Hey ! :)
Voici la suite. Encore pas mal d'introspection et d'angst, mais j'imagine que vous êtes habitués haha :p. L'air de rien, l'histoire avance ici et se définit un peu plus... ;).
Edit du 01/07/18 : Merci à Ookami97 pour la correction !
Bonne lecture !
Kanda avait pu lire deux bons chapitres avant que Moyashi ne l'interpelle de nouveau.
« On peut se sentir ? »
Kanda n'aimait pas toujours pas le 'on', mais c'était surtout inconscient, comme les omégas aimaient échanger leurs odeurs avec leurs alphas. Sentir et être senti étaient deux choses importantes pour leur confort. En conséquence, sa mâchoire se crispa. Il décida de ne pas gueuler contre la formulation, mais il ne desserra pas les dents.
« Ouais. »
En vérité, le blandin sentait de plus en plus mauvais, mais Kanda n'avait pas réagi en attendant qu'il lui fasse une demande. L'embarras de leur dernière conversation ne se dissipait pas. Avoir enfin été obligé de s'expliquer pour le baiser ne lui plaisait pas. Néanmoins, s'il avait parlé, c'était car ça valait mieux de dire qu'il n'avait pas réussi à se contrôler que de dire qu'il avait vraiment eu envie d'embrasser Moyashi. S'abaisser en avouant sa perte de contrôle, ce qu'il détestait, était une humiliation, mais laisser le maudit croire qu'il avait envie lui-même de l'embrasser… Plutôt crever. Il n'était pas fâché contre Allen pour autant, mais il savait que l'oméga n'était pas con au point de réagir comme tout à l'heure, qu'il finirait par lui poser des requêtes si ça n'allait vraiment pas. Kanda s'en rendait bien compte, Allen n'était toujours pas détendu avec lui, il voulait toujours se retenir. Kanda n'était lui-même pas détendu et était quelque part content qu'il se retienne pour l'instant. Il ne pouvait pas l'en blâmer.
Cependant, le Japonais espérait qu'il ne lui referait plus de coup comme ça.
Allen lui coula un regard hésitant devant sa crispation.
« Pardon si ça t'embête. Tu préfères finir ton chapitre ? »
Kanda secoua la tête.
« M'en fous. »
Allen et Kanda étaient toujours côte à côte dans le même lit. Doucement, l'alpha attira l'oméga contre lui, posant la main derrière sa nuque, de manière à lui maintenir la tête dans son cou. Une autre main sur son flanc. Il avait pris l'habitude des gestes. Allen, même si rigide, sembla se détendre. Ses odeurs devinrent plus agréables, ce dont l'alpha fut satisfait, mais il restait crispé. L'Asiatique devinait que leurs rapports seraient tendus un moment, autant de son côté que de celui de Moyashi. Kanda avait beau avoir réfléchi tout à l'heure et mis les choses au clair avec lui-même, il n'avait pas communiqué avec Allen. L'oméga ne pouvait pas lire dans ses pensées. Kanda ne savait pas comment communiquer, il ignorait ce qu'il fallait dire. Après tout, il continuait à réagir avec indulgence, lui montrait qu'il était là, l'oméga aurait pu s'en contenter. Pourtant, ils auraient besoin d'en parler. Une dispute si violente, avec des mots si hauts, ne s'oubliait pas comme ça. Même pour eux qui passaient leur temps à communiquer de cette manière. Il leur faudrait s'expliquer à nouveau sur certaines choses. Ils auraient pu s'en foutre, que ce soit tendu. Une part de Kanda ne voulait pas voir ça comme un problème, car c'était tout le temps tendu entre eux, et ces derniers mois, ça avait été l'apogée de la tension. Sauf qu'Allen avait besoin d'un ami, pas de tension. Kanda se doutait qu'Allen parlerait avant lui, car il était comme ça… Ou peut-être pas, comme il faisait attention à ne pas le contrarier.
L'épéiste était d'accord pour faire des efforts, mais faudrait pas compter sur lui pour initier ce dialogue-là. Idiotement, lui comptait sur le blandin. Quoiqu'il en soit, ils verraient bien le moment où ça viendrait sur le tapis, Kanda voulait s'en foutre pour l'instant. Car, pour l'instant, Allen s'apaisait entre ses bras, tout allait bien, et Kanda devait avouer que ses odeurs le calmaient. C'était peut-être la seule note positive dans tout ça : échanger leurs odeurs était agréable. Ça le faisait chier de l'admettre, ça aussi, mais c'était vrai. Ça l'éloignait de la colère, des sentiments négatifs. Il en avait bien besoin.
Allen se colla un peu plus à lui, Kanda ne sourcillant pas en voyant qu'il prenait à peine plus ses aises, mais s'inquiéta en le sentant se raidir brusquement. Des odeurs arrivèrent. Allen redressait un regard perdu sur lui que Kanda avait déjà compris.
« Kanda, je crois que…
—Déjà, Moyashi ? »
Kanda était effaré, il y avait un peu moins de deux heures, Allen avait déjà été soulagé. C'était sa quatrième crise alors que ça ne faisait même pas un jour complet qu'il avait quitté son état de pré-chaleur. L'oméga baissa les yeux, embarrassé.
« Je ne peux pas contrôler…
—J'sais. »
Kanda s'en rendait bien compte, qu'il ne pouvait pas les réfréner. Il fallut un instant à Kanda pour réaliser qu'il s'était remis à trembler. Ce n'était pas bon, mais comment lui reprocher d'être mal à l'aise lors de ses crises, alors que deux fois, ça n'avait pas vraiment été dans les meilleures conditions… Kanda était aussi horriblement mal à l'aise. Lui qui ne ressentait jamais ce genre de choses ne savait pas comment réagir. Allen prit la parole :
« Je vais essayer de le faire, peut-être que j'y arriverai cette fois. »
Kanda hocha la tête, sans répondre. Il craignait que ça n'ait pas de résultat et s'en doutait, mais il comprenait qu'Allen avait besoin d'essayer un peu. Kanda espérait aussi que ça marche pour ne pas avoir à le faire. Il proposa machinalement :
« Tu veux que je me retourne, Moyashi ? »
L'alpha était prêt à bouger. Les odeurs du gamin qu'il sentait de près ne lui en donnaient nullement l'envie. Allen trembla encore contre lui.
« Est-ce que… Est-ce qu'on peut garder cette position ? »
Kanda comprenait qu'Allen voulait continuer à le sentir. Ça le détendait lui aussi, et il était trop mal à l'aise pour s'en priver. Il offrit un simple soupir en réponse. Allen leva des yeux larmoyant sur lui.
« Ça ne te dérange pas, Kanda ? Que je sois contre toi… »
Il ne baissait pas les yeux et avait réussi à refouler les larmes. Plus encore, sa voix s'était faite ferme. Il était déterminé à garder la face. Kanda ne voulait pas sonner trop embarrassé non plus.
« Pas plus que de te toucher moi-même. »
Allen acquiesça. Kanda le vit glisser sa main dans son pantalon de pyjama et détourna le regard, le laissant se caresser tout en le sentant. Allen remuait faiblement, respirait plus fort, mais il ne gémissait pas, pas comme quand lui le touchait, l'épéiste le constatait. Sans surprise, il sentit plusieurs fois que le regard du blandin dévorait son profil alors que lui restait stoïque. L'oméga sentait la confusion, la crainte, et la gêne de l'humiliation. Au bout de quelques minutes, une voix sourde s'éleva :
« Je… »
À nouveau, Kanda avait compris.
« Tu peux pas ? »
Sa voix atone eut l'air d'intimider le plus jeune. Allen enfonça son visage contre son torse après un regard, inspirant son odeur à plein nez, et se détacha rapidement.
« Pardon, Kanda… Je vais continuer. »
Kanda savait que c'était inutile. Aussi, il alla attraper le bras de l'oméga, parlant doucement :
« Laisse. Ça sert à rien. » Ces mots semblèrent heurter Allen, mais tant pis si l'entendre ne lui plaisait pas, Kanda jugeait qu'il fallait qu'il l'assume. « Tu vas encore te faire mal. »
Allen se laissa faire lorsque Kanda écarta son bras, et ne chercha pas à se libérer de son étreinte. Il prit une bruyante inspiration, et s'exprima posément :
« Je suis vraiment désolé de te mettre dans cette situation.
—Je sais. »
Il n'y avait rien que Kanda pouvait dire de plus. Allen avait l'air si paumé, sa façade était si fragile, si artificielle… Kanda le voyait, pour une énième fois, faux, mais d'une manière dont ils savaient tous deux ce qui était réellement. Allen cracha :
« Je hais le lien. »
La colère déformait ses traits. Cela manqua de tirer à Kanda un rictus, s'il n'avait pas eu envie de péter un câble en pensant à ce foutu lien.
« On est deux.
—Est-ce que tu me détestes, moi aussi, Kanda ? »
L'oméga ne baissait pas les yeux, mais sa voix chancelait. Kanda ne réagit pas, mais sentit l'air se bloquer curieusement entre son torse et sa gorge. De la tension interne. Ils y arrivaient sûrement, à cette confrontation qu'il redoutait. Allen allait forcément vouloir l'instaurer maintenant, même si ça n'aurait pas dû être le bon moment. Pas alors qu'ils étaient si confus, pas alors qu'il était en crise. Quand l'épéiste put se reprendre, son trouble ne se reflétait évidemment qu'au travers d'un visage fermé. Il était suffisamment maître de lui pour ça. Sa voix fut blasée :
« Je t'ai déjà dit non. »
Allen aurait pu se satisfaire de ça. Sans discourir, Kanda approcha sa main du pyjama du maudit. Celui-ci le retint, et l'épéiste eut encore l'impression d'avoir eu un geste trop brutal. Il s'apprêtait à demander au plus jeune s'il ne voulait pas être soulagé, mais la main de l'oméga se posa sur son poignet, n'osant pas se glisser dans la sienne. Le toucher était une demande de contact affectif et de tendresse. L'alpha le sut. Moyashi se trouvait encore en pente raide émotionnelle, et il savait aussi pourquoi. Il n'avait pas eu tort sur son intuition.
Kanda se tendit.
Allen avait une expression hésitante.
« C'était avant que tu sois obligé de faire tout ça, et je parle même pas des… caresses, Kanda… »
Le brun se contentait de le fixer, attendant qu'il termine, car il ne savait pas quoi répondre à ça, à part un autre 'j'ai déjà dit non'. En revanche, s'il chercha à ce qu'Allen lâche prise, ce fut pour poser sa main au-dessus de la sienne, appuyant son regard, montrant qu'il répondait à sa demande muette, voyant celui de l'oméga sursauter et se remplir de larmes à son geste. Allen ne pleurait pas pour autant. Il fixait leurs mains l'une au-dessus de l'autre.
« Je sais très bien que c'est horrible pour toi… Tu n'aimes pas le contact, tu n'aimes pas être avec des gens, tu ne m'aimes pas… Tu n'aimes pas que je me laisse aller, tu n'aimes pas que je m'excuse, et j'arrête pas de le faire. Je sais que tu vas me haïr. »
C'était ce que sa colère lui avait mis en tête et Kanda avait déjà réalisé que ça aurait pu être vrai. Il avait failli en vouloir à Moyashi pour tout ça, il avait failli le détester. Hier, c'était dans cet état d'esprit qu'il s'était levé, et c'était cet état d'esprit qu'il avait fait éclater. Pas étonnant que l'oméga en soit venu à cette conclusion. Seulement, il s'était passé ce qui s'était passé, Kanda avait compris ce qu'il avait compris, et il avait pris les décisions, les résolutions qu'il avait prises. Il savait que ce n'était pas de la faute du blandin. Tout ça, c'était le lien. Tout ça, c'était parce qu'Allen était censé être son foutu oméga, et qu'il était censé être son foutu alpha. Simplement. Et comme ils luttaient contre le lien, qu'ils voulaient rester eux-mêmes et ne pas succomber, le lien luttait aussi contre eux, créant cette situation tordue et glauque au possible. Kanda était dégoûté de tout ça en son for intérieur, mais ça n'avait rien à voir avec Moyashi.
Lequel répéta son nom avec inquiétude. Kanda ne savait pas quoi lui répondre. Il ne savait pas comment exprimer ce qu'il pensait, ni ce qu'il fallait exprimer pour rassurer l'autre. Il n'était pas sociable et n'était pas fait pour ça, merde. Quand Allen l'interpella encore, les yeux grands de peur de ce que signifiait son manque de réaction, il ne put s'empêcher d'être irrité.
« Moyashi, la ferme. Je suis ton alpha, c'est tout. »
Allen secoua vivement la tête. Il allait se péter les yeux à force les écarquiller comme ça, Kanda se faisait du moins cette réflexion.
« Tu as dit hier que tu en avais marre de tout ça ! »
Kanda fut celui qui agrandit légèrement son regard, surpris par son haussement brusque de ton. Il avait presque crié. Allen reprit.
« Et je comprends ça, Kanda. Je ne sais pas quoi faire pour contrôler mes réactions, je ne sais pas quoi faire pour que mes chaleurs arrêtent de me rendre faible, je… »
Une larme coula. Il alla directement l'essuyer, mais d'autres menaçaient de tomber. Kanda ne réfléchit pas, il suivit son instinct sur ce coup-là, et enferma le gosse dans une étreinte. Il le tenait fort contre lui, essayait de lui faire respirer ses odeurs, Allen appréciant le câlin d'infortune. Kanda n'avait jamais su communiquer, mais autant essayer d'être clair.
« Ouais, j'en ai eu marre et j'en ai toujours marre. »
Allen se tendit. Kanda ajouta sur un ton d'évidence :
« On en a tous les deux marre, Moyashi, j'sais ça. »
Le blandin gardait les yeux ronds, surpris de sa complaisance. Kanda s'en agaça. Il n'avait jamais aimé répéter les mêmes choses plusieurs fois non plus.
« On en a déjà parlé, j'étais énervé hier et j'ai agi comme un connard avec toi. Je te l'ai dit et répété plusieurs fois. Maintenant arrête de flipper pour tes réactions, et détends-toi, putain, sinon je vais t'encastrer. Tu le peux, je tiens pas à ce que tu sois si stressé pendant une semaine. Je sais que tu as besoin de confort émotionnel. Je l'ai capté. Je te l'ai dit hier soir, c'est fini les conneries. »
Allen leva faiblement la tête dans sa direction, visiblement rasséréné. Il semblait reconnaissant, sentait l'amertume, mais une odeur plus joyeuse. Kanda devinait que si ses paroles lui apportaient une sensation plaisante, c'est qu'il avait réussi à le rassurer. Un pic de stress vint néanmoins lui fouetter le nez.
« Kanda… Tu acceptes vraiment que je puisse faire ça avec toi ? Me laisser aller ?
—Oui, Moyashi. »
Kanda savait que c'était un 'oui' qu'il allait regretter, comme la promesse d'amitié, mais c'était pour une petite semaine. Une foutue semaine, et ils seraient tranquilles. Son 'oui' était ferme. Il ne voulait plus qu'Allen lui repose la question. Il voulait que ce soit clair et qu'ils n'aient plus à se prendre la tête pour ça maintenant. Il voulait que ce 'oui' soit compris comme une autorisation qui ne s'inverserait pas. Allen était son putain d'oméga en chaleurs qui avait besoin de lui, Kanda comprenait désormais ce que ça impliquait et acceptait cette responsabilité. Allen et lui se regardèrent un moment. L'oméga semblait analyser son 'oui', et Kanda devina, espéra du moins, qu'il en avait compris la portée quand il le vit fermer les yeux et que ce contentement amer revint le taquiner. C'était plus de la reconnaissance et de l'émotion face à sa gentillesse.
Allen osa lui sourire.
« Tu es vraiment une bonne personne, Kanda. »
Kanda grinça des dents, sentant sa propre humeur descendre en flèche. Il avait détesté quand Moyashi lui avait dit ça la veille, et il détestait ça à nouveau. Ça lui donnait la pulsion agressive et primale de le gifler. Parce que non. C'était faux. Mais ce n'était même pas Allen qui méritait une gifle, c'était plutôt lui. Il n'avait rien d'une bonne personne. Absolument rien. Kanda prit une inspiration, sans bruit, et essaya de dévier la conversation :
« J'te soulage, Moyashi ? »
Au moins, pendant qu'il le toucherait, Allen fermerait sa gueule. L'oméga acquiesça timidement. Son embarras était toujours présent, mais plus aussi humilié, la différence était nette. Il recommençait à se sentir en confiance. Au vu de la situation, il n'y avait rien d'étonnant à ce que Kanda considère cela comme une étrange victoire, mais dont il ne se sentait pas victorieux, n'ayant aucune raison de l'être si on enlevait ce lien. Allen hocha la tête.
« Vas-y.»
Sa voix tremblait, mais il était décidé. Kanda voyait qu'il reprenait contenance et qu'il essayait de se rendre maître de la situation. C'était mieux, et ça l'encourageait lui-même à être plus à l'aise, de ne pas le tripoter alors qu'il était dépassé. Kanda serra le corps de l'oméga contre lui, faisant descendre sa main entre leurs deux ventres. Ne mettant que peu de temps à saisir son pénis, il entreprit de le caresser lentement. Tout de suite, Allen se pétrifia contre lui et gémit en réaction. Kanda devait l'avouer, ça le tendait aussi, de deux façons différentes, chacune mauvaises. Moyashi ne pouvait pas retenir ses gémissements avec ses chaleurs, son excitation était trop grande pour ça. Malgré lui, Kanda se rappela l'image de ses fluides corporels le long de ses cuisses. Il ne put s'empêcher de ressentir une curiosité instinctive, de se demander s'il en était de même maintenant, et se réprimanda violemment intérieurement. Ce n'était pas qu'il avait voulu regarder en premier lieu, mais ça lui avait sauté aux yeux, toujours malgré lui, parce que merde, Moyashi mouillait tellement… Kanda frissonna intérieurement. Il se forçait à se sentir indifférent, mais il n'arrivait pas à l'être, plus encore, ça l'agitait.
D'agacement, et de désir.
L'alpha se faisait violence. Allen était après tout un oméga en chaleurs, son corps réagissait en conséquence, ça n'avait rien à voir avec lui – quand bien même, il s'en serait foutu – évidemment que ça l'excitait quand il le touchait. Un oméga n'avait plus aucun contrôle sur rien dans ces moments. Kanda fit de son mieux pour ignorer ces pensées, contrarié de son inhabituelle perversité. Il se serait bien passé de l'effet que tout ça lui faisait. Il ne comprenait même pas pourquoi il n'était pas indifférent, s'il n'y avait que le lien… Kanda s'en énerva encore. Le lien perturbait tout en lui. Ses pensées lui échappaient, ses propres désirs… Il gronda intérieurement.
Sa main active prit un rythme fluide, son autre main soutenant le corps du blandin contre lui, l'aidant à le sentir. Kanda voulait qu'il soit le plus calme possible afin que ses odeurs ne l'embrouillent pas trop. Cependant, au fur à mesure que sa main devenait prompte, que la respiration du blandin s'accélérait avec les tremblements de ses jambes, Kanda put sentir une odeur de trouble. Craignant d'avoir blessé Moyashi, il ralentit son rythme, essaya d'être plus doux, mais l'odeur ne changeait pas.
Kanda sut qu'il n'arriverait pas à lui demander ce qui se passait sans sembler l'agresser et le stresser davantage. Il ralentit, mais attendit qu'Allen lui dise quelque chose. Ses caresses s'espaçaient de plus en plus, il regardait le gamin et lui laissait le temps de le repousser ou de formuler une pensée. Allen ne fit qu'enfouir sa tête contre son torse, venant chercher sa main en remarquant son ralentissement. Il mima de guider sa main à prendre un rythme plus fluide, sans oser. Il était toujours d'accord, mais ça ne voulait pas dire que du côté de Kanda, le toucher alors qu'il était mal à l'aise pour une quelconque raison l'enchantait. Ils allaient devoir apprendre à communiquer ensemble, et c'était foutrement difficile.
Kanda n'allait pas devenir un as en sociabilité du jour au lendemain, et Allen, bien que faisant beaucoup plus d'effort que lui et lui rabâchant que communiquer était important jusqu'à aujourd'hui, avait toujours la manie de cacher ses véritables sentiments quand il s'agissait de choses importantes par fierté.
Le Japonais commençait à comprendre que l'oméga avait commencé par vouloir s'ouvrir spontanément à lui les premiers jours, à cause du lien. Comme l'influence que Kanda recevait le rendait plus ou moins réceptif, Allen avait continué. Quand Kanda s'était sorti de cette influence, ils avaient fait un pas en arrière… Ce ne serait pas facile de retourner naturellement à ça pour eux. Il hésita à s'arrêter en faisant fi de l'autorisation muette de l'Anglais quand il lui apparut clairement que l'odeur ne se calmerait pas. L'oméga ne semblait en tout cas pas dans de bonnes conditions pour jouir, alors ça ne marcherait pas. Même le lien et les phéromones sexuelles répandues dans la chambre ne semblaient pas étouffer ce mal-être chez Allen. Kanda finit par arrêter, sa main posée fermement sur la hanche à demi-nue de l'adolescent qui tourna un regard aussi perdu que honteux sur lui.
Kanda rugit, énervé de devoir lui demander de s'expliquer.
« Bon, Moyashi, pourquoi tu sens comme ça ? »
Allen baissa les yeux, et les releva brutalement sur lui. Ses mains allèrent instinctivement remonter son pantalon de pyjama sur ses hanches. Il bégaya un peu :
« C'est… la sensation… Je supporte pas. »
Kanda fronça les sourcils.
« J'te fais mal ? »
Ça lui aurait semblé un peu gros que Moyashi sente si mauvais pour ça, mais comme cacher ça aurait aussi été le genre d'Allen, s'il s'y prenait mal, autant le lui dire. Ce qu'il lut sur le visage de l'autre lui apprit qu'il y avait bien plus que ça.
« Non, c'est pas toi. » Sa voix était étranglée, mais il se forçait à le regarder, à lui sourire, ces sourires faux qui donnaient à Kanda l'envie de le décalquer. « Tu fais rien de mal. » Le sourire s'évanouit. « C'est mes chaleurs. Je… Je ne peux même pas me contrôler, même pas me soulager moi-même et mon corps, il… Il ne m'obéit plus… » Kanda n'était pas surpris que son malaise vienne de là, mais il restait impuissant, parce qu'ils n'y pouvaient rien. Allen continuait. « Je… ressens tant de trucs étranges, Kanda… Et tu le sais en plus… J'ai même l'impression que tu peux le comprendre mieux que moi, à cause du lien… Je suis tellement humilié… »
Kanda comprit. Il ne supportait pas de s'abandonner à lui, il ne supportait pas d'être touché et d'être soulagé. En se sentant idiot, il se rappela qu'il avait révélé à Allen qu'il sentait son envie d'être 'baisé'. Le brun se fit la réflexion que ce n'était pas très malin de lui avoir dit ça, même s'il n'était pas du genre à ménager les autres en parlant et qu'il n'allait pas commencer. En revanche, l'oméga n'assumait clairement pas ce désir, et Kanda ne pouvait pas le blâmer, car lui non plus n'assumait pas les siens. Si Allen lui avait sorti qu'il sentait son envie de lui, qu'il savait qu'il le voulait, Kanda aurait eu envie de l'écharper vif et se serait senti humilié comme jamais. Il était bien heureux que son statut d'alpha le préserve de partager ses émotions avec l'oméga contre son gré. C'était dans ces moments qu'il ressentait du respect pour Moyashi.
Kanda se rendait compte qu'il ne pouvait pas exiger qu'il assume quelque chose que lui-même n'était pas capable d'assumer. Seulement, et il réalisait avec rage que ça s'appliquait également à lui, si le Moyashi n'était pas capable d'assumer les désirs que lui donnaient ses chaleurs et se torturait pour ça, il n'avancerait jamais. Kanda ne savait plus quoi faire pour ne pas que ce fichu oméga lui pique une crise de nerfs entre les bras. Il serra les dents.
« Si te toucher te met dans cet état, j'arrête. »
Allen écarquilla les yeux face à son ton ferme. Il se mit à pleurer. Kanda fut dépassé, et grinça. Il fallait se douter que son parler sec allait empirer les choses. Il avait sonné plus désagréable que prévu, et l'oméga avait eu l'impression qu'il se fâchait.
« Non, s'il te plaît, non. »
Il alla chercher sa main, mais Kanda refusait de recommencer dans ces conditions.
« Alors calme-toi. Je vais t'aider, mais je ne veux pas faire ça si tu te calmes pas. »
Allen prit un moment pour ravaler ses larmes et respirer. Merde, c'était normal qu'il ne veuille pas toucher le blandin quand il sentait le malaise, c'était déjà assez malsain comme ça. Allen se reprit, soufflant pour s'y aider.
« Je comprends. Je vais me calmer. Désolé de te mettre mal à l'aise. »
Kanda eut encore un soupir, se retenant d'arguer qu'il ne l'était pas. Il n'aimait pas que le plus jeune lui trouve une émotion, lui qui détestait en montrer, mais nier aurait été un mensonge. Kanda attira encore l'oméga à lui, prêt à accepter tant qu'il ne pleurait plus. Il essaya d'être doux, sa main sur la nuque de l'oméga avait une emprise ferme mais pas brutale, et il lui laissa le temps de respirer ses odeurs. Au moins, pour le calmer, il commençait à savoir comment faire.
« C'est bon. » Sa voix était plate, mais pas sèche. Kanda parlait plus doucement. Il reprit néanmoins en fermeté quand il continua : « C'est chiant tout ça, mais chialer sert à rien. »
Il énonçait un fait, et Moyashi devait dépasser ça s'il voulait se reprendre. L'oméga se contenta d'aller chercher sa main libre et la tint un instant dans la sienne.
« Tu as raison. »
Kanda ne soustrayait pas au contact.
« Je continue ?
—Je t'ai pas demandé d'arrêter, Kanda. »
Allen lui fit un nouveau sourire. Kanda grommela.
« Tch. »
L'oméga souriait encore, mais son sourire disparut vite.
« Dis, est-ce que tu peux… » il hésitait, « me serrer plus fort contre toi ? » Devant l'expression dure de Kanda, il secoua la tête. « Excuse-moi. Je réagis vraiment comme un oméga stupide. »
Kanda soupira et s'exécuta. Il enlaça l'oméga sans sourciller. Lui faire un câlin ne le dérangeait pas avec ce qu'il devrait lui faire d'autre. C'était compréhensible qu'il veuille ressentir un peu de tendresse. Même Kanda pouvait comprendre ça. Aussi, en entendant le blandin s'excuser encore, il dut réprimer son envie de baiser son front et renforça encore son étreinte.
« Ta gueule avec tes excuses. Et décontracte-toi. Je te sens tendu. »
Allen déglutit bruyamment. Ses deux mains étaient collées contre le torse de Kanda, et son visage était proche de sa clavicule. Il avait la tête sous son menton, et Kanda savait dire que la position lui était confortable. Allen bégaya :
« C'est seulement que tu n'étais pas obligé de…
—La ferme. »
S'il avait accepté, c'était qu'il le voulait bien. Allen s'enquit :
« Mes phéromones t'influencent ? Si c'est le cas, je… »
Kanda en eut marre. Pas encore des excuses. N'avait-il pas déjà dit assez 'oui' comme ça ? C'était tout à l'honneur de l'oméga ne pas vouloir imposer ses désirs et de vérifier que son confort était également respecté, mais Kanda ne voulait pas qu'il ne le croie pas capable de lui résister. Ça piquetait sa fierté. Il pesta :
« J'ai dit la ferme ! J'ai accepté car je m'en fous, sinon crois-moi, j'aurai gueulé ! Putain ce que t'es lourd, foutu Moyashi ! »
Allen cria à son tour :
« Ne crie pas, je voulais juste être sûr, sale Bakanda ! »
Kanda plaça sa main dans le dos du blandin au lieu de sa nuque. Son autre main s'éloigna de celle d'Allen pour s'en aller entre leurs deux corps. Il lui jetait un regard de dédain, mais accompagné d'une pointe de tendresse qui l'énervait lui-même. Ce n'était peut-être pas la première fois qu'elle était là. Kanda s'entendit fulminer à l'encontre du gamin, mais entendit surtout l'accent plus doux de sa voix, heureusement imperceptible de nul autre que lui-même.
« Baka Moyashi. »
Allen déglutit quand il le prit en main, étouffant sa probable protestation. Kanda se mit en mouvement. Il le caressa doucement, avec cette tendresse toujours présente. Il commençait à comprendre qu'Allen préférait ça comme ça, en douceur. L'oméga faisait de son mieux pour retenir ses sons. Le brun voyait bien que c'était peine perdue, ils lui échappaient malgré lui, légers car il les calfeutrait derrière ses dents serrées et une main remontée devant sa bouche. L'autre s'agrippait maladroitement à son débardeur. Kanda ne pouvait pas nier qu'il aimait entendre sa voix. C'était comme une musique à ses oreilles. Allen sonnait irrésistiblement mignon, et ça le faisait autant chier qu'il pouvait apprécier. Il était excité par ses phéromones et par ses propres actions. Il se rendait compte que d'une manière étrange, il aimait donner du plaisir à l'oméga. C'était le lien, ça, y avait pas à tortiller. Mais il y avait aussi vraiment quelque chose en lui qui faisait qu'il aimait lui faire du bien. C'était si bizarre.
Kanda était étonné de se découvrir un côté presque altruiste, lui-même ne se savait pas si doux, mais après tout, il n'avait jamais fait ça avant, il était tout aussi inexpérimenté que le symbiotique, et il restait dans son état d'esprit de ne pas faire ça comme un malpropre. Il découvrait forcément une nouvelle facette de lui-même. Kanda se doutait que s'il avait eu un véritable partenaire sexuel, il ne l'aurait pas traité avec brutalité, de toute façon. Contrairement aux apparences, ce n'était pas son genre. Il avait beau avoir un comportement agressif et être toujours prêt à se foutre sur la gueule avec quelqu'un, il était bel et bien capable d'autre chose quand il le voulait. S'il avait réellement voulu coucher avec quelqu'un, ça aurait été une personne qu'il aimait ou qu'il respectait assez fort en plus d'un éventuel désir pour en avoir envie. Kanda ne brutaliserait pas un être aimé ou respecté dans un tel moment.
Tout ce qu'il ressentait en plus de son trouble le mettait au tapis. C'était comme si un sixième sens endormi ouvrait les yeux grâce à Moyashi. Il se trouvait tellement con, putain, qu'il avait envie de se claquer. Stupidement, il était excité. Il ne pouvait pas s'empêcher de vouloir l'oméga, de se dire qu'il était son alpha, qu'Allen pouvait lui appartenir, et qu'il devait le faire sien de la manière la plus totale. Le lien et les phéromones l'empêchaient de réfléchir et de se soustraire aux pensées. C'était ce que son instinct lui criait, et Kanda se récriait contre lui. En même temps, la peur le gagnait, et elle donnait du poids à son instinct d'alpha. Le kendoka n'arrêtait pas de se le demander : comment garderait-il le contrôle encore sept jours ? Même pour lui, un symbole en matière de self-control, c'était une épreuve face à laquelle il craignait un cuisant échec. Kanda détestait ça autant que ne pas pouvoir se maîtriser, l'échec.
Excédé, Kanda sentit sa mâchoire se crisper et ses mouvements accélèrent. L'oméga ne parut pas s'en plaindre, il gémit en réponse, mais l'alpha se morigéna. S'il devenait brutal avec Allen en s'énervant, ça n'allait pas le faire. Ce n'était pas le moment de se mettre en colère.
Afin de se calmer, il se laissa envahir par les effluves d'Allen, goûtant son bien-être, s'en sentant bien vite contaminé. L'oméga se sentait bien, et lui, l'alpha, se sentit bien aussi. Les sensations voyageaient de l'un à l'autre d'une manière si étrange que Kanda devait faire un effort pour ne pas en être agacé. C'était une merde pas croyable, ce que le lien leur faisait. Surnaturel, irréaliste, irréel… Pourtant, c'était réel. Ils ne pouvaient pas s'y arracher. Une part de Kanda n'en avait même pas envie. Il avait juste envie de faire jouir Allen, de sentir ses phéromones, de le sentir trembler contre lui, haleter, et d'avoir la satisfaction de savoir qu'il avait pris du plaisir grâce à lui. Rien que ça.
Et ça n'aurait pas dû être comme ça. Ça n'aurait pas dû lui faire ça. Qu'Allen ait du plaisir était, encore une fois, le but recherché comme il fallait ça pour le soulager, mais de là à aimer ça, à trouver du plaisir en le faisant… Kanda n'aimait pas que le lien l'influence comme ça.
Sa main libre était remontée à la nuque de l'oméga, elle s'était figée dans les cheveux blancs, sans caresser, juste une emprise qui le rapprochait de lui alors que son autre main était en mouvement. Le liquide pré-éjaculatoire lui dégoulinait déjà sur les doigts, et il se doutait que l'oméga n'allait pas tarder à jouir dans sa main. Ses gémissements étaient plus forts, ses tremblements augmentaient. L'oméga recommença néanmoins à se tendre, Kanda grognant intérieurement. D'une manière égoïste, ça lui déplaisait qu'il interrompe son propre bien-être par ses odeurs de stress. Une part de lui s'enrageait. Même en prenant son pied, ce foutu débile était obligé de s'inquiéter pour dieu savait quelle raison. L'autre comprenait que c'était la peur de l'abandon, du point de non-retour, avec lui, qui le bloquait.
« Détends-toi, Moyashi. »
Il sonnait neutre, plat, mais Kanda avait le souffle plus court que d'habitude. Bordel, comment lui en vouloir de ne pas apprécier la situation ? Même avec la meilleure des volontés, Kanda n'était pas… ça ! Il n'était pas une bonne personne, contrairement à ce dont semblait se convaincre Moyashi. Il n'était pas là pour les autres, pas un ami, juste un mec qui courrait après ses chimères avec l'espoir incongru de les retrouver, alors qu'une part de lui savait très bien qu'il avait sa part d'imbécilité par ces actes, qu'il s'accrochait peut-être à un impossible, mais un impossible auquel son cœur s'acharnait à croire. Kanda était aussi pitoyable que tous les autres, dirigé par des pulsions et des émotions futiles. L'être humain était pitoyable. Kanda se sentait humain malgré lui, malgré sa condition de monstre. Il aurait aimé ne pas l'être. Il aurait tant aimé ne pas être lié.
Pourquoi Moyashi ? Pourquoi ça se passait comme ça ? Pourquoi Moyashi ne restait pas fort ? Pourquoi Moyashi ne supportait pas ses chaleurs et pourquoi c'était lui qui trinquait ? Pourquoi ?
Ces pensées, ces doutes, traversaient son cerveau à la pelle, et Kanda devina encore une fois pourquoi il se retrouvait à broyer du noir. Les interrogations de l'oméga se répercutaient sur lui. Dans l'agitation du moment, Kanda mélangeait leurs émotions. Bon sang…
Allen respira plus fort, sa main se serrant contre le tissu de son haut, et l'autre se crispant devant sa bouche. C'était plus long que d'habitude. Mais, il fallait le reconnaître, au milieu des odeurs de perturbations et de plaisir, des gémissements lascifs et de son propre souffle coupé, Kanda le ressentait comme quelque chose d'intense. Il devait en être pareil pour le maudit. Peut-être que c'était dû à toutes leurs confrontations, leurs communication émotionnelles. Pas que ça devenait soudainement sentimental, oh non, mais ils étaient épuisés émotionnellement, les senteurs de plaisir prenaient en intensité, les happaient. C'était également ce qui était effrayant. Maintenant qu'ils savaient un peu mieux où ils en étaient, où étaient les limites dans ce merdier et que Kanda avait fait comprendre à Allen qu'il avait le droit de se laisser aller, l'oméga essayait, même en ayant du mal et en voulant se contrôler. Kanda cherchait naturellement à lui faire ressentir qu'il était là.
L'atmosphère était à la solidarité. Ils apprenaient à se soutenir. En plus du lien qui stimulait le moindre sentiment positif en l'amplifiant, c'était ça qui créait l'intensité.
De son côté, Allen gémit encore. Kanda lui dit de se détendre à nouveau. Alors, dans un long sursaut, Moyashi se répandit dans sa main, et Kanda émergea deux secondes des phéromones pour se prendre la pelletée post-orgasmique à laquelle il ne s'habituerait jamais. Cela dit, quand ça ne l'excitait pas encore plus, ça le relaxait, alors ce n'était peut-être pas si désagréable. Plus encore, cette fois, Kanda ne l'avait pas embrassé. Et il en était heureux. Il n'avait même pas pensé à le faire, trop occupé à apaiser sa colère. Enfin, ça ne voulait pas dire que les sentiments affectueux ne s'érigeaient pas en lui. Kanda avait eu raison là-dessus quand il réfléchissait à ce que le contact du blandin lui ferait s'il acceptait de s'occuper de lui : un sentiment paternaliste était là.
Allen se recula finalement, reprenant son souffle, alors que Kanda quittait son sous-vêtement. Il lui lança un regard confus mais reconnaissant, avec des joues bien rouges. Les odeurs le submergèrent encore. Kanda serra les dents. C'était maintenant que l'envie était là. Il dut faire un effort surhumain pour s'en détourner.
« Lève-toi, » dit-il, s'adressant à Allen, « je vais t'emmener te nettoyer. »
L'Anglais acquiesça. Kanda lui coula un regard. Soudainement, il ne sentait plus d'odeurs émotives particulières, et ça le déstabilisait.
« Ça va mieux, Moyashi ? »
Allen leva les yeux sur lui, surpris de l'entendre être concerné. Kanda durcit sa mâchoire. Après tout, ils avaient opté pour être 'amis', et c'était comme ça, que ça faisait, les amis, non ? Pas qu'il voulait sonner trop intéressé, mais au moins le minimum. Kanda n'était pas bon à ça, mais il se rappelait des conneries qu'Alma lui rabâchait à longueur de temps. L'oméga en face de lui rougissait.
« Oui, ne t'inquiète pas. C'est juste… gênant. »
Kanda ne répondit pas. Bien sûr que ça l'était. Si ça ne se voyait pas dans son cas, Kanda était gêné, lui aussi. Sans qu'ils n'échangent plus de mot, il aida Allen, et une fois cela fait, il décida qu'il était temps qu'ils se prennent à manger. Il avait lui-même plutôt faim, pour la première fois depuis la veille. Avec son estomac noué, c'était cependant une faim qu'il avait du mal à vouloir contenter, mais il le fallait bien. L'estomac de Moyashi avait chanté lorsqu'il avait annoncé qu'il sortait, son propriétaire s'étant gratté le crâne d'un air embarrassé.
Kanda avait espéré ne croiser personne. Si Lavi et Lenalee lui demandaient des nouvelles d'Allen, ou insistaient pour savoir comment ça se passait entre eux… Kanda ne saurait franchement pas quoi leur répondre et n'en avait aucune envie. Heureusement, ça n'avait pas été le cas. Traîner un énième chariot de victuailles lui déplaisait, mais lui et le gamin avaient pu manger tranquillement, sans qu'aucun des deux n'essaie de faire la conversation. Ils étaient trop hésitants sur la manière d'interagir ensemble avec ce que le lien leur faisait pour ça. Encore que Kanda n'aurait rien initié, mais l'oméga l'aurait fait habituellement. Néanmoins, le prouvait leur confrontation de tout à l'heure, ils agissaient conformément à eux-mêmes, plus ou moins.
Ils parvenaient à ne pas se laisser dépasser, c'était le plus important. Ils venaient à peine d'être confrontés au nouvel aspect des chaleurs d'Allen, et c'était comme si six mois s'étaient écoulés depuis la veille tant le temps leur paraissait paradoxalement long, mais ils s'en sortaient plutôt pas mal pour le moment. Kanda était satisfait de ça, même si le reste ne le satisfaisait bien entendu pas. Il aurait tellement aimé pouvoir se passer de tout ça.
Tandis qu'il mangeait silencieusement, Allen se contentant de se battre avec Timcanpy pour ne pas qu'il lui pique sa bouffe, ce demi-calme factice était vivement apprécié par Kanda.
Une semaine. Il n'y en avait plus que pour une semaine. Est-ce que ça ne pourrait pas tout le temps être comme à l'instant présent ? Calme ? Kanda savait bien que non. Il réalisa qu'il avait besoin d'un peu de tranquillité, pour s'empêcher de penser et ne pas s'irriter.
« Je vais partir m'entraîner, » annonça-t-il alors que le maudit croquait dans un hamburger. Devant son visage assombri, il ajouta : « Pas longtemps, mais il me faut du temps seul. »
Là-dessus, il était clair sur ses intentions, et l'oméga ne pourrait pas lui reprocher de vouloir se défouler. Allen l'interrogea :
« Tu pars combien de temps ?
—Une heure, comme d'hab.
—D'accord. »
Le silence retomba. Kanda commença à se préparer pour partir, cherchant un vêtement avec son odeur à donner au blandin et attendant qu'il ait terminé son repas pour rapporter le chariot dans la foulée, quand une sensation de malaise le saisit. Des odeurs lui montèrent au nez. Kanda se concentra sur le maudit, le voyant picorer son assiette qu'il dévorait joyeusement précédemment. Allen évitait de le regarder et se taisait. Kanda devinait qu'il n'oserait pas parler. Soupirant, il se résigna à demander :
« Tu sens mauvais, Moyashi. Y a un problème ? »
Devant l'absence de réponse et la mine renfrognée du plus jeune, le Japonais commença à s'énerver.
« J'aime pas qu'on me réponde pas quand je pose une question. »
Allen leva les yeux sur lui. Kanda ne savait pas ce qui se passait, mais ça le faisait chier. Et c'était lui qui cassait les couilles pour de la communication, avant ?
« Moyashi, réponds. »
Allen soupira.
« Si je réponds pas, c'est parce que ça va t'énerver. »
Kanda marqua un temps d'arrêt.
« Peut-être bien. Mais je veux savoir pourquoi tu sens mauvais comme ça avant de partir.
—Ce n'est rien, pars. Tu ne peux pas ne pas y faire attention ?
—Tu voulais qu'on se parle quand y avait un problème. Ce que tu fais, ça sert à rien et c'est juste stupide. »
L'oméga secoua la tête, déconfit.
« Je veux juste que tu crois pas que j'essaie d'influencer tes réactions. »
Kanda contracta sa mâchoire.
« Tu vas juste influencer mes nerfs si tu craches pas le morceau. »
Moyashi déglutit.
« Bon… T'as insisté, je te le rappelle. Je… Je sais que ce n'est pas ton problème, mais je ressens pas l'envie d'être seul aujourd'hui. Si tu veux quand même y aller, vas-y. C'est juste mes nerfs, je peux supporter une heure. Je suis désolé de pas pouvoir contrôler mes émotions. »
Kanda s'était tut, conservant une expression indéchiffrable. Il aurait dû s'en douter. Sa culpabilité ressurgit. Pour une heure, s'absenter ne lui paraissait pas dramatique, mais avec les crises du gamin… Kanda hésitait franchement. Peut-être valait-il mieux qu'il veille sur lui. Il savait que l'oméga ne disait pas ça exprès, comprenait mieux pourquoi il avait opté pour le fait de la fermer pour ce coup-là, mais c'était sous-estimer son habilité d'alpha à sentir ses émotions. Si cette connerie n'avait pas été là, Kanda aurait peut-être remarqué qu'il se jetait moins sur sa bouffe, il l'aurait plus facilement ignoré, n'ayant pas les foutues odeurs dans le nez. Quoiqu'il en soit, Kanda savait bien qu'il avait à se racheter. L'hésitation l'énervait. Il le faisait de bien des manières, mais veiller sur lui en faisait partie également. En contrepartie, il se promit de partir plus longtemps le lendemain.
Kanda croisa les bras.
« Très bien. Je reste. Mais demain je pars deux heures, que tu sentes mauvais ou pas. »
Sans que ses odeurs ne changent, le blandin le regardait avec reconnaissance mêlée de culpabilité.
« Non, Kanda, je t'ai dit, je n'ai rien voulu influencer, tu n'as pas à…
—Ta gueule. »
L'alpha leva les yeux au ciel, puis durcit son regard. Il acceptait de son plein gré. Indécis, Allen choisit de rouspéter à son tour :
« Kanda, sois plus agréable ! Quand tu fais ça je sais pas si t'es fâché ou si tu veux juste pas que je m'excuse. »
Le susnommé réprima un rictus d'irritation.
« Je suis pas agréable et j'aime pas les excuses.
—Alors merci. Je ne te dérangerai pas, c'est promis. Mais si tu changes d'avis, tu peux y aller, vraiment. »
Allen lui faisait un sourire timide. Kanda n'y répondit pas mais se recoucha à ses côtés, montrant que sa décision était prise.
Ils attrapèrent de quoi lire, sans parler, juste en étant côte à côte. Comme le maudit faisait en sorte de ne pas le déranger, ayant compris qu'il ne le voulait pas, Kanda se disait que ça allait le faire pendant un moment. Il était déçu, mais il savait qu'il avait pris une bonne décision, une décision altruiste et non-égoïste. Il se déchaînerait encore plus lors de son prochain entraînement, voilà tout. Même s'ils restaient ensemble physiquement, avoir cette solitude mentale, s'occuper individuellement en n'étant pas constamment l'un sur l'autre était crucial. Avec l'influence du lien, autant sur leur pensées que sur leurs actes physiques, ces rapports que les chaleurs leurs faisaient avoir, il fallait qu'ils s'en délivrent. Ce n'était pas peut-être si dramatique en soi, ils pouvaient voir le problème sous cet angle. Ils étaient liés, plein d'alphas et d'omégas liés passaient par là. Sauf qu'ils le désiraient, ou choisissaient de le désirer. Dans leurs cas, où ils peinaient déjà à avoir des rapports de cordialité… Ça avait tout de déstabilisant. Ils savaient, l'un comme l'autre, qu'ils devraient trouver le moyen de se battre contre ça. Seulement, il leur faudrait du temps. C'était très long, car ils n'auraient pas pu s'ennuyer davantage enfermés ensemble, mais les problèmes arrivaient si vite qu'ils avaient du mal à se raccrocher à quoique ce soit. C'était donc aussi trop rapide. Trouver une emprise n'était pas aisé.
Pour Allen en particulier. Il avait peur de ses propres envies, était ulcéré de ne plus contrôler son corps, et craignait de ne plus jamais en être capable. Kanda, qui subissait petit à petit la même chose, préférerait être écorché vif plutôt que céder au lien.
L'ambiance était calme en apparence, mais elle cachait seulement l'hécatombe en chacun d'eux. Cette communication, cette entente à laquelle ils agréaient était si vitale car c'était la dernière chose qui faisait d'eux des humains, et non des bêtes soumises à leurs instincts les plus bas. S'entraider, se comprendre, c'était tout ce qui leur restait là-dedans s'ils voulaient que les choses aillent au mieux. Pour ça, il fallait que chacun y mette du sien.
Quand Allen recommença à sentir mauvais, Kanda ne s'inquiéta pas. Il y avait des raisons, ça allait peut-être passer. Mais quand le trouble s'installa, tenace, l'épéiste se sentit inévitablement contrarié. Il ne voulait pas l'agresser sur ses odeurs, comme il le faisait maladroitement au début, mais il voulait qu'Allen se calme. Il pouvait se mettre à stresser de tout son soûl, ça n'arrangerait rien, ça ne changerait rien. Kanda savait qu'il stressait, lui aussi, cela dit. Il parcourut les mots de la page qu'il lisait sans y prêter réellement attention pendant une bonne dizaine de minutes. Les secondes écoulées étaient une lourde poignée quand il se décida à parler.
« J'aime vraiment pas tes odeurs, Moyashi. Qu'est-ce que t'as ? »
Allen soupira.
« Ça m'énerve que tu puisses le sentir. »
Kanda n'aurait pas pu être plus d'accord. L'Anglais passa une main nerveuse dans ses cheveux.
« Je suis désolé. J'aime mieux pas en parler. Ça n'a rien à voir avec toi, ne t'en fais pas. C'est juste moi. »
Le brun soupira. Qu'importe la raison pour laquelle Moyashi se foutait à déprimer, il n'avait pas envie de l'écouter se plaindre ou d'écouter ses angoisses. Pas qu'il ne pouvait pas compatir, mais à part lui balancer une réplique dure, même sans vouloir être désagréable, il ne pouvait rien faire d'autre. Car tout le monde souffrait. Tout le monde avait des emmerdes. Kanda pensait que se laisser aller marchait bien cinq minutes, mais fallait se reprendre. Il n'était pas assez gentil pour être celui à qui il fallait s'adresser en quête de réconfort. Cependant… Allen sentait meilleur quand il s'exprimait. Ça lui faisait du bien, de parler. Kanda comprenait qu'il était le genre à en avoir besoin. S'il disait ce qu'il pensait, lui s'arrangerait bien pour ne pas être trop désagréable en répondant.
Il soupira.
« Ça me plaît pas, mais j'ai dit que j'étais d'accord qu'on soit copains. Tu peux parler si tu veux, mais t'attends pas à ce que je sorte les violons. »
Allen esquissa un sourire. C'était clair dans l'intention. Il parut considérer l'offre, ses mains se serrant sur la page de son livre.
« J'apprécie ta sollicitude. Mais je suis sérieux, Kanda, c'est pas un truc dont j'ai envie de parler. Mes pensées ont juste déviées, ça va passer. »
Le brun resta neutre. Il n'allait pas forcer le plus jeune à lui parler s'il ne le voulait pas, tout ce que lui voulait était qu'il pue moins.
« Si tu veux pas en parler pense pas à des conneries et arrête de chlinguer. »
Il ne disait pas ça méchamment, et le maudit s'en rendit compte, puisqu'il leva les yeux au plafond en soupirant à son tour.
« T'es vraiment chiant, Bakanda. Je fais pas exprès. Autant pour ça que pour les odeurs. »
Kanda fit mine de se replonger dans son livre.
« J'sais. Mais j'te ferai dire que c'est toi qu'es chiant, foutu Moyashi.
—C'est Allen ! »
Kanda l'ignora et il en fut ainsi un moment. Les odeurs du maudit ne se calmaient pas. Ayant eu le temps de terminer un chapitre, Kanda se tourna à nouveau vers lui.
« Mais pourquoi tu t'obstines à penser à des trucs qui te dépriment si tu veux pas te mettre à table ? C'est vraiment con. »
Son irritation était parfaitement audible. Allen baissa la tête, ayant un rire amer.
« Je sais, mais c'est curieux, en fait. J'ai pas envie de penser aujourd'hui, et j'arrive pas à m'en empêcher. »
Kanda ne le comprenait que trop bien. Lui aussi n'avait pas envie de se prendre la tête et ne pouvait pas faire autrement.
« Ouais, j'vois. »
Le blandin leva les yeux vers lui.
« Je peux te sentir ?
—Encore une crise ?
—Non, il me faut juste un peu de contact. Si ça ne te gêne pas. »
Le Japonais comprenait que ça le réconforterait, si le dialogue n'aidait pas. Il acquiesça.
« Ramène-toi. »
Ils se mirent vite en position pour échanger leurs odeurs, et l'alpha fut satisfait de voir qu'Allen ne s'excitait pas. Il n'aurait pas aimé qu'il parte en crise maintenant. Pas qu'il aurait aimé ça à un autre moment, mais il ne se sentait pas de le gérer. Les odeurs, le contact physique… Il trouvait autant d'apaisement là-dedans qu'Allen alors il ne crachait pas dessus. Kanda n'avait envie de rien faire à part sentir l'oméga, et il se doutait qu'il en était de même pour ce dernier. S'ils avaient pu passer la journée comme ça… Kanda ne savait pas combien de temps ils restèrent ainsi, mais ça dura longtemps avant qu'Allen ne se décide à l'interpeller.
« Hé, Kanda, tu veux bien qu'on fasse un jeu ? »
Sa voix ne souriait pas mais il écartait finement les lèvres en levant les yeux vers lui. Kanda avouait que la dernière fois qu'ils avaient joué, ça n'avait pas été trop mal, mais en pensant à leur dispute et tout ce qui en avait suivi, il était refroidi.
« Pas d'humeur. »
L'oméga s'enquit.
« C'est ma faute ? »
Il s'inquiétait que ses odeurs l'aient encore influencé. Kanda nia.
« Non. J'ai autant de raisons que toi d'être contrarié et de pas vouloir jouer.
—Je comprends, » Allen adoptait un ton de voix complaisant, « mais pour s'occuper après, ça pourrait être bien ? J'en ai marre de la lecture. »
Kanda réfléchit une minute, toujours plongé dans son étreinte avec l'oméga.
« Peut-être plus tard, quand j'serai d'humeur. »
Allen souriait et se blottit contre lui. Il eut un éclat désolé dans l'œil en se reculant, attendant sa réaction, mais le Japonais le fit se rapprocher, montrant qu'il acceptait sa proximité.
Si Kanda avait et aurait toujours trop d'orgueil pour inspirer consciencieusement son odeur ou pour être celui qui se collait et semblait en recherche de contact – actions qu'il avait faites lorsqu'il était à moitié endormi et influencé par le lien, il s'en souvenait avec toujours autant de colère – il acceptait les effusions de l'oméga. Allen avait saisi l'autorisation. Ses phéromones sentaient bons. Kanda fut, quant à lui, bien. Serein. Ils grillèrent bien une heure comme ça, dans les bras l'un de l'autre, leurs odeurs voyageant et s'échangeant paisiblement. Sans qu'ils ne cherchent à parler, ni à faire quoique ce soit. C'était définitivement agréable.
Kanda finit par demander :
« Quel jeu débile t'aimerais qu'on fasse, cette fois ? »
Allen s'éloigna de lui en fronçant les sourcils.
« Ils sont pas débiles, mes jeux, Bakanda ! »
Kanda profita de l'éloignement pour se remettre droit et pour croiser les bras. Allen lui souriait… mais d'une manière un peu plus inquiétante. Kanda avait déjà vu ce sourire.
« Les cartes. J'ai envie de t'apprendre. C'est une honte que tu ne saches pas jouer. »
L'épéiste soupira intérieurement, peu enthousiaste.
« C'est long, d'apprendre à jouer ?
—Oh, non… Enfin, si tu n'es pas trop idiot. Et, toujours si tu n'es pas trop idiot, tu seras peut-être capable de jouer contre moi. »
Le blandin lui tira la langue quand il pesta un 'tch' irrité, suivi d'un 'te la raconte pas trop'. Kanda reprit, ayant un rictus carnassier, enhardi par le défi.
« On va voir qui est l'idiot ici, Moyashi, quand je deviendrai meilleur que toi.
—C'est Allen, et tu peux rêver ! Mais rassure-toi, je me sens d'humeur à être gentil, je te laisserai gagner la première partie. »
Kanda voyait qu'il se remettait à vouloir le charrier et il appréciait qu'Allen se comporte comme avant, c'était rassurant qu'il en soit toujours capable. C'était une façade, mais c'était mieux.
Le brun avait déjà remarqué que lorsqu'Allen jouait aux cartes, il devenait ce que n'importe qui à part lui aurait jugé flippant et qu'il prenait un malin plaisir à plumer les autres. Or, bien que novice dans le domaine, Kanda ne comptait pas se laisser faire et relevait le challenge. L'enthousiasme s'était un peu calmé quand en se levant pour attraper un jeu de cartes dans un des tiroirs du bureau, Allen avait manqué de finir par terre. Il s'était réceptionné lui-même et avait réussi à prendre le jeu, puis à revenir se coucher en procédant doucement et en s'aidant du mobilier, bien qu'ayant les traits crispés. Kanda n'était pas intervenu, comprenant que la fierté de l'autre faisait qu'il préférait encore galérer plutôt qu'il fasse les choses à sa place.
Ils s'étaient taquinés et s'étaient lancé des piques après les explications d'Allen, lorsqu'ils avaient vraiment commencé à jouer. Ça avait duré un moment. Bien entendu, le maudit gagnait. Kanda était étonné par la chance aux jeux qu'il se payait. Ou ses capacités de tricheur invétéré, y avait quelque chose. Au choix, donc. Ils ne s'étaient pas lâchés, continuant de se taquiner et Kanda accusant volontiers Allen de tricherie, ce dernier se rebellant. Il n'avait pas fallu longtemps à Kanda pour percuter qu'ils venaient d'avoir une conversation, et échange social qu'on pouvait qualifier d'amical. Si s'envoyer des vents comptait dans la balance. Il avait promis qu'il le serait, après tout. C'était toujours mieux que rien. Kanda avouait que ça ne le gênait pas tant que ça, tant que c'était jusqu'à la fin des chaleurs du gamin. Ça n'irait pas plus loin, il ne s'attacherait pas.
Ils terminaient de jouer, Allen ayant le ventre qui gargouillait furieusement, signe qu'il avait faim. Kanda avait proposé de ramener quelque chose. Allen lui sourit, en rigolant.
« Heureusement qu'on a pas joué de l'argent, tu es nul. Enfin, heureusement pour toi. Tu m'aurais rendu riche. »
Le kendoka secoua la tête avec indifférence.
« Je joue pas d'argent contre les tricheurs.
—Je triche pas, je suis juste bon !
—C'est ça. »
Allen eut une moue boudeuse.
« Je te montrerai comment faire la prochaine fois, et il suffit de chance aussi, c'est pas de la triche, Bakanda ! »
Kanda s'était déjà levé avec un rictus moqueur.
« On verra ça une autre fois, Moyashi.
—Allen !
—M'en fous. »
Sur ces mots, il sortit. Ils mangèrent ensuite. Puis, au moment de dormir, après qu'ils aient essayé deux autres jeux de cartes, la bataille cette fois-ci, plus simple que le poker, et le jeu du menteur, auquel ils s'étaient peut-être plutôt bien amusés, Allen avait commencé à respirer plus fort et à rougir tout seul. Kanda avait compris qu'il avait une autre crise. Les phéromones paisibles changèrent radicalement. Le kendoka attira le maudit contre lui en sentant qu'il s'effrayait et le laissa sentir ses phéromones pour se calmer.
Leur moment agréable n'était plus.
« J'en ai marre, » chuchota Allen, démuni, « ça n'arrête pas… C'est vraiment fréquent… Kanda, comment on va faire ? »
Kanda ne savait pas quoi répondre à ça.
« T'en as pas eu depuis la fin de matinée. Il est tard. C'est pas si fréquent. »
Ça l'était déjà trop, en étant honnête. Allen eut du mal à avaler sa salive et respirait de manière saccadée.
« Peut-être, mais… Je ne peux plus. Je ne supporte pas. »
Kanda n'eut d'autres idées que de le serrer contre lui.
« Tu dois supporter. Ça sera comme ça pendant sept jours, tu peux pas y échapper, Moyashi. »
Allen eut un regard interdit, comme s'il venait de le comprendre. Il paniqua :
« Mon dieu, je ne peux pas, je ne peux pas… Je ne vais pas pouvoir supporter ça ! »
La détresse du gamin qui se retenait de pleurer dans ses bras toucha réellement Kanda en cet instant. S'il vivait la même chose quand il était en rut, lui avait le contrôle de son corps, il n'avait pas à s'abandonner à un autre… Quand il s'imaginait à sa place, il avait réellement la gerbe. Kanda ne se laissa pas prendre par l'empathie. Il lui fallait calmer l'oméga. Toujours rageusement impuissant, il ne savait pas comment lui remonter le moral, lui qui n'était pas bon pour ça. Il était sans doute le pire en la matière.
« Moyashi, arrête de dire ça. Tu t'enfonces tout seul. Capte-le. Fais pas le con. »
Allen paniquait contre lui. Kanda continua, rassemblant des arguments qui lui semblaient cohérents :
« Rappelle-toi de ce que je t'ai dit, chialer sert à rien. T'as dit que j'avais raison. J'ai dit aussi que j'étais là pour toi et que je prendrais soin de toi pendant tes chaleurs. Je suis ton alpha, et putain, ça m'écorche la bouche de le dire, mais on est potes pour l'instant. » Kanda tenait quand même à la notion de temporalité. « Tu peux compter sur moi. Alors arrête de te dire que tu n'y arriveras pas et sois fort, bordel. Tu peux l'être, mais seulement si t'arrêtes de chialer et que tu te sors les doigts du cul. Ça se fera pas autrement. Tu piges ? »
Le Japonais n'avait pas l'habitude de parler autant, surtout pour dire ça. Bien que ses phrases soient sèches et articulées de façon brutale, il pensait avoir fait passer le message. Il avait dit ce qu'il pensait, ce qu'il avait à dire. Allen respira longuement, et il finit par lui répondre :
« Ça me touche beaucoup, ce que tu dis. Hormis ta vulgarité, je sais que tu as raison. Mais je déteste tellement ça… » Il se coupa, et respira à nouveau. « Tu es vraiment bon avec moi.
—Arrête, Moyashi. J'suis pas gentil. Tu sais pourquoi je le fais.
—Je sais, mais même… Kanda… Je… »
Il eut du mal à trouver ses mots, et finit par laisser tomber. Allen eut un regard déterminé.
« Ça va aller. Je ne vais pas pleurer.
—Bon, on fait quoi pour ta crise ? »
Allen soupira.
« J'essaie seul. Et si j'y arrive pas…
—Ok, je t'aiderai si tu peux pas. »
Kanda savait qu'il ne pourrait pas. Quatre fois de suite, ça n'avait pas marché, il n'y avait pas de raison qu'il y arrive cette fois-ci. Sans surprise, le phénomène se reproduisit. Kanda le força donc à arrêter en voyant qu'il s'acharnait. Allen avait beau dire qu'il l'écoutait, qu'il avait raison, ça ne passait pas si facilement. Ce pour quoi Kanda compatissait. S'il avait été à sa place, s'il avait été un oméga, Kanda imaginait qu'il n'aurait pas pleuré, pas parce qu'il n'en aurait pas eu envie, mais parce qu'il en était devenu physiquement presque incapable. Les légères pertes de contrôles du lien qui lui donnaient envie d'avoir des gestes tendres et des attentions gentilles pour le blandin, soit ce que tout le monde faisait envers un oméga, le rendaient déjà fou, alors tout perdre… à l'intérieur, il serait mort, sachant qu'il n'en était pas loin en temps habituel. Kanda savait qu'Allen devrait être très fort pour endurer ça. Quelque part, il pensait même qu'il l'était déjà. Malheureusement pas assez, mais ça pouvait s'améliorer.
Avant qu'il ne commence, Allen posa une main sur son poignet.
« Tu… Je sais que je l'ai dit un million de fois… Mais… Pardon. C'est ma faute si tu dois faire ça. »
Kanda gronda.
« Moyashi, est-ce que t'en veux une ? Je t'ai dit de te laisser aller, j'arrête pas de te le dire, alors si tu captes pas le 'oui', je vais me fâcher. J'suis pas une machine à discours mielleux, peu importe si ça te fait te sentir mieux. J'dis les choses une fois, pas cinquante.
—C'est pas ça, Bakanda ! C'est que… tu sais très bien pourquoi je m'excuse. Tu dis oui, très bien, et je cherche pas à redire, mais merde, j'aurai voulu…
—C'est pas de ta faute. »
Kanda le foudroyait du regard en disant ça. Il ne voulait pas qu'il le pense.
« C'est la faute du lien. Des chaleurs. Pas de la tienne. Arrête de faire chier. »
Allen déglutit.
« Je sais, mais c'est parce que je ne peux pas que tu es forcé de…
—Je ne suis forcé à rien.
—Kanda… »
Kanda grogna encore. Il se sentait réellement énervé.
« J'te ferai dire que tu m'as convaincu que je t'avais pas violé. Si toi tu continues à te blâmer, je peux faire pareil. » Allen secoua violemment la tête, proche de protester, mais Kanda colla une main devant sa bouche, pour lui faire fermer. « C'est inutile de faire ça. Si tu me fais des excuses encore une fois parce que je dois te toucher, je te fous une claque, que tu sois mon putain d'oméga en chaleurs ou pas. Compris ? »
Le brun savait très bien que c'était plutôt lui qui aurait dû s'excuser. Il libéra la bouche d'Allen, qui avait eu un éclair de surprise dans le regard à la fin de sa phrase. Kanda disait toujours qu'il était son alpha, mais il ne parlait pas de lui comme de son oméga, par détachement. Il ne rompait pas le détachement par sentimentalisme, mais parce qu'il se sentait responsable de l'oméga, à présent. Allen hésita finalement avant de rétorquer.
« Compris. »
Il prit une inspiration, souriant.
« Ça va mieux. Merci. »
Kanda put le ressentir grâce à ses odeurs, nettement améliorées.
« J'y vais, alors ?
—Oui. »
Puis, le blandin ajouta encore :
« Juste… Encore merci d'être mon alpha pour mes chaleurs, depuis le début. Merci pour tout ce que tu as fait. »
Kanda haussa les épaules. Il avait fait aussi beaucoup de conneries, il en avait conscience.
« Arrête de me remercier tout le temps aussi. Ça va finir par tomber, et j'déconne pas.
—Si je comprends bien, tout risque de me valoir une claque ?
—Si tu me soûles, oui. »
Allen osa lui tirer la langue, en un geste très enfantin. Il n'était pas très crédible avec les joues rouges et le regard à l'ouest. Kanda n'y fit pas attention. Allen sourit.
« C'était bien, tout à l'heure, quand on a joué.
—Et ? J'vois pas ce que ça vient foutre là-dedans. »
Allen haussa les épaules à son tour.
« On le refera ? »
Ça lui faisait plaisir qu'ils se soient amusés ensemble. Kanda n'allait pas le lui enlever. Sans vouloir l'avouer, il en avait envie également.
« Ouais. »
Le Japonais reprit plus doucement :
« T'es prêt ?
—Oui, je le suis. »
L'oméga lui accordait sa confiance et l'alpha put se mettre en mouvement. Ils s'engageaient vraisemblablement dans une route encore longue, mais ils la parcourraient ensemble, oubliant leur mésentente au profit d'une camaraderie nouvelle. À partir de maintenant, c'était eux contre le lien, contre les chaleurs. Ce n'était pas le poids du monde qui reposait sur leurs épaules, douce ironie en tant qu'exorcistes, mais c'était le poids des leurs. Leurs individualités. Leurs mondes internes, leurs consciences étaient en jeux. Autant dire qu'ils avaient intérêt à gagner.
À suivre...
Alors pour ce chapitre, ce dont je vous parlais la dernière fois avec le fait qu'ils ne doivent pas succomber au lien est clairement dit dans le texte. J'imagine que beaucoup parmi vous attendent qu'il y ait transgression, d'autant que ça devient de plus en plus difficile pour eux, mais vous verrez bien ce qui se passera ;).
Un truc dont je n'ai pas encore parlé, mais pour le fait qu'il y ait pas mal de scènes de sexe, sans que ce soit du "vrai" lemon, c'est logique vu que la progression de l'histoire suit un développement linéaire et au jour le jour de ce qu'ils traversent, ça fait partie du scénario. Une grosse part de l'introspection et des réflexions se situe dans ces scènes, elles ne sont pas là uniquement pour qu'il y ait de l'érotisme, déjà car à mes yeux vu le contexte elles ne sont pas érotiques, mais plutôt psychologiques, comme elles mesurent l'impact de la situation sur les personnages. Quand bien même elles sont déstabilisantes, c'est justement ce qui est voulu dans la satire du thème des chaleurs ^^.
Sinon, pour la psychologie de Kanda, j'en ai vu quelques uns me dire qu'il commençait à "apprécier" Allen depuis quelques chapitres. Disons qu'il change d'avis à son égard lentement, il se remet en question et essaie de faire les choses bien, mais c'est plus compliqué que ça ^^. Gardez en tête que c'est du progressif réaliste, et vu les sentiments de Kanda pour Allen il y a encore cinq ou six chapitres, il n'est pas encore arrivé au stade où il fait son virage, même s'il y a évolution, oui. (Quand le fera-t-il, ça héhé... ;).) Vous n'avez donc pas tout à fait tort, mais je me sens obligée de nuancer un peu parce que cette histoire fonctionne beaucoup sur la nuance :). Dans beaucoup d'histoire, les pensées des personnages sont codifiées pour signifier telle ou telle chose, un changement, un sentiment, un cliché, etc. On est habitué à la litote dont les auteurs jouent pour nous rendre clair des avancements sans l'écrire textuellement et nous créer des attentes pour la suite du récit. J'ai voulu jouer avec ça et changer ces codes. Ici, si Kanda pense qu'Allen en prend plein la tronche et qu'il a pitié de lui mais qu'il le soûle, ça va peut-être dans la direction du changement, mais ça peut aussi ne pas aller plus loin que ça, ou pas immédiatement. A l'inverse, j'ai envie de vous mettre au courant, j'ai quelques fois glissées des litotes lourdes de sens par rapport à la suite de l'intrigue, qui sont peu perceptibles si vous n'y faites pas attention ;).
En gros, cette histoire invite à un jeu entre le texte et vous. Je m'amuse beaucoup avec les attentes du lecteur, pour surprendre et décontenancer. Alors attendez-vous à quelque chose qui donnera l'air d'aller dans une direction pour aller dans une autre, ou inversement. (Ou comment brouiller les pistes xD) Soyez attentif à ça :3.
Reviews ? :)
Merci d'avoir lu !
