Hello,
J'ai réussi à finir d'écrire ce chapitre à temps et croyez moi c'était pas une mince affaire: en médiévale depuis quasiment deux semaines (c'est mon boulot) et j'ai pas eu beaucoup accès à de l'électricité, ni beaucoup de motivation...
Bref. J'ai donc utilisé les derniers pourcents de batterie sur mon ordi portable pour finir mon chapitre dans le camion, pour pouvoir poster à temps xD
Est ce que le chapitre est long? Oui en vrai. Est-ce qu'il est bien? Je l'aime bien en tout cas, et j'espère que vous l'aimerez aussi.
J'avoue qu'avec ce chapitre, je commence à avoir une meilleure idée du nombre de chapitres avant la fin. C'est pas encore fini, hein, mais je vois le bout. Bref, je vous souhaite une bonne lecture et je vous retrouve en bas!
Avec la descente d'adrénaline vient la douleur. Je la masque autant que je peux, néanmoins, car je n'ai pas la moindre envie d'aller à l'infirmerie. Après m'être douchée rapidement et changée dans les vestiaires, je remonte avec le reste de l'équipe en direction de notre salle commune. Pendant le trajet, oubliées toutes les insultes, tous les doutes qu'ont pu émettre mes coéquipiers. À les entendre, je suis une véritable héroïne. Alphonse aussi est porté en triomphe, pour ses blocages impeccables, et une bonne humeur générale plane sur l'équipe. Tout le monde rit, parle fort, se met des grandes claques dans le dos tout en racontant bruyamment les meilleures actions du jeu… Je ne ressens pas de rancune à voir l'hypocrisie des autres joueurs à mon égard. C'est juste comme ça, et autant profiter de la tranquillité qu'on me laisse pour l'instant.
À vrai dire, en ce moment, je me contente de savourer les restes d'adrénaline en me rejouant la scène du cognard dans ma tête. Je ne savais pas si j'allais l'esquiver. Ça aurait pu me tuer, non ? Un cognard en pleine tête, à cette vitesse, à cette hauteur.. ? C'est une sensation étrange. En réalisant le détachement dont j'ai fait preuve à ce moment là, qui était sincère et surtout spontané, je me sens comme validée d'une certaine façon. Je veux réellement mourir. Ce n'est pas un style que je me donne. C'est profond. Je suis vraiment dérangée, sans doute. J'ai un petit frisson de plaisir en repensant à tout ça.
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L'arrivée dans la salle commune est triomphale. J'ai l'impression que les trois quarts des Gryffondor sont présents, bougeant de groupe en groupe, montant et descendant des dortoirs, éclatant bruyamment de rire… Je vois même quelques uniformes de Poufsouffle et de Serpentard dans l'assemblée. Tout ce beau monde nous acclame lorsque nous faisons notre entrée, et un petit feu d'artifice de chez Weasley et Weasley est tiré. Ensuite, la fête démarre vraiment. Quelques malles servent de tables, et sont couvertes de victuailles, signe que quelques personnes ont dû aller razzier la cuisine. Le seul préfet présent s'est débarrassé de son badge, et je devine qu'il veut profiter de la fête improvisée sans déranger personne. Une fille de septième année sort des enceintes magiques et lance de la musique. Pas trop mon style, mais ça passe encore.
Quelqu'un s'est débrouillé pour faire entrer de l'alcool en douce dans le château, et un verre de whisky pur feu est servi à chaque membre de l'équipe avant que la bouteille ne passe de mains en mains chez les élèves les plus âgés. Je me retrouve à fixer mon verre, accepté par réflexe dans la confusion du moment.
« Euh, vous êtes sûrs pour Vivian ? Elle est en première année ! »
On dirait qu'il reste des gens raisonnables dans le coin.
« Ça va, on lui a pas donné un verre plein, et de toute façon elle tiendra pas plus d'une gorgée ! Ça va être marrant !
-Moi je veux bien prendre son verre ! »
Je prends pas la peine d'analyser qui parle, plongée dans une réflexion soudaine. Ne pas boire d'alcool est l'un de mes principes. L'était, en tout cas, dans ma première vie. Je n'en ai jamais vu l'intérêt, et puis surtout je n'ai jamais voulu prendre le risque de faire quelque chose que je pourrais regretter sous l'influence d'une substance quelconque. Je méprise les gens qui ont besoin d'alcool pour s'amuser. Je suis mal à l'aise avec les gens bourrés… Pour moi, l'alcool est « mal ». C'est se faire du mal à soi. Mais c'est précisément ce point qui me fait hésiter ce soir. On peut perdre connaissance si on boit assez, non ? L'idée de coma me tente. Une violence que je m'apporterais à moi même et qui en bonus me ferait dormir. De plus, je suis un peu piquée par la remarque du type qui pense que je pourrais pas finir mon verre.
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Des exclamations et des sifflements accompagnent l'alcool dans mon œsophage. Je bois cul sec, avant que quelqu'un ne puisse m'enlever le verre des mains. Dès le verre fini, je me mets à tousser. Ça brûle ! Ceux qui assistent à la scène se tordent de rire, mais il y a aussi des gens qui applaudissent, ou qui lâchent des remarques appréciatives. Alphonse, qui s'est rapproché à un moment rigole aussi. Ma tête tourne un peu. Le décalage entre mon intention de me faire mal et les rires, y compris du seul ami que j'ai dans la salle, me saute quand même aux yeux.
Après ça, les gens dévorent tout ce qui leur tombe sous la main tandis que les élèves les plus âgés partagent un peu plus d'alcool. Je parviens à me faire servir un verre entier de manzana, que je découvre. J'adore le goût, c'est très sucré. Je me lance dans un défi rigolo avec d'autres mecs de l'équipe. J'ai bien proposé de faire du saut sur balais, mais étrangement les gens n'étaient pas chauds. Ils ont cru que je plaisantais... Du coup, à la place, on monte sur nos balais, et on s'y suspend par les mains. Le premier à tomber doit boire un shot, le deuxième deux, etc. Seul le dernier est épargné. On fait deux trois tours, je perd à chaque fois rapidement. Je n'ai que onze ans après tout, même si ma pratique de l'escalade me donne un léger avantage. Ce n'est pas plus mal, j'imagine, car même si je vise le coma, je préfère éviter de tomber dans les pommes devant toute la salle commune emplie de gens à qui je ne fais pas confiance.
Après une heure, ma tête tourne vraiment beaucoup, et la salle commune a commencé à bien se vider. C'est l'heure du dîner, et la plupart des élèves s'y dirigent, si ils n'y sont pas encore. Pendant que personne ne regarde, je récupère une bouteille de vodka tord boyaux encore remplie à moitié que je glisse dans le sac qui contient mon uniforme de quidditch. J'essaye ensuite de me lever, dans l'idée de quitter la salle commune, et de finir de me défoncer dans l'intimité de mon repère secret. J'ai beaucoup de mal à coordonner mes mouvements, ce qui me fait rigoler bêtement. C'est Alphonse qui me vient en aide, me raffermissant sur mes pieds et passant un bras autour de ma taille pour me soutenir. Je suis trop bourrée pour me tendre au contact physique. Je suis nauséeuse, aussi. Il fronce légèrement les sourcils, avant d'éclater de rire.
« Et bah, on peut dire que tu fais pas les choses à moitié, Viv' ! Tu essayais d'aller où ?
-Ma tour. » je réponds, péniblement.
« On va plutôt aller te chercher un truc à grignoter, et de l'eau. Ça va aider à absorber l'alcool.
-Pas la grande salle... » je marmonne
Mon compagnon rigole à nouveau.
« T'inquiète, je te déteste pas assez pour te lancer en pâture aux profs. Et puis ça nous mettrait un peu tous dans la merde. On va aux cuisines. »
Tout en discutant, on a franchi le tableau et on commence notre descente dans le château. On ne croise presque personne, vu que c'est l'heure du repas, ce qui est une bénédiction. Je reste bloquée sur les mots du blond :
« T-Tu me détestes ? » je ne sais pas pourquoi, cette simple idée m'emplit de tristesse et je sens les larmes affleurer à mes yeux. Mon ami me dévisage avec des yeux ronds avant de rigoler :
« Houlà, Viv', déconne pas ! C'était une blague ! Tu sais que je tiens à toi ! »
Pendant que j'analyse sa réponse, je l'entends marmonner :
« Plus d'alcool pour toi, quelle idée à la con ! »
Il a dit qu'il tenait à moi. Et c'est vrai qu'il a fait plein de choses pour moi, et puis il est toujours d'accord pour faire des trucs avec moi aussi. En vrai, ça me rend vraiment contente de penser à ça, et comme je veux lui montrer ma reconnaissance, je lui dis :
« Merci Al' ! Moi aussi je tiens à toi ! C'est trop bien, non ? J'ai une idée ! On devrait faire du saut sur balais pour fêter notre amitié !
-Euuuh, je crois pas que ça soit une bonne idée vu ton état !
-Je vais très bien ! »
L'impact de ma déclaration est un peu amoindri par mon incapacité manifeste à tenir debout seule, sans doute, mais je suis sûre que je pourrais voler !
« On va plutôt aller aux cuisines, hein ? J'ai faim, pas toi ? »
Et il faut admettre que j'ai un peu faim, peut-être. Enfin, c'est dur à dire, vu que je suis barbouillée, mais si mon ami Alphonse a faim, alors on doit aller manger ! Je rigole. C'est facile en vrai ! L'autre Gryffondor secoue la tête en me regardant, mais il a un sourire aux lèvres. Il a quand même l'air de se débrouiller beaucoup mieux que moi avec l'alcool, pourtant on dirait qu'il est sobre.
« Et toi, t'as pas bu ? » je demande, péniblement. Je dois me concentrer pour former des mots intelligibles.
« Si, un peu, mais j'ai l'habitude. Et j'ai pas abusé. » me répond il, reprenant son sérieux.
Je sais pas trop comment, mais j'ai un trou noir et on se retrouve au premier étage. Je trébuche sur un pavé, déroutée par le soudain changement de décor, et Al' me rattrape. Je n'ai pas le temps de lui demander comment on s'est retrouvés si vite ici. En me rattrapant, son regard se pose sur moi et il prend un air qui me fait peur.
« Ton glamour... »
Je baisse les yeux sur mes bras. J'ai remonté mes manches, à un moment, et mes cicatrices sont toutes visibles.
« Ooups ! » je fais, d'un ton ironique. Alphonse s'arrête, me fixant d'un air inquiet.
« Faudrait pas que les gens voient, hein ? Ils pourraient croire que je vais pas bien ! Alors que je vais très bien, très très bien ! »
Je pouffe de rire. Je suis beaucoup trop drôle. J'essaye de sortir ma baguette mais mes doigts sont malhabiles. Alphonse me tire dans une salle de classe avec un juron, pendant que j'essaye de lancer le sort. Je proteste un peu, parce qu'il me rend pas les choses faciles. Mais même après qu'on aie arrêté de bouger, je n'arrive pas à remettre mon glamour.
« Alphonse... » je fais, d'un ton geignard « Pourquoi ça marche pas ? »
J'ai presque envie de pleurer, à nouveau. C'est vraiment pas juste. Il soupire avant de répondre, d'une voix rassurante :
« Tu as trop bu, Viv'. Je vais lancer le sort, d'accord ? »
Je hoche la tête avec un peu trop d'enthousiasme sans doute, parce que je bascule en arrière. Je me retrouve par terre sans trop comprendre pourquoi, et Alphonse lâche à nouveau un juron. Il a l'air en colère maintenant.
« Désolée. » je murmure.
Je me sens mal, tout à coup. J'ai l'impression de flotter tout en ayant une sensation de nausée tenace. Al' ne commente pas, se contentant de pointer sa baguette sur moi pour relancer le glamour. Il a toujours une tête sérieuse. Comme ça m'est déjà arrivé, j'ai une sensation étrange en le voyant pointer sa baguette sur moi. J'ai envie qu'il me tue. Je fais que de la merde de toute façon, et je crois qu'il en a marre de moi.
Au juron choqué d'Alphonse, je comprends que quelque chose va pas. C'est cool de voir que l'alcool n'amoindrit pas mes capacités de déduction.
« Je vais pas te tuer ! T'es folle !
-T-Tu peux lire mon esprit ? Je savais pas que t'étais un légilen-légiliman-truc quoi ! »
Le Gryffondor prend un air vraiment fatigué et se masse la tête, marmonnant :
« J'ai trop bu pour gérer ça moi... »
Ensuite il répond, plus haut :
« Je ne lis pas dans mon esprit, t'as dit ça à haute voix… Et j'en ai pas marre de toi, Vivian, c'est clair ? J'ai juste faim, et je suis fatigué. J'ai un peu trop bu moi aussi je crois. »
Je me sens encore plus désolée, parce que c'est ma faute si il n'est pas encore en train de manger.
« Tu devrais me laisser ici. J'ai même pas faim de toute façon.
-Je ne vais pas te laisser toute seule dans cet état, c'est dangereux ! Et merde, Vivian, tu peux pas lâcher des trucs comme ça et passer à autre chose comme si c'était normal !
-Des trucs comme quoi ? » je demande, un peu perdue. J'ai du mal à me concentrer.
Al' jure à nouveau. Son ventre gargouille.
« Laisse tomber. On en parlera quand tu seras sobre. » il soupire.
J'ai envie de savoir, mais j'ai pas l'énergie d'argumenter. À la place, je lui dis :
« Tu devrais vraiment aller manger, tu sais ? De toute façon je vais pas bouger pour l'instant. »
Il semble réfléchir quelques secondes, avant de soupirer :
« J'imagine que tu as raison, mais je ne peux pas te laisser seule dans cet état, ça pourrait être dangereux. Je vais t'envoyer Arthur ou Ewald, d'accord ? »
Je hausse les épaules. J'aime bien Arthur et Ewald. Et puis comme ça Alphonse pourra manger.
Il soupire à nouveau avant de m'installer en position latérale de sécurité sur le sol. Il me dit de ne pas bouger, et qu'il se dépêche d'envoyer un des garçons. La porte se referme derrière lui sans que je l'aie vu partir. Je me sens seule, tout d'un coup. Mais au moins le sol est confortable. Je ne sais pas combien de temps s'écoule mais je m'ennuie un peu, alors j'essaye de me redresser. J'essaie pas de me lever, j'ai pas l'énergie pour, mais je m'assois, m'appuyant contre un mur. Je me sens mal. J'ai pas assez bu encore, vu que je suis encore consciente. Heureusement, je me souviens de la vodka que j'ai emporté, et après quelques tâtonnements j'arrive à la récupérer et à l'ouvrir. J'ai l'impression d'être déconnectée de mon corps, mais pas de la même façon que quand je dissocie. C'est hyper bizarre comme sensation, un peu comme si j'étais une marionnette. Je ne contrôle pas bien mes mouvements, et y a comme du lag entre mon cerveau et mon corps.
La bouteille m'échappe presque des mains alors que je l'incline, renversant la tête un peu en arrière. Je grimace malgré moi en me forçant à avaler tout d'une traite. Je ne sens pas la brûlure de l'alcool, je crois que c'est parce que je suis trop ivre. Mais le goût est vraiment pas incroyable. Un rot violent me surprend et je laisse retomber ma main, me rappelant au moment où la bouteille éclate sur le sol dallé que je la tenais encore. Je regarde stupidement les éclats de verre sur le sol, pendant plusieurs secondes. Mes bras sont toujours nus, mais le glamour d'Alphonse les protège toujours. Voir toute cette peau en apparence intacte m'inspire, et je ramasse le cul de la bouteille. Le haut est hérissé de pointes de verre. Je me demande si ça fait des sensations différentes de se couper quand on est ivre. Je crois que l'alcool est censé atténuer les sensations, non ? Mes mouvements sont toujours saccadés, comme si j'étais une marionnette, et je me sens toujours déconnectée de mon corps. Je plante les pointes de verre dans ma peau avant de tirer, mais ce n'est pas très efficace. J'ai à peine quelques griffures superficielles. Alcool ou pas, ça brûle un peu. Je laisse tomber le fond de bouteille pour saisir un éclat qui a l'air prometteur. Et c'est à ce moment là que la porte s'ouvre, me faisant sursauter.
Ewald entre, et me lance un expeliarmus dans la foulée, dès qu'il a pris la mesure de l'éclat de verre dans ma main et du sang sur mon bras. Son visage est fermé, le masque froid qu'il oppose au monde entier bien en place. Il se plante devant moi, et il y a une forme de colère dans sa voix quand il dit :
« J'espérais qu'Alphonse exagérait, quand il disait que tu avais bu. »
Je hausse les épaules maladroitement, un peu mal à l'aise. Le Serpentard n'est pas comme d'habitude.
« Tu peux te lever ? »
La sollicitude est absente de sa voix, mais je ne saurais pas vraiment nommer l'émotion qui s'exprime à la place. Je me sens mal. J'essaye malgré tout de coordonner mes mouvements pour me mettre debout. J'y parviens, mais seuls les réflexes d'Ewald m'empêchent de retomber au milieu du verre brisé. Tout tourne. Mon compagnon me stabilise à deux mains, me forçant à lui faire face dans le processus. Ses lèvres sont pincées en une fine ligne.
« Ton corps à onze ans, Vivian ! Qu'est-ce qui t'a fait penser que tu pouvais te permettre de boire comme tu l'aurais fait quand t'étais Aurore ? C'était stupide ! »
J'identifie enfin l'émotion qu'il exprime. Il me méprise, en cet instant. Son mépris attise ma haine de moi-même. Je sais qu'il a raison. Je sais très bien dans quel état je me suis mise. Mais je suis en colère aussi, qu'il me pense sérieusement aussi bête pour faire ça par accident. C'est insultant. J'éclate de rire, et c'est un rire froid.
« Je ne buvais pas quand j'étais Aurore. J'ai déjà goûté un fond de verre de vin, sans doute, parce que j'étais française. Mais je pensais pas que tu me croirais aussi bête, sérieusement ? Je sais ce que je fais.
-C'est pas l'impression que tu donnes. » me répond calmement le Serpentard, sans se départir de sa froideur.
« Tu savais qu'on pouvait tomber dans le coma, lorsqu'on boit trop d'alcool ? Bien sûr, c'est encore plus rapide quand ton organisme n'est pas à pleine maturité. » j'essaye de faire un geste pour désigner mon corps, mais mes bras sont toujours fermement tenus par le vert et argent, et je ne fais que me déséquilibrer. Il fronce les sourcils à ma réplique.
« Tu veux dire que tu as fait exprès ?
-Tu ne sais pas ce que c'est, de ne jamais trouver le sommeil, pas vrai ? » je réponds, avec une pointe de tristesse. Son mépris me fait vraiment mal. Il détourne les yeux. Il semble vouloir dire quelque chose, renonce, et se contente de dire, sans se départir de son calme :
« Allons à ta tour. »
Je suis Ewald comme un zombie, en silence, dépendante de son bras pour me guider. Il marche doucement, sans faire de commentaire, s'adaptant à mon état. Assez vite, la nausée monte en moi, puissante. Heureusement, le timing est bien choisi, car il y a des toilettes à quelques mètres de là. J'ai juste le temps de le faire lâcher prise et de me précipiter dans une cabine avant de rendre tout le contenu de mon estomac. Je ne sais pas par quel miracle j'ai réussi à courir jusque là sans perdre l'équilibre.
Ma gorge est brûlante, et je tremble de tous mes membres. J'ai chaud et froid à la fois, et toujours cette sensation d'être une marionnette déconnectée de mon corps. La faïence est froide contre ma joue et je sens à peine l'odeur des toilettes. Je suis une loque, je le sais. Ça n'a aucun sens. Qu'est-ce qui n'a aucun sens ? Tout. La vie, l'existence, et mes actes. Je suis lamentable, hein ? Moi aussi, je me méprise. J'ai envie de clamser. Mais je donne suffisamment de travail à Ewald comme ça sans qu'il aie besoin de venir me ramasser dans les toilettes. J'essaie de me relever, du coup, mais je tombe, me cognant à la paroi au passage. Je sens à peine le choc. Et en vrai… je suis à ma place ici, autant que j'y reste.
Quelques coups frappés à la porte attirent à peine mon attention.
« Vivian ? Qu'est-ce qu'il se passe ?
-Mon corps m'enseigne de façon pédagogique que les merdes doivent rester au sol. » je réplique, avec un léger ricanement.
Mon ami ouvre la porte prudemment. Il a les sourcils froncés et l'air mécontent.
« Tu n'es pas une merde, Vivian. »
Je secoue la tête, amère.
« C'est pas la peine de me raconter des conneries, j'ai bien compris ce que tu pensais. Mais t'inquiète pas, je suis d'accord avec toi ? Je sais bien que je suis pathétique. Je sais que je mérite complètement ton mépris. Franchement, je sais même pas pourquoi t'es là. Je vais pas crever, de toute façon, on est à Poudlard, ils ont des sorts pour éviter ça. Sérieux, juste tire toi. »
Le Serpentard soupire avant de s'accroupir pour me regarder dans les yeux. Son visage n'exprime plus la même neutralité qu'avant. Il y a une forme de douleur dans son regard.
« J'ai… Fait une erreur de jugement, Vivian. Je suis désolé. »
Ces mots ne font pas sens dans mon esprit. Je me hais. Je suis en colère aussi. Pourquoi il ne part pas, simplement ?
« Casse toi, j'ai dit ! »
Il tressaille, et instantanément je me sens coupable. Il tend la main vers moi avec hésitation, comme si il avait peur que je le repousse. Ce n'est pas quelque chose que je suis capable de faire, physiquement comme mentalement.
« J'ai mal compris la situation. Je… Je n'aime pas l'alcool, et c'est vrai, j'ai du mépris pour les gens qui en abusent au point de perdre le contrôle. Ceux qui trouvent ça drôle de faire n'importe quoi. Et je n'approuve pas du tout ce que tu fais mais… J'ai compris que c'était différent. Que c'était une nouvelle façon pour toi de te détruire, pas un jeu. Tu fais de l'autodestruction presque une forme d'art à force... Vivian. Je ne vais pas te laisser seule alors que tu vas mal. Et puis… Je pense qu'on a besoin de parler, non ? »
Ses mots me transpercent. Il a vu ça… Sa façon de parler d'une forme d'art. Il me comprend réellement. Parce que je vois un raffinement dans mon auto destruction, c'est vrai. Je l'ai toujours vue. J'y mets des formes et des efforts pour faire quelque chose de… complet. J'ai fait tellement de choses différentes aussi, tout en me gardant des espèces de limites morales, même si c'est vrai qu'en cet instant je flirte avec. L'alcool est l'un des mes interdits, à la base. Tout comme la drogue… Et je suis là, par terre dans des chiottes dans lesquels je viens de vomir. Et ce serait mentir de ne pas dire que mon mépris se mêle d'une touche de satisfaction quand je vois ce que je me suis infligé.
Je secoue la tête sans répondre. J'ai honte. Honte de moi, honte qu'il me voie comme ça. Je ne mérite ni son amitié, ni son attention, et je lui fais perdre son temps avec mes dramas. Il me lance un récurvite avant de m'aider à me redresser. J'ai envie qu'il parte, qu'il me laisse seule, mais je ne veux pas en plus de tout lui compliquer la tâche, alors je me laisse faire. Je suis encore plus dépossédée de mon corps, à présent que je le laisse prendre les commandes, comme une poupée, comme un jouet. Il m'amène aux lavabos, et me fait boire une bonne quantité d'eau. Il m'explique qu'Alphonse lui a dit que ça aidait pour la gueule de bois. Je ne réagis pas. Le monde continue de tourner, ma tête est un nid à vertiges.
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Je ne me souviens pas du trajet, mais la prochaine image consciente que j'ai est le moment où Ewald m'installe dans la tour. Il métamorphose l'une de mes robes de sorcière qui traîne pour en faire un coussin, avant de me faire m'asseoir dessus, appuyée contre le mur dans mon dos et son épaule pour m'empêcher de basculer sur le côté. Ce simple contact me fait monter les larmes aux yeux. Je n'ai aucun contrôle, ce soir. Mes émotions sont aussi vacillantes que mon équilibre.
Je ne sais pas ce qui les provoque, mais soudain mes larmes coulent librement sur mes joues, sans s'arrêter. Mes sanglots sont violents, inarrêtables, comme les digues d'un barrage qui céderaient tout d'un coup. Je serre mes genoux contre moi de toutes mes forces. Je me sens tellement seule, tout un coup. Isolée. Je n'arrive pas à m'arrêter. Plus j'essaye de me calmer, plus, je suffoque. Comme quand je pleure seule, quand ça ressemble à une crise de panique. Je sens Ewald remuer, hésitant. J'ai envie de me blottir contre lui, de me serrer dans ses bras, mais je n'ai pas le droit. Je ne le mérite pas. Et puis, il devrait me détester. Il aurait dû partir, déjà.
« Vivian, essaye de respirer avec moi, d'accord ? »
Je sens les vagues d'apaisement mental qu'il dirige vers moi par le biais de notre lien, incapable comme je suis d'utiliser l'occlumencie dans cet état. Mais elles se heurtent à mes sentiments en désordre qui les empêchent de m'atteindre. Solitude. Désespoir. Haine de moi-même. Douleur. Envie de réconfort. Mépris de moi-même, pour cette envie et pour l'état dans lequel je suis. Les faiblesses que je montre.
« Ça… ne… veut… pas… s'arrêter ! » je halète, en réponse. « T'as… rien… à… faire… ici. » j'ajoute.
J'ai désespérément besoin d'un câlin. Je prends bien garde à éviter tout contact en me recroquevillant encore plus sur moi même. La solitude m'étouffe aussi sûrement que mes sanglots.
« Je suis là, Vivian. Ça va aller. Je ne vais pas te laisser tomber. »
La voix d'Ewald est douce.
Le ça va aller trouve son écho en moi, après tout c'est ce que j'ai l'habitude de me répéter à moi-même pour me calmer, d'habitude. Je prends une respiration hachée.
« Ça va aller. Ça va aller. Ça va aller. Ça va aller. Ça va aller. Ça va aller. Ça va aller. Ça va aller… »
Je chuchote, encore et encore, comme une litanie. Ma voix déraille dans les aigus alors que les larmes continuent. Je sens la folie au bord de laquelle je vacille, comme tant de fois auparavant. Je n'ai plus de contrôle. Je me hais. Je suis tellement désolée d'infliger ça à Ewald.
« Ça va aller. Ça va aller… Ça va aller. Je suis désolée. Je suis désolée. Ça va aller… Je suis désolée. »
Je n'arrive pas à me calmer. Ewald se rapproche, doucement. Si il continue, je ne sais pas comment je vais résister. Il ne doit pas me toucher. Je vais encore lui faire du mal. Il se sent juste responsable de moi. Il aurait dû partir. Je suis tellement désolée. Son bras entoure mes épaules avec la légèreté d'un oiseau prêt à s'enfuir au premier coup de vent. Je me tais enfin. Avec désespoir, je me colle à lui. Il va me repousser. Il devrait me repousser. Mais il me rapproche encore de son corps, son deuxième bras entourant ma taille, et je m'abandonne à son étreinte. Je me rapproche autant que possible, ma tête contre son torse . Je le serre tellement fort que j'en ai presque mal aux bras. Il est mon seul ancrage dans la tempête d'émotions que je subis. Mes sanglots se font moins brutaux. Par vagues, ma respiration s'apaise progressivement alors que je trempe sa chemise de mes larmes.
Doucement, d'éclaircie en éclaircie, ma respiration reprend enfin un rythme régulier, et le flot de mes larmes s'interrompt enfin. Ewald ne desserre pas ses bras pour autant, pas plus que je ne fais de mouvement pour m'éloigner de lui. Sa main forme des cercles apaisants dans mon dos. Nous restons ainsi, en silence, le temps de laisser s'éloigner l'orage violent qui m'a traversée. Nous restons ainsi jusqu'à ce que mon corps paraisse se rendre compte que notre position est inconfortable. Seulement à ce moment là je me mets à remuer un peu.
Il me laisse me reculer doucement, jusqu'à ce que je sois assise en tailleur face à lui. Je laisse ma main près de la sienne. J'ai envie qu'il la prenne. Comme en réponse à ma pensée, sa main se pose sur la mienne avec naturel, serrant brièvement mes doigts comme pour me demander comment ça va. Je n'arrive à pas à croiser son regard.
« Je suis désolée. » je finis par réussir à dire.
« Tu n'as pas à l'être. » me répond il, avec patience
Je hausse les épaules en un mouvement saccadé.
« Je te fais perdre ton temps, tu dois toujours t'occuper de moi. Tu n'es pas responsable de moi, tu n'es pas obligé de le faire, tu devrais juste partir. Ça sert à rien que tu te forces.
-Qu'est-ce qui te fait penser que je me force ? »
Il n'a pas nié qu'il se sentait responsable de moi. Je fais un geste de frustration. C'est évident, non ? Pourquoi il veut que j'explicite ?
« Je vois bien que tu n'es pas à l'aise avec moi depuis la discussion avec Alphonse. Et puis de toute façon, je me suis bourrée la gueule, et t'as dit toi même que tu n'aimais pas ça. J'ai besoin de continuer ? » je serre le poing de ma main libre, enfonçant mes ongles courts autant que je peux dans ma peau.
Le Serpentard inspire profondément.
« Prendre soin de toi n'est pas une corvée. Tu n'as pas bu pour t'amuser, tu l'as dit, et j'aurais dû le deviner… Je te connais pourtant. Pour ce qui est de la discussion avec Alphonse… Je suis désolé. Je ne pensais pas que tu avais remarqué. Je… Je n'étais pas prêt à aborder le sujet à ce moment là. »
Je redresse un peu la tête, sans pour autant le regarder en face. Le fait qu'il admette que je ne me suis pas faite des idées me soulage d'un poids donc je n'avais pas pleinement conscience. Je ne sais pas trop quoi dire. J'aimerais comprendre, mais j'ai peur de le braquer. Le silence s'étire quelques secondes avant que je ne demande :
« Tu as vraiment pensé que j'allais me tuer ? »
Ewald remue légèrement, un peu mal à l'aise.
« Non… Mais une part de moi doutait, je crois. Et la situation faisait trop écho à... ce soir là pour que je n'y pense pas. Vivian… J'ai failli paniquer. J'avais confiance en toi mais… J'ai eu peur, moi aussi. Je ne savais pas trop comment le dire, et après coup je m'en suis voulu un peu d'avoir douté de toi. C'est quand Alphonse a dit ce qu'il ressentait que j'ai vraiment pris conscience que je le ressentais aussi, et ça m'a paru… Injuste qu'il parvienne à exprimer aussi facilement ses craintes. C'est stupide, je sais. »
Quelques instants, ces mots restent suspendus en l'air, me rendant muette. Je ne sais pas quoi répondre alors que sa vulnérabilité m'atteint en plein cœur. Je serre sa main dans la mienne, à défaut de trouver des mots. Et puis, je finis par admettre, presque malgré moi :
« La distance m'a fait mal. Le fait de savoir que quelque chose n'allait pas et de faire comme si de rien n'était… C'est ce qu'il s'est passé avec Jérémy. » Je sens Ewald tressaillir. « Je-je ne veux pas dire que c'était pareil... » je soupire. Je ne me sens pas capable de mentir, ce soir. « Enfin, c'était… D'une certaine façon, c'était pareil, mais pas au même niveau de gravité… C'est juste que… J'ai beaucoup de mal avec le silence, faire comme si tout était normal alors que ça l'est pas. Douter de soi-même à force, se demander si on a imaginé... Mais c'est comme ça, et je suis juste conne de paniquer pour rien. Je suis trop fragile. » je crache, avec mépris.
« J'aurais dû être honnête avec toi. J'ai du mal à exprimer mes émotions, mais j'aurais pu faire l'effort de juste dire que je n'étais pas prêt à parler de ça. Tu n'as rien fait de mal. »
C'est à mon tour de me tortiller. Je ne veux pas qu'il se force à aller à l'encontre de son fonctionnement pour moi, parce que je ne suis pas capable de patienter, d'avoir assez d'empathie. Parce que je suis brisée. J'ai envie de le serrer dans mes bras. J'ai peur qu'il me repousse. Je finis quand même par réussir à demander, et il accepte sans l'ombre d'une hésitation. Une fois blottie contre lui à nouveau, je parviens enfin à me calmer un peu, à prendre de grandes respirations.
« Tu m'as vraiment fait peur, tout à l'heure. »
C'est un chuchotement, à peine, mais il retient toute mon attention. Mal à l'aise, je demande :
« Quand tu m'as vu avec l'éclat de verre ? »
Je sens le Serpentard se tendre légèrement.
« Non, mais il faut que je te soigne, j'ai complètement oublié. »
Il rompt notre étreinte et je le laisse faire, à regret. Il me garde contre lui pour me soigner, quand même, et ça participe beaucoup à me soulager. Tout en promenant sa baguette sur mon bras, il reprend, sans que j'ai besoin de le relancer :
« Le cognard. »
Je ne comprends pas ce qu'il veut dire, au début, puis ça me revient d'un coup.
« Quand j'ai attrapé le vif ? »
Je sens plus que je ne vois son hochement de tête, et je me glace un peu en réalisant que ça s'est passé juste devant les tribunes de Serpentard. Je ne regrette pas vraiment ce que j'ai fait, juste…
« Désolée de t'avoir fait peur. »
La subtilité ne lui échappe pas.
« Tu as failli le prendre en pleine tête. C'est une des rares choses qu'on ne peut pas soigner, chez les sorciers, même si peut-être que les sorts de Poudlard auraient pu te sauver.
-Mais ça ne s'est pas passé.
-Je sais… Mais tu ne maîtrisais pas entièrement ce que tu faisais. »
Je ne nie pas cette affirmation. Après tout, je n'ai pas envie de lui mentir, ce soir. À la place, sans doute encore sous l'influence de l'alcool qui agit comme une potion de vérité ce soir, je lui avoue, avec un peu de la fièvre qui m'a saisie à ce moment là :
« Je ne savais pas si j'allais pouvoir l'esquiver. C'était… L'adrénaline à ce moment là, c'était fantastique. Je ne sais pas pourquoi je fonctionne comme ça mais j'étais… Fascinée… Je sais que je suis dérangée. Je sais. Peut-être que c'est parce que je suis brisée mais ce moment là était un pile ou face avec la mort. C'était passionnant… Je ne sais pas l'expliquer. Et je sais aussi que c'est pas ce que t'avais envie d'entendre, je suis désolée. Mais je n'ai pas envie de te mentir. »
Les bras du Serpentard me guident à nouveau contre lui et il me serre fort, sans dire un mot. Je me sens un peu coupable. En même temps, ça me fait du bien, de lui dire tout ça. D'être franche. Finalement, il finit par me relâcher, même si je reste appuyée contre lui, ma tête sur mon épaule.
« Merci pour ta franchise. » me dit il. « Demain, tu voudras bien laisser Arthur t'examiner ? Il me semble que le cognard t'a frôlée d'un peu trop près. »
Je hoche la tête sans protester. Je n'ai pas mal pour l'instant, mais je sais que mes côtes ont été touchées et… Je préfère encore que ça soit Arthur qui m'examine. Il va en faire, des progrès en médicomagie, à force de me fréquenter !
Nous restons comme ça encore quelques temps, l'un contre l'autre sans rien dire, puis il me demande :
« Pourquoi tu as bu, ce soir ? »
Je me redresse un peu, soupirant, avant de répondre. Je n'aurais sans doute pas été si franche, si directe d'habitude, mais là je lui déballe tout.
« Je n'avais rien prémédité. C'est juste que… Des septième année avaient ramené de l'alcool, et ils ont servi un verre à tous les membres de l'équipe pour fêter la victoire. Je… Je ne bois jamais normalement. C'est une sorte de règle pour moi. Mais je ne sais pas, c'était… l'occasion. J'ai beaucoup de mal à dormir, en particulier ces derniers temps, et ça m'épuise. J'ai déjà essayé plein de choses. J'ai essayé de m'étrangler pour perdre connaissance, sans succès… Mais récemment j'utilise le sort d'assomoir, ça c'est efficace au moins. Le problème, c'est que je me réveille quand il fait plus effet et c'est rarement confortable… Et là je me suis retrouvée avec un verre d'alcool à la main, et je me suis rappelée qu'on pouvait tomber dans un coma éthylique si on buvait trop. Et puis les autres semblaient penser que j'allais pas oser boire mon verre. Je sais que c'est pas de bonnes raisons mais… Je suis abîmée. Et je suis fatiguée. »
Ewald s'est raidi progressivement au fil de mon récit.
« Tu t'assommes pour dormir ? »
Je hausse les épaules, trop mal à l'aise pour donner une réponse verbale. Honteuse aussi, un peu.
« Ça peut être vraiment dangereux, Vivian. Ce genre de sorts… Il ne faut pas les recevoir à répétition. »
Je me tortille sur place. Je ne suis pas fière de moi.
« Je ne le fais pas tous les soirs… Enfin, ces derniers temps plus souvent mais je vais essayer de le faire moins, d'accord ?
-Je vais te préparer quelques fioles de potions de sommeil sans rêves, plutôt.
-Je ne veux pas prendre de drogue.
-Et moi, je ne veux pas que tu risques d'endommager tes capacités intellectuelles avec des méthodes aussi barbares.
-Ça a un impact sur les capacités intellectuelles ? Oh. J'imagine que c'est comme pour les boxeurs qui se prennent des coups à la tête régulièrement, c'est ça ?
-J'imagine. » soupire Ewald.
Je me sens stupide de ne pas y avoir pensé plus tôt, et frustrée. Dans ces conditions, effectivement, je vais éviter de m'assommer à nouveau.
« Pourquoi tu le faisais davantage ces derniers temps ? »
La question d'Ewald m'atteint directement, ayant au moins le mérite de me faire oublier ma honte, mais je n'ai pas vraiment envie de répondre. Pourtant, je le fais quand même, parce que je sais qu'il ne lâchera pas l'affaire.
« J'ai plus de mal à… gérer, quand tu… Quand tu es distant.
-Je vois. » répond il, d'une voix neutre.
Je me hais. Je ne veux pas qu'il se pense responsable.
« Ce n'est pas ta faute ! Mais c'est juste que… »
Je ne sais pas comment finir ma phrase. Qu'il m'aide ? Que sa présence presque constante à mes côtés, à Noël, me manque ? Qu'il est devenu essentiel à mon équilibre et que s'il devient froid à mon égard je ne sais plus comment gérer ? Il attend la fin de mon idée, je le sais. Je soupire, avant d'essayer d'expliciter.
« Il y a tellement de choses à la fois ces temps-ci… J'avais un équilibre, avant, c'était… C'était facile de planifier ma mort, de tenir tout le monde à distance, de ne pas avoir de comptes à rendre. Je n'avais pas à me poser de questions. Et maintenant… Depuis que tu m'as aidée à débloquer mes souvenirs, que j'ai dû vous parler de mon passé… Après Noël, après Quentin, et maintenant cette histoire de poitrine et Kayns qui court toujours… Je ne peux plus gérer. Je suis devenue fragile. Je ne peux plus nier tranquillement l'attachement que j'ai pour vous, et je ne sais pas quoi faire. La moindre petite chose défonce mon équilibre. » une larme m'échappe. En l'essuyant, d'un geste rageur, de ma main libre, je m'aperçois que le glamour que m'a jeté Alphonse a lâché.
Je sais que ça n'a pas échappé à Ewald, mais il ne fait aucune remarque. À la place, il resserre à nouveau un peu plus ses bras sur moi.
« Tu n'as plus besoin de tout gérer seule, Vivian. Je suis là. Et tu sais que les autres aussi. Et je comprends ce que ça doit être, de ne plus avoir de repères. Ça fait beaucoup à gérer. Mais je suis aussi persuadé que du bon ressortira de tout ça. Les bouleversements viennent toujours avec le changement, et tu n'es pas seule. »
Je secoue la tête, amusée malgré moi.
« Tu es sûr de pas être Arthur sous polynectar ? »
Le bruit offensé du vert et argent m'arrache un petit gloussement, même si je reprends vite mon sérieux.
« Je suis nul pour dire ce genre de choses, je sais. Mais je suis sincère. Je sais que c'est pas agréable, pour l'instant, mais je pense vraiment que ça en vaut le coup. Je suis égoïste, Vivian. Je préfère un monde où tu restes dans ma vie. »
À sa posture, je sais qu'il ne me regarde pas en disant ça. J'ai presque mal, soudain, de la poussée d'émotions en moi. Je ne le mérite pas. Je l'aime. J'ai envie de pleurer, à nouveau. De façon inattendue, une vague de culpabilité me submerge. C'est sur cette amitié que j'ai failli cracher, à Noël. Ce n'est même pas pour lui que j'ai arrêté mon bras alors qu'il est là, plus réel qu'un fantôme du passé. En cet instant, les visages d'Arthur et d'Alphonse, qui a risqué gros en brisant le Secret magique pour moi, sont aussi présents dans mon esprit.
Je n'ai pas le temps de me repaître dans ma culpabilité, néanmoins, car la main d'Ewald se pose sur mon bras, ses doigts suivant les lignes de mes blessures les plus récentes, visibles en rouges sur le maillage de blanc et de rose de mes avants bras. Il respire profondément, avant de dire.
« Il faut qu'on parle de ça, aussi. »
Je me tends. Je suis toujours contre lui, mon dos contre son torse, assise entre ses jambes. Je suis reconnaissante que dans cette position je ne puisse pas voir son visage.
« Je ne sais pas trop ce qu'i dire.
-J'ai beaucoup pensé à ça, tu sais ? »
Il se penche un peu, ramassant une lame qui était sur le sol près d'une de mes piles de vêtements. Le mouvement me déloge, et je m'éloigne un peu de lui, lui faisant à nouveau face en gardant sa main libre dans la mienne. Il garde la lame entre ses doigts et je ressens des émotions mêlées. J'ai peur de ce qu'il va dire autant que de ce qu'il pourrait faire. Pêle-mêle, j'ai le souvenir de sa main en sang après qu'il aie serré une lame comme celle-ci dans son poing, la peur qu'il fasse disparaître toutes mes lames d'un coup de baguette, la peur qu'il me méprise, la peur qu'il exige de moi quelque chose que je ne pourrais pas faire…
« J'ai beaucoup pensé à ce que me disait Alphonse, aussi.
-Alphonse dit beaucoup de conneries. » je lâche, tout en espérant qu'il ne fasse pas référence à ce à quoi il fait évidemment référence.
« Il n'avait pas entièrement tort, factuellement. Tu t'es moins coupée, à Noël, alors que pendant les deux mois où je me suis distancié de toi… Alphonse et Arthur m'ont tous les deux décrit certaines choses qu'ils ont vues, et je sais très bien qu'ils n'ont pas vu grand-chose. »
Ses mots me glacent. Il y a trop de choses qui ne vont pas. Deux, en fait, et la pensée qui gagne la course, c'est :
« Tu n'es pas responsable de ce que je fais à moi-même ! »
Le serpentard sourit tristement.
« Je sais. Mais je peux avoir une influence dessus, néanmoins, pas vrai ? »
Je me tortille un peu. Dans le mille pour le deuxième point :
« Oh, c'est sûr que quand tu m'as volé toutes mes lames et que tu m'as fait surveiller par un elfe, c'était plus compliqué pour moi. Mais me limiter ne fait que renforcer l'envie de me couper. Et tu n'as pas à faire ça. Je… Je ne sais pas comment dire ça, mais si tu entraves ma liberté je finirai par te haïr. »
La simple idée d'être à nouveau sous surveillance m'emplit d'une rage démesurée. Ewald ne semble pas surpris, néanmoins, et il hoche la tête :
« J'en suis bien conscient, et ce n'est pas mon rôle de toute façon. Noël était particulier, et je voulais surtout éviter ta mort. Pour ce qui est des coupures, la seule raison qui me pousserait à prendre ce genre de mesures à nouveau serait que tu me le demandes. Il faut que tu décides d'arrêter de ton plein gré pour que tu le fasses réellement. »
Je ne nie pas la vérité de ces mots, préférant me concentrer sur autre chose :
« Alors, pourquoi tu parlais de ton influence ? » je demande, avec un brin de méfiance.
L'expression qui traverse le visage est une que je ne vois pas souvent chez lui. Il est embarrassé.
« J'ai l'impression que tu te coupes davantage quand… Enfin… Mon comportement envers toi participe à... » il a un soupir de frustration, avant de reprendre de façon plus articulée : « Si tu t'es coupée davantage lorsque j'ai pris de la distance, si notre relation participe à ton équilibre, j'ai une influence là dessus. »
Je ne sais pas directement quoi répondre, mais rapidement je pointe l'évidence :
« Il est hors de question que notre relation soit une forme de chantage.
-Je suis d'accord avec ça, ne t'inquiète pas. Ce ne serait pas sain. Mais ce que l'épisode avec Alphonse, et avant ça le moment où j'ai pris mes distances, ont mis en évidence, c'est qu'en communicant un peu mieux, déjà, on éviterait pas mal de problèmes.
-Tu n'as pas à changer de comportement pour moi.
-Je ne le fais pas pour toi. Je le fais pour moi avant tout. Je doute que ces problèmes de communication n'existent que dans notre relation. »
Je ne sais pas vraiment quoi répondre à ça.
« Pour en revenir aux coupures… Je n'aime pas que tu fasses ça, Vivian. Ça me fait mal de voir ta douleur. Je sais que c'est égoïste, mais j'aimerais vraiment que tu arrêtes. Et au-delà de ça, c'est fondamentalement mauvais, de se blesser volontairement. Même si ça t'aide. »
J'ai un sourire figé. Je me sens coupable, à nouveau. Mon fonctionnement est stupide, je sais, mais à cet instant j'ai envie de me couper parce que je m'en veux de lui faire du mal. Et en même temps… Ça me fait du bien d'entendre ça, énoncé clairement. Qu'il n'a pas envie que je le fasse. C'est une chose que ça soit évident, c'en est une autre de l'entendre.
« Je suis désolée. » je dis, quand même. « Je… Je sais que je le fais moins quand je vais bien, par périodes, mais je ne suis pas prête à arrêter.
-Je sais. » soupire mon ami « Et tu n'as pas à t'excuser, on le sait tous les deux… Et je ne devrais sans doute pas te dire tout ça, parce que je te culpabilise.
-Ça me fait du bien de l'entendre. » j'admets. « Et c'est important que tu communiques, non ? » j'ajoute, avec un ton taquin.
Ewald secoue la tête d'un air amusé, avant que ses yeux ne reviennent se fixer sur la lame toujours dans sa main. Il a un air songeur, tout d'un coup, un peu plus crispé. Je n'aime pas ça.
« Qu'est-ce qu'il y a ? » je demande
« Je ne suis pas sûr que je devrais te le dire. » soupire Ewald.
Un simple regard à mon expression doit suffire à le convaincre que je ne vais pas lâcher l'affaire, néanmoins, car il soupire avant d'admettre, en détournant le regard.
« J'ai envisagé de me couper à chaque fois que tu le ferais. »
Il ne me regarde pas en disant ça. J'ai un coup au cœur.
« Tu ne peux pas faire ça ! » la panique est audible dans ma voix, je m'en fous. Rien qu'imaginer Ewald se couper, à cause de moi ! Ça me rend dingue.
« Je sais. Je ne le ferai pas. Ça m'a juste… traversé l'esprit. » tente de me rassurer Ewald. Après un dernier regard à la lame dans sa main, il la lance de l'autre côté de la pièce avec violence.
« Comme je le disais, c'est à toi d'arrêter, pour toi, et faire du chantage ne ferait du bien à personne. Je n'ai pas à me faire du mal. Ce serait aussi m'approprier quelque chose qui ne m'appartient pas, d'une certaine façon. Mais… Je ne sais pas comment t'aider, Vivian. Je me sens juste tellement impuissant. »
Le coup de poing que je mets dans son épaule n'était pas prémédité. Avant qu'il n'aie le temps de protester, je le serre dans mes bras, à nouveau, violemment. Pour une fois je ne me sens pas coupable de ne pas avoir demandé son autorisation. Je me sens surtout coupable que mon comportement lui inspire de telles idées.
« Tu m'aides énormément. » je lui chuchote « Tu me comprends, tu es là pour moi, même si je ne comprends pas que tu traînes encore avec moi. Tu es toujours là pour faire ce que tu peux, même si ça signifie être dans l'illégalité. Tu.. Tu es mon meilleur ami, Ewald. »
Je ne sais pas quoi dire de plus, je n'arrive pas vraiment à mettre en mots les tourbillons de pensées comme des tornades dans mon esprit. Le silence règne quelques instants entre nous, avant que le vert et argent soupire, remuant légèrement.
« Essaye juste de… te retenir quand c'est possible, d'accord ? Quand tu es avec moi, parles moi plutôt, ne te blesse pas… Et laisse moi, ou Arthur te soigner quand on peut. C'est tout ce que je peux te demander. »
Je n'aime pas vraiment ce qu'il me demande, mais je comprends. Je réponds, à contrecœur :
« Je ne peux rien te promettre. Mais… J'essaierai.
-Merci, Vivian. » soupire il, en serrant mon épaule.
Le contact me fait du bien, et je lui offre un sourire timide. Il me sourit en retour, avant de lancer un tempus. Il est minuit passé.
« Je pense qu'il faudrait qu'on essaye de dormir, il est vraiment tard.
-J'imagine. » je réponds, tentant de de faire bonne figure.
Je n'ai pas envie qu'il parte. J'ai peur de me retrouver seule. Et sa chaleur me faisait du bien. Parler me faisait du bien. Je sais qu'il a raison pourtant, je suis épuisée et l'alcool ne suffit pas à expliquer mon état. Il se relève, prenant le temps de s'épousseter rapidement avant de me tendre la main pour me remettre sur mes pieds. J'ai envie de pleurer.
« Tout va bien ? »
Je détourne les yeux.
« Tu veux bien… rester ici ce soir ? » je demande, timidement.
« Bien sûr. »
Il presse brièvement mon épaule avant d'enlever sa cape de sorcier, qu'il métamorphose en hamac. Il l'accroche à côté du mien, comme la nuit où j'ai essayé de me tuer. Rassurée, j'enlève mes chaussures pour m'allonger dans mon hamac, réussissant à conserver mon équilibre grâce à son aide. Il enlève ses chaussures à son tour, métamorphosant son uniforme en une tenue un peu plus confortable avant de s'allonger à côté de moi. Il éteint enfin la lumière d'un coup de baguette.
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Je n'ai pas besoin de lui demander de me tenir la main, car nos doigts se trouvent sans qu'un mot ne soit échangé.
« Ça va aller, Vivian ?
-Oui. Merci d'être là.
-Je ne voudrais pas être ailleurs. » m'assure mon ami, si bas que je ne suis pas sûre d'avoir bien entendu. « Bonne nuit, Vivian
-Bonne nuit, Ewald. »
Je suis tellement reconnaissante d'avoir pu parler comme ça, pour sa présence à mes côtés. Mon cœur est gonflé d'un trop plein d'affection, en cet instant. Je ne sais pas pourquoi il reste, comme ça, et je ne sais pas non plus si je pourrai lui rendre la pareille, un jour. Dans quelques mois, il aura quitté Poudlard. La pensée me fait pauser. Ce n'est pas la première fois que j'y pense, mais ce soir, ça me fait encore plus mal. Dans quelques moi, Arthur et lui continueront leur vie, loin d'ici. L'an prochain, ce sera au tour d'Alphonse, et je resterai en arrière. Je sais comment ça se passe. Je suis morte, une fois, et Quentin est adulte maintenant, il a un métier, une copine, et une vie. Les autres aussi. Maeva, Élias, Florian… Mélanie aussi, sans doute. Ma vie s'est arrêtée, comme figée dans le temps.
Une larme m'échappe. J'essaye de ne pas paniquer, mais j'ai du mal. Je commençais à peine à découvrir un équilibre, à apprécier… Certaines choses, à défaut d'être heureuse de vivre. Je réalise à cet instant où je vois ce que je vais perdre avec clarté que cette soirée m'a permis de voir. Que j'avais un chemin, peut-être, quelque chose. Peut-être que grandir aux côtés de mes amis m'aurait menée à une vie qui aurait pu me plaire. Mais mon corps à onze ans. Et le temps à leur côtés m'est compté.
« Vivian ? Qu'est-ce qu'il y a ? »
J'ai dû me crisper sans faire exprès. Je ne voulais pas le déranger. Mais son intervention suffit à ouvrir les vannes, à nouveau, et mes pleurs se font plus violents. Ewald se redresse, et lance un lumos très léger. Il serre ma main dans la sienne, mais ne semble pas savoir quoi faire d'autre alors que j'essaye de me calmer. J'ai mal. Je parviens pourtant à m'arrêter de pleurer. Je lui dois bien une explication. Avant ça, je lui demande si il veut bien me faire un câlin, et lorsqu'il accepte je le serre fort dans mes bras, sans pouvoir m'empêcher de penser que ce ne sera bientôt plus possible. Ensuite, je m'assois dans mon hamac, lui dans le sien. Ma main est à nouveau dans la sienne, et je puise dans ce contact la force dont j'ai besoin pour lui expliquer.
« J'ai repensé au fait que vous alliez quitter Poudlard dans quelques mois, Arthur et toi. Je… Je vais encore rester en arrière alors que vous allez vivre votre vie et… Et vous allez me manquer. »
La mine d'Ewald s'assombrit un peu. Son pouce caresse doucement le dos de ma main, comme pour m'apaiser.
« Tu fais partie de notre vie, Vivian. Même si nous quittons Poudlard, ça ne veut pas dire que nous ne nous verrons plus. »
Ça fait plaisir à entendre, même si ça ne me rassure pas vraiment.
« Depuis que j'ai retrouvé Quentin… On s'écrit, mais même si on a toujours de l'affection l'un pour l'autre… Je n'appartiens plus à son monde. Je suis… Je suis toujours une gamine paumée de dix sept ans, dans ma tête, alors que lui est adulte. Il a une vie. Tous les gens que j'ai connus s'en sont bâti une et moi… J'en suis toujours au même point. » Je renifle, avant de continuer « Même si nous restons en contact… Et je ne veux pas perdre le contact ! Ce ne sera plus pareil. Vous allez découvrir plein de choses, et mon monde vous semblera bien étriqué. Vous allez grandir, encore, et je resterai à la traîne. Et moi je me demanderai toujours : combien de temps avant que vous laissiez derrière vous le boulet que je suis pour vivre pleinement votre vie d'adulte ? »
Je sens qu'Ewald pèse sérieusement sa réponse avant de parler. Son doigt poursuit ses caresses sur le dos de ma main, et je me contiens pour ne pas pleurer de panique.
« Il est indéniable que notre sortie de Poudlard sera un grand changement, dans nos vies comme dans notre relation. Bien sûr, il faudra trouver un nouvel équilibre. Mais tu en feras partie, Vivian. Tu es… Tu es très importante pour moi. Et tu l'es aussi pour Arthur. Tu le sais. Et tu seras diplômée aussi, dans quelques années. En avance peut-être même, pourquoi pas ? Tu en as les capacités.
-C'est possible ?
-Tu peux demander à passer les examens de l'année supérieure en même temps que la tienne, je crois. Je pense que tes parents doivent être d'accord aussi, mais il me semble que oui. »
Je médite quelques instants sur l'idée. Je me renseignerai. Pour le reste… J'ai toujours peur, mais Ewald est quand même parvenu à me réconforter un peu. Je lui demande quand même :
« Tu es sûr que tu voudras rester en contact avec moi ?
-C'est si difficile à croire que ça ?
-C'est juste que… Je ne comprends pas pourquoi tu te soucies autant de moi. Est-ce que tu te sens responsable ? Obligé ? Je ne t'apporte rien alors que tu passes ton temps à m'aider. »
La caresse s'interrompt brusquement, et j'ai peur de la réaction d'Ewald. Son visage exprime une pointe de douleur, à la lueur de la baguette, avant de se muer en détermination. Il semble chercher ses mots brièvement, avant de se lancer :
« Vivian, Aurore. » l'usage de mon ancien prénom capture toute mon attention. « Il y a trois personnes qui ont impacté ma vie plus que toute autre. Il y a ma mère, et dans une moindre mesure ma grand-mère. Elle a été la personne la plus importante de mon enfance, et elle tient une place centrale dans ma vie. Il y a Arthur, qui m'a appris ce qu'était l'amitié. Il a été mon premier ami. Il est mon meilleur ami. Il m'a fait fait découvrir beaucoup de choses. » Il cherche mon regard pour s'assurer que je l'écoute, même si je sens confusément que c'est compliqué pour lui. Il a toute mon attention. « Et enfin, il y a toi. Tu m'as appris ce que c'était, de faire pleinement confiance à quelqu'un. Tu es la première personne à qui j'ai tout raconté sur mes parents. La seule avec qui j'ai un lien mental. On peut se comprendre d'une manière qui n'est possible avec personne d'autre. On a tous les deux souffert, c'est sans doute pour ça. On ne se connaît même pas depuis un an, mais tu as déjà bouleversé ma vie. Je te dois aussi le sourire de ma mère, d'une certaine façon. Alors non, je ne me soucie pas de toi parce que je me sens responsable. Je me soucie de toi, parce que tu es l'une des personnes qui compte le plus pour moi. »
Après sa déclaration, je n'ai rien à répondre. J'ai l'impression que mon cœur va exploser, empli à raz bord de reconnaissance et d'affection. J'ai l'impression de ne pas mériter tout ce qu'il m'a dit aussi, mais je suis incapable de le remettre en doute. À la place, on s'enlace à nouveau, longtemps. Je sens mes craintes s'apaiser enfin. Elles reviendront demain, sans doute, mais pour l'instant je suis en paix. Je suis heureuse d'être à ses côtés, et tellement reconnaissante…
« Je t'aime. »
Je n'ai pas d'autres mots pour exprimer tout ce qui tourbillonne en moi, et ces mots suffisent à tout résumer.
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Pour toi j'obscurcirai le ciel de cendres
Je laverai le monde de sang
J'asservirai le fond de toute âme
Je t'offrirai à toi seul le mot liberté
Pour toi je changerai le monde
Je ferai disparaître les fortunes
J'abolirai les frontières
Aplanirai les sentes
-Poème écrit par Aurore Berger en pensant à Quentin Lemage-
Un chapitre presque entièrement axé sur Ewald et Vivian du coup, et pour celleux qui l'ignorent (comment ça tout le monde le sait?) Ewald est mon petit préféré xD
Je suis assez content.e de leur relation dans ce chapitre, vous en pensez quoi?
Un cookie à qui devine ce qui va préoccuper Ewald dans les chapitres suivants...
Et à la prochaine pour le chapitre suivant, j'espère moins galérer à l'écrire celui là, mais je vais pas pouvoir me poser beaucoup en août!
