Note : Hello !
Dernier update 2022, nouvel update 2024... Avant j'étudiais, maintenant je travaille, il m'a fallu du temps pour reprendre activement l'écriture et ces projets aussi mais comme je l'avais dit dans la note du chapitre d'avant je lâche rien.
La fic va ici prendre un tournant qui je l'espère va vous plaire aux niveaux des intrigues et du scénario global, c'est encore en sous-ton ici, je n'avais pas prévu quelques événements mis en place ici maiiis l'imprévu ça a du bon.
Petit recap pour ceux pour qui les événements des chapitres ne sont plus frais : Allen a demandé à Kanda d'être réellement son compagnon, et Lavi est toujours ennuyé par son statut inconnu et Tyki qui le poursuit.
Je vous abandonne à la lecture, en espérant que ce chapitre va vous plaire, et que vous continuez à apprécier cette histoire :) !
PARTIE 3 — The Tommy Knockers
Dans le train, Lavi avait l'impression que quelque chose de particulier s'était passé entre Allen et Kanda. Le dernier jetait des coups d'oeil au premier de façon répété, ce qui ne lui ressemblait absolument pas, et le second, pensif, fixait droit devant lui, ce qui différait de ses habitudes sociables et son tempérament prompt à la conversation. Il y avait un silence de cathédrale dans la cabine. Pas mortuaire pour autant, ni lourd, non, juste… pressant. Paradoxalement. Lavi assistait à ça, se distrayant ainsi de ses propres interrogations. Il repensait aux paroles de Tyki dès que son esprit n'était pas occupé par quelque chose. Parfois même, lorsque Link l'embrassait, qu'il le touchait, il se mettait à ressentir les mains de Tyki sur lui, à imaginer sa voix… Leur échange terrible le hantait. Il était si perturbé qu'il repoussait Link, ce qui le faisait se sentir horriblement coupable parce qu'il avait aussi besoin de son affection, qu'il était celui qui réclamait sa proximité. Link se montrait compréhensif. Inquiet, aussi. Il avait peur que Lavi n'ait un problème. Il suspectait quelque chose, parce que son comportement était plus criant que toute parole. Lavi l'avait rassuré, c'était moins 'pire' que ça en avait en l'air.
Link voulait être là pour lui. Il lui avait promis qu'il pouvait l'aider à se sentir mieux, mais qu'il avait besoin de savoir pour agir sur en fonction du problème. Pour mieux le comprendre, aussi. Pour qu'ils trouvent une solution à deux. Ça, il était un partenaire excellent. Lavi aurait tant aimé être lié à lui.
Mais le rouquin ne pouvait rien dire, rien expliquer, autant car lui-même ne comprenait pas la moitié de ses réactions. Qu'en contrepartie d'un aveu, les enjeux de son silence étaient bien trop importants. Il ne pouvait pas demander de l'aide sans se mettre en danger.
Cela à personne.
Même à Allen. Il n'avait pas envie de l'emmerder avec ça alors que lui se triturait l'esprit pour sa relation avec Kanda. Certes, il pouvait le considérer comme son meilleur ami, mais justement. Il se refusait de l'ennuyer tant qu'il n'était pas sûr de ce qu'il se passait. Il savait bien qu'Allen n'aurait pas rechigné à être là pour lui, seulement, Lavi n'avait ni l'habitude ni l'envie de se montrer si vulnérable. C'était arrivé une fois. Il ne voulait pas d'une deuxième, bien que ça l'ait aidé.
Puis, Lavi avait trop peur de ce qui se passerait si son grand-père apprenait pour son statut. Pour son lien. Moins il en parlerait, moins il y aurait de risque que ça s'ébruite par accident, ou que lui-même ne laisse ça avoir trop d'emprise sur lui.
Alors il observait Allen et Kanda, se demandant ce qu'il se passait, utilisant son oeil vif et aiguisé pour percer les attitudes sous-jacentes, les non-dits, les preuves non-verbales. Il y avait quelque chose, il en aurait mis sa main au feu.
« Bon, Al, tu veux jouer aux cartes ? On s'ennuie un peu. »
Allen sursauta, sorti brutalement de ses réflexions. De son côté, Kanda poussa un soupir, et se releva. Il leur jeta un coup d'oeil que Lavi ne sut comment intérpreter, avant de sortir en claquant la porte. Allen devint blanc, encore plus qu'à l'accoutumée, et il soupira à son tour.
« Ah. Encore une engueulade ? Il a pas l'air de bonne humeur. Vous vous faisiez un câlin avant qu'on parte, et là… C'est bizarre. »
Lavi était quelque peu désespéré de leur proportion à s'enguirlander. Le maudit se mordit la lèvre, lui montrant qu'il avait peut-être tort.
« Pas vraiment. C'est compliqué.
—Compliqué ? fit Lavi en fronçant les sourcils. Tu ne le rattrapes pas ?
—Il doit avoir besoin d'être tranquille. Sinon, je veux bien jouer aux cartes, oui. »
Devant l'oeil perplexe de Lavi, Allen comprit qu'il avait besoin d'en dire un peu plus. Ou du moins, que l'autre jeune homme était curieux quant à ce qu'il se passait. Il afficha un petit sourire, n'étant pas vraiment triste ou perturbé, en réalité. Certes, il s'était inquiété que Kanda ne prenne mal sa demande au début, mais en voyant que ça n'avait pas été le cas, ça l'avait soulagé. Le reste serait entre ses mains. Allen avait fait ce qu'il fallait. S'il espérait que ça ne mette pas de grand-froid entre eux, Kanda restant imprévisible dans ses réactions, il respecterait le temps dont son ami aurait besoin pour tout démêler.
« Tu veux savoir ce qui se passe ?
—Ben, si gentiment demandé, ouais, plutôt…. »
Allen finit par sourire.
« Ça va, Lavi, j'ai compris. » Lavi leva les mains en signe d'apaisement, pour signifier qu'il ne le forçait en rien même s'il se questionnait. « En fait, j'ai fini par me jeter à l'eau. J'ai demandé à Kanda si on pouvait se mettre ensemble, pour de vrai.
—WOW. »
Pour une nouvelle ! Lavi était littéralement sur le cul. Il hallucinait, qu'avait-on fait de son petit Allen si hésitant ? Son meilleur pote devenait un homme, il se lançait après tout ce temps ! Lavi était fier comme un père devant les premiers pas de son gosse, tant est si bien qu'il n'arrivait à rien dire à part ça. Allen eut un petit ricanement nerveux.
« Ouais, je sais, c'est soudain…
—Non, mais t'as super bien fait !
—Tu trouves ? »
Allen risqua un maigre sourire. Lavi hocha vivement la tête, frappant dans ses mains.
« Ouais, carrément, ouais. Et il a dit quoi ?
—Il a besoin de temps, j'imagine qu'il doit être un peu tendu. Je suis aussi content de ma décision, en vérité.
—Je comprends mieux. Et du coup, c'est vrai, ça va… ? »
Regardant brièvement dehors, le train dépassant un village en flanc de montagne, Allen acquiesça. Il se passa une main dans les cheveux, et poussa un petit soupir que Lavi perçut comme une expression de soulagement.
« Ça m'a enlevé un poids. Je dois t'avouer que je n'ai pas parlé de sentiments, juste demander à ce qu'on aille plus loin s'il serait prêt à essayer. Je lui laisse le temps décider. Quoiqu'il arrive, j'ai essayé sans trop me mettre en porte à faux.
—C'est top. Tu gères, Al, vraiment ! Et si on faisait cette partie, pour fêter ça ? »
Et passer un peu le temps de trajet, aussi. Encore cinq heures de train jusqu'au prochain changement. Ils étaient partis de Londres, et allaient jusqu'à Thurso, en écosse. Il fallait environ 24 heures de trajet, ils n'en étaient qu'à trois. C'était un enfer. La mission ne vendait clairement pas du rêve, rien qu'avec ça. Ce qui voulait dire que Yû serait bien obligé de les rejoindre dans la cabine. Lavi était curieux de ce qu'allait faire Kanda.
Allen et Yû avaient beaucoup changé. Même Lenalee et lui le remarquaient. Il y avait eu beaucoup de rapprochement entre les deux garçons. Lavi n'attendait qu'une chose, qu'ils soient ensemble — si ça ne le regardait pas tant que ça en vérité. Ça ferait du bien à Allen, et à Kanda aussi. Ils connaissaient Yû depuis des années, et enfin, enfin, il semblait guérir du fardeau qui alourdissait ses épaules, de cette tristesse, cette colère, qui le rongeait. Allen… devenait de plus en plus lui-même. De garçon bien poli dans sa coquille, il devenait ce jeune homme avec du tempérament qu'ils étaient fiers d'avoir pour proche ami. Allen avait eu une évolution de dingue.
« Je te remercie, Lavi. Pour tout ce que toi et Lenalee avez faits.
—Encore, mon pote ? Ça va aller, je crois. C'est toi qui faut remercier, là. »
Allen ricana, se grattant la tête, gêné.
Concrètement, il n'était pas si tranquille que ça quant à penser que Kanda ne lui ferait pas trop la gueule, ou ne serait pas coincé dans un mutisme à n'en plus finir. Mais il lui laissait du temps, c'était la meilleure chose à faire après tout.
Les garçons se lancèrent dans une partie de cartes, dans laquelle Allen finit par être immergé bon gré mal gré. Il voyait bien que Lavi jetait d'étrange coup d'oeil à la fenêtre, de temps à autre. Lui aussi avait des soucis. Il n'était plus le même depuis sa confrontation avec Tyki l'autre fois. À raison. Il croyait être lié à lui, à présent. Il l'avait senti, signe que Tyki devait le traquer. Ça n'aurait pas été étonnant. Ils n'en avaient plus parlé. Et Allen n'osait pas poser de question. Il ne voulait pas remuer des choses pour son ami, des choses dont il n'aurait pas envie de parler.
De l'autre côté, Lavi en faisait tellement pour lui... Il ne voulait pas l'ignorer en croyant que c'était ce qu'il voulait alors qu'il attendait un coup de pouce. Si personne ne lui tendait la main, Lavi ne se confierait pas.
« Dis-moi, dit-il, abattant une carte sans y faire attention. Tu me le dirais, si tu n'allais pas bien ? Si quelque chose s'était passé lors de notre dernière mission ? »
Lavi hoqueta, comme pris de court.
Allen planta son regard dans le sien.
« Pourquoi tu dis ça ? »
Lavi soutint son regard, sa voix tremblante. Allen comprit alors qu'il avait raison.
« Parce que je suis ton ami, et je veux pas te voir comme ça. Avec ce que tu m'as dit... Tu peux comprendre que je me fasse du souci. Parle-moi, Lavi. »
Le rouquin hésita. Allen le laissa réfléchir, refusant de le brusquer ou de le forcer d'aucune façon. Après tout, s'il cherchait ses mots, le laisser les trouver était le mieux.
Lavi ouvrit la bouche, se tordant les doigts en un réflexe étonnant. Allen fut convaincu qu'il avait eu raison.
« Le truc, c'est que…. »
La porte s'ouvrit, coulissant brusquement. Kanda pénétra à l'intérieur de l'habitacle, Lavi s'arrêtant immédiatement de parler, et Allen se tournant vers lui lorsque le silence de mort tomba. Le kendoka fronça immédiatement les sourcils, semblant comprendre qu'il venait d'interrompre quelque chose, ou du moins, d'arriver au mauvais moment.
« Pourquoi vous tirez ces têtes d'enterrement ? gronda-t-il. Je vous emmerde ? »
Et il tourna son regard vers Allen, se faisant un tant soit peu accusateur. Allen craignit qu'il ait lié ça à leur propre discussion, et soit tout bonnement en train de penser qu'il parlait dans son dos, ou que Lavi et lui dissertaient sur des choses les concernant. Bon, ils en avait parlé juste avant, ça n'avait rien d'étonnant, mais il pouvait comprendre que Kanda soit fâché de s'en croire témoin comme c'était tout récent. Il n'y avait aucune raison qu'il prenne ça pour une agression ou une trahison, cependant il y avait de quoi mettre de l'huile sur le feu de sentiments encore complexes. Lavi et lui avaient changé de discussion, mais il est vrai que leur silence semblait suspect.
« Y a rien, s'empressa de dire Lavi. On jouait, et je le sermonnais parce qu'il triche. »
Allen serra les dents. Kanda ne fut pas dupe, il ne leur jeta même pas un regard en allant s'asseoir, comme déjà on ne peut plus gonflé par la situation.
Tu vas me le vexer, Lavi, ton excuse est nulle.
« On continuera cette partie plus tard. »
Il rentra dedans, voulant quand même transmettre à son ami qu'il restait à son écoute et ne voulait pas en rester là.
« Mais bien sûr que oui, mon petit Allen ! » s'écria un Lavi plein d'en train, pour on ne savait quelle raison.
Allen haussa les sourcils à son tour.
Mon petit Allen ? Où avait-il été péché... ?
Puis Lavi sauta presque de son siège pour venir s'installer à ses côtés, posant sa main sur son épaule comme s'il était une donzelle à qui il décidait de faire la cour, et lui ébouriffant le crâne avec insistance.
« Mais arrête ! s'écria Allen. C'est quoi ton problème, d'un coup ? »
Kanda s'était remis à les fixer, visiblement agacé.
« J'ai aucun problème, j'embête juste mon petit Allen préféré. »
Lavi coinça alors sa tête dans son bras, Allen beuglant en se débattant. Rien à faire, Lavi l'avait déjà bloqué et l'enfoiré connaissait bien ses points sensibles. Il lui chatouilla les côtes, le maudit luttant pour ne pas rire, et grognant entre ses dents qu'il allait lui faire payer.
Bien sûr, du peu qu'il apercevait du visage de Kanda, ce dernier se crispait à vue d'oeil, agacé par la situation.
« Bon, si vous voulez pas la fermer, je vais ressortir. J'suis pas venu écouter vos âneries. Vous pourrez parler tranquille, comme ça. »
Ah, oui, Kanda était bien vexé, vu la façon dont il appuyait sur le tranquille, ce qui lui ressemblait peu, en vérité.
Allen se mordit la langue, il n'allait pas le supplier de rester, mais c'est vrai que la scène que faisait Lavi était à tout les coups soit pour l'énerver lui, soit pour lui faire oublier leur conversation, signe qu'il s'était ravisé, soit pour que Kanda dégage et qu'ils puissent parler, mais Allen n'y croyait pas, ou alors...
Allen fronça les sourcils, soudain irrité lui aussi.
Lavi parla, confirmant alors ses doutes.
« Quoi, t'es jaloux, mon petit Yû ? Tu veux papoter des petits secrets avec nous ? Ou c'est les chatouilles, tu ne veux pas que je touche à ton oméga chéri ?
—Lavi, merde ! »
Allen avait réussi à se dégager. Jurant de paire, Allen fut cette fois-ci fâché pour de bon, rouge de honte ainsi que de colère.
C'était ça, le coup qu'il lui faisait alors qu'Allen lui avait appris sa décision ?
Essayer de rendre jaloux Kanda et de l'emmerder par la même occasion ? Il était pire qu'un enfant.
Furieux, le maudit lança un regard courroucé à Lavi. Le rouquin eut la décence de se taire, lui tapotant le crâne gentiment.
« Allez les gars, je plaisante, vous fâchez pas. Le trajet est long, on s'amuse comme on peut.
—Tu veux t'amuser avec Mugen ? » trancha Kanda, l'oeil noir.
Lavi éclata de rire.
« C'est salace, ça, mon Yûyû... Pas devant Allen, en tout cas. »
Kanda eut l'air de vouloir l'étrangler, et Allen n'en était pas loin non plus.
Le problème de Lavi était qu'il ne savait vraiment pas quand s'arrêter. Une fois qu'il était lancé, impossible de le calmer.
Kanda se redressa, et jeta un dernier coup d'oeil à Allen, en passant la porte. Celle-ci claqua quand il la fit coulisser dans l'autre sens. Fait exprès, ça. Il était remonté. Et Allen le comprenait.
Il bouillonnait également.
« Lavi, tu te fous de moi ? T'as décidé de m'humilier et de me mettre Kanda à dos ? Il est fâché, là. Et j'ai pas l'impression que ce soit qu'après toi. »
Lavi secoua la tête.
« Non, là, tu vois, c'est moi qu'il veut buter. Il voit bien que tu t'es fait entraîné contre ton gré.
—J'en suis pas sûr. Et Lavi, s'il te plaît, ne la joue pas comme ça, vraiment, si tu veux me soutenir, fais pas ça. T'es en train de nous créer un conflit, là. »
Lavi soupira.
Il se passa une main dans les cheveux, semblant réaliser qu'il avait été trop loin.
Allen l'espéra du moins.
« Ouais, désolé, je voulais juste... provoquer les choses.
—Quand je dis qu'il a besoin de temps, je le connais, je le sais. Il faut éviter ça. »
Lavi acquiesça, le visage penaud.
« Tu allais me dire quoi, avant qu'il arrive ?
—Oh, rien. Laisse tomber, c'est ridicule. On reprend le jeu, ça, c'est chouette. »
Allen se mordit la langue. Alors Lavi avait aussi essayé de noyer le poisson pour lui. Ça, Allen n'appréciait pas. Chercher un conflit pour faire oublier le problème, ce n'était pas très malin et pas très sain. Il pouvait comprendre que Lavi se soit ravisé, qu'il ait vu là une aubaine pour changer de sujet, mais...
Ça doit être compliqué pour lui, je vais pas lui faire la gueule en plus de ça.
À condition quand même qu'il ne recommence pas. Il fallait bien être un peu indulgent, mais pas idiot non plus. Si Lavi continuait à abuser, il allait lui dire une bonne fois pour toute.
« Si tu veux rien dire, c'est toi qui vois. Mais Lavi, je suis là. »
Lavi eut un sourire et lui caressa la tête, gentiment cette fois, sans chercher à l'énerver.
Il reprit sa place face à lui, et reprit aussi sa pioche de carte en se passant une autre main dans les cheveux.
« Bon, à ton avis, on le revoit avant la fin du trajet, le Yûyû ? »
Allen secoua la tête, une grimace au coin des lèvres.
Il n'en était franchement pas bien persuadé.
En effet, une fois les lueurs basses, les Traqueurs venant les chercher pour les prévenir de descendre, Lavi et Allen n'avaient toujours pas revu Kanda. Ils n'avaient naturellement pas été surpris, et Lavi avait fini par s'en vouloir un peu, reconnaissant devant Allen qu'il avait déconné. Ce dernier avait accepté ses excuses, bien sûr. Il comprenait comment fonctionnait Lavi depuis le temps, et il savait que le rire était sa manière de dédramatiser. Ça ne fonctionnait pas ainsi pour tout le monde, pourtant. Ils étaient arrivés sur le quai trempé par la pluie, et Kanda était là, sérieux comme la mort, les attendant. Allen lui sourit, le sourire ne fut pas rendu. Bien sûr, Kanda n'avait pas encore digérer les conneries de Lavi. Pour être franc, Allen l'avait encore un peu de travers aussi.
Si le rouquin jeta à Allen un regard désolé, ça ne l'empêcha pas de se jeter sur Kanda pour l'emmerder comme il en avait l'habitude, jouant à l'éploré qui s'était inquiété pour lui, avec des "mais t'étais où, tu nous as abandonné, tu m'as trop manqué !" en appuyant bien sur la dernière syllabe. De quoi bien attiser la colère de Kanda qui criait grâce dans son regard lorsqu'Allen le croisa du sien. Le maudit se retint difficilement de rire à l'image de Lavi faussement larmoyant appuyé sur un Kanda qui semblait tout donner pour trouver la force intérieure de ne pas lui écraser la tête contre la vitre du train, pendant que Lavi n'en avait en effet rien à faire.
Certes, c'était un peu plus dans ses habitudes d'emmerder Kanda comme ça, mais sans doute qu'avec l'accumulation, le susnommé n'allait pas aimer non plus. Et Allen s'en rendait compte à la façon dont le brun serra les dents en le fixant. Lavi aurait dû s'en douter, et préférer prendre le risque.
Lavi avait beau s'être excusé, il n'avait pas pu s'empêcher d'en rajouter une couche. Il était un andouille né, ça on pouvait difficilement le lui enlever.
« Il a décidé d'être chiant, aujourd'hui, tenta Allen à l'attention de Kanda. Fais pas attention.
—Je suis pas chiant, rétorqua Lavi, comme piqué au vif. Je suis juste de bonne humeur ! Y en a qui connaissent pas, hein, les mecs. »
Et il donna un coup de coude aux deux autres jeunes hommes, pour faire appuyer son propos. Les deux autres garçons grincèrent des dents.
« Mais soit… »
Il dégagea ses bras d'autour du corps de Kanda, lui adressant un clin d'oeil tout en ébouriffant les cheveux d'Allen.
« Je vous laisse entre duo de grincheux, les copains. À toute ! Soyez sages... ! Et souriez, un peu ! »
Bordel. Il était gonflé, quand même.
Et sur un dernier clin d'oeil, il fut le premier à suivre les Traqueurs qui s'étaient en allé négocier avec l'autre Traqueur déjà sur place pour leur trouver une voiture. Ils avaient eu du retard et celle avec laquelle l'homme était venu les récupérer les avait abandonné, ayant d'autres clients. C'était ce qu'Allen percevait des gestes de celui qui avait gardé leur porte, un grand homme blond au visage fatigué.
Kanda ne perdit pas de temps, et mit les pieds dans le plat.
« Tu lui as dit quoi, bordel, pour qu'il nous emmerde comme ça ? »
Allen se mordit la lèvre, sachant que ce n'était vraiment pas le moment qu'ils se disputent, et qu'il n'en avait pas du tout envie. Lavi lui avait déjà assez tapé sur le système comme ça avec ses réflexions à deux pièces.
« Je te jure que j'ai rien dit de spécial, il est...
—Me mens pas, tu lui as forcément dit un truc, il arrête pas d'essayer de me gonfler. Et il y arrive à merveille.
—En même temps, c'est pas bien dur. »
Kanda fronça les sourcils, le fusillant du regard. Il ne se laissait ps distraire.
« Tu ne cesses de répéter que je suis plus patient qu'avant, c'est que de la flatterie ou tu me cherches aussi ? »
Allen leva les mains en l'air en signe d'apaisement, n'appréciant pas son sous-entendu.
« Doucement, Bakanda. En toute honnêteté, il risqua un sourire, ça dépend des jours. Mais je te l'accorde, Lavi bat des records.
—D'où ma question. »
Kanda croisait les bras, il ne le lâcherait pas, et Allen prit le parti de ne pas nier la vérité. Ce n'était pas ce qu'il voulait.
« Je... C'est mon meilleur ami, alors je l'ai informé de ma décision... De notre conversation. »
Ouvrant grand les yeux, Kanda semblait se retenir de hurler. Allen n'aurait pas voulu qu'il l'apprenne ainsi, ou même que ça ait besoin d'être dit. Kanda n'était pas très relation amical, mais il devait bien se douter que Lenalee, Lavi et lui avaient un autre type de relation, qui leur faisait partager des choses intimes. Le principe reposait cependant sur le fait qu'un ami à qui il demandait conseil sur une relation n'était pas sensé montrer à l'autre concerné qu'il savait des choses pareilles, pour une question de confiance des deux côtés. Allen était soufflé par le fait que Lavi l'ait vraiment foutu dans la merde, ce qu'il avait accepté de reconnaître tout en ne se privant pas pour se vexer ensuite. Tout ça dépassait de très loin ses simples blagues. Lenalee et lui avaient déjà été remis à leur place quand leurs allusions ou leur conseils se faisaient trop pousseurs, ce qu'ils avaient paru comprendre, Allen leur faisait donc vraiment confiance.
Et Lavi... venait néanmoins de décider de jouer avec ça, en ayant le toupet de ne pas aimer constater que ça ne passait pas.
Là, je l'ai mauvaise, pensa Allen.
« Ne t'énerve pas, amorça le blandin, ignorant ses émotions, Lavi est proche de moi. Tu te doutes bien qu'il y a des choses que j'ai partagé avec lui et Lenalee sur mes chaleurs et ce qui s'est passé entre nous. Je n'ai pas tout dit, et je ne trahirai jamais ta confiance, mais... J'ai eu besoin de conseils, et... C'était important pour moi, d'en parler. »
Kanda le coupa, après avoir pris une inspiration.
« Je m'en fous un peu. J'avoue que ça me plaît pas trop, mais tant que tu leur as pas dit des trucs trop intimes, ça me dérange pas tant que ça. Par contre, ça, t'aurais pu attendre. Il va plus nous lâcher, ce con. »
En effet, il aurait dû. Kanda renchérit après un silence :
« Moi, je veux pas de ça. Si j'y réfléchis, c'est peinard. »
Allen s'en mordait les doigts présentement, et il voyait bien que Kanda était contrarié, à raison. C'était encore trop fragile et trop incertain. Kanda pouvait tout à fait se sentir mal à l'aise avec ça, et pour être franc, à l'instant, Allen ressentait la même chose vis-à-vis de Lavi. Ce crétin déconnait. Il lui en voulait vraiment. Et il regrettait aussi sa propre décision, ce qui le faisait s'en vouloir tout autant.
« Encore une fois, c'est mon ami, je ne pensais pas qu'il réagirait comme ça. D'habitude, il est plus fin. Je vais lui parler, je te le promets. »
Soupirant, Kanda resta silencieux. Allen poussa une expiration discrète à son tour, ayant la bouche un peu sèche, peu sûr de savoir comment apaiser les choses maintenant que le mal était déjà fait.
« Tu sais, je crois qu'il va pas bien, c'est de ça qu'on discutait quand tu es rentré. Pas de nous. Je pense que c'est pour ça qu'il... est comme ça. En partie. »
Le maudit était aussi dépité que Kanda.
« J'ai bien remarqué que y avait un truc avec lui, mais qu'il pousse pas. J'ai des limites. »
Allen hocha la tête. Il voulut tendre la main vers Kanda, pour essayer de calmer les choses, mais le soupir furieux de ce dernier l'en dissuada. Ce n'était pas le moment, de plus, ils étaient trop tendus par le long trajet pour être d'une humeur clémente, les uns comme les autres.
« Moyashi. »
Allen plongea son regard dans le sien, redressant la tête.
« S'il se passe quoique ce soit entre nous, par rapport à ce que tu m'as demandé, je refuse que tu lui en parles tant que c'est pas sûr. Surtout pas s'il se sert de ça pour plaisanter au lieu de s'occuper de son cul. »
Bien évidemment, Allen opina. Il se sentit bien fortement en accord avec ça, ça valait mieux. Il avait en effet ouvert sa bouche trop tôt. Oh, dans les faits, il n'avait rien fait de mal, mais il aurait dû penser que ce n'était pas le moment de confier de tels choses à Lavi, parce que si le rouquin était perturbé, il n'était pas dans son état normal et risquait donc de réagir... comme il le faisait à présent. Et il était le deuxième abruti de l'histoire, parce qu'il aurait vraiment dû se taire, tout bêtement pour leur laisser le temps d'analyser la situation sans être parasyté. Lavi ferait certainement une autre bourde, peut-être pas si grosse, tôt ou tard. Faire confiance à ses amis, c'était bien, mais ne pas être trop aveugle dans ce qu'il leur partageait était aussi à envisager. Il aurait dû garder une distance. C'était son erreur en premier lieu.
Ce qui était fait était fait, pourtant.
« Kanda, pardon. Je voulais pas que ça se passe comme ça.
—C'est bon. Maintenant allons-y, Lavi nous fait signe. Dis-lui juste de se calmer, ou je le bute. »
Allen hocha la tête. L'alpha le dépassa, s'éloignant jusqu'aux Traqueurs. Ils furent escortés par les trois hommes jusqu'à une voiture qui les attendait à la sortie de la gare, Allen ignorant copieusement Lavi qui semblait être redescendu de son pic d'énergie en avisant leur tête de six pieds de long. Comprenant qu'ils étaient tout deux fâchés à cause de lui, le rouquin ne demanda pas son reste et demeura silencieux. Il faisait donc la même chose de son côté. L'ambiance dans la voiture fut maussade, alors que le cocher fouettait les chevaux avec vigueur. Ça s'était remis à pleuvoir.
Lorsqu'ils arrivèrent sur leur lieu d'hébergement, il était déjà tard dans l'après-midi. On leur dit qu'ils commenceraient la mission le lendemain. Les trois garçons avaient été mis ensemble dans une chambre, tandis que les Trouveurs partageaient la même.
Kanda décida de faire un tour en ville, malgré la pluie, et Allen le laissa y aller seul. Lavi était resté silencieux, assis sur le fauteuil devant la fenêtre, duquel Allen se rapprocha lorsqu'ils furent seuls et qu'il avait fini de ranger ses affaires.
« On peut parler ?
—Je sais ce que tu vas dire, Al. Vous m'avez bien fait comprendre que vous faisiez tous les deux la gueule. »
Allen fut irrité par sa nonchalance apparente.
« Ah bon, tu crois ? Tu es sérieux, Lavi ? »
Lavi soupira, tournant alors son visage vers Allen, se mordant la lèvre en essayant d'être apaisant.
« Non, écoute, j'ai vu que vous discutiez et que ça avait l'air tendu... Je comprends que tu sois frustré, et je suis désolé, je pensais pas que ça rajouterait de l'huile sur le feu de lui sauter dessus en descendant du train.
—C'est pas que ça, c'est surtout ta première scène qui l'a énervé. »
Lavi croisa les bras.
« Et pour celle-là je me suis déjà excusé auprès de toi, il me semble. Certes, je m'en veux que ça ait dégénéré, mais je te l'ai dit, je voulais... plaisanter, provoquer les choses. J'ai été maladroit, mais j'y suis pour rien s'il a décidé de le prendre mal, je vais pas être responsable de ses réactions. »
Ça, Allen pouvait l'entendre, et ce n'était pas pour rendre Lavi responsable de sa discussion avec Kanda qu'il voulait lui parler. Il tenait à ce que son ami comprenne qu'il l'avait blessé, en recommençant ses railleries stupides comme si de rien était, insinuant qu'ils étaient de mauvais poil l'un comme l'autre, et minimisant ainsi les raisons derrière tout ça. Il l'avait heurté en jouant de ce qu'il lui avait confié, et en étant si égoïste dans sa façon de voir les choses actuellement.
Il secoua la tête en reprenant la parole :
« C'est surtout que je crois pas que tu comprennes à quel point tu as déconné, en faisant ça. Je me confie à toi parce que tu es mon ami, pas pour que tu t'en serves contre moi. J'ai pas aimé me faire appeler le grincheux non plus. T'as eu le culot de nous faire passer pour ceux qui s'énervent pour rien ! »
Son oeil unique parut brillant, et cela calma un peu la colère d'Allen.
« Excuse, vraiment. J'ai... chié dans la colle, on va dire. »
Allen s'assit sur le lit, en face de Lavi, attendant qu'il s'exprime lorsque le rouquin essuya ses larmes.
« C'est vrai que j'ai juste pensé que ce serait amusant, d'en rire, sans réfléchir à ce que ça pouvait donner pour vous. Ça m'a juste... fait penser à autre chose. C'est pas une excuse, et c'est salaud de ma part, je sais.
—Mais c'est quoi, le problème ? Que t'est-il arrivé ? Tu l'as vu ? »
Lavi haussa les épaules.
« Je sais pas si je peux t'en parler. Le prends pas mal, mais c'est quelque chose de dur à confier. Il m'a rien fait, je peux juste te le dire. »
Alors il avait dû le voir, et ce dont ils avaient parlé l'avait affecté.
Allen commençait donc vraiment à s'en faire. Lavi l'avait dit lui-même, ce n'était pas une raison, enfin, selon ce qui s'était produit, il se tenait prêt à être un peu plus indulgent que si c'était quelque chose d'anodin.
« Lavi... Je ne t'y forcerai pas. Par contre, si tu en es au point où tourner les confidences des autres en ridicule t'aide à te sentir mieux, je crois que tu dois trouver une solution.
—Plus facile à dire qu'à faire, y a pas de solution. Vraiment pas. »
Allen soupira. Il ne pouvait pas s'exprimer sans savoir, car il avait vraiment peur de ce qui se cachait derrière ce silence. Toujours est-il qu'il ne voulait pas servir d'exutoire.
« Quoique ce soit, tu n'es pas seul, et tu as mon soutien. Mais pas comme ça. Je vais te laisser, je vais prendre l'air, moi aussi. »
Allen se releva, décidant d'attraper son manteau d'exorciste. Il pleuvait encore, mais si le Bakanda était parti sous la pluie dieu seul savait où avec rien d'autre que son épée et son fourreau, il pouvait bien l'endurer aussi. Il valait mieux qu'ils mettent un terme à cette conversation, tout avait été dit, et de toute façon, seul un peu de calme, de temps, aiderait à dissiper le ressentiment.
Au moment où il atteignit la porte, la voix de Lavi retentit.
« Vieux, je voulais pas... te faire de peine. Vraiment, pardonne-moi. T'es mon pote et je veux pas... que ça entache notre amitié. »
Allen lui sourit, un petit sourire qui signifiait qu'il lui pardonnait, mais que là, il avait besoin d'être seul. Il fallait qu'il puisse respirer un peu.
Il s'enfonça dans le couloir de l'hôtel, la grande porte blanche se claquant derrière lui. Il traversa le couloir avec ses rainures sur les murs, une baptisse vraiment luxueuse, elle respirait l'argent. Contrairement au temps où Komui leur louait souvent des chambres dans les espaces les plus miteux, on pouvait concéder à Luberrier qu'il se débrouillait pour les mettre dans de bonne condition, de quoi rentabiliser les budgets de l'Ordre. Il fallait bien lui trouver un point positif après tout. Quand bien même il était maigre...
Allen ouvrit la porte d'entrée, une haute porte avec de lourds battant, et pénétra dehors. Ça pleuvait comme vache qui pisse. Il mit sa capuche sur ses cheveux blancs et observa l'extérieur. D'ici, on voyait la colline qui surplombait de haut la ville, l'endroit ressemblait à une vallée et aurait pu tout à fait en être une s'il y avait eu une deuxième montagne qui l'enfermait dans une enclave. Ce n'était pas le cas, mais une forêt épaisse entourait l'endroit. Isolée, cette communauté avait vraisemblablement réussi à prospérer, pour se mettre d'avoir un grand hôtel aussi bien décoré.
Ses terres voisines étaient fertiles, ils jouissaient de bons accords commerciaux avec la plus grande ville située en contrebas.
Il y a de cela un mois, une brume meurtrière débarquait pour tout perturber. Des choses étranges se cachaient dedans, des individus disparaissaient. On les avait envoyé pour trouver quoi, et empêcher d'autres meurtres. Certains racontaient que la brume dévorait ceux qui se trouvaient à l'intérieur, rongeant leur chair comme un acide. Komui leur avait montré une photographie. Ça ressemblait beaucoup à ce que faisait le poison d'un Akuma, avant de dévorer le corps tout entier. Quelque chose arrêtait le processus, si ce n'était pas le cas, il s'agissait de quelque chose de similaire, mais avec une légère différence, dont ils n'avaient aucune information.
Il était important pour l'Ordre qu'ils sachent de quoi il en retourne. On leur avait mis la pression sur cette enquête. Il fallait des résultats, quoiqu'il en coûte.
Cela amenait Allen à se poser des questions quant à ce sur quoi Link travaillait avec un telle emprisonnement, car voilà quelques missions que sa surveillance était moins accrue, et qu'on lui épargnait sa compagnie, alors qu'une telle affaire l'aurait intéressé. Il aurait même été pertinent qu'il soit là pour comprendre ce mystère, étant le subordonné direct de Luberrier. Il était moins présent dans leur chambre commune, aussi. Allen le voyait rentrer tard, et il avait bien compris que ce n'était pas seulement à cause du travail, depuis que Lavi avait révélé la vérité. Lavi et Link couchaient ensemble, il le savait, si Lavi avait sous-entendu que c'était une liaison complexe. Ça ne regardait pas Allen, mais il commençait à se dire que... peut-être... Ça aurait été absurde que Luberrier ne considère plus sa surveillance comme une priorité, à cause de la menace en lui, mais à force...
Il se disait que Link avait peut-être un plus gros projet à ou une plus grosse menace à observer.
Encore une chose qui le faisait flipper. Une affaire cachée, plus importante que le Quatorzième... Ça sentait mauvais.
Bien que Lavi soit proche de Link, Allen ne pensait pas qu'il ait des informations, sauf si les Bookmen étaient au courant ou liés directement à ça. Peut-être bien que oui. Lavi savait des choses que les autres ignoraient, il était porteur d'informations cachées, c'était ça, les Bookmen. Il avait vécu très longtemps en tant que Lavi mais il s'agissait de sa 49ème identité. Alors oui, ils étaient proches, et Allen avait pris l'habitude de lui confier ses peines de coeur ainsi qu'à Lenalee comme un adolescent normal, chose qu'il n'aurait jamais cru possible avant. Petit à petit, il s'ouvrait à eux. Il avait lâché le plus gros de ses peurs les plus intimes à Kanda lorsqu'il avait été vulnérable, il était encore le seul au courant de certaines choses, mais... il croyait tout autant en Lavi et Lenalee. Il avait appris à leur faire confiance comme à personne, à pleurer avec eux, à rire avec eux. Même avec Link, en qui il trouvait une amitié qui était à la fois proche d'une relation parentale étrange, bien qu'il ne l'aurait pas reconnu de son plein gré.
C'était si compliqué, et si risible, de faire confiance dans leur quotidien, avec des gens comme eux, qui vivaient en marge de la société pour combattre les Akumas, avec des milieux divers, de lourds passifs et la possibilité qu'ils pourraient mourir ou quitter l'Ordre à tout moment. Les secrets qui pesaient, aussi. Allen continuait d'en avoir, Kanda en avait manifestement à la pelle, Lavi pouvait à tout moment redevenir un inconnu. Ça briserait son coeur et sans aucun doute celui de Lenalee, s'il les quittait. Link pouvait devenir un ennemi un jour. Même Allen lui-même pouvait les trahir. Ça le terrifiait. Ils vivaient dans une étrange atmosphère pour nouer des amitiés et encore plus des relations amoureuses.
Oh, il n'en voudrait pas à Lavi éternellement. D'autant que cette fois, il pensait que Lavi avait compris qu'il avait été trop loin.
Lui et Kanda, c'était déjà absurde comme lien au départ. Il plaignait Lavi si Tyki était bel et bien le sien.
Quand il réfléchissait avec horreur à ce que Tyki avait bien pu dire à Lavi, il avait le ventre noué. Des menaces ? Quand il l'avait agressé, Lavi avait cru mourir, il lui avait répété cela. Et depuis... Il semblait très tendu, quand quelqu'un l'approchait. Allen était, encore une fois, réceptif à ce genre de comportement, surtout en sachant ce qui s'était passé. Tyki était étrange. Il semblait bien l'apprécier, lui, quand Allen l'avait croisé, mais il était quelqu'un d'imprévisible. Et de violent. Qu'il joue avec Lavi ne présageait rien de bon.
Il avait déambulé dans les rues de la ville, la pluie ne s'étant qu'à peine tarie, étant arrivé au sommet d'une pente qui amenait sur un point de vue surplombant la ville et donnant aussi à voir la suivante, plus lointaine. Sa vision se posa au loin, en descendant, il aperçut Kanda, accoudé au garde fou en train d'observer lui aussi le panorama sous un préau, et voulut faire demi-tour, quand la voix de ce dernier retentit.
« Moyashi, viens. »
Bien sûr, il l'avait senti. Les phéromones, ils s'y étaient habitués, au point parfois de ne plus y faire très attention. Allen du moins, avait arrêté de s'inquiéter du parfum dans l'air. Il l'aimait, et ça le rassurait. C'était devenu quelque chose de normal. Résultat, ils savaient néanmoins se détecter dans un rayon restreint en temps ordinaire, voire à l'autre bout de la Congrégation quand Allen avait été en chaleur.
Ce fichu statut d'oméga.
« Je suis Allen ! »
Il râlait moins quant aux "Moyashi" à répétition de Kanda, mais il ne lâchait pas l'affaire. Loin de là.
Arrivant à sa hauteur, Allen ôta sa capuche en s'abritant. Il sentit l'odeur de Kanda dans l'air, cette odeur de fleur si caractéristique, et voulut la sentir encore plus. Il avait la sensation que tout allait bien, quand il sentait Kanda.
Le Japonais le toisa, puis se rapprocha de lui.
« Tu traînes sous la pluie depuis longtemps ?
—Et toi ? »
Allen se risqua à lui sourire, rendant la question.
« Je me suis vite réfugié ici. C'est calme.
—Tu as raison. La vue est sympa, aussi. »
Kanda lui rendit son sourire, de façon fugace. Ils étaient côte à côté, accoudé au parapet, se recevant peut-être quelques gouttelettes égarées. Allen ne dit rien. Kanda et lui pouvaient profiter de ce moment ensemble sans mot, sans gestes. Il y avait son odeur, la sienne devait hanter les narines de son camarade, et ça suffisait.
Ça signifiait aussi que Kanda était ouvert à réfléchir, sans l'évincer.
Et ça, ça faisait battre le coeur d'Allen si fort qu'il le sentait dans sa poitrine.
Ils passèrent un long moment, ensemble, à fixer l'horizon. On aurait vraiment dit que rien ne perturbait la forêt séparant les deux villes, à part ce temps catastrophique. Les Akumas semblaient absents. L'oeil d'Allen ne s'était pas mis à le brûler, alors tout allait bien. Ils avaient toutefois appris à ne pas se fier aux premières apparences. Les lueurs du ciel commençaient à baisser. Allen se demandait depuis combien de temps ils étaient là. Depuis combien de temps il se laissait bercer par l'odeur et la respiration de l'alpha.
Le kendoka finit par se tourner vers lui, essuyant une goutte qui tombait sur son visage. Allen haussa un sourcil au contact, surpris. Le pouce de Kanda traîna peut-être une seconde de trop sur sa joue.
« Rentrons, maintenant. »
Allen déglutit. Il sentait encore la fugace caresse sur lui.
« Je serais bien resté là quelques instants de plus, » avoua-t-il.
Kanda secoua la tête. Il eut un doux sourire, montrant que lui aussi, qui s'effaça au profit d'une expression rieuse.
« Pour être malade ? Tu as déjà été blessé lors de la dernière mission, c'est déjà suffisant. »
Allen eut une moue boudeuse. Puis il décida de rendre à Kanda ses petites railleries.
« Comme si c'était de ma faute si j'ai été blessé... Parce que tu t'inquiètes tant que ça pour ma santé, Ba-kan-da ? »
Kanda ne se démonta pas.
« Oui. Tu t'en es pas aperçu ? C'est moi qui ai un train de retard ? »
Oh, alors ça prenait un terrain... comme ça. Allen se passa la langue sur les lèvres.
« Eh ben, si, je m'en suis aperçu. Mais t'as bien un train de retard, et pas qu'un seul. »
Allen lui tira la langue, tandis que Kanda plissa le front, à peine irrité, mais comprenant qu'il cherchait justement à l'agacer. Il tendit sa main, la posant au-dessus du crâne d'Allen, lui ébouriffant les cheveux un peu trop brutalement, mais chez Kanda, ça restait gentil.
« Sur quoi ? Eclaire-moi, Moyashi.
—C'est Allen, et non, réfléchis tout seul comme un grand. Bakanda. »
Il appuya délibérément sur le surnom qu'il lui donnait.
« Tch. Baka Moyashi. »
Kanda parut le prendre comme un mélange de défi, et un mélange de bluff. Il lui remit une mèche en place, et fit volte face, partant le premier. Allen relâcha un souffle, à moitié vexé, et amusé.
Oui, il avait subtilement tancé Kanda sur son aveuglement, comme auraient dit ses amis, et oui, le problème persistait. Et oui, il n'allait pas non plus s'engager trop loin. Il trouvait encourageant que Kanda lui dise mot pour mot qu'il s'inquiétait pour lui. Ça semblait... prometteur. Allen ne poserait pas de question, il laisserait Kanda faire et décider à son rythme, car il savait que trop bien que l'autre garçon pouvait à tout moment se rétracter. Il était loin du Kanda qui ne voulait pas leur lien pour une obscur raison, du Kanda qui hésitait à accepter son amitié pour les mêmes obscurs raisons, du Kanda qui le repoussait. Bien au contraire, il avait même été là au moment où Allen l'avait repoussé lui-même. Avec du recul, c'était une immense preuve d'affection. Si ce n'était pas de l'amour ils avaient au moins ça.
Leur lien... amical, à défaut de celui d'oméga et d'alpha, était concret.
Ça suffisait à Allen pour le moment, et s'il voulait plus, il avait l'espoir qu'avec ça, ils empruntent ce chemin.
Il toisa la pluie et le vide une dernière fois, avant de fouler machinalement le béton plat et fissuré sous ses pieds en remettant sa capuche.
La pluie venait de redoubler d'intensité.
Ils se retrouvèrent tout les trois pour dîner, la salle de réception étant toute aussi agréable que l'hôtel lui-même. Une nappe si blanche qu'Allen craignit franchement de la tâcher en mangeant avec enthousiaste, d'autant qu'il entendait déjà Link râler quant aux notes de frais qu'il leur causerait d'ici. Ça devait... coûter cher. On leur avait servi une entrée qu'il avait déjà dévoré. Le kendoka ne touchait pas trop à son assiette, les plats étaient typiques européens et ce n'était pas sa tasse de thé. D'habitude, Lavi l'aurait taquiné sur le fait qu'il ne devait pas se laisser mourir de faim. Mais cette fois, Lavi ne disait rien. Kanda faisait visiblement toujours la gueule au bêta à qui il n'adressait même pas un regard. Allen, assis à côté de Kanda, lui donna un petit coup de coude, pour signifier qu'il lui avait parlé, mais Kanda ne réagit pas.
Le rouquin finit par soupirer, les englobant de son oeil unique, et posa ses mains sur la table.
« Bon, les mecs. On va pas continuer la mission dans une ambiance pareille, hein ? J'ai déconné. J'en ai discuté avec Allen, et je m'excuse auprès de toi, Yû.
—M'appelle pas comme ça. »
Allen donna encore un coup de coude à Kanda. Il ne faisait pas d'effort non plus.
Il en reçut un, un peu plus violent que le sien, et tança son camarade d'une expression sombre sous la douleur de ses côtes.
Têtu comme une mule, ce Bakanda.
« Quoiqu'il en soit, je te présente mes excuses, Kanda. »
Lavi avait fait l'effort à sa place. Allen était fier de lui, pour le coup. Il adorait appeler Kanda par son prénom sachant que ça allait le faire chier, qu'il ne le fasse pas à présent voulait dire qu'il tenait vraiment à enterrer la hache de guerre avec lui.
« Ouais.
—Tu veux bien ne plus faire la gueule, du coup ?
—J'fais pas la gueule, je suis normal. »
Allen rit malgré lui, ne pouvant s'empêcher de réagir.
« T'es quand même un peu bougon, Bakanda.
—Tais-toi, Moyashi.
—Comme tu l'as dit à Lavi, m'appelle pas comme ça. Ou je t'appelle Yû, moi aussi. Tu aimerais ça, Yû ? »
Le regard glaçant qu'Allen reçut le fit s'enfoncer instinctivement sur sa chaise. Kanda lui relâchait même des phéromones agressifs.
Le bâtard.
Bakanda, tu me le paieras tôt ou tard.
« N'y pense même pas. »
Ça devenait sérieux, et Allen ne voulait pas trop pousser lui aussi les nerfs de son cher Bakanda.
« Je plaisantais, Kanda. Détends-toi un peu. »
Après un "tch", Kanda croqua finalement dans un des radis qu'on leur avait amené, se faisant applaudir par Lavi comme un enfant qui acceptait suite à moultes négociations de rendre justice à son assiette.
Lavi passa le reste du repas à emmerder Kanda comme à l'accoutumée, sachant qu'il avait été pardonner. Allen se joignit volontiers à l'exercice, bien qu'étant un peu moins dense que son camarade. Kanda s'était vraiment décidé à manger, il toléra leurs railleries et la discussion qui reprit entre les deux amis comme un bruit de fond à son effort incommensurable pour avaler la nourriture de l'hôtel. Qui, aux yeux d'Allen, était loin d'être immangeable, avouons-le.
Un Traqueur vint les voir à la fin du repas, leur informant que l'environnement était calme. Il n'y avait rien à signaler. L'homme avait parlé à quelques habitants, et à part des rumeurs qui donnaient lieu à plus de peur que de mal, il n'avait eu rien de concret. Que du vent. Allen et Lavi se convainquirent d'aller enquêter demain, quand il y aurait plus de monde dehors. Le Traqueur les informa justement qu'ils arrivaient un mardi, le mercredi étant jour de marché dans beaucoup de villes et villages. Ce serait une aubaine pour apprendre des choses.
La brume finirait elle aussi par se lever. Avec elle, les mystérieuses créatures se montreraient.
Il y avait néanmoins quelque chose qui ne collait pas. Une synchronisation parfaite des manifestations des monstres avec la brume semblait suspect. Les habitants disaient que la région avait toujours été brumeuse, mais ces attaques n'avaient pas toujours été. Etait-ce... un brouillard artificiel ? Un pouvoir étrange d'un Noé ou un Akuma avec de nouvelles capacités ?
Ils finiraient bien par en avoir le coeur net.
Une fois dans la chambre, Kanda se plaça sur le premier lit, et Lavi entreprit immédiatement s'asseoir à ses côtés pour leur proposer un jeu de cartes, invitation à laquelle Kanda répondit qu'il le ferait dormir sur le balcon s'il faisait le moindre bruit.
Vu la température extérieur, cela calma Lavi, qui ne brailla qu'à peine un "Méchant, Yûuuu !" se recevant un "Ta gueule" grisant d'amabilité.
Allen les laissa se chamailler, se couchant sur le lit du milieu, prêt à s'endormir. Il était, finalement, content de sa journée. Cette première journée avait été calme, hormis les tensions vite réglées, son bras blessé était guéri, bien que parfois douloureux. Un fugace élancement, reste de la foulure. Et Kanda sentait bon, à côté de lui. Lavi était de meilleure humeur, il prenait du moins sur lui comme Allen l'avait espéré, ça se voyait vraiment qu'il tenait à se faire pardonner.
L'oméga finit par s'endormir, un sourire aux lèvres, tombant comme une masse malgré le bruit de fond de Lavi et de Kanda qui se rabrouaient l'un l'autre.
Quand il rouvrit les yeux, la nuit avait plongé la pièce dans l'ombre. Il avait dormi si tôt qu'il se réveillait au milieu de la nuit.
Rien ne le surprit lorsqu'il vit que Kanda et Lavi dormaient bien, contrairement à lui. Kanda était découvert, une main sur le bas-ventre, à ronfler, paisible, tandis que Lavi semblait agité dans son sommeil.
Allen voulut se rendormir, laisser ainsi Kanda à sa tranquillité et Lavi à son rêve. Il aperçut du coin de l'oeil, de la fenêtre qu'ils n'avaient pas recouverte des rideaux, que la brume était installée dans le village.
Et quelque chose d'ailé était à l'intérieur. Allen crut qu'il rêvait. Il demeura un instant, dans un effacement de ses réflexes, à observer. Il y avait définitivement quelque chose.
Cela se dirigeait droit sur eux. Bon sang, ça ne ressemblait à rien de ce qu'ils connaissaient !
Allen eut à peine le temps de prévenir les autres qu'il vit une griffe énorme contre leur fenêtre.
Son oeil ne réagissait pas.
Qu'est-ce que c'était que ça ?
La griffe se mit alors à cogner contre la fenêtre. Un coup, deux coups, trois coups.
Allen croisa alors le regard de la bestiole. Une peur viscérale le saisit à la gorge, lui mettant un poids sur l'estomac et le coeur au bord des lèvres. Tout son être le supplia de partir le plus loin possible.
Allen Walker n'était pas un trouillard. Loin de là. Pourtant, il eut envie d'hurler. Et lorsque la vitre commença à se fissurer, un cri perçant lui échappa.
À suivre...
Note : Voici pour ce chapitre !
On s'arrête sur un cliffhanger. L'air de rien, même si c'est un chapitre qui se concentre surtout sur les relations entre les personnages, ça permet de remettre le contexte en place et je pense qu'on voit bien l'évolution de chacun dans leur façon de réagir.
J'ai déjà bien avancé le prochain chapitre, et j'espère pouvoir mettre à jour assez vite !
Un avis, quelque chose à dire, vous êtes contents que ça ait repris ?
N'hésitez surtout pas à me faire vos retours :)
Merci d'avoir lu !
