Hello !

Voici la suite ! :D Je suis désolée au passage, j'aurais dû poster le week-end dernier, mais j'avais du boulot en retard et pas fini le chapitre 20 (avec Lost que j'ai tenu à boucler rapidement et mes autres textes, j'ai pris un rythme lent sur mon avancée de SOS, mais ne paniquez pas, ça devrait être rattrapé si j'arrête de papillonner partout, et je vais m'y forcer pour quelques temps :p) donc j'ai préféré attendre plutôt que de risquer de me retrouver à court de chapitres en ayant aucune avance :).

Soooo j'avais dit au dernier chapitre que vous n'étiez pas prêts pour ce qui allait suivre, et je crois bien que je vais réitérer mon affirmation ;) ! Le chapitre est bien long et il y a des rebondissements, je crois du coup que ça pardonnera mon retard ;D.

Merci à Ookami97 pour la correction ! :)

Bonne lecture :D !

Réponse anonyme :

Guest : Merci, je comprends ta hâte des moments chous en Yullen XD ! Pour la longueur du chapitre celui-ci devrait te satisfaire davantage, je crois ! ;) Quant au Lavink, perso j'aime beaucoup, mais bon après chacun ses ships :p ils seront quand même important dans l'histoire, eux aussi :). Et pour Lost merci, j'aimerais bien faire la suite mais on verra si j'arrive à gérer :D !

Yoku : Merci beaucoup, c'est super gentil à toi, et ne t'en fais pas pour les fautes :) ! T'inquiète pas je compte continuer :3 !


Dans la cale sombre où demeurait Hevlaska, la gardienne des Innocences, il était très tôt lorsque les deux Exorcistes s'y retrouvèrent en compagnie de Link et de Luberrier. Tandis que la blancheur subjuguante de l'Innocence les éblouissait alors qu'ils tenaient à quatre sur la passerelle en fer, Kanda arborait un visage des plus fermés, si ce n'est un pli quasi imperceptible sur son front qui venait courageusement illustrer sa contrariété.

Allen était anxieux. Avec ce qui s'était passé la dernière fois qu'ils s'étaient synchronisés, il avait peur de renouveler cette épreuve, d'autant que le premier test avait eu un effet pour le moins étrange sur lui. Les odeurs décuplées, Kanda qui sentait horriblement bon, lui qui tendait la main dans sa direction… Avec tout ce monde pour observer, il se rappelait combien il avait eu honte de ne pas avoir su se maitriser. Et, surtout, combien ça avait été impossible, quand bien même il l'aurait voulu. Les Innocences se liaient malgré eux, c'était comme ça qu'Hevlaska l'avait expliqué.

Alors pourquoi ce rejet soudain ? Pourquoi si violent ?

D'autant qu'il y avait une bonne raison pour expliquer pourquoi Link avait suspendu leurs entraînements à la dernière tentative.

Quand Kanda et lui avaient essayé de s'attaquer, tout s'était enchaîné sans qu'ils ne puissent comprendre. Les yeux grands et le bras tremblant, l'épéiste avait lâché Mugen comme s'il s'était brûlé et était tombé au sol alors que l'épée fumait bel et bien devant lui. Sa paume était rougie, il se tenait le poignet de celle libre, sa douleur défigurant ses traits d'une manière affolante – et pour que Kanda ait une telle expression, c'est qu'il devait vraiment dérouiller. L'épée recevait trop de charge énergétique, ou son flux ne se stabilisait pas. Comme si Mugen rejetait son compatible. Une odeur de chair cramée avait envahi la salle. Quant à Allen, il s'était senti drainé de toute sa force et avait vomi sur le plancher.

Ces réactions avaient été violentes. Ils n'avaient jamais réagi ainsi à l'Innocence.

Ils avaient été tant surpris qu'ils s'étaient regardés comme deux benêts, abasourdis, le souffle court, haletant de la même détresse au sol. Pitoyables et misérables. Comme l'Innocence était interne dans son cas, Allen avait eu mal au bras. Il avait l'impression que les ligaments de ses muscles criaient à l'aide à chaque mouvement qu'il faisait. Link, naturellement stupéfait par l'échec et ses effets-secondaires, les avait quand même enjoints à réessayer. Kanda avait refusé. Allen en avait été surpris. Les deux alphas se toisaient, Link avec sérieux, Kanda avec colère. Il avait craché qu'il refusait de toucher Mugen, malgré les exhortations de Link. Sentant que ça risquait de partir en pugilat, Allen avait essayé d'activer son Innocence seul.

Ses liens avaient fusé en tous sens et l'épée tremblait dans sa main. Allen avait forcé, il avait tenu bon, chercher à digérer le flux, mais Crown Clown semblait inexplicablement confuse. Elle vrombissait, ressentait des ennemis partout dans la salle alors qu'il n'y avait personne, aucun Akuma. Perdue, elle fonça brutalement dans la direction de Kanda, qui restait par terre à dévisager Link avec toute la morgue possible sur un visage humain. Il ne dut qu'aux sorts de Protection du blond de ne pas être saisi par ses les liens de la ceinture du Clown sans qu'Allen ne puisse l'arrêter, et il essayait de restreindre son Innocence, qui échappait totalement à son contrôle.

Elle avait toujours fait ça quand elle sentait une menace extérieure qui pouvait attenter à sa vie.

Et elle semblait l'avoir perçue en Kanda. Ce qui était impensable, ils étaient tous deux exorcistes, il ne voyait pas comment Crown Clown avait pu vouloir l'attaquer !

Littéralement éberlué, l'oméga avait désactivé son Innocence avec peine. Son bras lui faisait toujours aussi mal, et sa stupéfaction sans borne.

Leurs taux de résonance paraissaient s'amincir tellement qu'ils perdaient toute emprise sur l'Innocence. L'utiliser tant qu'ils étaient dans une même pièce devenait impossible, Link l'avait observé. Ce n'était pas normal. Tout s'était fait naturellement jusqu'à présent, aussi, quand il en discutait avec Kanda – les rares fois où celui-ci ne se bornait pas à la discussion, tant il s'opposait à la pratique de la double synchronisation – Allen obtenait de lui la même constatation.

Quelque chose changeait en eux. Était-ce individuel, était-ce encore le lien… En tout cas, voilà pourquoi ça lui faisait aussi peur.

Ils firent peu de cérémonie. Luberrier ordonna à l'Innocence géante de commencer.

Aussi, Hevlaska souleva Allen, sous le regard attentif de Luberrier, Link, et Kanda. L'aura polaire de l'épéiste et ses regards tranchants en direction des deux autres alphas l'amusaient légèrement, ce qui rendait la situation moins solennelle et moins dramatique, il fallait le reconnaître. Aussi, celui-ci força pour que la boule dans son ventre se dissipe.

Hevlaska allait d'abord les mesurer un par un avant de chercher à comprendre ce qui se passait au moment où ils invoquaient tous deux l'Innocence, similairement à l'autre fois.

Docilement, Allen s'abandonnait à elle. L'Innocence le sondait. Il sentait la fraîcheur de son contact, la pénétration infime de son énergie qui analysait la sienne, lui causant une sensation pour le moins étrange. Ce n'était jamais très plaisant. Pourtant, il se laissait connecter le plus possible, espérant que ça servirait à arranger leur cas. Il ne voulait plus que la synchronisation fasse du mal à Kanda. Évidemment, Allen ne voulait pas souffrir, car il avait eu également très mal. Il se consolait en se disant que son déchirement musculaire et ses vomissements étaient moins graves que le coma et les brûlures de son ami.

Était-ce à cause de cette faiblesse face à la synchronisation que Crown Clown s'en était pris à lui, comme un animal tuait l'un de ses petits trop faible pour survivre ? Si oui, c'était effrayant, car c'était le signe qu'elle jugeait vital d'annihiler sa synchronisation à Mugen en s'attaquant à son porteur. Allen n'arrêtait pas de tout retourner dans sa tête, s'il avait fait bonne figure jusqu'à présent. Il avait refusé d'en parler à Lenalee et Lavi, pour ne pas les inquiéter, et comme, pour la énième fois, Kanda semblait se replier sur lui-même depuis leur mission ensemble, il avait préféré profiter des derniers jours pour être un peu à ses côtés paisiblement au lieu de mettre les pieds dans le plat. Ils avaient beau en avoir brièvement parlé, il avait le sentiment que ça ne passerait pas si facilement.

Quelque chose en Kanda avait changé, à cause de ça, peut-être. Mais c'était bizarre.

Il ne pouvait qu'essayer de le comprendre, s'y efforçait du moins, tout en restant un peu contrarié. Il y avait réfléchi, et ses sentiments concernant l'attitude de Kanda passaient de l'inquiétude à de l'agacement. Il commençait à ressentir une sorte d'empressement, pensant que ce serait bien mieux si Kanda faisait plus de pas en avant, s'il s'ouvrait plus… Ils avaient promis de se battre ensemble, ce n'était pas en se taisant sur ce qui fâchait que ça arrangerait quoique ce soit. Surtout dans ces moments. Allen était donc mitigé entre tenter une confrontation, ce qu'il aurait fait avant leur proximité, ou, par égard pour lui, retenter une approche compréhensive… Qui n'avait pas donné grand-chose.

Définitivement, ça l'agaçait.

Il respectait le fait que ce ne soit pas facile pour Kanda de s'exprimer, ne désirait nullement le brusquer ou le mettre mal à l'aise, mais il avait le pressentiment que ce que Kanda taisait pouvait amplifier leurs problèmes. Il aurait, peut-être égoïstement, aimé qu'il lui fasse assez confiance et se sente assez bien avec lui pour étaler ses cartes sur table. Ça le frustrait un peu, en dépit de ses bonnes intentions.

Enfin, ce n'était pas un sujet qu'ils pourraient aborder maintenant.

Hevlaska le reposa.

Elle fit bientôt la même chose avec Mugen, Allen se plaçant à côté de Kanda, qui lui jeta un œil entendu, comme pour demander si ça allait. Il mima un petit sourire forcé. Ça n'irait pas tant que le problème ne serait pas entièrement résolu. Kanda pouvait sentir la vérité à ses émotions, de toute manière, il y était habitué. Il lui montrait simplement qu'il se détendait autant que possible, et Kanda eut un hochement de tête.

L'opération ne fut pas longue.

Enfin, l'instant fatidique.

Allen s'avança de deux pas, au bord de la rambarde, et Kanda fit de même. La passerelle grinça sourdement, comme pour protester. L'oméga, du moins, l'interpréta comme un signe et sentit son angoisse monter en flèche. Il inspira. Alla chercher automatiquement la main de Kanda dans la sienne. Ce dernier lui lança un regard froncé, mais ne le repoussa pas. Il avait dû ne pas s'y attendre. C'était sa panique qui grimpait malgré lui.

Hevlaska les souleva tous les deux, cette fois.

Ils se tenaient encore. Allen voulut lâcher, mais Kanda serra. Il devait sentir son angoisse, obligé. Il en aurait été agacé autrement, pourtant, il décida de céder. D'oublier les regards de Link et Luberrier. De se concentrer sur Kanda qui lui montrait son soutien. Il intensifia lui aussi son étreinte. Peu importe que l'alpha l'agace avec son silence, peu importe qu'il ne le comprenne pas… Ils devaient se soutenir. Et il l'aimait. Il voulait lui prêter sa force.

Ce fut à ce moment que Kanda se dégagea. Sans brusquerie, mais Allen se sentit déçu, inexplicablement.

Hev les analysait, et comme la dernière fois, elle leur demanda d'activer Mugen et Crown Clown.

L'appréhension, puis le même halo que la dernière fois. La force qui vibrait de leurs épées faisaient qu'ils peinaient à les contenir. Ils se voyaient tous deux, luttant pour garder le manche qui tremblait en main. De l'autre côté de la barrière, le visage froncé de Luberrier, sa concentration. Le sérieux inexpressif de Link, impavide, où Allen savait que se cachait une certaine inquiétude.

Et Kanda. Kanda qui dévisageait son propre bras comme s'il voulait qu'il disparaisse, Kanda qui mitraillait sa précieuse Mugen de ses orbes sombres, Kanda qui avait une veine tendue à travers le bras, tant il peinait à forcer sur son muscle.

Allen se rendit compte qu'il devait en être de même pour lui. À force de se cramponner, il se sentait pris d'un début de crampe, ça bloquait les muscles, crispait les membres, faisait mal.

Les odeurs voyageaient, comme l'autre fois. Peut-être que les mèches de Kanda qui voletaient autour de lui le rendait beau. Attirant. Il ne savait pas s'il lui faisait le même effet. Quand l'épéiste croisa son regard, il vit néanmoins sa pomme d'Adam bouger dans sa gorge.

Ce fut à ce moment qu'Allen se rendit compte qu'il en respirait pas normalement. Il suffoquait. Kanda ouvrit la bouche et ferma les yeux brusquement.

Enfin, Hev les enjoignit à stopper.

Allen se rendit compte qu'il avait le front transpirant. Quand Hevlaska les reposa, Kanda eut du mal à se remettre sur pied. Le blandin se précipita pour l'aider, mais il fut repoussé. Le kendoka articula un « ça va » sec. Ça ne le fit pas insister. Il eut juste un petit coup d'œil concerné, auquel Kanda réitéra son « ça va ». Allen opina gentiment.

Il n'avait pas l'impression que ça allait.

Hevlaska avait l'air sidérée – si tant est que l'état de sidération puisse se matérialiser sur son visage. Luberrier la pressa :

« Alors, le résultat ?

—Il y a quelque chose qui fait obstruction à la synchronisation. Quelque chose qui n'était pas là avant. »

Luberrier fronça les sourcils, tandis qu'Allen chercha le regard de Kanda, qui était rivé sur Hevlaska.

« Quel genre de chose ?

—Je… » Elle dévisagea Allen. « Je ne sais pas vraiment. Il y a plusieurs facteurs possibles. Les Innocences sont confuses parce qu'elles se cherchent et ne s'atteignent pas. C'est ça, qui crée le mal être chez leurs porteurs et les pertes de contrôle. Je pense qu'il faudrait arrêter pendant quelques temps. »

Le silence envahit la salle, Hevlaska continuait :

« Leurs taux de résonance sont trop bas. Walker est symbiotique, ça pourrait le tuer, et Kanda est lié intimement avec Mugen. Ils sont en danger. Il pourrait y avoir des répercussions mentales. »

Sa voix sonnait alarmée, et résonnait curieusement à leurs oreilles. Naturellement, Luberrier parut n'en avoir cure :

« Quels sont les facteurs de trouble ? Vous disiez que le lien s'initiait de lui-même, pourquoi ça ne se passe pas comme prévu ? Qu'est-ce qui dysfonctionne ? »

Ses questions martelées avec agressivité parurent apeurer Hevlaska. Elle s'était retenue avec un apparent courage, pourtant, elle flancha.

Et les mots frappèrent Allen comme une gifle.

« Il peut y avoir une interférence avec la matière Noire du Noah chez Walker. »

Le nouveau silence fut pesant.

« Vous sentez la matière noire ? » s'enquit Luberrier, dévisageant un Allen à la bouche grande ouverte comme un imbécile sous le choc.

Hevlaska nia.

« Il peut y avoir d'autres raisons. Ce sont des hypothèses. Mugen… a déjà été synchronisée. Je pensais qu'elle l'endurerait plus facilement à cause de ça, mais peut-être que l'ancien lien garde une emprise sur l'Innocence, et qu'elle ne tolère pas le nouveau. Crown Clown serait rejetée. Ce qui expliquerait aussi pourquoi Walker envoie bien trop d'énergie, cette énergie se perd et…

—Abrégez vos explications, » coupa brusquement l'homme d'âge mûr. « Encore autre chose ? »

La grande Innocence parut chercher. Et Allen était sur le cul.

Déjà synchronisée, Mugen ? Ancien lien ?

Kanda avait déjà été lié ? Avait-il eu quelqu'un d'autre ? Était-ce un ancien porteur ? De nombreux exorcistes mourraient aux combats. Peut-être que Kanda avait récupéré Mugen de quelqu'un d'autre… Ou… Ce passé troublant qu'il avait évoqué, sans en parler… Bon sang, Allen sentait son cœur battre à la chamade tant il ne comprenait plus rien. Quant à l'alpha, sa crispation atteignait son point culminant.

« Peut-être que cela vient du fait que Crown Clown sent que les défenses de son porteur sont pénétrées. Elle est peut-être réfractaire au lien. Les Innocences ont leurs caractères, et peuvent agir de leur propre chef. Elle acceptait de se lier à Mugen, mais elle a peut-être… changé d'avis.

—Vous voulez dire que le lien pourrait être en train de se briser ? »

C'était Kanda qui venait de parler. À la stupeur des trois autres. Sans qu'il ne sache pourquoi, Allen eut un pincement au cœur.

Kanda et lui rêvaient depuis plusieurs mois de ne plus être liés. Depuis le début, même. Pourtant… Il avait déjà pensé qu'être lié à lui n'était pas grave. Et avec ses sentiments… Allen ne savait plus où il en était. S'il n'y avait plus le lien, y aurait-il au moins une chance que Kanda veuille de lui ?

Luberrier s'irrita, le coupant dans son atermoiement, en hurlant à l'Innocence :

« Cessez de fixer le vide et répondez !

—Je n'en sais rien ! » s'écria Hevlaska, toujours fébrile. « Je ne pense pas qu'il se brise, mais il y a bien un problème. Ça pourrait être toutes les possibilités énoncées, ça pourrait être lié au problème d'énergie mal contrôlée de Walker, à la résonance en baisse de Kanda. Un mélange de tout ça, peut-être. Leur lien reste fort, je le sens. En revanche, continuer les entraînements pourrait sérieusement le fragiliser et leur porter atteinte, j'en suis persuadée. Leurs taux de résonance pourraient être déréglés, ils pourraient devenir déchu ou être incapable de combattre. C'est très dangereux pour eux. »

Link échangea un regard avec Luberrier. Ce dernier semblait réfléchir, serrant les poings de colère.

« Nous ne pouvons pas tirer un trait sur les progrès accomplis. Les entraînements seront continués. Allégés s'il le faut, mais il faut venir à bout du problème. Vous m'avez compris ? » Il jetait un regard sévère à Allen et Kanda, qui les lui rendaient bien.

Puis, se tournant vers Hevlaska :

« Comment faire pour déterminer le problème et le régler ? Le plus rapidement possible. »

Hevlaska déglutit de nouveau.

« Il faudrait… laisser les Innocences activées et dialoguer elles-mêmes. Sans mimer de combat, dans un lieu sain, sans charge matérielle. L'une des deux bloque, ou les deux, je le ne sais pas exactement. Il faudrait qu'elles soient confrontées et que les porteurs laissent libre court à leurs énergies pour qu'elles puissent régler ce qui ne va pas seules. »

Allen se mordit la lèvre.

« Quand j'ai fait ça, Crown Clown a failli attaquer Kanda… C'est vraiment hors de…

—C'est parce que tu la bridais, » répondit gentiment Hevlaska. « Ta volonté de le protéger l'a induite en confusion. Même moi je peux dire que tu te sens coupable de vos échecs. Faites confiance aux Innocences et laisser les interagir. »

Kanda regardait Allen avec une profonde perplexité, et Allen baissa un peu les yeux, les joues rouges.

Luberrier se racla la gorge.

« Bien. Nous ferons donc ces exercices jusqu'à ce que le problème se résolve. Howard, reprenez cette après-midi. »

Allen et Kanda écarquillèrent les yeux, et Hevlaska protesta :

« Je viens de sonder leurs Innocences, dans ces circonstances…

—Taisez-vous. Nous avons une guerre à gagner. Nous ne sommes pas là pour être spectateurs tandis que les Noés progressent, et que des tonnes d'êtres humains se font massacrer, tous les jours. Nous devons faire quelque chose. Sacrifier deux vies pour en sauver beaucoup ne me pose aucun problème. »

Ça, les deux Exorcistes l'avaient compris. Link se passa la langue sur les lèvres :

« Sous votre respect, Inspecteur, nous avons encore une chance de parvenir à la synchronisation. Il suffira d'appliquer les conseils d'Hevlaska.

—Oui, admit Luberrier, mais je tiens à préciser que tous les risques seront pris. Ce sera difficile, c'est un fait certain, mais vous devez le faire. » Son ton brut et son visage froncé ne suggérait pas la contradiction. « Il y a bien plus important que vous en dehors de tout ça. C'est bien compris ? »

Qu'ils le veuillent ou non, ils n'avaient pas le choix.

Ils hochèrent donc la tête, bien malgré eux. Ainsi donc, le silence qui s'installait de nouveau, reprenant son droit, son règne lourd, possessif, les plongeait dans ce désarroi auquel ils ne pouvaient échapper. Les ordres étaient donnés, et ils restaient contraignants, pareil à ce qu'ils avaient toujours été. Luberrier acheva de donner quelques consignes, sur le timbre de la remontrance, expédiant cette petite réunion où il était comme de coutume le seul décisionnaire.

Il prévint Hevlaska qu'il reviendrait, ce qui fit froncer les sourcils d'Allen, et ils délibérèrent. La passerelle remonta jusqu'au premier étage, leur permettant de regagner les couloirs.

Kanda et Allen se retrouvèrent seuls, à observer Link suivre Luberrier d'un pas similairement exigeant, pressé, leurs silhouettes englouties par le lointain mirage d'ombre au fond du couloir. Et Allen sentait que son cœur était lourd. Les allusions d'Hevlaska…

Tant pis, il ne pouvait pas les ignorer.

« Kanda, » appela-t-il d'une voix sourde, « je crois qu'il faut qu'on parle.

—Ouais. »

La voix de l'autre était sèche. Ils continuèrent à avancer, rejoignant d'un accord commun une partie de couloir dégagée, aussi esseulée qu'eux face à l'incertitude, pour se mettre un peu plus à l'aise.

« Ce qu'a sous-entendu Hevlaska, » commença le maudit sans faire de détour, « Mugen aurait déjà eu un lien… Tu étais au courant ? Il y a quelque chose que je ne sais pas ? »

Il n'était pas en colère, ni peiné, mais sincèrement interloqué. Il n'avait jamais entendu dire qu'un lien pouvait se produire deux fois, ou que c'était excessivement rare, alors Kanda…

Ce dernier soupira brusquement, et le toisa avec un œil agacé.

« Je peux rien dire. »

Là, Allen se sentit rabroué. Et il ne comprit pas. Il s'y efforça.

« Comment ça, tu peux rien dire ? Donc il y a bien quelque chose ? Kanda, je…

—C'pas ce que tu crois, » coupa l'alpha. « Tu comprendrais pas. Mugen a une histoire. Je te l'ai dit l'autre fois, on est potes, mais je peux pas te parler de tout. Faut t'y faire. »

L'oméga serra les poings.

« Peut-être. Mais entre ça et ta bizarrerie depuis la dernière mission, je suis perdu avec toi. J'aimerais comprendre. Un coup tu agis comme d'habitude, un coup tu te renfermes… Presque comme avant… J'ai fait quelque chose ? C'est parce que je t'ai demandé qu'on couche ensemble ? »

Kanda fronça les sourcils, et le symbiotique soutint son regard.

En fait, Allen s'était sérieusement posé la question. Ils n'en avaient jamais reparlé, et il se disait qu'il avait peut-être fait le mauvais choix. Ne voulant pas que Kanda pense le brusquer à ses chaleurs si quelque chose se passait, c'était lui qui avait peut-être brusqué Kanda. Ou lui avait déplu, du moins. Peut-être qu'il avait compris qu'il tenait trop à lui… Peut-être qu'il commençait à regretter sa décision d'être ami avec lui. L'oméga avait conscience qu'il virait limite parano, vu que l'alpha avait accepté de participer à une activité groupée avec lui et ses amis, mais il était si contradictoire qu'il se rétracte ne l'aurait pas surpris tant que ça.

Il n'avait pas oublié que Kanda restait quelqu'un qui avait du mal avec les stimulations sociales et il avait peur qu'il en ait marre de lui.

« On en a parlé. Je t'ai déjà dit qu'un truc me soûlait, et non, ça a rien à voir.

—Un truc dont tu ne peux pas me parler non plus, je suppose, » abattit sèchement Allen.

Le kendoka voyait à la façon dont il croisait les bras qu'il était agacé, le maudit comprenait qu'il ne savait pas comment réagir, et commençait de fait à céder à l'énervement lui aussi.

« Écoute, Moyashi. Tu savais depuis le début que y a des trucs dont je parlerai pas, alors t'excite pas comme ça. Faut pas trop m'en demander.

—Trop t'en demander ? Expliquer pourquoi tu es bizarre, cette histoire avec les Innocences, c'est trop te demander ? »

Kanda soupira.

« Je peux juste pas l'expliquer, et je le ferais pas. Tu me gonfles à insister, Moyashi. J'ai déjà dit que j'aimais pas ça. »

Allen gonfla les joues.

« Tu devrais connaître mon nom, depuis le temps. Toi aussi, tu me gonfles, ne me parle pas sur ce ton ! Je veux savoir pourquoi tu as été distant et ce qui te rend si morose. Tu te mures dans le silence, tu l'as toujours fait, mais il y a… quelque chose. Et tu n'agis pas comme à la normale. Entre ça et ta hargne lors des entraînements... Tu as aussi agi bizarrement quand tu as senti mes odeurs… Quelque chose te perturbe. »

Kanda s'irrita :

« Je veux pas avoir encore cette discussion. Hier, on a fait un putain d'échange d'odeur, je t'ai rassuré, tiens t'en à ça. T'es pas le seul à être affecté par le lien. T'oublies des trucs, moi je suis crevé, je deviens plus sensible aux odeurs. Et c'est ça, qui me gonfle.

—C'est tout ? » insista Allen. « J'ai du mal à te croire. Je ne sais pas pourquoi, mais je sais que tu mens. Tu évites mon regard, il y a bien une raison…

—C'est tout ce que tu sauras, Moyashi. »

Ils se jaugèrent froidement. Ça faisait longtemps que ça ne leur était pas arrivé d'avoir un échange si désagréable, et cela serra un peu le cœur d'Allen, car, évidemment, il était content de ne plus avoir une relation d'inimité avec l'alpha, mais il avait justement envie de vider un peu son sac.

« Je… ça ne me convient pas. » Kanda le toisa, ayant un mouvement de recul. « Je suis très content de nous, de notre amitié, et je veux respecter tes difficultés. Mais j'ai l'impression que tu me caches quelque chose d'important, que tu refuses de t'ouvrir à moi… Tu l'as dit plusieurs fois, tu es perdu. Et bien tu n'es pas le seul, Kanda. J'ai aussi eu des expériences difficiles, j'ai aussi du mal à faire confiance, mais comme on est liés, j'ai fait l'effort de m'ouvrir à toi. Parce que j'ai confiance, malgré tout ça. Je ne te demande pas de tout me dire, mais un minimum de réciproque, surtout quand tu changes d'attitude, ça mérite une explication. »

La mâchoire du Japonais se crispa.

« J'suis patient avec toi, » cracha-t-il d'une voix qui signifiait qu'il commençait à la perdre. « Ce que tu dis, c'est réciproque, putain. Tu le sens peut-être pas, mais je m'ouvre. Alors m'fais pas regretter en me cassant les couilles.

—T'es d'une amabilité, c'est grisant. Donc je te soûle ? » s'insurgeait Allen, heurté par les mots bruts et sa volonté de comprendre tuée dans l'œuf. « Très bien, je vais te ficher la paix. »

Il tourna brusquement les talons et commença à partir, se sentant violemment retenu. Il poussa un hoquet de surprise, sentant sa chevelure faire volte face en même temps que lui, ramené devant le visage tordu de colère d'un Kanda désarçonné.

« J'ai pas dit que je voulais que tu te tires, bordel. »

Mais l'oméga était trop frustré d'exaspération et se dégagea.

« Non, mais j'ai plus trop envie de te parler, là. Si t'es pas capable de comprendre que je me pose des questions, c'est que t'es juste un imbécile ! Je m'inquiète pour les conséquences que ça peut avoir sur nous, et pour toi, au cas où tu l'aurais pas compris ! C'est toi, qui me les casses ! T'es chiant, Bakanda ! »

Et l'Anglais partit vraiment, sans se faire retenir. Ses pas claquaient contre le sol alors qu'il avançait, excédé, sachant qu'il avait laissé un Kanda planté comme un piquet et comme deux ronds de flancs derrière lui. Il s'était peut-être énervé rapidement et avait acculé Kanda, mais son agacement ne datait pas d'hier.

C'était bien ça, en fait. Il était vexé. Cette distance le dérangeait alors qu'ils traversaient une phase pour le moins catastrophique à cause du lien, et il savait que ne pas en parler ne les aiderait certainement pas à passer outre. Ils avaient beau être devenus amis, ils n'en avaient pas pour autant changé de défauts. Allen s'emportait toujours trop vite, peut-être, il en avait, de nouveau, pleine conscience, et Kanda, quant à lui, gardait ce tempérament renfermé et rageur qui lui faisait rejeter en boucle l'intrusion dans sa sphère personnelle, même quand il s'agissait de lui, un proche. Personne n'était parfait, et certainement pas eux.

Il aurait juste aimé que ce soit un peu plus facile. Tout ne se passait malheureusement pas simplement. Les relations humaines, c'était passablement compliqué… ça s'améliorait entre eux, mais ils avaient encore des progrès à faire.

Allen se mordit la lèvre en pensant qu'ils mettraient sans doute du temps à aller au-delà de ça. Il était pour le moment bien trop énervé pour réfléchir intelligemment à des excuses, et son égo froissé l'encourageait à dédaigner la besogne, tandis que sa raison lui soufflait qu'il avait sa part de tort dans l'histoire, donc de s'y pencher à tête reposée plus tard.

Dire qu'ils devraient se retrouver dans l'après-midi…

Ses pas l'avaient amené dans sa chambre, et il s'effondra sur son lit comme une masse, décidant de grainer quelques heures de sommeil supplémentaires – il n'était pas plus de huit heures trente – avant de reprendre cette journée qui s'annonçait comme absolument catastrophique.


Quand Allen rouvrit les yeux, il jeta un rapide coup d'œil à sa montre. Ils approchaient de midi. Il découvrit Link à côté de lui, le secouant allègrement, et Timcanpy voletant à côté de lui.

« Est-ce que tu as au moins mangé, Walker ? »

Link le regardait sévèrement. Allen, encore dans le pâté, le toisait sans vraiment le voir. Il se redressa péniblement, gémissant de dépit, et toussa un peu.

« Euh… Pas encore. » En soit témoin son ventre qui gargouilla furieusement, lui causant un rire nerveux. « J'allais y aller.

—Viens alors, dépêche-toi. Luberrier veut que l'on reprenne directement après manger. J'ai déjà prévenu Kanda. »

Maugréant mentalement, Allen s'exécuta.

Link parut humer la chambre.

« Ça ne va pas, Walker ? »

L'oméga cligna des yeux. L'alpha s'expliqua :

« Je ne suis pas ton lié, mais quand un oméga a des odeurs vraiment fortes, un alpha s'en rend compte. Tu dégages quelque chose de trouble. Est-ce que tu es en mauvaise condition physique ? Un souci ? »

Comme toujours, son inquiétude touchait Allen, qui secoua la tête. Il était peut-être plus question d'un sentiment de tristesse à cause de son différent avec Kanda, mais il allait le taire devant Link. Avec l'entraînement, ils seraient forcés de faire abstraction, de toute manière.

Il l'espérait, du moins… Son ventre se contracta quand il pensa à ce qui s'était passé, qui reprenait son poids en lui, autant en colère qu'en regret, alors qu'il y réfléchissait après son réveil. Il ne se voyait résolument pas s'excuser, toujours pas, ou amorcer une discussion. C'était trop tôt… Et connaissant Kanda, il y avait de fortes chances qu'il se braque davantage. Ou peut-être pas, à moins d'un miracle… ça arrivait qu'il le surprenne. Mais vu la façon dont il lui avait parlé, ça l'étonnerait beaucoup qu'il initie quelque chose. Ils risquaient d'être sur les nerfs.

Une confrontation déplaisante à venir.

Il en était déjà las.

Ainsi, Link et lui mangèrent en quatrième vitesse.

Allen avait le sentiment de ne pas être repu quand ils arrivèrent devant la salle d'entraînement qu'ils utilisaient habituellement. Kanda attendait déjà devant la porte, les bras croisés et la mine sombre.

Il se renfrogna davantage dès que leurs regards se croisèrent. Bon, ça annonçait la couleur…

Link n'y fit pas attention. Il entra après eux, les fit se mettre en garde l'un devant l'autre, et leur ordonna d'activer leurs Innocences.

Allen hésita. Dans ces circonstances, il était d'autant plus apeuré qu'il ne se sentait pas en sécurité, pas autant que d'habitude, sachant que Kanda et lui étaient fâchés. C'était une opération délicate et sentir son soutien aidait. L'atmosphère de la salle en ces secondes-ci tournait davantage à la pluie contenue par une nuée grisâtre qu'autre chose.

Quant à lui, Kanda était réticent. Il observait Mugen avec la même mine encolérée que lors du dernier entraînement.

Link n'insistait pas, témoin de leur difficulté passée, il les laissait apprivoiser la démarche.

Finalement, Allen s'exécuta le premier.

Kanda lui envoya un bref regard. Refusant de l'interpréter, Allen l'ignora. Il se concentra sur Crown Clown. Son flux était confus, peut-être, mais fluide. Contrôlable. Plus de démêlée sauvage et de bondissement extraordinaire de l'énergie interne de l'Innocence, plus de sentiment de sentir des ennemis invisibles. Crown Clown était calme. Seulement perturbée par les traces d'Hevlaska qu'elle sentait sur elle.

« Kanda, » commença Link, « activez votre Innocence. »

Kanda serra les dents et rejeta à Allen le regard qu'il ne voulait pas interpréter. En fait, c'était difficile d'y mettre des mots. Il le regardait, tout simplement. Peut-être qu'il le sondait, qu'il cherchait à lire en lui. Il devait forcément sentir sa colère, sa peine, et son désarroi. Allen en était humilié.

Enfin, le Japonais activa Mugen.

Elle brillait, similairement à Crown Clown.

« Bien, » dit Link, « maintenant approchez-les. Suivez les conseils d'Hevlaska. Laissez-les faire et ne projetez rien. »

Mugen et Crown Clown étaient parfaitement côte à côte, tendus par leurs bras. Le blandin chercha à comprendre ce qu'il ressentait. Peut-être un léger fourmillement. Un chatouillement qui remontait le long du bras, faisait un effet chair de poule, donnait un frisson léger, succinct.

Kanda serrait encore la mâchoire.

« Que sentez-vous ? demanda Link.

—Rien, » rétorqua immédiatement le kendoka. « Ça tire un peu.

—Ça chatouille, pour ma part, » avoua l'oméga.

Il y eut un blanc. Link se passa la langue sur les lèvres.

« Y a-t-il une transmission d'énergie ? »

Allen toisa Kanda, et Kanda lui rendit l'attention.

« Non.

—Bon, vous allez essayer de vous tenir les mains, et de transmettre votre énergie. Allez-y. »

Le blandin tendit sa main à Kanda, lequel s'en saisit avec dédain. Ils se jaugeaient nerveusement, dans une tension muette, et bien vite, il fut apparent que quelque chose ne fonctionnait pas.

Mis à part le fourmillement/tiraillement, ils ne sentaient rien.

« Concentre-toi, » lui siffla Kanda alors qu'Allen toisait leurs mains plutôt que son visage.

Cela eut pour effet d'agacer le maudit.

« Toi aussi, fais un effort, ça se voit que tu manques de volonté. »

Kanda lâcha brutalement sa main.

« Parce que toi t'as envie d'être là, p'tête ?

—Non, » les paupières d'Allen s'arrondirent, bien qu'il soit conscient qu'il s'enfonçait, il ne put résister, « j'ai pas plus envie de te parler que tout à l'heure.

—T'inquiète pas c'est pareil pour moi. »

L'oméga ricana.

« Tu parlais déjà pas beaucoup avant…

—Va te faire foutre, Moyashi. »

Allen allait gueuler, et il était conscient qu'il dépassait un peu les bornes. Link intervint :

« Qu'est-ce qui se passe, encore ? Vous vous êtes disputés ? Ce n'est pas en passant vos griefs l'un contre l'autre que ça fera avancer les choses. »

Il jeta un coup d'œil à Allen, un coup d'œil qui le transperça, l'air de dire 'j'ai compris pourquoi tu sentais comme ça tout à l'heure'. Ce dernier serra durement les dents.

Le blandin allait répondre, rougissant peut-être un peu, mais le kendoka le devança :

« Occupe-toi de ton fion, foutu clébard. » Et, alors que l'alpha blond s'était renfrogné, outré, Kanda alla à son devant, la démarche agressive, rapprochée, et commença à lui cracher : « Qu'ce soit clair. Je t'aime pas, et je te fais pas confiance. T'es de mèche avec Luberrier, tu soutiens son projet de nous utiliser, t'as pas à me dire quoi faire. J'me casse. »

Les deux alphas se toisèrent avec brutalité, Allen regardant la scène effaré. C'était peut-être monté un peu vite… Bordel, Kanda était réellement furieux. Et Link n'était pas en meilleur état…

En outre, la verve du kendoka était impressionnante, mais le secrétaire fut loin de se laisser démonter :

« Tu vas rester là.

—Sinon quoi ?

—Ne m'oblige pas à utiliser mes sorts de blocages sur toi.

—Essaie pour voir. »

Kanda partit alors en direction de la porte, un sourire goguenard aux lèvres.

Au visage fulminant de Link, Allen crut qu'il allait exécuter sa menace. À la place, tout ce qui franchit les lèvres du blond fut, au moment où Kanda atteignit la porte, de sorte à ce qu'il l'entende :

« Je vais mettre les choses au clair, moi aussi. Tu n'es qu'un sale petit con. »

En soi, entendre Link jurer choqua profondément Allen. C'était comme si son père, qui était un homme très poli, avait ressuscité pour hurler toutes les injures du monde. Impensable.

Ensuite… S'adresser ainsi à Kanda n'était peut-être pas une bonne idée, si Allen jugeait sincèrement qu'il aurait mérité maintes et maintes fois de tels qualificatifs.

Le Japonais fit volte-face. Il darda un regard meurtrier à Link.

Allen déglutit. Ça allait partir en pugilat, il le sentait… Le brun n'allait pas laisser ça impuni, il allait forcément lui en coller une. Pourtant, l'œil de Kanda glissa sur lui. Et sa main se crispa sur la poignée.

« Je t'emmerde, clébard. »

La porte claqua ensuite.

L'Anglais se retrouva avec un Link au visage furibond. Il haussa les sourcils, encore choqué.

« Pourquoi tu ne l'as pas retenu ? »

L'Allemand soupira.

« Je commence à le connaître. Le garder n'aurait servi à rien, il aurait été insupportable, et ça n'aurait rien donné. De plus, il sent l'agressivité, il est très énervé.

—Tu peux sentir ça ? »

Allen était curieux, il ne s'était jamais encore interrogé sur ce que les alphas sentaient entre eux. C'était pour le moins… intéressant. Bien sûr, en tant qu'oméga, il pouvait sentir l'aura dominante du kendoka. Un peu de son agressivité et de ses émotions fortes, en tant que lié. Mais pas assez pour se prononcer dessus.

Link opina.

« Alors, » renchérit le plus âgé, « pourquoi tu t'es disputé avec lui ? »

L'oméga se mordit la lèvre. Il baissa la tête. Link vint poser une main sur son épaule.

« Tu peux me le dire, mais si tu ne veux pas en parler…

—Non, ça va. » Allen lui sourit. « En fait, il… Il est distant, en ce moment. J'ai voulu savoir pourquoi. Il s'est énervé. Et je me suis braqué à mon tour. »

Il déglutit.

« Je sais que ce n'est pas très intelligent, mais je suis vraiment… vexé qu'il ne me fasse pas confiance.

—C'est un petit con, » dit Link pour la deuxième fois, faisant sursauter Allen par ses jurons et rire finalement, « mais il doit avoir des raisons. Tu m'as dit qu'il avait du mal à communiquer. Si tu t'énerves contre lui pour ça, tu ne l'aideras pas. »

Allen se sentit un peu coupable.

« Je le sais. Mais j'ai essayé gentiment, et il était si brutal… que ça m'a blessé. » Il voulait bien se l'avouer. « Je ne sais pas, j'aurais simplement voulu qu'il s'ouvre… »

La main de Link caressa doucement son bras.

« Laisse passer un peu de temps et va t'excuser, tu verras qu'il aura cogité lui aussi.

—Je ne sais pas si j'ai envie d'être le premier à m'excuser. »

Allen parlait bas, mais au fond de lui, il savait qu'il ne fallait pas attendre ça de Kanda. Surtout qu'il était celui qui s'était braqué le plus violemment, encore une fois, il était capable de l'admettre. Ce que Link lui confirma :

« Si tu fais déjà un effort, ça l'encouragera. Ce n'est pas toujours plaisant, mais des fois, faire le premier pas aide à rétablir les choses. Ça ne t'empêchera pas de lui dire après que tu n'acceptes pas qu'il soit désagréable quand vous avez un désaccord et que ça te blesse. Il le prendra plus facilement en compte. »

Le blandin opina. Il sourit à Link.

« J'ai droit à mon après-midi de libre, alors ? »

L'alpha lui ébouriffa gentiment les mèches de cheveux qui tombaient sur son front.

« Oui. Je tairais l'incident d'aujourd'hui, mais il va bien falloir qu'il se décide demain. »

Ça allait être compliqué…

En effet, Kanda ne vint pas à l'entraînement le jour suivant. Et celui d'après également. Allen fut épris de remord, mais toujours trop agacé et anxieux face à sa bouderie pour faire le premier pas.

Les encouragements de Link, Lavi et Lenalee pleuvaient pourtant.

« Si vous refaites comme avant tes chaleurs, lui avait asséné une Lenalee exaspérée, je vous enferme dans une pièce tous les deux jusqu'à ce que vous vous entretuiez.

—Ça, ou autre chose, » avait rigolé Lavi, recevant un coup de coude violent d'Allen et un regard amusé de Link.

D'ailleurs, Allen n'était pas entièrement dupe. Lenalee non plus. Ils voyaient bien que Link et Lavi étaient soudainement plus complices. Naïvement, et étant tous deux à égalité au niveau de cette expérience-là, ils s'étaient demandés si le sexe entraînait souvent cette même complicité, ou s'il fallait y voir autre chose. Ils avaient débattu sérieusement la question. Car quelques fois, leurs regards étaient légèrement suspects. Ils se gardaient cependant bien de demander aux concernés, de peur de les embarrasser.

Et plus sérieusement, Allen savait qu'il devrait faire un effort le premier avec Kanda. Lavi lui redit à peu de chose près la même chose que Link, Lenalee et le blond ayant ainsi appuyé son propre propos. Allen savait qu'ils avaient raison. Mais il avait été touché dans sa fierté et il était peut-être parfois légèrement obstiné…

Pile au moment où il décida d'aller s'incruster à une séance de méditation du kendoka, il reçut une missive d'un golem de l'Ordre.

Il avait une mission.

Arrivé dans le bureau de Komui, il découvrit Lavi, Lenalee ainsi que Kanda déjà présent dans la pièce. Étonné, le maudit haussa les sourcils. Sur le bureau trônait quatre dossiers d'information concernant une mission, et une carte déployée au mur juste derrière montrait Rome, avec à son siège le Vatican. Link, sorti d'un entretien avec Luberrier, les rejoignit peu après, celui-ci sur les talons.

L'homme au carré de moustache caractéristique prit place aux côtés de Komui.

« La mission qui va vous être confiée, » annonça-t-il, « est de la plus haute importance. Monsieur Lee vous expliquera en détail ce qui vous attend sur place. Quant à moi, je ne dirais que ceci : vous allez assister à une réunion du Vatican, et faire part des progrès de l'Ordre Noir au nom de l'organisation. Vous êtes quatre. Howard vous escortera. Tâchez de nous représenter au mieux, et soyez digne de la foi que le seigneur place en vous. »

Son insistance si solennelle eut quelque chose de glaçant, et dans le mauvais sens du terme. Ils étaient sans doute dépêchés pour grainer davantage de soutien. Davantage de moyen pour ses expériences inhumaines, comme celle qu'il exerçait sur eux.

Et Allen se demandait comment un tel homme, d'une cruauté vile, pouvait oser seulement prononcer le mot Foi sans que, punitif, il ne lui brûle la langue.

À suivre...


Ehhh oui une bonne engueulade, ça faisait longtemps ! :p Plus sérieusement, je voyais bien Kanda peiner à rester serein et à ne pas se braquer en voyant que ses secrets sont mis en périls, et Allen ne pas beaucoup apprécier d'être le seul à se mettre à nu et démarrer en conséquence X).

Quand j'ai fait mon plan de la fic j'avais hââââte d'en arriver à ce moment, car le chapitre à Rome et ce qui va s'y passer va être annonciateur de pas mal de trucs pour la suite :3 !

Reviews sur tout ça ? :) N'hésitez surtout pas, ça booste, ça encourage, et ça fait plaisir :) !

A dans deux semaines pour la suite :D !