Hello,

Je ne suis pas très content.e de ce chapitre. Je devais aller plus loin dans l'histoire, et j'ai pourtant réussi à écrire ce mois-ci au fil des jours, mais j'ai écrit des trucs pas prévu et j'ai finalement pas écrit tout ce que je voulais mettre ici. Bref, peut-être que je dois aussi blâmer la chaleur de pomper mon énergie et de me mettre de mauvais poil...
Quoi qu'il en soit, j'espère que ce chapitre vous plaira, et je remercie les deux personnes qui ont pris la peine de me laisser une review. Ces temps-ci, je dois conquérir la motivation de haute lutte...

J'écris pas trop sur ma vie ici, et je compte pas commencer, mais au vu du contexte actuel je rajouterai juste qu'en tant que personne queer, bah j'ai drôlement peur pour la suite. Donc s'il-vous-plaît pensez à voter dimanche (pour les français.e.s parmi vous), le fachisme c'est pas très cool (je compte sur vous pour regarder les programmes, perso y en a qu'un seul qui me paraît sympa).

Et sur ce je vous laisse avec ce chapitre, et j'espère réussir à finir à temps le mois prochain! (ça va être chaud, pas juste sur le thermomètre)
Enjoy!


Le réveil est difficile. Bouger est douloureux. Tout mon corps est courbaturé. Il y a d'intéressantes nuances de couleur sur tout mon bas ventre. J'imagine que je peux vraiment être reconnaissante à Arthur, ç'aurait été bien pire sans lui. En serrant les dents, je me force à faire quelques étirements, espérant regagner un peu de mobilité. Ensuite, péniblement, je me prépare pour la journée. Je ne prends pas la peine de me rendre à la grande salle ce matin. Je n'ai pas faim de toute façon, et la moindre pensée pour la journée d'hier me met en colère. À la place, je me dirige vers la bibliothèque où je partage ma matinée entre l'écriture de poésies, la rédaction de mes devoirs (les ravages du désœuvrement) et quelques lectures d'articles écrits par Alfred Kayns. Je ne peux peut-être rien faire pour mes parents, mais contre lui, oui. Même si je ne sais pas encore quoi. Je trouverai. J'aurais bien besoin de me défouler, aller voler, faire du saut à balais ou même du duel, mais mon corps me fait trop mal. Vers neuf heures, Ewald me rejoint, s'asseyant à côté de moi avec naturel.

« Tu n'as pas pris de petit-déjeuner. »

Son ton est neutre, mais je sais qu'il n'approuve pas.

« Je n'avais pas faim. »

Il fronce légèrement les sourcils, mais n'insiste pas, se contentant de travailler en silence à mes côtés pendant toute la matinée. Sa compagnie silencieuse est apaisante. Il se lève de temps en temps pour aller chercher ou déposer des ouvrages qui ont l'air assez techniques et imposants, et à ces occasions là sa main se pose souvent sur mon épaule. J'en tire un puissant réconfort dont je ne dis mot, et une reconnaissance démesurée me serre le cœur à ces instants.

Lorsque l'heure de manger arrive il m'entraîne avec lui vers la grande salle, et je ne résiste pas. Je doute qu'il me laisse sauter un deuxième repas, et je n'ai pas envie que notre petite conversation sur mes tendances autodestructrices arrive trop vite. Alphonse est déjà là, et il nous fait signe de le rejoindre à la table des Serpentard. Je m'installe face à lui, Ewald à côté de moi. Lorsque nous commençons à manger, Arthur fait son entrée au bras de Cian. Il fait exprès de passer à côté de nous, le temps de me lancer un long regard scrutateur, avant de se laisser emporter par sa copine vers une autre table. Ça m'arrange, parce que je n'aime pas trop la Serdaigle, et que je n'ai pas beaucoup l'énergie de faire semblant aujourd'hui. Ce n'est pas que j'ai grand-chose à lui reprocher, mais elle me donne l'impression de ne pas bien comprendre pourquoi je traîne avec « des grands » et mon intelligence la met clairement mal à l'aise. Son attitude envers moi est étrange.

En parlant d'attitude étrange, il y a clairement quelque chose qui perturbe Alphonse. J'ai mis quelques minutes à le remarquer, je n'étais pas très concentrée. Mais maintenant, c'est impossible de ne pas le voir. Il se tortille encore plus sur sa chaise que d'habitude et il n'arrête pas de me jeter des regards dès qu'il pense que je ne le vois pas. Et puis, je crois que la table des Serpentard est celle où il ne va jamais s'asseoir spontanément d'habitude… Je lance un regard en coin à Ewald, qui hausse un sourcil. Dans une gymnastique de regards compliquée, j'attire son attention sur le Gryffondor au moment où il replonge la tête dans son assiette pour manger. Le Serpentard a un fin sourire, presque amusé. Il sait de quoi il retourne donc. Il ne me donne aucune explication et je soupire.

« Qu'est-ce qu'il y a, Al' ? »

Le Gryffondor sursaute, comme pris sur le fait. Je me retiens de rire, du moins jusqu'à ce qu'il demande :

« Que-Comment tu sais qu'il y a quelque chose ?

-Tu n'es pas exactement discret. » je répond, en laissant échapper un rire bref.

Mon compagnon se renfrogne un peu, avant de répondre.

« Tu ne vas rien dire par rapport à hier ? »

Surprise, je mets quelques secondes à répondre.

« Je ne sais pas trop quoi te dire. Je suis désolée d'avoir été déconcentrée. La rencontre avec mes parents ne s'est pas très bien passé.

Alphonse soupire. Toute envie de rire m'a déserté. La main d'Ewald effleure la mienne en allant chercher son verre, et je doute que ça aie été un accident.

« Je sais, Arthur m'a raconté ce matin.

-Pourquoi ? » mon ton est un peu désapprobateur. Je n'aime pas qu'on divulgue mes secrets, même si en soi je lui en aurais sans doute parlé, et que ça ne me dérange pas qu'il sache. Alphonse se redresse sur sa chaise, l'air soudainement en colère.

« Tu as une idée de ce que j'ai ressenti en ne te voyant pas dans la grande salle, hier soir ? »

Sa question me fait pauser, mentalement, mais j'ai accidentellement ouvert les vannes je crois et il ne me laisse pas le temps de me poser. Il enchaîne, reprenant à peine son souffle entre ses phrases. Il a néanmoins la présence d'esprit de garder la voix basse.

« Tu as été distraite pendant l'entraînement, ton comportement était dangereux pour toi et pour les autres. Le match est dans une semaine, et je compte sur toi ! J'étais vraiment en colère, tu sais ? Et puis je t'ai virée de la session, et quand je suis arrivé pour manger tu n'étais pas là, et les autres ne t'avaient pas vu non plus ! »

J'ouvre la bouche, je ne sais même pas pour dire quoi, mais il s'exclame :

« Putain, Vivian, le pointe-moi montrait la direction de la forêt interdite ! »

Mon sang se glace. Au même moment, Ewald pose sa main sur l'épaule d'Alphonse. C'est si rare qu'il initie un tel contact que nous nous figeons tous je crois, sauf le Serpentard. Lui, il se contente de dire :

« Continuons cette discussion au QG. »

Alphonse a l'air prêt à protester, mais après un regard à la ronde il se lève brusquement, ramassant deux petits pains sur la table avant de se diriger vers la sortie. Ewald le suit plus calmement, et je leur emboîte le pas sans rien dire. Qu'est-ce qu'Ewald a ressenti hier soir ? Et Arthur ? Je n'avais pas pensé… Pas réalisé… Une pointe d'agacement est présente au fond de moi à l'idée d'avoir des comptes à rendre, mais ce qui prédomine est surtout un sentiment croissant de stupidité. Arthur et Ewald n'ont rien laissé paraître en venant me chercher, mais qu'est-ce qu'ils s'attendaient à trouver ?

Le trajet jusqu'au QG se fait rapidement et dans un silence pesant. Dès que nous sommes entrés, Ewald lance ses sorts de confidentialité, juste à temps pour contenir l'explosion d'Alphonse. Ou bien s'est-il simplement retenu jusqu'à être sûr que rien ne transparaîtrait ?

« Vivian, merde, j'ai cru qu'on était revenus au même point ! J'ai cru que… Putain, j'ai cru qu'on allait te perdre !

-Je te l'ai dit pourtant, plusieurs fois. Je ne peux pas me tuer. »

Mon ton est un peu amer. Pas l'envie qui m'en manquerait. Mais ça, je ne le dis pas. Le visage d'Alphonse est crispé de frustration. Je m'assois pendant qu'il cherche ses mots, marchant de long en large. Ewald, lui, reste debout près de moi, les bras croisés dans une attitude presque défensive. J'ai encore merdé, hein ?

« Je… Je m'en veux. »

Prise au dépourvu, je relève les yeux vers Alphonse. Ma perplexité doit se lire sur mon visage, mais je demande quand même :

« Pourquoi ça ? »

Il continue à marcher un peu avant de soupirer violemment, s'arrêtant net.

« Je t'en voulais pour l'entraînement, et de faire ça maintenant. J'aurais dû venir te chercher avec les autres, mais j'ai préféré rester sur ma rancœur alors que tu galérais. »

Avant que je trouve quoi répondre, Ewald intervient, les bras toujours croisés.

« Nous étions raisonnablement sûrs qu'elle n'allait pas encore essayer de se tuer. » au timbre de sa voix, je sens que ses boucliers occlumentiques sont en usage. « Nous nous doutions que c'était en lien avec la conversation à l'infirmerie. Tu n'as pas de compétences en médicomagie, de toute façon, et tu étais fatigué.

-Et j'ai passé deux mois à te reprocher de rien foutre alors que Vivian se coupait, sauf que dès que j'aurais pu faire quelque chose j'ai préféré rester manger dans la grande salle ! C'est pas la peine de me chercher des excuses, je suis un égoïste et un hypocrite. »

Je suis presque choquée par le ton qui monte soudain, et par l'accusation qui fuse devant moi. Ewald, lui, s'est complètement tendu. Je ne veux pas les voir se disputer, surtout à cause de conséquences de mes problèmes. Je tends la main devant le Serpentard, faisant face à Alphonse seule.

« Si je comprends bien, tu t'en veux d'avoir été en colère contre moi alors que j'allais mal ? »

L'attention du Gryffondor se concentre sur moi.

« C'est un petit peu plus compliqué que ça, Viv'. » il répond, avant de soupirer. « Mais j'imagine que ça résume quand même la situation. Je suis désolé. »

Je secoue la tête presque imperceptiblement, mettant de côté la rancœur d'Alphonse pour Ewald, et le sentiment étrange de penser à ce qui aurait pu être. Si j'avais essayé de me tuer, hier, et qu'il n'était pas venu m'aider. Qu'est-ce qu'il aurait ressenti ? Et qu'est-ce qu'il me doit aussi, à quel point serait-ce à lui, aux autres, de toujours être là ? Je me focalise sur ce pour quoi j'ai des réponses.

« Mon comportement d'hier était déplacé. J'aurais pu te prendre à part avant l'entraînement et te dire que j'avais des problèmes. J'aurais pu m'arrêter de moi même en réalisant que je mettais les autres en danger. J'aurais pu rentrer au château directement plutôt que d'aller dans la forêt interdite. Enfin, non, dans mon état je n'aurais pas pu rentrer au château et voir des gens, mais ça ne regarde que moi. Le reste demeure vrai. Je n'ai pas été correcte, et j'ai une responsabilité en jouant dans l'équipe, que ça me plaise ou non. Surtout à un moment aussi critique. Donc oui, tu avais raison de m'en vouloir. Se sentir mal n'est pas une excuse pour se comporter comme un connard. »

Al' demeure renfrogné, même si je vois qu'il m'écoute attentivement. Je ne sais pas vraiment quoi dire. Il faut que je parle à Ewald, aussi. Mais plus tard. Pour l'instant, c'est le Gryffondor la priorité.

« C'est… c'est important que tu sois objectif à mon sujet, que tu me passes pas tout sous prétexte que j'ai des problèmes. Je ne suis pas en sucre. Je suis humaine et comme tout le monde je fais des conneries. Tu as eu raison de me virer de l'équipe hier, et tu n'as pas à t'en vouloir pour ta colère. »

Je me répète, je sais. Enfin, la première partie de ma phrase n'est pas vraiment une répétition, et c'est vraiment important, je crois. Ewald, lui, ne m'a rien passé par compassion mal placée. C'est pour ça aussi que c'est de lui que je suis le plus proche, sans doute. Alphonse est toujours tendu, mais il réussit à me répondre plus calmement.

« Peut-être, oui. Mais il y a des choses plus importantes qu'un match de Quidditch. Si tu étais morte…

-Je ne suis pas morte. » je le coupe

Il y a un fond de vérité dans ce qu'il dit, je le sais, mais je ne veux pas qu'il se reproche de ne pas avoir agi, parce que ça invalide sa colère dans le même temps. C'est complexe. Je soupire avant d'essayer maladroitement d'exprimer mes réflexions.

« Tu n'as pas vraiment tort, mais tu n'as pas raison non plus. Je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire, mais… Quand tu dis qu'il y a des choses plus importantes, c'est vrai. Je peux pas imaginer ce que tu aurais ressenti si ça avait vraiment été une question de vie ou de mort. Mais même comme ça, ta colère aurait été légitime, et tu ne pouvais pas savoir…

-Tu as déjà failli crever dans la foret interdite. Bien sûr que j'aurais pu savoir !

-Mais c'était avant… Avant Noël, avant Quentin. La situation a évolué depuis. Et quand bien même, tu aurais pu être en colère, et tenir à moi. Être furieux contre moi, et m'aider quand même. Pas vrai ?

-Mais je ne suis pas venu, hier ! C'est le problème !

-Ewald a dit que vous étiez assez sûrs que je n'étais pas vraiment en danger. Il a menti ? »

Alphonse se tortille, mal à l'aise, avant de soupirer.

« Non. Mais je persiste à penser que j'aurais dû faire autrement. »

Je hausse les épaules.

« Ce qui est fait est fait.

-Et tu peux garder en tête tes réflexions pour le cas où une situation similaire se reproduirait. »

Al' tressaille à l'intervention d'Ewald. Il avait sans doute oublié la présence du Serpentard. Il a un faible sourire, avant de hocher la tête.

« J'imagine que vous avez raison… »

Il semble se secouer un peu avant de reprendre :

« En tout cas, Vivian, il faut vraiment que tu arrêtes de nous faire ce genre de frayeurs ! Et tu as intérêt à t'appliquer contre Serdaigle ! »

Il a l'air d'être sur le point d'ajouter quelque chose, mais finalement se lève avant de mordre dans un des petits pains qu'il a pris de la Grande Salle. Il commence à se diriger vers la sortie, mais se retourne sur le pas de la porte.

« J'ai eu vraiment peur, Viv', quand les autres sont partis et que je réalisais peu à peu que je t'avais peut-être vue pour la dernière fois à l'entraînement. »

Il a parlé en français, par pudeur peut-être. Il détourne les yeux, semblant soudain embarrassé. La culpabilité menace de m'étouffer, à cet instant. Je fais quelques pas vers lui, et il ne bouge pas, alors je continue.

Ce câlin là est bien différent de celui où il voulait m'empêcher de me couper. Je le fais de mon plein gré, et même si il est surpris il me serre contre lui avec abandon. Je lui ai vraiment fait peur. Et même alors qu'on est serrés l'un contre l'autre, je pense à ce qu'Ewald a dû ressentir. Je me demande si il pensait que j'étais ok, ou si comme Alphonse il croyait que je pouvais me tuer. Il sait, normalement, que je ne le ferai pas mais… Je ne sais pas. Je ne peux pas avoir de certitude sans lui demander. Finalement, Alphonse remue, rompant notre étreinte, et il s'en va sans un mot de plus. Ça faisait longtemps que je ne l'avais pas vu aussi sérieux. J'ai vraiment merdé.

Je me retourne, contemplant un instant la salle de classe silencieuse. Ewald est muet, mais nos yeux s'accrochent lorsque mon regard se pose sur lui. Trop de mots sont en suspens entre nous, mais je ne sais pas quoi dire, quel fil suivre. Je vois presque comme une armure les murailles occlumentiques dressées du Serpentard. Il n'a rien dit, il ne dit toujours rien, et je ne sais pas comment commencer. Je ne suis pas sûre d'avoir envie d'avoir cette conversation, même si je sais qu'elle est nécessaire. Je ne sais même pas de quelle conversation il s'agit exactement ! Je sais juste qu'on a le sujet en suspens des coupures, et que d'une façon ou d'une autre il va bien falloir qu'on aborde aussi la soirée d'hier et cet échange avec Alphonse. Je fais quelques pas vers le vert et argent. J'ai envie de le serrer dans mes bras. J'ai peur qu'il me repousse. Il ne l'a jamais fait, mais en cet instant j'ai peur d'être intrusive. Je tends la main vers lui, doucement, pour le laisser voir mes mouvements, et il ne réagit pas. Ça fait mal. Je laisse retomber mon bras.

Il le rattrape à la dernière seconde, et maladroitement je me serre contre lui. Il est raide, au début. Tendu. Mais il me rend mon étreinte, et c'est la seule chose qui fait que je ne m'enfuis pas. Il finit par se détendre un peu, progressivement, mais il ne dit toujours rien. Je n'éprouve pas vraiment de soulagement à son contact, pour une fois. Parce qu'il m'a presque repoussée, je crois. Parce qu'il y a ce silence entre nous. Nous quittons la salle en silence après quelques minutes et marchons vers la bibliothèque. Arthur s'y trouve avec Cian et nous les rejoignons, agissant comme si tout était normal. Je me fais peut-être des idées. Peut-être que j'ai imaginé cette tension avec Ewald. Parce que le reste de l'après-midi se déroule normalement. Je lis pendant que les autres discutent et travaillent pour leurs examens qui arrivent à grand pas, avec Cian qui aide Arthur à réviser. Peut-être que ce n'est rien. Je sais bien qu'il y a au moins cette discussion sur les coupures qu'on doit toujours avoir.

Le soir, trop de pensées tourbillonnent à nouveau dans ma tête. Je suis mal à l'aise en repensant à la discussion avec Al' et Ewald, au QG. Je me sens coupable. Je repense aussi à l'entretien avec mes parents, la veille, et me couper n'aide pas vraiment. Finalement, je cède sans vraiment avoir lutté à la tentation de jeter à nouveau le sort pour m'assommer. Ça me garantit un réveil désagréable dans la nuit, quand il cessera de faire effet, mais pour l'instant je pose le bois contre ma tempe et tout devient noir.

xxx

J'ai toujours mal partout lorsque je me réveille le lundi matin. Je n'ai pas envie d'aller au petit-déjeuner, mais je finis par y descendre quand même, juste pour ne pas inquiéter les autres. J'en ai suffisamment fait ce week-end. La journée passe comme dans la brume. Ewald est présent, mais distant, Arthur papillonne entre nous et Cian, rassuré de me voir debout sans boiter. Alphonse reste avec l'équipe de Quidditch en permanence. Je me demande si il a besoin de temps pour digérer, ou si il est juste à fond dans la préparation du match. Peut-être les deux. J'essuie pas mal de remarques de ceux qui m'ont vue voler, samedi, le genre qu'ils font exprès de me laisser entendre comme par accident, et Jenkins ne se prive pas pour me critiquer ouvertement dès qu'il me voit.

Dès la fin des cours, je me précipite dehors pour voler. Je dois m'entraîner, et j'ai besoin d'échapper au château, aux silences d'Ewald et au mépris de mes coéquipiers. À mes pensées. Je vole jusqu'au repas, sans m'arrêter. D'autres élèves sont au terrain de Quidditch en même temps que moi, des Serdaigles. Nous n'échangeons pas la moindre parole. Le soir, je mange du bout des lèvres. J'ai presque envie de m'affamer exprès, mais il me faudra de l'énergie pour le match, j'imagine. Je sais très bien que je suis en train de m'enfoncer à nouveau dans ma déprime, de me laisser couler dans les non-dits, je vois bien que je recommence à dissocier… Je rentre dans ma tour rapidement pour me couper, laissant ma lame exprimer ce que je ne sais pas dire. Ça me va comme ça.

À nouveau la nuit vient et le sort m'assomme, m'évitant de réfléchir ou de m'épuiser dans une recherche vaine de sommeil.

xxx

Le reste de la semaine se passe de façon similaire. Le silence habite l'espace que je partage avec le Serpentard, alors que nous agissons comme si de rien n'était. Nous faisons très bien semblant, je crois, tellement que nous trompons Arthur sans effort. Tellement que moi-même, je me demande si ce n'est pas moi seulement qui ressent ce silence. C'est un sentiment étrange et familier à la fois. Je suis habituée aux mots scellés derrière les lèvres closes. Aux pensées qui font tempête sous mon crâne alors que j'attends un mot, un seul, alors même que je suis le sillon de l'habitude aux côtés de celui dont j'attends un signe, un mot, quelque chose. C'était Jérémy, avant. Avant sa mort. Il n'a jamais rien dit à ce sujet jusqu'à ce que la voiture ne le fauche. Enfin, si, une fois. Une unique fois il a parlé, me salissant encore plus de ses mots. Le doute au moins n'était plus permis que ce n'était pas un cauchemar. Mais l'idée que j'étais en partie responsable de ce « dérapage », il l'avait aidée à prendre racine. Je ne veux pas repenser à ce qu'il m'a dit à l'époque, pas maintenant. Le plus simple, c'est de m'enfoncer un peu plus dans la dissociation, de me couper.

Les marques qui s'ajoutent à mes bras sont comme une façon de compter les jours en prison. Est-ce que ça a du sens ? C'est presque un tour de magie de parvenir à laisser des marques sur autant de tissu cicatriciel. Et le silence, toujours, qui m'enveloppe, ne voit que cette issue dans un univers dépourvu de raison. Le silence. Je l'ai connu avec Quentin, aussi, sous d'autres formes. Et à présent Ewald. Avec Jérémy, au moins, je savais que je n'imaginais rien. Là, tout ce que j'ai se base sur le fait que je pense connaître le Serpentard, et que si j'imaginais tout ça ferait longtemps qu'il aurait abordé le sujet des coupures, non ? À la place il reste là, toujours présent autour de moi, agissant comme à l'ordinaire. Me suivant à la bibliothèque, me gardant une place au repas, me donnant même quelques conseils pour mon match. Il a déjà joué contre Serdaigle après tout, et au même poste que moi.

Je ne m'endors plus sans m'assommer, et les nuits au moins me semblent presque acceptables.

xxx

Le vendredi vient apporter une rupture dans la routine sans vagues de la semaine. Je mange avec Ewald et Arthur à midi, et lorsque le premier nous quitte pour son cours d'arithmancie, le Poufsouffle me demande :

« Tu étais bien amochée, samedi. J'ai l'impression que ça va mieux, mais je voudrais t'examiner avant le match. Tu veux bien ? On peut aller au QG ou dans ta tour. »

Je soupire, mais je sais qu'il va insister jusqu'à ce que je cède, ou menacer d'impliquer madame Pomfresh si je ne coopère pas. Je me contente de répondre :

« Allons au QG, c'est plus près. »

Et il y a des lames qui traînent dans ma tour, mais ça il n'a pas besoin de le savoir. Je pense que c'est aussi en bordel, là haut, parce que je n'ai pas eu l'énergie de me soucier de tout ça ces derniers jours.

Une fois arrivés à destination, je laisse le Poufsouffle lancer ses sorts de diagnostic sans protester. Il pince les lèvres en lançant son sort général, et semble ne pas apprécier le résultat. J'espère vraiment qu'il ne va pas m'envoyer à l'infirmerie… Il lance ensuite un autre sort, cette fois ciblé sur mon ventre. Une fois qu'il a fini, il me demande de relever mon t-shirt pour examiner la zone. Son air renfrogné depuis le premier sort laisse place à un soupçon de surprise.

« Tu n'as aucun hématome ?

-Glamours. » je réponds, laconiquement.

La mine du Poufsouffle reste sombre, et il semble rassembler son courage avant de me demander de les enlever. Heureusement que j'ai pas trop coupé cet endroit dernièrement, je me suis surtout concentrée sur mes bras, mes jambes et mon cou. Discrètement, je réajuste mon écharpe en laissant tomber le sort. Pas besoin qu'Arthur ne voie les plaies à cet endroit là.

Il ne fait aucun commentaire en examinant mon abdomen, me prévenant avant de toucher mon corps à chaque fois lorsqu'il doit palper les contours de mes bleus. Il travaille la tête baissée, et j'essaye de ne pas trop remuer malgré le fait que je ne sois pas vraiment à l'aise, surtout avec mon glamour inactif. Lorsqu'il a terminé, ses doigts s'attardent sur les cicatrices qu'ont laissé mes expérimentations, lorsque j'essayais de couper aussi profondément que je peux. Enfin, il laisse retomber son bras et me fait signe que je peux laisser mon t-shirt retomber.

« Quand est-ce que tu as fait ça ? »

Sa voix est un peu tremblante, et il ne me regarde pas dans les yeux. Mes yeux se posent rapidement sur son visage, et avant que je ne les détourne je vois une larme scintiller sur sa joue. Une simple larme qui bouscule mon calme, attaque la dissociation dans laquelle je me complais depuis des jours. Je réalise, bien trop tard, qu'il n'avait jamais vu mon corps sans glamour. Merde, quand il me soigne d'habitude il ne me touche même pas ! Il ne savait pas. Je fixe le sol en sortant ma baguette pour remettre mes glamours, répondant sans chercher à mentir :

« Il y a un mois ou deux. »

C'est de la honte, que je ressens, à ce moment. Je lève ma baguette pour lancer le sort, mais Arthur m'interpelle :

« Attends !

-Je remets juste mes glamours. » je réponds, surprise

« Parce qu'il y a des choses que tu ne veux pas que je voie. »

Je hausse les épaules, fixant un point vers sa tête sans pour autant le regarder directement. J'ai trop peur de voir la coulée scintillante que sa larme doit avoir laissé sur sa joue.

« Parce que tu as fini de m'examiner, non ?

-Tu as surtout peur que je ne voie le reste, n'est-ce pas ? Et les marques les plus récentes. Celles qui n'ont même pas eu le temps de cicatriser. »

Cette fois-ci, nos regards se croisent. Il a le visage peiné mais résolu. Ma honte m'empêche de soutenir son regard.

« Tu en as vu assez. »

Si mon ventre lui a tiré une larme, qu'est-ce que mes bras lui feraient ? Je me redresse, je dois remettre mes glamours et partir d'ici.

« Montre moi. »

Sa voix est douce, mais elle me fige sur place. Je ne veux pas. Mais il est déjà trop tard, non ? D'une certaine façon, je l'ai protégé, mais maintenant mon instinct me souffle qu'il veut aller jusqu'au bout.

« Pourquoi faire ? » je souffle

« J'ai suffisamment fermé les yeux. » il répond. Têtu.

« Je t'ai caché tout ce que je pouvais. Tu n'as jamais voulu fermer les yeux.
-Ça fait des mois que je sais pour tes coupures, mais je n'ai jamais vraiment fait face à la réalité. J'ai soigné le présent quand tu me laissais faire, sans jamais me confronter au passé.

-Ça t'apportera quoi ? » une touche de désespoir filtre dans ma voix malgré moi. Je ne comprends pas pourquoi il insiste, tout en comprenant parfaitement bien.

« Je pense que j'en ai besoin. » me répond il simplement, d'une voix résolue.

Ça ne peut pas être une bonne idée. Il n'y a pas de vraie raison de le faire. Et pourtant, le simple fait qu'il demande à voir suffit à ce que j'accède à sa demande. Je ne sais pas trop pourquoi il y tient tant, malgré ses réponses. Je ne comprends pas vraiment. Je ne sais pas trop pourquoi je me retourne et que j'enlève mon écharpe, lentement, ainsi que mon tee shirt, après avoir verrouillé la porte d'un sort que m'a appris Ewald. Un mélange de plusieurs choses, je crois. Il a demandé et j'ai l'impression d'avoir une dette envers lui. Il a demandé et personne ne le fait d'habitude (on va ignorer le fait que les gens ne savent pas, en règle générale). Il a jamais semblé vraiment avoir conscience du piège qu'est la vie pour moi, et une part vindicative de mon être a envie qu'il réalise à quel point j'ai eu mal. Je n'aime pas vraiment cette part de moi. Une autre partie, celle qui trouve tout ça très drôle, la part de moi qui a déjà cédé à la folie, se dit que ça va être marrant. Heureusement que mon torse est toujours plat, grâce aux sorts de blocage de puberté. Je me retourne.

Arthur se rapproche de moi, entrant dans mon espace personnel sans me toucher. Je sens presque physiquement ses yeux sauter d'une partie à l'autre de mon corps sans savoir sur quoi s'arrêter. C'est aux alentours de ce moment là que je croise brièvement son regard mouillé. La menace des pleurs à venir enlève tout le côté drôle de la situation. Même si j'en ai envie, je ne bouge pas, parce qu'il a demandé à voir. Ses yeux commencent à s'attarder davantage sur certaines parties de mon corps. Mes bras. Ma gorge. Sa main se lève vers moi et je me tends, mais il ne me touche pas. À la place, il recule d'un pas, comme pour avoir une vision d'ensemble. Je regarde partout sauf son visage, mais je capte le mouvement qu'il fait pour s'essuyer les yeux d'un geste presque rageur. Il sait pleurer silencieusement, lui aussi, on dirait.

« C-C'est bon. »

Ce sont ses premiers mots et je n'ai pas besoin de davantage d'encouragements pour ramasser ma baguette et relancer mes glamours avant de me rhabiller. Il ne dit rien pendant ce laps de temps. Lorsque j'ai fini, je finis par me résigner à regarder à nouveau dans sa direction.

« Désolé. »
Surprise, je croise son regard. Il baisse les yeux presque immédiatement, comme si il avait honte.
« Pourquoi ?
-De pleurer. »

Je fronce les sourcils.
« Pourquoi tu devrais t'excuser de pleurer ?
-J-Je sais pas. C'est pas moi qui ai eu mal. J-Je... Je suis trop sensible, non ? »

Je hausse les épaules.
« Tant que tu ne me prends pas en pitié, tu peux bien ressentir ce que tu veux. »
Il y a une touche d'acier dans ma voix. Je ne veux pas qu'on me prenne en pitié. Je ne veux pas être encore diminuée, de cette façon là. Arthur renifle avant de répondre.

« Je n'ai pas pitié de toi. Je t'ai toujours admirée, tu sais ? Et là… Je n'avais pas réalisé à quel point tu as dû avoir mal. À quel point tu as dû être seule depuis que tu es née à nouveau. Si ça influe ma façon de te voir, c'est que pour te rendre plus admirable.
-C'est vrai qu'autant de cicatrices, ça doit être impressionnant. »

Je n'ai pas pu m'en empêcher. Le sarcasme fait grimacer Arthur.
« Je suis sérieux, Vivian. »

Je soupire.

« Je sais. »
Je réponds tout de même. Une part de moi attend qu'il ajoute quelque chose. Le reste de moi veut partir. J'ai honte, tout en étant fière, de ce que j'ai fait pour survivre. C'est l'une de mes spécialités, de vivre pleinement mes contradictions.
« C'est sans doute déplacé, mais j'ai l'impression de pleurer… Pour toi. Parce que tu ne pleures pas, sans doute.
-Oh, ça m'arrive. » j'admets à contrecœur « Mais pas devant les gens.
-Tu es forte, Vivian. »

Je ne réponds pas. Tout le monde aime bien dire que je suis forte. Ils aimaient bien dans ma première vie aussi. Ça les arrange bien, que je sois forte. Ça les dédouane de toute responsabilité. Si je suis forte, alors je n'ai pas besoin d'aide. Si je suis forte, alors je peux me débrouiller seule. Mais peut-être bien que ma force vient d'une absence de choix.
« Je peux te faire un câlin ? »

La demande est timide, mais elle me tire efficacement de mes réflexions. Je hausse les épaules avant de répondre.

« Okay. »
Le Poufsouffle ne se formalise pas de mon absence d'enthousiasme. Pourtant, j'ai l'impression qu'il a conscience que ça ne me dérange vraiment pas. De toute façon, maintenant qu'il a vu sous mes glamours, je n'ai pas à craindre qu'il ne remarque mes cicatrices.

« Merci de m'avoir fait confiance. » me souffle il, une fois que sa tête est appuyée sur la mienne, me rappelant à nouveau à quel point mon corps est jeune.

Je mets quelques temps avant de trouver quelque chose à répondre, et je le serre un peu plus fort pour lui faire comprendre que j'ai entendu, avant de trouver quelque chose à dire et de parler :

« Tu es mon ami. »

Je le sens presque sourire contre mon crâne, et lorsqu'on se sépare une ombre de sourire éclaire son visage sur lequel les larmes ont disparu.

Après quelques instants de silence, j'ai l'impression qu'on a fini ici, et je déverrouille la porte. Je suis un peu surprise qu'il n'aie pas demandé à me soigner, et presque déçue d'une certaine façon. Avant que j'aie pu faire un pas dans la direction de la sortie, néanmoins, il me demande :

« Est-ce que tu te détestes ? »

Je me fige avant de faire demi-tour, m'asseyant à côté de lui sur une table. Je lui lance un regard avant de détourner les yeux et de répondre sans le regarder :

« Je pense, d'une certaine façon. Parce qu'il y a des choses avec lesquelles je ne suis pas en règle. Parce que je m'en veux pour pas mal de trucs. Mais je ne peux pas réellement me haïr, parce que je me comprends. On ne peut pas haïr quelqu'un qu'on comprend, et je suis la personne que je comprends le mieux. J'ai toujours été là pour moi, après tout. J'ai grandi seule. J'ai survécu seule... »

Je m'interromps, parce que je ne sais pas quoi dire d'autre.

« T-tu t'es beaucoup coupée au cou. »

Je hausse les épaules.

« C'est possible.
-C-C'est dangereux, tu sais ?
-Il paraît, oui. » je réponds, sarcastique. C'est tout l'intérêt, je pense.

Preuve que le Poufsouffle commence à bien s'habituer à moi, il ne fait que lever les yeux au ciel à ma répartie plutôt que de s'agacer trop. Il reprend vite son sérieux, néanmoins, pour demander :

« C'est des cicatrices de… de fois où tu as essayé de…

-Me tuer ? » je complète pour lui, et il hoche la tête en baissant les yeux, semblant peu enclin à entendre la réponse à la question qu'il a pourtant voulu me poser. Je secoue la tête avant de répondre :

« Non, juste des coupures que j'ai faites comme ça. À part le soir chez Ewald, après avoir vu Quentin. »

Une émotion compliquée traverse le visage de mon interlocuteur.
« Tu… Je ne savais pas.
-Que j'avais essayé de me tuer ? » je demande, étonnée. De nos conversations, j'avais l'impression qu'il savait.
« Si mais… Je n'avais pas de détails. Ewald m'a juste dit que… Que t'avais voulu le faire, mais que tu t'étais arrêtée car tu t'étais rendue compte que tu ne voulais pas faire ça à Quentin, et à nous. »

Je parviens à ne montrer aucune réaction, mais une part de moi est surprise que le Serpentard aie cherché à me protéger ainsi. Je suis reconnaissante pour ça, et en même temps ça renforce ma culpabilité. Je ne le mérite tellement pas… Ou peut-être qu'il a simplement voulu protéger les autres de la vérité : ce n'était pas de penser à eux qui avait arrêté mon bras.

Nôtre conversation se termine enfin suite à ça, que ça soit car le Poufsouffle n'a pas envie de s'attarder sur le sujet, ou qu'il a senti que je ne souhaitais pas développer. Nous ressortons enfin du QG, et c'est un soulagement pour moi de me retrouver seule. Je n'ai pas envie de passer à tout ce qu'on vient de se dire.

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Après une nouvelle nuit rendue supportable par le sort assommant, le jour du match arrive enfin. Je mange le repas de midi à la table de ma maison, pour une fois, entourée plus ou moins de mon plein gré par l'équipe. Al' est à côté de moi, et il donne encore des recommandations à tout le monde. Comme si on n'en avait pas eu assez ! Arthur et Ewald ont eu la présence d'esprit de ne pas se joindre à nous, et sont installés à la table de Serdaigle, avec Cian. Jenkins est assis à quelques places de moi et me lance des regards mauvais régulièrement. Il n'est pas le seul, mais les autres ont au moins la décence de ne pas le faire trop ouvertement. J'entends quelques remarques insultantes chuchotées à mon attention que je fais mine de ne pas entendre. Qu'est-ce que j'en ai à foutre de toute façon ? Non, la seule chose qui parvient à me donner un peu d'énergie sont les salutations pleines de défi de Lily Potter, qui sort de table, et les regards d'inquiétude mêlés d'admiration que les jumeaux Potter, assis à côté de l'équipe, me lancent régulièrement. Scorpius et eux viennent même me souhaiter bonne chance lorsque je quitte enfin la table pour profiter de mes dernières minutes de calme. À les entendre, on croirait que je pars à l'échafaud.

Je me change dans mon dortoir, pour une fois, histoire de descendre sur le terrain avec toute l'équipe en tenue. Alphonse mène la marche, et je le suis de près. À présent, tout le monde est trop tendu pour faire la moindre remarque. Les membres de notre maison qui ne sont pas encore dans les tribunes nous suivent, formant une longue procession rouge et or à travers le château. En chemin, Alphonse donne ses dernières recommandations. Je sens que je suis de plus en plus présente à la réalité, concentrée sur le match à venir. Dans les vestiaires, Al' me prend à part.

« Je sais que tout le monde est pas d'accord avec le fait que ça soit toi qui joue, mais j'ai confiance en toi, Viv. » il a parlé en français. « Il nous manque deux cent vingt-deux points pour gagner la coupe. Attends au maximum pour attraper le vif, okay ? Si possible qu'on aie soixante-dix points d'avance. »

Je hoche la tête. Maintenant, je suis complètement ancrée dans le moment présent. Je ressens la pression. Soixante-dix points. Ce n'est pas rien.

« Je compte sur toi pour ne pas les laisser marquer. » je réponds

Nous échangeons un sourire carnassier. Je sais qu'Alphonse est un excellent gardien de but, et je sais que ce match est très important pour lui. Je ferai de mon mieux.

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L'air est chargé d'électricité alors que les deux capitaines se serrent la main. Lily Potter garde les yeux rivés sur moi, jusqu'à ce que Ginny Weasley siffle. Dans un bel ensemble, nous nous élevons tous dans les airs, rouge et or comme bleu et bronze, en un tourbillons de robes. Tout le monde est à fond, dès le début. Nous essayons de gagner la coupe, mais eux aussi. Et bon, on parle des Serdaigles. C'est une question de fierté pour leur maison de gagner, à ce stade. Très vite, Al' bloque une première tentative de but suite à une attaque éclair des poursuiveurs adverses. Mes coéquipiers se réveillent vite néanmoins, et une bataille sans merci s'engage entre les deux équipes. Les cognards volent dans tous les sens, et la mêlée est confuse. Je ne tarde pas à prendre mes distances, imitée en cela par l'attrapeur adverse, de l'autre côté du terrain. Je garde un œil sur lui, au cas où, mais pour l'instant ni lui ni moi ne voyons le moindre petit reflet doré.

J'ai l'occasion d'observer Ocean à l'œuvre en cherchant le vif. Il n'est pas mauvais. Alphonse est bien meilleur. Malheureusement, les batteuses de Serdaigle sont aussi terrifiantes que prévu. Comme à tous les autres matchs de cette année, mon ami se fait beaucoup cibler par les cognards adverses. En dépit de ça, nous menons déjà de quarante points, et l'équipe de Serdaigle n'a marqué qu'un seul but. Le jeu est serré, mais je ne perds pas trop de temps à le regarder, me concentrant sur ma tâche. Je veille juste à suivre le score et à éviter les quelques cognards qui se dirigent occasionnellement dans ma direction.

Au bout d'un quart d'heure seulement, je crois apercevoir un reflet doré, deux mètres en dessous de moi. Je plonge doucement, pour n'alerter personne. C'est vraiment le vif ! Je n'ai qu'à tendre la main pour l'attraper, ou presque. J'y crois pas. Je commence à tendre la main vers la balle, mais m'interrompt avant d'accélérer. Nous sommes à cinquante points d'avance. Si je l'attrape maintenant, nous serons deuxièmes au classement. Je dois attendre. À ce moment là, un cri perçant retentit. Lily a compris ce qu'il se passait, et alerte son attrapeur. Il fonce sur moi, et le vif commence à zigzaguer dans sa direction. Je n'ai plus le choix. Si Serdaigle attrape le vif, nous n'aurons plus aucune chance de gagner la coupe. Je me couche sur mon balais. Idéalement, il faudrait que je m'arrange pour laisser échapper le vif tout en empêchant mon adversaire de l'avoir.

Je suis la plus proche du vif. Un cognard fonce droit vers moi, me faisant perdre de précieuses secondes alors que la sphère dorée monte soudain en chandelle vers le ciel. Je réussis à esquiver, mais me voilà à présent au coude à coude avec l'autre attrapeur. Nous suivons notre cible à pleine vitesse. Il est un poil plus habile que moi, peut-être, mais je suis plus légère et ça m'aide à compenser. Le fait de n'avoir aucun instinct de survie aide, aussi, j'imagine. Soudain, alors que nous commençons à tendre la main vers le vif, un cognard apparaît, filant sur nous. En un instant, je décide d'esquiver dans la direction de l'autre attrapeur, ce qui semble stupide au premier abord, mais qui fonctionne. Je sens le souffle du cognard sur ma joue alors que mon adversaire est contraint de presque s'arrêter pour ne pas qu'on rentre en collision. Il lâche un juron en réalisant que ma manœuvre a laissé le temps au vif de disparaître. Il monte en chandelle, espérant repérer un éclat doré, et je reste dans les parages, mais nous ne voyons rien. J'espère que ça en valait la peine.

Après ça, une longue demi-heure frustrante s'écoule. Je concentre surtout mes efforts sur l'autre attrapeur, préférant m'assurer qu'il ne trouve pas le vif que le cherchant moi-même. Autant attendre que mon équipe marque assez de points, en vrai. En espérant qu'ils ne tardent pas trop. Nous commençons tous à fatiguer, mais si nos poursuiveurs marquent juste une fois de plus je pourrai attraper le vif. Si je le trouve, bien sûr. C'est aux alentours de ce moment là que je vois l'attrapeur adverse incliner soudain son balais vers le but d'Alphonse. Par réflexe, je me lance à sa suite. Je suis un peu loin.

Il me faut quelques secondes pour apercevoir à mon tour le vif. Il vole près de la mêlée. Un de nos poursuiveurs marque, et l'éclat d'or plonge sous les joueurs dans la contre offensive qui s'ensuit. Nous avons assez de points, et mon adversaire comme moi sommes séparés de notre objectif par des dizaines de corps en mouvement. Je ne réfléchis pas davantage. Je plonge. Un balais m'érafle le visage, un corps me frôle, manquant de me déséquilibrer, mais je passe. Je retiens un juron en constatant que le vif est parti en direction des tribunes de Serpentard, dans la direction opposée à la mienne. L'autre attrapeur vient de réussir à percer le plafond des joueurs, lui aussi. Il est plus près que moi. Je me couche sur mon balais complètement, fonçant vers lui, l'utilisant comme repère le temps de le rattraper. Il est plus facile à suivre que le vif. La balle dorée est taquine, d'ailleurs, elle remonte rapidement au niveau des autres joueurs, ralentissant considérablement mon adversaire. Moi, je me contente de suivre de dessous, et bien me prend car la balle se remet à foncer en direction des tribunes, et maintenant j'ai rattrapé mon retard.

Je tend la main vers la balle au moment où elle commence à piquer. L'autre attrapeur se fait barrer la route par l'un de nos batteurs qui lance un cognard remarquablement bien placé sur sa trajectoire. Je plonge, mais presque aussitôt le vif remonte. Il est quasiment à ma portée. Je monte avec lui. Je tends les doigts. À mes côtés, l'attrapeur de Serdaigle me suit. Je ne gaspille pas la moindre seconde à le regarder. De concert, nous longeons les tribunes de Serpentard. Moins d'un mètre me sépare du vif. Il fait un virage vif vers le centre du terrain. Je le suis. Je suis à l'intérieur du virage, j'ai gagné une vingtaine de centimètres sur mon adversaire. Nous y sommes presque. Mon cerveau enregistre le cognard qui arrive en face. Je refuse de décrocher, trop près du but. Je ne sais pas si ça va passer. Mais je suis à un instant de toucher le vif. J'entends un juron alors que l'autre attrapeur esquive, et que le temps se ralentit. Mes doigts se referment sur la petite sphère en métal et je lance une roulade dans le même temps.

J'évite le plus gros du choc. Le cognard effleure mes côtes sans douceur, mais ne les brise pas. Du moins, je n'ai pas assez mal pour ça. Par contre, le choc est suffisant pour me déséquilibrer. Je n'ai pas l'habitude de cette manœuvre ! C'est pour ça que je me retrouve, tête à l'envers, seulement attachée à mon balais par mes jambes crispées. Le vif d'or est dans ma main, la fin du match est sifflée, mais mon balais échappe à mon contrôle. Le stade éclate en acclamations alors qu'Alphonse parvient enfin à me porter secours, aidé par un sort lancé par Ginny Weasley. Enfin remise en selle, je lève le poing, portée par l'euphorie du moment.

Et si Lily a l'air très déçue, je vois aussi le respect dans ses yeux lorsqu'elle vient me serrer la main à la fin du match.

« Je vais finir par avoir ma revanche, Éris ! »

J'ai un large sourire en regagnant les vestiaires de mon équipe, encore ivre d'adrénaline et de satisfaction suite à ma dernière action.

xxx

« What if I don't want to be rescued?
What if I've been enough bruised?
What if I was feeding myself with anger
And set this whole world on fire

And watch it burn
And watch it die in the flames
For today it's their turn
For today I'm the one to blame

What if there's no adventure
What if under the gold there's only moisture
What if there's no wonder
Just this pain forever »

-Poème écrit dans le carnet étoilé de Vivian-Éris-


Alors, vous en pensez quoi? Le passage avec Alphonse était pas prévu, mais il s'est imposé. Et vous pensez quoi du comportement d'Ewald?
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