Hey les gens !

Je sais que j'ai disparu pendant toute la fin décembre, ceux qui me suivent sur FB savent que j'avais besoin d'une pause, j'ai pas trop utilisé Internet ni les réseaux pendant toute cette période et j'avoue que je pense que ça risque de continuer un petit moment. Depuis quelques mois j'admets que ça va pas très fort, j'ai fini l'année dans un état de fatigue extrême, à tel point que j'ai vraiment du mal à écrire à présent alors que d'habitude ça vient tout seul, j'espère que ça va vite revenir, mais en tout cas la publication risque d'être un peu slow... ajouter à cela que je suis en plein partiels en ce moment ^^. Du coup je pense pas que le 22ème chapitre arrivera avant février :/. Néanmoins, j'ai mis tout ce que j'ai pu dans ce chapitre et j'en suis satisfaite :D ! J'espère donc que vous l'aimerez !

J'en profite pour vous remercier sincèrement, vous êtes beaucoup à suivre cette histoire et à l'avoir en favori, et je vois aux vues qu'elle continue à attirer pas mal de monde, ça me fait vraiment très plaisir :) ! Un merci aussi pour les commentaires même si j'ai été longue à répondre cette fois-ci ! Une bonne année et une bonne santé à vous tous ! :D

Au programme de ce chapitre, des révélations qui risquent de vous étonner, et une fin de chapitre qui devrait faire plaisir à certain... ou vous frustrer, peut-être !

Allez, j'vous ai bien teasé, je vous laisse lire ! ;)

Big merci à Ookami97 pour la correction !

Enjoy !

Réponses anonymes :

Yuugure : Merci beaucoup, et ne t'en fais pas, je voulais simplement préciser que c'était volontaire de ma part, y'a pas de mal :) ! Tes compliments me font très plaisir, j'espère que cette suite va te plaire :D !

Guest : Merci beaucoup :) !

Sarra020 : Merci beaucoup à toi, en effet ça se corse, et ce n'est pas fini ! :p


Ils furent tous les cinq dans le bureau de Luberrier pour faire un compte-rendu de la mission. Puis, les autres partirent et il ne resta qu'Allen et Link. L'Allemand remit le rapport de mission à Luberrier. Ils essuyèrent la conversation de l'homme – qui se déroula surtout entre les deux alphas, Allen écoutant avec les lèvres closes. Il n'avait pu s'empêcher de darder des yeux furieux sur Luberrier toute la durée de l'entretien, et avait bien senti qu'il n'était pas le seul. Kanda gardait la tête baissée et le corps horriblement crispé, c'était inquiétant tant c'était inhabituel venant de lui. Allen se faisait vraiment du souci, et il avait plus que hâte de retourner se coucher pour mettre un terme à tout ça. En contre coup de la fatigue, un agacement prodigieux l'élançait violemment.

Rien de nouveau, en bien ou en mal, n'était survenu pendant leur long voyage, si ce n'est que Kanda et lui s'étaient retrouvés ensemble pour regarder les flots, accoudés au bastingage du bateau, lors de la traversée de la manche – le kendoka ne souffrait plus de nausées en mer, mais il n'était pas des plus serein non plus. Allen l'avait chambré gentiment à ce sujet, récoltant un froncement de sourcil agacé, mais complaisant. Kanda avait eu l'air d'avoir besoin de réconfort, alors c'était pour ça qu'Allen était resté à ses côtés. Il lui semblait que sa taquinerie maladroite avait apparemment eu l'effet escompté : pendant quelques secondes, Kanda avait paru moins contrarié. Il n'avait pas dit un mot de plus. Il avait la conviction que l'alpha avait tout de même compris sa tentative.

La voix de Luberrier annonça la fin de l'entretien, coupant Allen dans ses pensées. Link et lui quittèrent bientôt le bureau. L'Allemand, qui était sans doute agacé qu'Allen l'ignore royalement, essaya de lui parler quand ils se retrouvèrent dans le couloir.

« Walker, je sais que tu es énervé, mais est-ce qu'on peut au moins aborder le sujet de ce qui s'est passé ? »

Allen se stoppa dans sa marche, étouffant un soupir outré, poings et dents serrées. Il calma sa colère au profit d'un agacement désabusé.

« Mais qu'on parle de quoi, Link ? Que tu m'aies menti ? Que tu m'aies insulté et humilié devant mes amis ? Je suis fatigué. Le trajet m'a achevé, et je ne suis pas d'humeur. »

Link soupira. Il paraissait ne pas savoir où se mettre. Cela n'adoucit pas Allen.

« Je sais que j'ai été virulent et blessant, je me suis emporté, je le reconnais. Mais les mots ont dépassé ma pensée. J'étais surtout frustré et irrité, ce n'était pas évident pour moi. S'il te plaît, comprends-le. »

Le blandin se mordit la langue en étouffant un juron. Il n'avait pas envie d'entendre ça. Pas ce soir. Il n'avait pas tort de réagir comme il le faisait, Link ne pouvait pas jouer à l'innocent, il ne pouvait pas lui demander de le comprendre, bon sang. Il était peut-être un oméga, mais il n'était pas un paillasson. Il en avait marre.

« Écoute, Link, je vais être très honnête, je m'en fiche ! » s'exclama-t-il brutalement. « Tu as été blessant et tu m'as caché des choses, c'est tout ce qui compte. Maintenant je vais dormir, alors bonne nuit ! »

Allen partit d'un pas furieux jusqu'à leur chambre, et Link fut planté comme un piquet, la bouche pincée, le regard bas.

Ça, c'était fait.

Un long soupir quitta presque douloureusement sa gorge alors qu'il toisait le bout du couloir où la silhouette de l'oméga disparut bientôt. Il avait menti, certes. Mais dire la vérité n'aurait amené rien de bon. Il connaissait la peur d'Allen liée à son statut d'oméga, Allen lui avait, de plus, vaguement parlé de son traumatisme avec les chaleurs, sa peur de la sexualité qui en découlait – encore qu'il paraissait gêné de l'admettre devant ses amis et lui. Cela expliquait pourquoi il n'avait pas réussi à lui dire que Luberrier prévoyait de les marier, histoire que Kanda et lui soient libre de dépasser leurs appréhensions par eux-mêmes en matière d'intimité. Il avait été mis devant le fait accompli avec ce voyage au Vatican, lui aussi ! Il croyait vraiment que Luberrier attendrait plus longtemps. Ce qu'il avait dit à Allen n'avait pas été faux, il avait sérieusement tenté de l'aider et de plaider en sa faveur auprès de Luberrier. Il savait que ça risquait de mal se passer si son supérieur le trouvait trop biaisé du côté de l'oméga, alors il était bien obligé de s'écraser, bon gré mal gré, pour pouvoir garder la situation sous contrôle et œuvrer en silence.

Mais les ordres étaient les ordres. Quant à ses paroles…

Il savait qu'il avait eu tort – qualifier l'hésitation d'Allen et Kanda de mièvreries avait été plutôt déplacé et peu compréhensif de sa part, il l'admettait. Ils étaient jeunes, ils avaient deux vies compliquées, deux caractères très présents, c'était normal qu'ils aient du mal à démêler tout ce qu'ils ressentaient et l'inexpérience expliquait bien des choses. À leur âge, il n'aurait pas forcément été plus dégourdi – il ne l'avait pas été plus, loin de là. Néanmoins, il avouait que ça lui passait au-dessus qu'ils ne se boostent pas avec le lien. Link, sans doute principalement à cause de son éducation, jugeait qu'à leur place, il s'y serait plié et aurait tenté – car le lien validait une relation, le lien ne se brisait pas, alors à quoi bon ? Il savait, sûrement à cause des confidences d'Allen, que ses mots avaient dû lui faire l'effet d'une trahison. Seulement, Link avait perdu son sang-froid.

Ce qu'il avait dit à Lavi n'était pas une excuse jetée en l'air pour se justifier. Il subissait souvent les affres de leurs disputes durant les entraînements, qui ne se passaient naturellement pas toujours bien, les remarques de Kanda et l'agacement qu'il percevait sans cesse à son égard n'aidait pas. Il avait été frustré qu'Allen prenne un ton accusateur, qu'il refuse d'envisager que ça puisse être délicat pour lui, et les mots étaient sortis tout seuls.

Ça n'enlevait rien au fait que c'était une réaction immature de sa part, d'autant qu'il avait passé l'âge de s'emporter ainsi, et que les réactions d'Allen se justifiaient amplement. C'était sa frustration qui l'avait fait se comporter comme le pire des imbéciles. Il ne valait pas mieux que Kanda sur ce coup. Il allait devoir faire de plates excuses pour se faire pardonner ça, et il espérait simplement ne pas avoir brisé définitivement la confiance entre eux, car il avait tapé sur quelque chose qui blessait vraiment son jeune protégé.

Un autre soupir franchit sa bouche. Il ne fut pas surpris de sentir une main sur son épaule, et de voir Lavi derrière lui. Il était discret, mais son pas léger avait résonné en lui.

« Tu devrais lui laisser du temps, » chuchota gentiment le rouquin, « Attends qu'il soit prêt à t'écouter.

—Tu as raison, je vais prendre mes distances cette nuit. Je peux rester avec toi ? »

La main de Lavi se fit caressante.

« Faut d'abord que j'aille voir mon grand-père mais ouais, va m'attendre dans ma chambre. Je serais sans doute trop fatigué pour faire quoique ce soit, par contre.

—Ne t'inquiète pas, c'est aussi mon cas. Je n'avais aucune arrière-pensée. »

Ils s'effleurèrent doucement la main, se souriant gentiment.

Link choisit donc de prendre sur lui, malgré son sentiment d'amertume qui se transformait petit à petit en déprime. Son altercation avec Allen le chagrinait bien plus que ça n'aurait dû le faire. Aussi, il s'en morigénait. Il s'impliquait peut-être trop avec ce garçon. De prime abord, il n'aurait jamais cru qu'Allen Walker compterait autant pour lui. Force était de constater que son professionnalisme avait flanché, le cœur l'emportant sur la raison. Ça n'avait jamais été son genre, et pourtant… Link se sentait déçu de lui-même. Preuve étant qu'il aurait vraiment dû être plus délicat. Il ne pouvait pas prétendre être attaché à lui et le traiter ainsi.

Allen avait besoin de sommeil, et d'être seul.

Aussi, l'homme regagna la chambre de son amant.


Link s'était assoupi entre les draps quand il fut rejoint par Lavi. Il l'avait senti soulever les couvertures et tenter de se glisser en dessous sans le réveiller. Même si c'était raté, sa tentative de prévenance était adorable. Ses lèvres s'étirèrent, et l'Allemand se redressa. Doucement, il leva une main pour caresser la joue de Lavi qui bredouillait déjà une excuse.

« Ne t'inquiète pas, » assura-t-il, « Je te remercie de m'accepter avec toi.

—Ben c'est normal, » lui sourit le borgne, « t'es mon… enfin, on est ensemble, quoi. J'avais envie d'être seul avec toi depuis un moment, en plus. »

Lavi lui jeta un regard pénétrant. Link frissonna malgré lui. Ça faisait un moment, et aussi un moment qu'ils n'avaient pas… Devant son œil scrutateur, il voyait poindre un certain désir. S'autorisant à être joueur, ayant de plus bien remarqué sa correction sur le terme à employer pour leur relation, Link ouvrit ses bras pour inciter Lavi à venir contre lui, lui décochant une expression charmeuse.

« Souviens-toi que nous n'avons tous les deux aucune énergie, Lavi. »

Il disait ça autant pour son jeune amant que pour lui-même.

« Je sais, je parle juste d'être proche de toi. »

Naturellement, le petit clin d'œil que lui fit son interlocuteur ne fut pas innocent. Le rouquin reprit son sérieux.

« Tu as meilleure mine que tout à l'heure, en tout cas. »

Link s'autorisa un soupir.

« On peut dire ça, oui. Tout ce qui se passe est entièrement ma faute, et je regrette vraiment que ce soit parti aussi loin. Ce n'est pas la première fois que Walker est fâché contre moi à cause de nos divergences d'opinions ou que je me sens agacé par son impétuosité, mais c'est la première fois que ça va aussi loin.

—Tu le reconnais, au moins. Je ne pense pas qu'il t'en voudra éternellement. »

Le blond haussa les épaules.

« Il est têtu, et il a de quoi m'en vouloir. Je suis sincère quand je dis que je m'en veux vraiment. J'aimerais juste le lui faire comprendre.

—Tu le feras en temps et en heure. Tu l'aimes beaucoup, je suis sûr qu'il le sait, et c'est réciproque de son côté. C'est pour ça que ça lui a fait mal.

—Je m'en suis rendu compte tout seul, » sourit Link avec amertume, « et c'est pour ça qui m'inquiète. »

Lavi se passa la langue sur les lèvres et rit gentiment.

« C'est surprenant de te voir autant travaillé par tout ça. Agréablement, hein, ça te rend si… humain ! »

Link leva un sourcil.

« Comment ça ?

—Tu ne ressembles plus à l'inspecteur froid et coincé qui semblait là pour semer la merde. » Link fronça le visage, outré, et Lavi rit, reprenant : « J'aime bien ce changement. »

Le plus âgé secoua la tête.

« C'est surtout que Walker est un peu comme un deuxième fils, pour moi. Je n'aimerais pas entacher notre relation. »

Si Lavi était rieur, il cessa immédiatement de rire et braqua un œil écarquillé sur lui. Il eut un mouvement de recul, le choc se peignant sur ses traits. Link se rendit compte qu'il avait parlé trop vite, et ça avait été si spontané qu'il était surpris lui-même.

« Attends, temps mort… Je capte pas. » Lavi était paumé. « Deuxième fils ? Deuxième fils ? » Il s'estomaquait. « Tu en as eu un premier… ? »

L'Allemand sut qu'il ne pourrait pas se braquer. Il en avait trop dit à partir de là, ou pas assez. Lavi et lui testaient encore leur relation. Il ne s'engageait à rien en révélant cela, et ce serait une sorte de prélude à un bouquet final. Le jeune Bookman garderait son secret, il lui faisait confiance pour ça. Sans le repousser, il s'éloigna un peu de lui dans le lit, Lavi venant poser une main douce sur son bras en voyant sa tête. Il avait déjà dû deviner que ce n'était pas une histoire joyeuse.

« Je t'ai dit que j'ai eu une relation quelques années ? » Lavi hocha la tête. « On a commencé ensemble à une période où nous étions ignares des convenances, et totalement irresponsables. Malgré tout, malgré l'absence de lien, on était vraiment engagé. Et on a finit par être imprudent. Elle est tombée enceinte. On était un peu trop jeune, mais on était heureux, on pensait que ça suffirait à consolider un lien, ça aurait peut-être pu… Notre enfant a vécu deux ans, puis il est tombé malade. Une bonne grippe. Banal, je sais. C'était un oméga, il avait aussi un corps assez faible, et il n'a pas survécu, les traitements n'ont pas marché. »

Lavi devait en avoir vu et entendu bien d'autres, pourtant, son silence était compatissant. Il n'avait pas enlevé sa main, et il le serra doucement.

« Suite à ça, on a rompu. On y arrivait plus, c'était trop dur, on était convaincu que Dieu nous avait punis, et on avait aussi d'autres… obligations qui nous ont forcés à nous quitter. J'aurais fait un piètre père, de toute façon.

—Dis pas ça, c'est faux ! » le réconforta Lavi, oubliant son hébétement mais peu sûr de savoir quoi dire, « merde, j'aurais jamais pensé que… C'était y a combien de temps ? Enfin désolé, je manque de tact, t'es pas obligé de répondre. »

Link déglutit. Il secoua la tête.

« Je me suis engagé auprès de Luberrier à mes vingt-deux ans, quelques mois après la mort de mon fils, il y a six ans. Il aurait eu ses huit ans il y a quelques jours, et il s'appelait Lukas.

—Oh mon dieu, Howard… »

Lavi le prit dans ses bras et l'enfouit contre lui. Le blond étouffa un hoquet de surprise, plongé contre le torse du Bookman. Il ne l'avait franchement pas vu venir. Cependant, il se laissa aller. Il devenait toujours très nerveux lors de la période de l'anniversaire de Lukas, et c'était bien la première fois qu'il l'évoquait si crûment depuis un sacré bon moment. Seul son supérieur lui glissait toujours un mot d'encouragement quand ils atteignaient ces mois douloureux. C'était bien pour ça que Link suivait ses ordres. Même un être tel que Luberrier était capable de compassion, si son éthique était pour le moins élastique. Plutôt discutable, aussi.

Un raclement de gorge sortit Link de ses pensées.

« J'admets que je suis choqué et que je sais absolument pas quoi dire, » bredouilla Lavi, se sentant sincèrement désolé et impuissant, « mais je suis là.

—Je sais, merci. »

Link était sincère, il était reconnaissant. D'autant que rien ne pouvait être dit et rien ne pouvait être fait. Seul le temps était censé guérir les blessures, après tout. Celle-là n'avait jamais vraiment guéri, elle laisserait une cicatrice et un élancement toujours vif, inaltérable – comment se remettre complètement de la mort d'un enfant ? La blessure ne saignait plus, il s'était juste fait à sa présence constante, s'était résigné.

Ainsi, entre nostalgie, douleur et curieux sentiment de confort inconfortable, presque coupable, Link embrassa Lavi chastement.

« Merci de m'avoir écouté.

—C'est tout à fait normal. »

Lavi lui souriait chaleureusement.

« On éteint ? » demanda Link. « Je me sens fatigué, après tout ça. »

Le plus jeune acquiesça. Il se pencha sur la lampe sur la table de chevet, escaladant le corps de son amant qui se laissa faire, posant une main sur sa hanche pour maintenir son poids. Link se rabattit de son côté, l'obscurité envahit bientôt la pièce. Douce, elle invitait au repos. Ils en avaient tous deux besoin.

Un autre baiser claqua dans la nuit.

Ils sombrèrent, se mettant en position de cuillère. Lavi étreignant Link, il faisait reposer sa tête contre son cou. Sa main droite rejoignait celle de Link sur son ventre, et il en profitait pour le caresser, lui faisant sentir du soutien. Une chose était sûre, ces révélations commençaient à réellement consolider leur relation.

Lavi se sentait privilégié de voir que Link lui faisait autant confiance.


Le lendemain, Allen se réveilla en sursautant dans son lit, comme après un cauchemar duquel il ne se souvenait pas. Il réalisa qu'il était seul, et qu'au vu de l'élévation de lumière qui rentrait dans sa chambre par les volets à la cliche et les rideaux non tirés, il était un peu plus tard que lorsque Link le réveillait habituellement. Aucun bruit dans la salle de bain, l'Allemand n'était donc pas là. Il fronça les sourcils : c'était bizarre. L'alpha était-il parti déjeuner sans se donner la peine de lui demander de venir ? Non, même s'ils étaient en froids, Link prenait à cœur sa tâche de le surveiller alors… Il avisa que son lit était fait, il avait l'impression de le voir tel qu'il l'avait vu la veille en entrant dans la chambre, et il avait la sensation que Link n'avait peut-être même pas dormi là.

Il ne comprit pas, se posa d'abord des questions, puis sa colère le rattrapa. Il haussa les épaules, décidant qu'il se fichait de ce que Link fabriquait. Couché entre les draps, une main sur le ventre, Allen se mit à fixer le plafond. Il était content que Link ne soit pas là pour le voir dans cet état. Il l'avait réellement déçu. Allen sentit une petite larme couler. D'un geste rageur, il l'essuya rapidement. Il fallait se reprendre. Toutefois, ce n'était pas aisé quand on était trahi par un ami ! Link s'était toujours montré respectueux et peu insistant lorsqu'il lui confiait ses sentiments ainsi que ses inquiétudes à propos de sa relation avec Kanda, donc il avait bêtement cru pouvoir lui faire confiance. Savoir qu'il le prenait apparemment pour rien de plus qu'un gamin niaiseux et qu'il semblait cautionner le fait que Luberrier veuille le marier à Kanda contre leur gré lui faisait la même sensation qu'un coup de poignard en plein cœur.

Et Link avait le culot d'essayer de se rattraper en prétendant que ce n'était pas évident ! Comme si ça justifiait ça, sa cruauté par-dessus le marché ! Ce n'était évident pour personne, et tout ne s'excusait pas pour autant !

Le blandin serra les dents, se sentant définitivement d'humeur massacrante dès le matin. Une journée comme ça n'était jamais plaisante à entamer. Entre sa dispute avec Kanda qui n'était qu'à demi-calmée car les non-dits persistaient et maintenant Link, la coupe pleine débordait à grand cru. Il se rendait tout à fait compte qu'il ne devrait pas autant ressasser ça. À défaut de l'aider à y voir clair, ça ne faisait qu'alimenter sa colère. Il n'arrivait pas à s'en empêcher. C'était juste trop dur de faire le vide quand tout tempêtait à l'intérieur de lui. Tardivement, il réalisa qu'une boule dans sa gorge et dans son estomac bloquaient sa respiration. Il se racla la gorge lourdement, et expira lentement. Au moins, il pouvait voir un élément positif : l'absence de Link lui laissait l'occasion de flemmarder au lit. Il était toujours aussi fatigué que la veille, comme si le sommeil n'avait pas été suffisamment reposant.

Comme il n'avait rien d'autre à faire et aucune envie de faire quoique ce soit d'ailleurs, autant redormir, ça l'aiderait à ne pas rester en boucle.

Au bout de quelques instants, n'arrivant pas à retrouver le sommeil et s'ennuyant progressivement, il se redressa mollement pour se lever. La porte s'ouvrit, accompagnant son corps dans sa lenteur. Link entra dans la pièce, le visage neutre.

« Bonjour, Walker. J'étais sûr que tu étais encore au lit. Je venais te réveiller. »

Allen fronça les sourcils mais prit sur lui. Il posa ses pieds sur le sol, les fesses au bord du lit, répondant avec autant de nonchalance que l'autre :

« J'allais prendre ma douche. » Il ne rendait pas le bonjour. « Tu n'as pas dormi là ? Je ne t'ai pas entendu te lever. Tu étais où ?

—Si, mais je suis rentré tard, j'avais du travail. J'ai voulu te laisser dormir ce matin, alors j'ai donné mon rapport à Luberrier. »

Link regardait ailleurs, aussi, le blandin ne défronça pas les sourcils, loin d'être dupe. Il avait l'impression qu'il mentait – encore. Pourtant, ça aurait pu être cohérent. Il avait déjà décidé que ça ne le regardait pas, de toute façon.

Allant prendre des vêtements dans son armoire, Allen prévint Link qu'il en avait pour une dizaine de minutes sous la douche, Timcanpy le suivant alors qu'il s'enfermait dans la salle de bain.

La tension entre eux était toujours à couper au couteau, mais de ça aussi, l'oméga choisissait de s'en moquer. Au moins, l'Allemand n'avait pas retenté ses excuses ridicules, ce qui l'aurait fait tout bonnement exploser.


« Tu dis que les entraînements reprennent demain, c'est ça ?

—Oui, » répondit Link, « Luberrier vous laisse le temps de récupérer avec le décalage horaire. Mais ensuite, il y en aura tous les jours si vous n'êtes pas en mission. Je vous expliquerai comment nous allons procéder. »

Ils étaient attablés à la cafétéria. Quelques Traqueurs et d'autres Exorcistes, tels que Krory et Miranda, les avaient rejoints. Allen mangeait tranquillement, si son nombre de plats bien impressionnant ne cessait de faire loucher Miranda, qui, sans avoir un appétit d'oiseau, restait on ne peut plus dubitative devant l'étendue du gouffre chez un symbiotique. Marie les rejoignit bientôt. Il déposa un baiser sur le front de Miranda en s'asseyant à côté d'elle. Si la jeune femme rougit, elle continua à manger naturellement. Allen ne put s'empêcher de sourire gentiment, attendri. Le couple qu'ils formaient depuis leur lien n'était absolument pas secret. Marie prenait soin de Miranda et cette dernière semblait lui rendre l'attention. Assortis, ils se correspondaient totalement, on pouvait dire qu'ils étaient chanceux.

Allen se demanda s'il pourrait ressembler à ça un jour avec Kanda, si tant est que leur relation évolue dans cette direction… Il aurait bien aimé, et se sentait un peu niais d'y fantasmer. Les mots insultant du blond quant à sa mièvrerie revinrent dans son esprit, et à la colère qu'ils lui inspiraient se substitua aussi une honte qu'il refoula. Son amour pour Kanda qui n'aboutissait pas car il était trop timide pour envisager de se déclarer et car Kanda était perdu lui sembla soudain en effet bien laborieux.

Il se contenta de hocher la tête aux mots de Link, terminant de manger, soudain morose.

« J'aimerais être un peu seul, » dit-il quand ils gagnèrent le couloir, « je vais essayer de trouver Kanda.

—Comme tu veux. Je vous ai vu discuter ensemble, sur le bateau. J'espère que c'est réglé entre vous. »

Le blandin eut du mal à maîtriser son regain de fureur. Cette manière passive de lui demander des nouvelles lui semblait particulièrement déplacée dans cette situation.

« Ouais, ça peut aller. » Sec, il refusait d'en dire plus. « Tu acceptes, alors ? »

Comme s'il mesurait la tension, Link marqua un temps d'arrêt. Il poussa un soupir, agacé.

« Tu peux y aller. Mais rejoins-moi avant le dîner, je te contacterai avec mon Golem pour te dire où je suis.

—Très bien. »

Allen opina doucement à son tour et partit. Par sympathie, Link avait arrêté de rechigner à lui accorder un peu de temps seul, avec ses amis ou avec Kanda. Il était en effet reconnaissant, car malgré sa rigueur, Link savait être pourtant être souple. Dans le cas présent, c'était un soulagement, parce qu'ils n'avaient sans aucun doute ni l'un ni l'autre envie de se retrouver tous les deux pour discuter ou simplement se mettre dans un coin à lire ou potasser comme ils le faisaient parfois quand ils n'avaient aucune obligation extérieure. Être ensemble serait sans doute insupportable un bon moment après tout ça.

En revanche, il avait envie de mettre les choses à plat une bonne fois pour toutes avec Kanda. Ça ferait déjà un problème de réglé, le reste pourrait attendre. Il lui avait dit qu'il l'attendrait mais avec cette annonce de mariage, il préférait qu'ils en discutent à tête reposée… Avant que les entraînements ne reprennent leur semblant de sérénité, et qu'une tension ne puisse s'accumuler de nouveau entre eux. Il préférait tout plutôt qu'ils repassent par une ambiance tendue et invivable comme ça avait pu être le cas les mois précédent ses premières chaleurs. Surtout que les suivantes ne lui paraissaient définitivement pas loin…

Ses hormones lui semblaient très vives, il se sentait inhabituellement excité sans raison apparente. Certes, c'était normal à son âge, il ne cessait de se le répéter pour ne pas paniquer, d'autant qu'il lui arrivait toujours de se donner du plaisir et de ressentir une certaine tension sexuelle, mais ça prenait des proportions qui tiraient sa sonnette d'alarme. La sensation du toucher de l'alpha pendant ses chaleurs lui manquait de plus en plus. Entre ça et son rêve lors du séjour au Vatican, ça ne pouvait vraiment pas être anodin… Vraiment pas. Allen ne savait plus quoi penser.

Il tournait à l'angle d'un couloir, ne s'étant pas rendu compte qu'il fixait le sol distraitement tant il était perdu dans ses tribulations mentales. Un corps se cogna au sien, l'en éjectant plutôt brutalement. Une odeur florale particulièrement suave l'envahit et il comprit alors même que l'autre s'exclamait un « Moyashi ! » semi-irrité, semi-surpris. Il n'y avait que Kanda pour mêler de telles émotions en un contraste si déconcertant. Allen recula, déglutit et lui sourit, se grattant la tête avec embarras.

« Excuse-moi, j'étais ailleurs. Je te cherchais. » Il prit une expression sérieuse. « Il faut vraiment qu'on parle.

—J'sais, moi aussi je te cherchais. »

Comme deux ronds de flan, ils se toisèrent alors que c'était pourtant inévitable. Allen se sentit ouvrir la bouche bêtement.

« Je… présume qu'on veut tous les deux parler de la réunion. J'aimerais savoir si tu es prêt aussi à me parler par rapport à l'autre fois ?

—J'vais le faire, » soupira Kanda, visiblement malaisé, et, en conséquence, crispé, « J'ai réfléchi. J'ai pas mal de trucs à te dire.

—C'est aussi mon cas. Il y a aussi… hm… autre chose, mais je n'en parlerais pas dans les couloirs. »

Il rougissait, aussi, Kanda hocha la tête sans arborer aucune expression – Allen devina qu'il avait peut-être compris ce qu'il voulait dire par là. L'alpha plaça une main ferme sur son bras, sans le tirer pour autant, juste pour l'inciter à se déplacer dans sa direction.

« On a qu'à trouver un endroit pénard au lieu de s'éterniser ici, » dit-il en le poussant.

D'un accord commun, ils cherchèrent un endroit libre où discuter. Allen lui proposa qu'ils sortent. Il faisait plutôt beau en ce moment, et il avait envie de prendre l'air à force de se prendre la tête au sujet de Link. Ce serait toujours plus agréable que de s'enfermer, en plus. Kanda accepta la proposition d'un autre hochement de tête entendu, et ils avancèrent dans le calme. L'oméga espérait beaucoup de cette conversation, il ne se sentait malgré tout pas stressé. Il faisait confiance à Kanda pour avoir réfléchi et s'être remis en question. Depuis la dernière fois, il avait compris que l'alpha avait sans doute des raisons d'agir comme il l'avait fait – il l'avait toujours su. Il ne fléchissait pas dans ses revendications, mais il voulait bien s'avouer que la tension qu'il avait ressentie dernièrement avait contribué à sa colère violente.

Tandis qu'ils entrèrent dans la cour, dépassant quelques Traqueurs et se retrouvant en proie de l'air frais et agréable, Kanda ouvrit la bouche :

« Paraît que ça a gueulé entre l'clébard et toi. » Devant le regard surpris d'Allen, le kendoka précisa : « C'est le Baka Usagi qui me l'a dit.

—Il a eu des mots… plutôt dégradants quand je me suis énervé pour le mariage, » bon sang, ça lui faisait tellement bizarre d'en parler, « alors je lui en veux beaucoup. Mais attends, comment ça se fait que tu parles de ça avec Lavi ? Depuis quand tu l'envoies pas bouler ? »

Un 'tch' franchit la bouche de Kanda, alors qu'il détourna le regard.

« Je l'ai envoyé bouler, mais c'est dur de s'en débarrasser, de ce con. C'est lui qui m'a prévenu que tu risquais d'être sur les nerfs à cause de l'autre connard et qu'il faudrait pas t'en vouloir si t'étais chiant. Il t'a dit quoi, exactement ?

—De quoi il se mêle ?! » s'exclama Allen, interloqué.

Il pouvait imaginer que Lavi avait voulu l'aider, mais il ne comprenait toujours pas pourquoi ils avaient parlé de lui avec Kanda. L'alpha grogna dans le vide.

« Il est venu me parler au sujet de la réunion, et il m'a dit ça en même temps.

—La réunion ?

—Il t'a dit que ça s'était mal passé, fais pas l'innocent. C'est de ça qu'il me parlait. Tu réponds pas à mes questions. »

Allen aurait bien voulu savoir ce que Lavi lui avait dit d'autre, et comprendre ce qui avait bien pu autant contrarier Kanda en dehors de l'annonce du mariage – il était convaincu qu'il y avait quelque chose en plus, si Lavi était allé en rediscuter avec le Japonais, ce n'était certainement pas pour rien. Kanda semblait vouloir rester évasif sur le sujet. Vu comme il avait eu l'air perturbé, le symbiotique se résigna à faire un pas en avant lui aussi. Un problème à la fois. De plus, il ne voulait pas braquer son ami.

« Je suppose que Lavi ne t'a pas vraiment dit ça comme ça, hein ? » ricana innocemment Allen en jetant un coup d'œil à Kanda qui haussa les épaules, ne défendant pas Link contre l'appellation, contrairement à son habitude. Puis, il se renfrogna : « Pour te répondre, Link n'a rien dit de spécial, juste qu'on agissait comme des enfants gâtés, des conneries paternalistes, tu vois le genre. »

Kanda continua d'avancer sans répondre. La crispation de sa mâchoire ne trompait pourtant pas Allen – il était furieux lui aussi. Dehors, ils trouvèrent un banc à l'ombre d'un arbre. Personne ne se trouvait là, il n'y avait qu'eux. La cour se terminait par une espèce de balcon qui leur donnait une vue sur le lac qui entourait le QG de l'Ordre. Allen avait toujours trouvé le paysage agréable, aussi, il s'assit avec une sensation de satisfaction confortable. Le kendoka se posa à ses côtés.

« Il soutient, alors. J'savais que fallait pas lui faire confiance. »

Allen serra les dents. La brutalité de cette révélation ne lui plaisait pas. Il se sentait tellement naïf et tellement idiot ! Il avait vraiment cru Link quand il lui avait dit qu'il essayait de l'aider. Tout ça pour qu'il le traite comme un imbécile parce qu'il critiquait la décision de Luberrier… Putain, ça faisait mal.

« J'avoue que je ne sais plus quoi penser. » Il baissa les yeux un bref instant. « J'aimerais changer de sujet, si tu permets.

—J'disais pas ça pour te faire te sentir mal, Baka Moyashi.

—Je sais, Bakanda. Mais on est tranquille ici, je préfère qu'on dise ce qu'on a à dire, et qu'on laisse Link où il est. »

Kanda parut comprendre.

« Ok. »

Le silence retomba, et il fallut avouer qu'il se mit doucement mais sûrement à peser son doux petit poids. Allen sentait un vent frais lui chatouiller le crâne et il referma davantage son manteau contre son corps dans un réflexe. Il fixait l'horizon, le ciel bleu avec ses quelques nuages clairs, cachant une nuée grisâtre plus loin, probablement susceptible de pleuvoir en fin de journée. Kanda ne s'embarrassa pas d'observer le même silence et attaqua :

« Bon, Moyashi, tu commences, ou je commence ? »

Autant rentrer dans le vif du sujet, Allen fut d'accord. Il prit une inspiration :

« Toi, vas-y. Je veux savoir ce que tu voulais me dire.

—Ok. » Le brun inspira à son tour, de manière exaspérée. « Ça va être galère, alors écoute bien et me fais pas répéter.

—Je sais, Bakanda, » s'agaça Allen, qui l'avait bien compris, « Exprime-toi, je suis à l'écoute.

—Déjà, je me fous pas de ce que tu ressens, bordel. » La voix de Kanda s'éleva, si bien que l'oméga le regarda droit dans les yeux. « Parler de mon passé et de ce qui va pas est vraiment compliqué pour moi. Mais j'sais que ça sera nécessaire, un jour, j'sais que faudrait que je te dise tout. Encore plus si ces connards nous font consommer… Tout ça pour l'Innocence…

—Je suis vraiment furieux moi aussi, Kanda, » avoua Allen, sentant toute la tension qui dormait en lui ne faire qu'un tour dans ses veines. « Je ne veux pas ça. Je t'ai dit aussi que la question n'était pas de tout se dire, juste pourquoi tu t'es braqué et pourquoi ça n'allait pas dernièrement. Je m'inquiète pour toi, bon sang. Et je veux te sentir ouvert au dialogue. C'est tout. »

Le visage sérieux, Allen s'échinait à tenter de s'expliquer. Car il était sincère. Il ne cherchait pas à forcer Kanda à tout lui dire de but en blanc, mais il y avait une différence entre dire un peu et ne rien dire du tout. L'alpha soupira encore.

« J'allais y venir, Moyashi. Attends. Je sais que je devrais te révéler mon passé, parce que je pense moi-même que ce sera nécessaire, et j'ai confiance en toi. » Allen fut presque surpris de cette révélation, et une douce chaleur prit place en lui, car Kanda semblait sincère. « Crois-moi quand je dis que c'est compliqué et qu'à ma place t'aurais pas envie d'en parler. J'sais que tu t'imagines pouvoir me réparer mais tu peux rien y faire, c'est fait, c'est fini. En même temps, ça me poursuit. J'exagère pas quand je dis ça. »

L'atmosphère s'assombrit. Allen s'en rendait bien compte, et ça ne lui plaisait pas. Il tendit une main qu'il posa au-dessus de celles de Kanda, crispées sur ses genoux. Il l'encouragea du regard.

« Alors ne me dis pas tout si c'est trop dur, juste ce qui me permettrait de comprendre.

—Ouais, » souffla Kanda, « Je vais pas tout te dire maintenant, mais je vais te dire pourquoi je me suis braqué, entre autres. Y a plusieurs raisons. C'est pas de ta faute. J'avais besoin de cogiter, Et, putain de merde, quand t'as parlé de mon odeur, ça m'a rappelé de mauvais souvenirs, que je peux pas évoquer non plus. »

Le maudit eut un mouvement de recul, hébété.

« Quoi ? L'odeur de lotus ?

—Ouais. »

La crispation du kendoka paraissait croître. Allen ne comprenait rien, et il trouvait ça si… hors propos… que son esprit décrocha.

« C'est quoi le problème ? » Il rit malgré lui. « T'as été agressé par un Lotus quand t'étais petit ?

—C'est sérieux, Moyashi. T'imagine pas à quel point. C'est lié à quelque chose d'important.

—Je le vois à ta tête… Mais je comprends pas… Enfin, c'est une odeur, Kanda, quoi que ça puisse t'évoquer, ça ne devrait pas te perturber à ce point. » Il s'autorisa un ton plus léger. « J'avoue que j'aime plutôt bien, pour ma part.

—Tch. Laisse tomber. » Kanda sembla agacé plutôt qu'amusé, et Allen faillit s'excuser, hésitant à poser plus de questions, quand l'autre le coupa en braquant un regard accusateur sur lui : « J'vois ça.

—C'est bon, » rougit Allen, « te moque pas. On est liés, ça me fait de l'effet, c'est normal. La mienne t'en fait aussi, tu me l'as dit des tas de fois ! »

Kanda rouvrit la bouche en fronçant les sourcils, prêt à protester, et le maudit le coupa :

« Bref, c'est quoi, les autres raisons ? Qu'est-ce qui n'allait pas ?

—Les problèmes qu'on a à se synchroniser, ça vient de moi. Ça a été dit mot pour mot à la réunion. » Allen se renfrogna, les yeux grands. « Fais pas cette gueule, je sais que tu culpabilises à mort et ça m'a fait chier, je voulais pas ça.

—A cause du second-lien ?

—Disons qu'elle avait appartenu à un autre exorciste et enduré un lien avant. Je le sais, mais j'en sais peu. Je voulais te protéger. Alors j'ai pensé que t'éloigner de moi nous aiderait à récupérer, et que ça te ferait plus mal. »

Faire taire son regain d'énervement fut compliqué. Allen s'exclama malgré lui :

« C'est ridicule ! C'est toi qui as souffert Kanda, toi qui… !

—Parce que ça ne t'a pas encore atteint, ça aurait pu, » coupa l'autre. « Je préférais souffrir plutôt que tu te trouves dans cet état toi aussi.

—Pourquoi tu me l'as pas dit ? »

Détournant le regard, l'alpha fixa l'horizon. Il clôt les paupières un bref instant avant de reprendre.

« Parce que c'était compliqué pour moi de le dire, merde. Puis…

—Puis ?

—J'avais besoin d'être pénard pour réfléchir à comment gérer. Je savais pas comment le faire sans me braquer et sans t'envoyer bouler. Je voulais pas que ça se passe comme ça, c'est comme ce que je t'avais dit l'autre fois. Y a les odeurs aussi, j'ai été facilement influencé, parce que je suis crevé et que je me maîtrise pas bien, et ça me plaît pas. Je t'ai plaqué au sol et je t'ai senti contre ton gré, j'me suis senti coupable. »

L'Anglais opina.

« Je vois. Tu n'es pas le seul, moi aussi. Je voulais te protéger, je pensais que ça venait de moi, et je pense que ce n'est pas uniquement ta faute. Je suis stressé aussi, et j'ai vraiment l'impression que mes chaleurs… Je… Je suis inquiet, en fait. C'est peut-être ça, quand tu parlais de nouvelle odeur. Et ça me terrifie.

—Je le sens. J'suis pas super serein aussi à ce sujet. Mais va pas croire que je te faisais la gueule parce que t'as demandé à ce qu'on baise. Si ça m'avait dérangé, j'aurais dit non direct. »

Amer, le maudit souffla bruyamment.

« Oui, je sais que tu le sens, et j'aimerais que ça ne soit pas le cas. C'est cruel que le lien te fasse sentir mes émotions alors que tu as déjà les tiennes.

—Je sais démêler les choses, » contra l'épéiste. « Mais c'est vrai qu'on était tous les deux stressés et j'ai eu du mal. Ton stress et le mien, c'était trop. Les synchronisations m'agacent aussi. Ça m'épuise, mais c'est pas contre toi. »

Allen hocha la tête. Ils avaient enfin pu s'exprimer tous les deux. Surtout Kanda, il avait beaucoup parlé, et ça le satisfaisait vraiment !

« Bon, au moins c'est clair. Je m'excuse de m'être autant énervé, Kanda. Je te remercie quand même de m'avoir parlé. J'en avais besoin, et je comprends mieux. Tu vois, dire ça, ça me suffit, je n'ai pas besoin de savoir tout ton passé pour qu'on communique. Ni maintenant ni jamais. Si tu tiens à m'en parler, je ne te repousserai pas, mais tu n'as pas à t'y forcer. J'aimerais juste que tu me dises clairement ce que tu ressens. Je pourrais mieux m'adapter. »

Il parlait d'une voix douce, voulant lui transmettre sa sincérité. Kanda dégagea alors ses mains de sous la sienne.

« J'ferais ce que j'ai à faire. J'suis juste pas habitué. À ressentir autant de trucs et à en parler.

—Je le sais, » concédait de nouveau Allen, toujours gentiment, « et je suis content de te voir essayer.

—Alors on est réconcilié ? »

Kanda plongea son regard dans le sien. Allen sourit, acquiesçant avec enthousiasme.

« On l'est.

—Tant mieux. Ça me faisait chier qu'on se fasse la gueule pour ça. »

Allen fut touché. C'était une phrase anodine, mais venant de l'alpha, ça n'allait certainement pas tomber dans l'oreille d'un sourd.

« T'es mignon, Kanda.

—Baka Moyashi, j'aime juste pas les embrouilles pour des conneries.

—C'était pas des conneries ! » se défendit l'oméga. Il laissa quand même tomber. « Tu vas mieux, sinon ? Je te voyais vraiment perturbé depuis la réunion. J'ai compris qu'il s'était passé quelque chose, hormis l'annonce du mariage. Tu n'es pas obligé de m'en parler. Je m'inquiète simplement. »

Il avait levé les mains devant son torse pour insister sur ses propos. Le Japonais opina, montrant qu'il avait compris ce qu'il voulait dire.

« Ouais, t'en fais pas pour moi. Ça me fait juste chier que cet enculé de Luberrier décide pour nous.

—On s'y attendait, en même temps. Je croyais qu'il s'en ficherait qu'on soit mariés à cause des synchronisations, j'aurais dû me douter que ça pourrait faire partie de son plan si ce n'était pas suffisant. C'est pour ça que je voulais qu'on se parle franchement… Je veux qu'on soit ensemble dans ça. Qu'on lutte ensemble.

—Je sais. Je sais aussi que ça va être à moi de faire des efforts. Je le ferai en temps et en heure, Moyashi. C'est une promesse. »

Allen opina à son tour et s'approcha de lui, se levant. Il lui saisit les mains et le toisa avec bienveillance.

« Merci. Tu en as déjà fait assez aujourd'hui.

—Je me rends compte que ce sera nécessaire, je te dis, et je ne fais pas de paroles en l'air, tu sais ce que j'en pense. Surtout que ça a l'air mal barré que le lien se brise et que ça annule le mariage, et le reste… On est plus influencés parce qu'il se renforce. L'éloignement, c'était la synchronisation, j'en suis sûr, mais pas le lien. Il est intact.

—J'ai la même hypothèse. »

Kanda venait de se relever lui aussi. Ses mains avaient saisi celles d'Allen et il les serrait dans les siennes. Ils se regardèrent l'un et l'autre, et, naturellement, ils se rapprochèrent, Kanda se penchant et Allen se redressant. Lorsqu'ils furent suffisamment près, ils sentirent leurs odeurs. Allen se sentit si heureux qu'il eut la sensation que la chaleur de ses joues s'étendait à son corps tout entier. Il aimait Kanda, c'était vrai. Pourtant, ce que Link avait dit était faux. Ni l'un ni l'autre, peu importe leurs sentiments, n'avaient de quoi être réjoui à ce qu'on ne leur laisse pas le choix de se marier ou non et qu'on décide pour eux. Il ne savait pas ce que Kanda ressentait, et ça l'énervait vraiment qu'une concrétisation de leur relation leur soit imposé sans qu'ils n'aient pu le décider.

Se sentir soudés dans ce genre d'épreuve était évidemment très important. Ils devaient s'entraider tous les deux.

Allen eut une brève hésitation, mais il se hissa sur la pointe des pieds et déposa un baiser sur la joue de Kanda.

« Je suis content que tu ailles mieux, » dit-il, toujours proche de lui, « te voir si inquiet… m'a vraiment fait peur. »

Kanda l'embrassa sur le front. Cramoisi, Allen n'y aurait pas cru s'il ne l'avait pas senti le faire. L'expression fuyante de l'autre renforçait le réel de ce qui venait de se produire. Sa voix grave retentit doucement :

« Ça va mieux. » Il grommela. « C'est toi qu'es mignon, à t'inquiéter pour moi.

—Être 'mignon' n'est pas une insulte, tu sais, » le tança le maudit sur un ricanement, « c'est plutôt un compliment. »

Kanda ne répondit pas, comme boudeur, et ils se turent. L'échange d'odeur reprit. En même temps, leurs visages se rapprochaient, eux aussi de plus en plus près. Dans ce tourbillon de senteurs agréables, ils étaient au maximum de leur proximité, et Allen se sentit rougir de plus en plus. Il avait l'impression – idiote, il le savait – que Kanda allait l'embrasser. Leurs lèvres étaient plutôt proches, et ça lui rappelait le baiser qu'ils avaient échangé lors de ses chaleurs… Ça avait été si intense… Il aurait bien aimé recommencer. Oh, il se doutait bien que ça n'arriverait pas, qu'il était le seul à y penser et à en avoir envie, que c'était sans doute le contrecoup du stress, du bien-être de leur réconciliation, de ses hormones, qui faisaient qu'il était vraiment émotif si près de Kanda.

Mais il le voulait de plus en plus… Et leur proximité était réelle… Il déglutit difficilement.

Ses odeurs, son odeur de Lotus… Il ne savait pas pourquoi Kanda n'aimait pas ça, mais lui adorait !

Au bout de quelques secondes, Kanda le repoussa doucement. Allen lui sourit, reprenant contenance avec une difficulté apparente.

« Je vais y aller, » lança le Japonais, « on se voit demain à l'entraînement.

—Ça marche. »

L'épéiste partit, lui jetant un dernier regard. En avisant sa silhouette qui s'éloignait, Allen se sentit petit à petit aux anges.


Kanda n'en revenait pas.

Son contrôle de lui-même s'amenuisait encore. Il avait voulu embrasser le Moyashi. Il en avait même été proche, physiquement, il n'était pas con, il avait bien vu leur position. Le pire étant qu'Allen s'était laissé faire sans broncher… Il ne comprenait pas tellement ça – encore que s'il était bien proche de ses chaleurs, possible que ça ait endormi ses réflexes de réagir, et il se maudissait. Putain, les odeurs de Moyashi lui faisaient vraiment trop d'effet. Ça l'inquiétait, ses sentiments s'en trouvaient conflictuels. Car en même temps, il était soulagé. Il avait trouvé la force de se confier en partie à lui et lui avait promis qu'il le ferait entièrement un jour, quand il serait prêt, et ça avait calmé la colère d'Allen à son égard. Avec le recul, il avait réussi à comprendre que ce dernier lui en veuille, surtout qu'il savait qu'il n'avait pas été très aimable – c'était lui, c'était comme ça qu'il réagissait, il n'était pas le gars qu'il fallait faire chier longtemps pour des questions d'expressions. Surtout fatigué. Seulement, à s'impliquer dans la relation qu'ils partageaient tous les deux, il savait que c'était naturel qu'ils en viennent à ça.

Il appréciait Moyashi. Il se rendait même compte qu'il l'aimait beaucoup, et au vu de ses réactions, ça le laissait confus. Il le désirait, il s'en était aperçu depuis longtemps, et ne s'était donc pas senti gêné quand il lui avait proposé de coucher avec lui. Il préférait qu'ils le décident ensemble plutôt qu'ils se retrouvent paumés comme l'autre fois lors des chaleurs. Pourtant, il n'avait pas menti en disant que ça ne le laissait pas serein. Il avait toujours peur de faire des conneries, de ne pas se contrôler, de merder, qu'Allen ne le vive pas aussi bien que lui... Il préférait quand même savoir qu'ils en avaient tous les deux envie, au moins sur la base. Il pensait qu'il ne s'agissait que ça. Du désir, et rien d'autre.

Sauf que sa pulsion d'embrasser le blandin était étrange. Il pouvait tout foutre sur le dos du lien, c'était peut-être un peu de la mauvaise foi à la longue. Même lui finissait par s'en rendre compte.

Pour accepter qu'Allen soit aussi proche de lui, de se remettre en question pour lui, et ses envies de contact – qui venaient de lui autant que de l'oméga, ils avaient initié cet échange d'odeur et ces baisers 'amicaux' à deux, c'était peut-être que ses sentiments avaient tournés.

Il décida de ne pas y réfléchir, parce que ce n'était pas le moment, et il se refusait à considérer ce qui s'imposait malgré tout à lui. Il n'était pas prêt pour ça. Il devait déjà être capable de parler avec lui correctement de ce qui n'allait pas avant de s'interroger sur de telles choses, il s'en rendait compte. Sinon, ça risquait facilement d'être trop pour lui et de le faire se braquer de nouveau, ce qu'Allen lui pardonnerait plus difficilement à force. Il devrait d'abord se maitriser. Il savait le faire, ça serait plus facile quand il serait moins perturbé et moins faible. Il décida de se concentrer sur l'effet de soulagement de la paix retrouvée, et savait que demain, ce foutu clébard de Link Howard risquait de leur en faire baver.


Aux vestiaires, alors qu'ils s'habillaient, passant de leur tenue journalière habituelle à une tenue plus confortable pour des combats, Allen était gêné, Kanda pouvait le sentir. Il s'inquiéta ainsi que l'incident d'hier – ou le presque incident – l'ait bloqué, mais le maudit l'avait salué aimablement, il paraissait même plutôt enthousiaste, déterminé à affronter l'épreuve qui les attendait. Ils n'avaient ni l'un ni l'autre envie d'entrer dans la salle d'entraînement, c'était indiscutable. L'Anglais choisissait simplement de le prendre de façon positive. Kanda enviait cette détermination autant qu'il la trouvait ridicule, parfois. Il acceptait d'avoir la foi et savait qu'il devait réussir la synchronisation, mais l'idée d'amoindrir son espérance de vie et surtout la crainte de réduire également celle d'Allen… Cette perspective le rendait aussi furieux qu'effrayé – Kanda n'aimait pas ça, avoir peur.

Cette gêne ne paraissait donc pas hostile ou fuyante. De son côté, le kendoka restait le plus composé et le plus calme possible. Il voulait faire sentir au blandin qu'ils étaient là-dedans ensemble et qu'il était prêt à l'épauler autant qu'Allen était prêt à le faire. Sa résolution de le protéger ne flanchait pas. Il était aussi forcé de constater que le corps de l'oméga l'attirait. Étaient-ce ses chaleurs qui approchaient peut-être, était-ce tout simplement lui, et les choses étranges qu'il ressentait peut-être ? Il ne savait toujours pas répondre clairement à tout ça, et il ne s'y risquerait pas. Il voyait bien que le regard du plus jeune se posait aussi sur lui parfois, avec autant de curiosité effrontée que de gêne mal cachée lorsqu'il le surprenait. C'était sûrement une histoire d'hormones.

Kanda se résigna à briser le silence, alors qu'Allen finissait de s'habiller et se tournait vers lui :

« Ça va, t'es prêt ?

—On a pas trop le choix, et toi ? »

Kanda eut un rictus.

« Ouais. »

Allen donna une brève caresse sur sa main et planta un baiser sur sa joue. Il se recula timidement, osant un petit rictus, Kanda planté avec les yeux comme deux ronds de flans, et s'éloigna pour ouvrir la porte.

« Alors allons-y. »

Et merde, pensa le Japonais, il m'a encore pris de court.

Putain de Moyashi, c'est toujours comme ça.

À suivre...


Sooo j'avais dit que ça allait servir que Link soit plus vieux que dans le manga x'D ! Je suis impatiente de savoir ce que vous avez pensé de tout ça !

Ça redémarre plutôt fort entre Allen et Kanda sinon, et maintenant les deux se posent des questions sur leur relation ! C'était pas trop tôt, hein :p ? Bon, tout n'est pas encore gagné, mais ça avance :3 !

Reviews ? N'hésitez vraiment pas, encore une fois je suis impatiente d'avoir vos retours, ça fait toujours plaisir :) !

A bientôt pour la suite !