleur est faible, le choc lui est bien réel. Elle se tient debout devant moi à présent, et elle me dit d'une voix mal maîtrisée :
« Tu vas monter dans ta chambre pour te calmer. Tu es notre fille, et tu nous dois le respect, nous n'allons pas tolérer cette insolence. Tu veux être traitée comme une adulte ? Alors très bien, comporte toi comme telle. Ne descends pas tant que tu en seras incapable. »
Un peu choquée, je me laisse pousser vers la sortie du salon, encore incrédule. J'entends ma mère tomber dans les bras de mon père, et je monte les escaliers presque en courant, claquant la porte de ma chambre avant de pousser un cri de rage. Comment osent ils ? Je pleure toujours de rage, et je me hais de manquer à ce point de self-control. Je dois me contrôler. Me contenir. Me calmer. Je donne un coup de poing dans le mur qui fait saigner mes phalanges, puis je me mords profondément, encore et encore. Je dissimule tout avec la baguette du pédophile, repensant à sa provenance tout en m'imaginant effacer la mémoire de mes parents. Mais peu importe à quel point je suis en colère, je sais que je ne ferai pas ça. Par contre… La pensée m'effleure qu'avant de me tuer je pourrais leur faire oublier mon existence. Ce serait miséricordieux, sans doute. Mais c'est leur mémoire, et elle leur appartient. Certains préfèrent se contenter de chimères, de demi-vérités, mais d'autres sont comme moi, et veulent toujours la vérité, peu importe à quel point elle blesse. Et je ne sais pas ce qu'ils veulent. Je ne le saurai jamais.
Lentement, je reprends mes esprits, je respire profondément. Je me repasse la conversation dans ma tête et je me mets à leur place avec réticence. Si j'étais parent (okay, l'idée est absurde, mais bon, disons que l'empathie ça sert), comment je réagirais si j'apprenais un truc comme ça ? Ils ne peuvent pas comprendre mon point de vue, ils ne savent pas qui je suis. Ils me prennent pour une enfant, indépendante certes, mature, mais ils ne savent rien. Je ne peux pas leur en vouloir pour ce qu'ils font, ce qu'ils veulent faire. Néanmoins, ma vie ne les regarde pas, et je ne vais certainement pas aller voir un psychomage. Je ne peux pas les affronter de front, ça ne marchera pas. Je dois être calme, posée, les rassurer. Sinon, je vais me faire piéger. Les moldus n'ont théoriquement pas de pouvoir sur les sorciers, mais ce sont mes parents, et surtout, les profs sont au courant. Si je ne convaincs pas mes parents, alors qui m'assure qu'on ne me forcera pas à coopérer ?
Quand ma mère frappe à la porte, une heure plus tard, j'ai eu le temps de réfléchir. Elle frappe doucement, et demande presque avec timidité :
« Vivian ? Je peux entrer ma chérie ? » je reconnais son ton de voix, celui qu'on prend après la tempête, quand on marche sur des œufs, quand on sait qu'on est allé trop loin. Bien. Ça veut dire qu'elle aussi est plus calme. Je sais que je l'ai blessée. Quand je lui réponds, j'ai la même vague dans la voix, les mêmes précautions.
« Oui, maman. »
Elle entre avec hésitation, et je prends sur moi pour aller la voir et lui prendre la main en baissant la tête :
« Je suis désolée de vous avoir parlé comme ça…
-Et moi je suis désolée de t'avoir giflé. Tu n'as pas mal ? » Elle me relève le menton, et observe ma joue. Elle a l'air soulagée de ne pas y trouver de marque. « Tu avais raison ma chérie, on ne t'a pas vraiment écoutée.
-Moi non plus, je ne vous ai pas vraiment écoutés, je soupire. Vous vous faisiez du souci et je vous ai dit des choses horribles… Je… Ce que je vous ai dit est vrai, que je suis en règle avec le passé, tout ça, mais ça reste un sujet sensible, et je pensais pas l'aborder comme ça, et vous entendre parler de psy, pour moi, c'est comme si vous niez mes efforts et le chemin que j'ai fait pour en arriver là… Alors que pour moi c'est du passé, c'est comme si vous vous acharniez à vouloir trouver quelque chose de travers, parce que vous voulez pouvoir m'aider » tout en disant mes mots, je réalise ce que je dis au fur et à mesure. Au début, je voulais juste utiliser la bonne vieille stratégie de désarmer les gens en offrant des confidences qui donnent l'impression que je m'ouvre. Mais en fait, je réalise que ce que j'ai compris en parlant est vrai. Ma mère soupire, puis répond, d'une voix toujours fragile :
« C'est vrai… C'est difficile aussi pour nous de croire que tu puisses t'en sortir aussi facilement, après ce que tu as vécu, toute seule.
-Mais je ne suis pas seule, maman » je fais, en la regardant dans les yeux avec un sourire sincère dont la tristesse doit lui échapper. « Ce jour là, j'étais avec Arthur. Et on a toujours été amis depuis. Il est plus âgé que moi, c'est vrai, mais il me traite comme son égale, et on passe notre temps ensemble à Poudlard, quand on a pas cours. Il y a aussi son meilleur ami, Ewald, et Alphonse, le gars d'Oxford avec qui je passe mes vacances. Je suis bien entourée ! »
Ma mère sourit et m'entoure de ses bras, et pour une fois je laisse faire, dissimulant mon déplaisir qui ne ferait que me desservir. Elle m'entraîne en bas des escaliers, et on rejoint mon père pour s'asseoir à nouveau autour de la table. Je m'excuse aussi auprès de lui, pour faire bonne mesure, et lui aussi a l'air plus calme déjà.
« Mais du coup, tous tes amis sont beaucoup plus âgés que toi ?
-Non, j'ai aussi des amis dans mon année, Scorpius par exemple, on s'est rencontrés dans le train » je fais en souriant, omettant prudemment le fait qu'on soit brouillés. Mon père s'étonne :
« C'est quoi ce prénom ?
-Famille d'aristocrates » je fais.
La conversation se poursuit comme ça sur un ton plus léger, et je pense qu'entendre parler de tous ces amis à moi les rassure beaucoup. Ils finissent par laisser tomber l'idée du psy, à mon grand soulagement, et même si mon père est toujours très remonté contre les sorciers en général et leur gestion de crise en particulier, je me contente de ce que j'ai. Quand j'estime avoir passé suffisamment de temps avec eux, je rebondis sur le sujet Alphonse pour rappeler que je dois retourner à Oxford. Mes parents semblent un peu déçus que je ne passe pas la nuit chez eux, mais ont du mal à dissimuler leur sourire devant mon impatience affichée de retrouver mon ami. Je conclus la conversation, pour les rassurer:
« Vous voyez, je suis bien entourée ! Je suis très reconnaissante pour la façon dont vous m'avez élevée, et pour la liberté que vous me laissez. C'est vraiment précieux pour moi que vous me traitiez selon ma maturité et pas selon mon âge. » je souris. Mon père répond, l'air un peu soucieux :
« Et nous sommes heureux d'avoir une fille intelligente comme toi. Mais plus jamais de coup comme ça. Promets nous de nous parler tout de suite si il se passe à nouveau quelque chose comme ça. Il faut qu'on se fasse confiance.
-Je promets que vous serez les premiers que j'informerai si je me fais à nouveau attaquer par un pédophile », je fais, d'un ton mi sérieux-mi ironique.
« Vivian…
-Ne t'inquiète pas, maman. C'est promis. »
Ça semble suffire à mes parents, pour cette fois en tout cas. J'éprouve une pointe de satisfaction à avoir esquivé la promesse, même si je ne m'y serais pas tenue. Mais comme ça, à moins de me refaire attaquer par un pédophile, ce qui est quand même sacrément improbable, je ne leur dois rien.
Enfin, ils me laissent partir, et mon père me raccompagne à la gare. On reste silencieux la plupart du temps, même si je profite du moment pour lui dire à quel point j'apprécie le nom de la chouette qu'ils ont achetés, et qu'il me pose quelques questions sur les cours. Ce n'est que dans le train que je réalise avec soulagement que j'ai échappé à toute la partie « harcèlement scolaire et baston contre les autres élèves ». Heureusement, je ne suis pas sûre que j'aurais pu me contrôler, selon ce qui aurait été dit. J'ai déjà plutôt mal géré la conversation… Je me mords discrètement. Ça ne me fait tellement plus rien de me couper, de me mordre… Si peu d'effet. Mais peu de choses le font. Peut-être que je devrais me brûler ? Je l'ai jamais fait, dans mon ancien corps, puisque les brûlures ne disparaissent pas. Mais comme dans celui ci, il est facile de cacher les cicatrices… Sauf que j'aime le goût du sang. Enfin, à voir.
Quand j'arrive chez Al', il m'accueille avec un grand sourire et un plateau de sushis.
« Désolé de ne pas être venu te chercher à la gare.
-T'inquiète, t'as pas idée à quel point ça fait plaisir de voir que certaines personnes me fassent confiance pour me débrouiller toute seule » je fais, avec une pointe d'agacement dans la voix
« Y a eu un problème avec tes parents ?
-T'as pas idée, je grogne. Et toi, passé une bonne journée ? »
Le regard d'Al' se fait un peu rêveur, et il sourit largement.
« Génial ! J'étais avec Azmi... »
Je ne fais pas de remarque, mais j'ai bien l'impression qu'il l'aime. On mange en regardant un anime (ça aussi, ça faisait longtemps…), puis je propose à Al' de sortir se promener. J'ai besoin de me défouler, et j'ai bien envie d'escalader quelque chose.
Pas très loin de chez lui, à deux ou trois kilomètres, il y a de grands immeubles en construction avec des grues sur le toit. Nous nous dirigeons vers le plus grand d'entre eux, moi guidant mon ami. Nous marquons une pause devant les bâtiments, le temps que j'inspecte les lieux et que je trouve les angles morts des caméras de sécurité. Al' a l'air enthousiasmé par le défi, mais un peu nerveux. Il ne manque pas de remarquer mon aisance :
« Tu as déjà fait ça ?
-Toute ma jeunesse ! » Je fais avec un grand sourire. « C'est ta première fois ?
-Oui... » avoue mon ami.
« Rhooo, un grand Gryffondor comme toi ! » je me moque, avant d'ajouter « On triche un peu, vu qu'on aura la magie, donc t'auras pas l'expérience complète. Mais ça devrait être sympa quand même.
-Tant qu'on se fait pas prendre… Et au fait, t'inquiète pas pour les caméras. Mon père m'a expliqué que dans la plupart des chantiers y a personne qui surveille, c'est que si les détecteurs de mouvements détectent quelque chose que l'alarme est donnée.
-Et pas tout le monde s'en équipe... » je fais, forte de mon expérience. « Tu sais à quoi ressemble un détecteur de mouvement exactement ?
-À peu près, oui. » Sourit Alphonse.
L'infiltration dans le chantier ne pose pas de problème. Nous ne voyons pas de garde, et nous trichons un peu pour éviter les détecteurs de mouvement quand c'est nécessaire, en nous faisant léviter grâce à la baguette du pédophile. Un échafaudage court sur la façade des dix premiers étages, et nous nous en servons pour pénétrer dans le bâtiment sans passer par la porte. Je suis plus habituée à l'exercice qu'Al', mais il est plus grand que moi, ce qui lui rend la tâche plus facile, et nous progressons à peu près au même rythme. Je suis plus silencieuse que lui, quand même. Les échafaudages, c'est un peu l'enfer niveau discrétion, dans la plupart des cas. Nous parcourons les escaliers éclairés par des lampes de chantiers jusqu'à atteindre, enfin, le toit. On prend un instant pour apprécier la vue, puis je m'attaque à la grue qui lance son bras au-dessus de la ville. Al' ne le réalise qu'après quelques secondes, et même si il a l'air moins sûr de lui, il me suit. Je ne lui prête pas trop attention, à part m'assurer qu'il ne tombe pas. Lorsque nous commençons à évoluer au-dessus de la ville, et plus juste au-dessus du toit de l'immeuble en construction, il s'arrête brièvement.
« Wow, j'ai pas le vertige mais même pour moi ça commence à faire haut !
-Tu n'es pas obligé de me suivre », je souris. Il se contente de laisser un « tsss », avant de poursuivre l'ascension. Une fois en haut, je me mets debout sur la rambarde de l'espèce de plateforme au bout du bras, rendue horizontale par l'inclinaison de la crue. Je tends les bras en croix, savourant l'adrénaline qui court dans mes veines, et me ferai presque trembler. Alphonse me rejoint, et même si les jointures de ses poings sont blanchies par la force avec laquelle il se cramponne aux barres de fer, il sourit. On reste quelques minutes à contempler la ville, et il me désigne quelques endroits qu'il reconnaît. Aucune voiture de police ne se dirige vers nous. Personne ne nous a repérés. Ensuite, le silence tombe, et demeure jusqu'à ce que nous sentions qu'il est temps de redescendre.
« On bouge ? Demande Al'
-Pars devant, je veux faire une dernière chose, je fais
-Quoi ?
-Me suspendre tout au bout, j'ai jamais pu essayer
-Comment ça ? T'es sûre de toi ?
-Mais oui, t'inquiète.
-Donne moi la baguette alors, que je puisse essayer de te rattraper si tu tombes.
-C'est pas la peine. Je ne vais pas tomber. Mais si j'ai besoin d'aide pour remonter, je te dirai.
-Pourquoi prendre des risques pour rien ?
-Mec, on est montés jusque là et c'est maintenant que tu as un problème ?
-C'est différent.
-En quoi c'est différent, s'il-te-plaît ? Au sol, tu ne douterais pas une seconde de ma capacité à me suspendre à une barre en fer sans lâcher prise. Que je sois suspendue à la barre ou debout dessus le résultat est le même si je tombe. »
Alphonse soupire. Je suis un peu agacée, mais bon, c'est de ma faute d'y être allée avec lui. Et puis, si quelqu'un peut comprendre dans mes amis, c'est sans doute lui. J'ai sans doute quelques mauvaises raisons de faire ça, comme mon besoin de me mettre en danger pour me calmer après la discussion avec mes parents. Mais ce n'est pas la principale raison, ni même la plus importante. C'est juste une motivation supplémentaire.
« Okay… Pourquoi tu veux faire ça ? Demande Al'
-Parce que c'est important de se lancer des défis, ça aide à construire sa confiance en soi, savoir qu'on est capable est une chose, mais des fois il faut se le prouver. J'aime l'adrénaline, j'aime défier la mort, je vais pas te mentir. Je fais ça pour moi. »
Mon ami garde le silence quelques secondes, et lâche enfin un :
« Arthur va me tuer si il t'arrive quelque chose… Et Ewald. T'es sûre que tu veux pas me donner la baguette ? »
Cette fois-ci, j'y réfléchis sérieusement, mais je secoue la tête.
« Je la garde. Mais je te promets que si j'ai l'impression que je vais glisser, je te le dis et je t'autorise à m'aider »
Je vérifie que je n'ai rien dans mes poches qui risque de tomber, et je confie mon téléphone à Alphonse, puis je m'accroche fermement à une barre et je descends mon corps le plus doucement possible. J'ai confiance en mon grip. J'ai confiance en mes bras. Je me retrouve suspendue au-dessus des lumières qui scintillent, des milliers de vies qui à l'instant ne m'oppressent plus de leur nombre, perdue comme je suis entre ciel et terre. Si j'ouvre les mains je meurs, mais je sais que je ne le ferai pas. Pas ce soir. Pas maintenant. Je reste quelques instants comme ça, à m'emplir du vide, puis je lève la tête. Alphonse est prêt à saisir mes poignets, accroupi au-dessus de moi. Je lui souris, puis chuchote :
« Je vais remonter. »
Je remonte mes jambes en me balançant un peu jusqu'à crocheter la barre, puis me hisse en sécurité (toute relative) avec une grâce assez discutable. Sans plus parler, nous redescendons jusqu'au toit. Je sors une bouteille d'ice tea (enfin, l'approximation anglaise, parce qu'il n'y a. Pas. D'ice. Tea. En. Angleterre. JE HAIS CE PAYS DES FOIS) et des biscuits de mon sac, et on mange en silence. C'est marrant, quand je l'ai rencontré je n'aurais pas cru qu'Alphonse faisait partie de ces gens qui savent savourer la nuit, spontanément je l'aurais mis avec ceux qui savent pas se taire. Mais il se fond dans l'ambiance, et je savoure le moment, repoussant au fond de moi mon envie de faire plus de conneries, d'aller flirter avec la mort. Finalement, c'est lui qui rompt le silence.
« Je suis heureux d'avoir fait ça, Viv. Je crois que je comprends ce que tu voulais dire par repousser ses limites, se lancer des défis. Merci de m'avoir emmené.
-Un plaisir. »
J'ai un petit sourire en coin en prenant À nouveau, nous laissons quelque temps passer avant de recommencer à parler. Je repense à la dispute avec mes parents, à Arthur, à Quentin, et à leurs copines respectives, et je demande :
« Azmi, c'est qui pour toi ? »
Al' laisse échapper un petit rire un poil dépité :
« Je suis si facile à percer à jour, hein ? C'est la fille que j'aime.
-Tu l'aime depuis longtemps ?
-Je ne sais pas exactement. J'ai réalisé l'été dernier, mais je crois que ça fait plus longtemps… Elle est courageuse, intelligente, et on a pas mal de choses en commun...
-Et elle est au courant ? »
Il soupire.
« Non. Enfin, je lui ai pas dit, mais je suppose qu'elle s'en doute...
-Pourquoi tu lui as pas dit ? J'aurais pas cru que tu étais le genre de personne à aimer les gens en secret pendant si longtemps. »Al' a un grognement de dépit.
« Ce n'est pas mon style normalement, mais… Ce que je ressens est sérieux, mais je n'ai pas envie de lui dire pour disparaître à Poudlard juste après en lui mentant sur l'endroit où je me trouve. Il y a plus sain pour débuter une relation. Et puis, j'ai besoin de réfléchir à ce que je veux faire après Poudlard, de quel côté je veux vivre… Le problème, c'est que j'ai envie de passer pro en Quidditch, et si j'y arrive pas devenir auror. J'ai besoin d'action et de dépassement. Mais faire ça, ça voudrait dire exister côté sorcier, même si je pourrais vivre côté moldu quand même. Je ne sais pas exactement ce qu'autorise la loi par rapport aux moldus et au Secret magique, mais au moins dans un couple mixte je sais qu'on peut révéler le Secret à son copain ou sa copine… Mais je connais pas les modalités. Il faut que je me renseigne. Mais aussi, si jamais elle m'aime aussi, et que je lui révèle le Secret, elle aussi sera dans la même situation que moi, et je ne veux pas qu'elle souffre de ça. En même temps, je me vois mal travailler dans le monde moldu, avoir une famille moldue ordinaire jusqu'à ce que mes enfants entrent à Poudlard, etc. Je veux dire, je comprends pourquoi les sorciers se marient surtout entre eux. Sauf que je l'aime vraiment... »
Je reste un instant surprise par l'avalanche de mots qui sortent de la bouche d'Alphonse, mais je comprends son dilemme.
« Wow… ça fait beaucoup. Je comprends, je crois, même si j'ai jamais étée dans ta situation. Je pense que la première chose à faire, c'est de se renseigner sur les lois en vigueur, effectivement. Savoir ce qu'on peut faire et de quelle façon, et aussi quelles sont les peines encourues si on transgresse la loi. Ça peut être intéressant, aussi pour tes amis. Peut-être que si on lance un sortilège de blocage aux gens qui les empêche d'en parler, on a le droit de briser le Secret ? Okay, sans doute pas mais on peut rêver…
-Tu as raison, sourit Al'
-Il faut procéder étape par étape. Au final, tu auras toujours des choix à faire, mais tu as tellement de chance d'avoir quelqu'un que tu aimes et qui t'aime peut-être en retour ! En vrai, je pense que tu ne devrais pas attendre pour lui dire…. Je.. Je suis tombée amoureuse de quelqu'un dans le temps, qui s'appelait Quentin » je fais, avant même de réfléchir à ce que je dis, et je ne m'arrête pas : « Sauf que le temps que je trouve le courage de lui avouer, il a commencé à sortir avec quelqu'un d'autre. Et le pire, c'est que j'aurais pu avoir ma chance, peut-être. On était très proches. Tout ça pour dire que si tu es sûr de tes sentiments et de vouloir être avec elle même si tu es un sorcier, ça ne sert à rien d'attendre, les problèmes ne vont pas disparaître avec le temps mais elle c'est pas impossible. Et puis, elle a le droit d'avoir le choix. Faut juste te renseigner sur les lois du Secret avant, histoire de savoir ce que tu peux révéler, ou si c'est pas trop risquer de les contourner. »
Même dans la pénombre, je peux voir qu'Alphonse me regarde bizarrement. Oops. Je me suis laissée emporter.
« Tu parles comme si tu avais mon âge, voire plus, sérieusement. T'est pas censée penser comme ça, tu as onze ans !
-Non. » je lâche, sans réfléchir.
« Comment ça, non ? »
Une part de moi à envie de se cogner la tête contre le mur. Tu peux pas fermer ta grande bouche des fois, Vivian ? Une autre part de moi s'amuse, et se réjouit de jouer, tandis qu'un frisson de danger me parcourt. Je réponds :
« Je vais t'offrir un nouveau secret, Al', et j'aimerais que tu le gardes pour toi. »
Il hoche la tête.
-Promis.
-Tu as déjà vu Esther ? Le film ?
-Tu veux dire que… ?
-Je suis beaucoup plus âgée que mon apparence le laisse suggérer. »
Al' garde un instant le silence, puis rigole :
« ça expliquerait bien des choses. Sérieusement ?
-Oui.
-Mais tu as quel âge en vrai ? »
J'hésite. Quel âge lui donner ? Toutes vies cumulées, j'ai vingt-sept ans, techniquement. En pratique, je n'ai pas l'impression d'être beaucoup plus âgée que dix-sept ans, l'âge que j'avais à ma mort. C'est pour ça que je lui réponds ça, et aussi parce qu'il se sentira sans doute plus à l'aise.
« Dix-sept ans.
-On a quasiment le même âge alors ?
-Hé, je suis ton aînée, gamin ! »
Il me donne un coup de poing amical, puis redevient sérieux.
« Et ce Quentin, c'est qui ? »
Sa question me fait mal, en ravivant la douleur, mais juste pour ce soir, en haut de cette immeuble, je veux bien laisser sortir un peu de moi.
« Je veux bien t'en parler, mais que si tu me promets de ne jamais en parler à personne ni de me poser de question. Il y a des choses que je ne peux pas t'expliquer. »
Il sent que je suis sérieuse, parce qu'il ne répond pas instantanément, même si il finit par acquiescer.
« D'accord, je te le promets. »
Je prends le temps de rassembler mes idées avant d'évoquer la seule personne que j'aie aimé :
« Quentin.. Quentin Lemage. Il était français. » (peut-être qu'Alphonse supposera que c'est pour ça que je connais la langue, qui sait?) « Je l'ai rencontré grâce à un autre ami. On a commencé à discuter assez vite, tous les jours, toute la journée. On se parlait de nos vies, et il m'aidait pas mal avec les problèmes que j'avais. Il était très doué pour écouter, mais il ne parlait pas souvent de lui. Il était généreux, et c'est la personne la plus altruiste que j'aie jamais rencontré. Par contre, il était pire qu'Arthur quand il s'agissait de me harceler pour me faire parler » j'ai un rire bref. « Il a fait tant pour moi… Et j'ai fini par tomber amoureuse de lui. Mais comme je suis une abrutie, j'ai mis beaucoup trop longtemps à réaliser… Et je l'ai perdu. Fin de l'histoire. »
Je me mords discrètement le poignet en faisant mine de s'appuyer dessus, en me souvenant de lui. Quentin… Alphonse rompt le silence, la voix grave :
« Je sais que tu m'as demandé de pas te poser de question, mais je peux juste t'en poser une ? T'es pas obligée de répondre.
-Vas y…
-Quentin, tu en parles au passé… Il est mort ?
-C'est moi qui suis morte » je fais, sèchement. Al' n'ose rien répondre. Je me secoue un peu avant de me relever :
« On devrait peut-être y aller, non ?
-Effectivement », répond Al' en se redressant d'un bond pour me suivre.
Le soir, quand nous nous sommes douchés et que la lumière est éteinte, je lui demande timidement :
« Tu me crois du coup ?
-Par rapport à ? Ton âge ?
-Oui... »
Il prend vraiment le temps de réfléchir, puis finit par admettre :
« C'est un peu dur à avaler, mais curieusement, oui. Je te fais confiance, tu as l'air sincère, et sans vouloir te vexer il y a plein de choses dans le monde sorcier bien plus étranges qu'une ado dans un corps d'enfant. Et puis, ça explique beaucoup de choses avec toi. Donc jusqu'à ce que je trouve une meilleure explication, je suis convaincu ! »
Je souris, même si il ne peut pas le voir dans le noir. Et bien, cette journée aura été intéressante à vivre. Avant de me décider à sombrer dans le sommeil, je chuchote :
« Al' ?
-Oui ?
-Merci de m'avoir écoutée.
-Merci de m'avoir emmené là-haut. Et pour les conseils aussi. »
Je cherche quelque chose à répondre, mais je glisse dans le sommeil sans avoir trouvé mes mots. J'ai beaucoup plus confiance en Al' qu'au début du séjour, et c'est un soulagement de ne pas garder les yeux ouverts dans le vide des heures durant en me demandant si je vais me faire violer. Bon, je garde un sommeil très léger, mais comme Alphonse ne ronfle pas, c'est pas trop gênant.
La suite des vacances se passe sans encombre. Nous ne reparlons pas vraiment de tout ce qu'on s'est dit le jour où je suis allée voir mes parents, ce qui est pour le mieux. Alphonse m'a toujours traitée à peu près en égale, mais j'ai l'impression que ça s'est encore renforcé maintenant. Il me dit davantage de choses qu'avant, et a l'air aussi plus à l'aise pour lancer des blagues vaguement sexuelles quand il est avec ses amis d'Oxford. On s'habitue l'un à l'autre. On fait plein de petites activités ensemble, mais on a aussi aucun problème à s'occuper de notre côté. Il joue au basket, fait ses devoirs, et moi je bosse sur mon occlumencie, j'écris... On peut pas toujours faire des choses ensemble, de toute façon. Il passe toujours pas mal de temps avec ses amis, mais ça ne me dérange pas. À le voir interagir avec Azmi, j'aurai tendance à croire qu'elle aussi ressent quelque chose pour lui. Je me demande pourquoi elle ne dit rien, si c'est la cas, mais c'est pas franchement mes affaires. Nous allons tous ensemble au bowling, voir un film au cinéma, et je me sens à la fois intégrée et à part, même si ça n'a pas de sens. Ils sont accueillants, mais inconnus et je n'ai pas les références de leur groupe d'amis. Ma sensation d'isolement tient aussi à moi, de toute façon. Être avec eux ravive mes souvenirs du lycée, une soirée JDR chez Élias, avec Florian comme MJ, et Quentin et Maeva, ou bien quand on mangeait tous ensemble dans un parc pour ne pas avoir à manger au self du lycée… Je me demande ce qu'ils sont devenus, des fois. Entre les souvenirs et la discussion avec mes parents, je suis assez instable, et je dors assez mal. Quand je n'arrive pas à dormir, je sors ou je me coupe. Les deux des fois. C'est étrange, mes sentiments semblent moins atténués que d'habitude, et même si ça me permet d'apprécier sincèrement le temps passé ici, ça amplifie d'autant plus tout ce qui est négatif. Malgré tout, je suis contente lorsque les vacances se finissent et que nous repartons pour Poudlard. Ce sera cool de revoir Ewald, et même si je sais que je devrai être plus prudente avec Arthur désormais, et que j'appréhende de le revoir, je suppose que ça me fera plaisir quand même. Et surtout, le plus important, j'ai des recherches à terminer.
xxx
« Rien n'a de sens. Je ne saurai pas dire depuis quand j'en ai conscience. Peu importe ce qu'on fait, tout sera effacé. C'est tellement vain de vouloir la gloire ou la fortune, ou même d'aimer. Parce que l'amour ne sauvera rien, parce que nous seront tous cendres demain. En vrai, c'est réconfortant de se dire que tout va disparaître. On peut être qui on veut. Mais cette voix dans ma tête qui veut avoir du sens me plonge dans la peur. La plupart du temps, je peux la faire taire, et me voiler les yeux. Apprécier un sourire, le temps passé avec un ami… Du moins, je le pouvais, avant Jérémie. Maintenant, je ne voix plus l'intérêt de faire semblant, de continuer. La vie ne vaut la peine d'être vécue que si on peut l'apprécier, mais puisqu'elle ne sert à rien à quoi bon se forcer à exister si on a pas envie de le faire ? »
-Extrait d'une lettre envoyée par Aurore Berger à Quentin Lemage fin Octobre 2007-
Et voilà pour le chapitre! Pas mal non?
Qu'est ce que vous avez pensé de tout ça? Son interaction avec ses parents, avec Al'?
Et qu'est-ce que vous pensez d'Al', d'ailleurs, vu qu'on en apprend quand même davantage sur lui?
Bon, je vous promets pas de refaire des chapitres aussi longs, on verra bien xD
Personne n'a réussi à tomber juste sur les révélations de Vivian, donc pas d'OS offert.
à la prochaine,
Kuro.
