Note : Hello !

Le mois d'août a été pas mal mouvementé niveau boulot pour moi, j'ai eu moins de temps libre, forcément j'ai donc moins écrit et moins posté. En septembre, je serai en vacances (enfin !) et je prends un peu de temps perso, mais je devrais pouvoir avancer un peu plus. ;)

Ce chapitre est transitoire. Il est quand même plutôt long, car il montre de l'évolution pour un peu tout le monde et qu'il se passe des choses qui plantent des graines pour la suite.

Je vous souhaite une bonne lecture !


Leurs entraînements commun avaient été annulés. Allen avait attrapé une sacrée grippe, d'après Link. Ça faisait trois jours qu'il était à l'infirmerie et que sa fièvre ne baissait pas. Kanda se demandait ce que cet imbécile avait foutu pour tomber malade alors qu'ils approchaient du début de l'été. Pour sa part, n'ayant bien entendu pas décidé d'attendre pour ça, Kanda s'entraînait avec Marie, revenu de mission il y a peu. Il se tâtait quant à savoir s'il devait passer dire bonjour à Allen ou non. Il détestait se rapprocher de l'aile médicale. Ça faisait quand même plusieurs jours qu'ils ne s'étaient pas vus, et en tant que liés, ça pouvait sembler long. Assez pour que Kanda veuille braver son aversion.

Il n'avait cependant rien contre respirer un peu, sans que ça ne diminue son affection pour le maudit. Surtout pas avec leur conversation.

Loin d'être si immature qu'il se fâchait, Kanda ne décidait pas d'ignorer Allen par vengeance, par colère, ou parce qu'il avait mal digéré le rejet d'une quelconque façon. Allen ne l'avait même pas rejeté à proprement parler, non, c'était Kanda qui n'avait rien dit devant la vérité de ce que le plus jeune lui exposait. C'était bien ce qu'il pensait : Allen voulait une relation à cause du lien. Et Kanda ne pouvait toujours pas accepter ça. Pas avec ses sentiments. Il aurait eu envie de se lancer, mais était-ce juste pour Allen de lui mentir ? Était-ce juste pour lui, aussi, de s'oublier s'il disait oui ? Quelque chose le dérangeait toujours autant dans ces éventualités.

Kanda avait malgré tout l'impression qu'Allen avait été beaucoup plus heurté que nécessaire par leur conversation, au vue de ses odeurs. Il n'y avait que les phéromones qui avaient parlé en cette faveur, pourtant. Si son expression faciale avait montré sa surprise, sa réflexion, le fait que Kanda le poussait à tout envisager en profondeur — et c'était lui l'idiot, n'est-ce pas — Allen n'avait pas rien exprimé sous-entendant qu'il était déçu comme Kanda s'était senti déçu. Ça l'avait fait redescendre sur terre, en plus de lui donner l'impression qu'il avait été le roi des cons.

Au fond de lui, Kanda avait peut-être bien pensé qu'Allen l'aimait comme lui l'aimait aussi. Le maudit avait déjà dit qu'il lui plaisait, physiquement. Puis, ses câlins, son affection, son besoin de son contact qu'il partageait lui aussi... merde, ça aurait pu. Une part de Kanda avait cru, derrière sa réserve, que ce serait "dans la poche", qu'Allen aurait eu besoin d'un coup de pouce pour avouer la vérité. La claque avait fait mal. Mais il avait bien pu se rendre compte que ce n'était absolument pas le cas. Allen devait en revanche avoir peur de le perdre ou de l'avoir indisposé par sa demande, tel qu'il connaissait l'imbécile. Kanda comprenait qu'il s'inquiète de ça, il avait comme l'impression que Kanda se rétracterait au moindre mot, comme s'il avait peur que leur lien — concret, pas celui d'âme-soeur — soit faible.

Ça irritait Kanda.

Parce que c'était faux. Jamais Kanda n'aurait fait ça. Pas à ce stade. Kanda tenait à Allen. Il ne savait plus quoi faire pour le lui prouver. C'était désespérant en soi. Surtout quand, à nouveau, Kanda était celui qui avait franchi la limite qu'il avait lui-même fixé. Il faisait confiance à Allen pour lui dire si ses sentiments changeaient, malgré tout. Il l'avait déjà fait pour leur amitié alors que Kanda aurait pu l'envoyer chier allègrement. Avec la peur au ventre et dans les narines de Kanda. Mais il l'avait dit.

Il n'y avait pas de raison qu'il mente, ils se faisaient assez confiance pour ça. Si Allen disait ne rien ressentir, alors il ne ressentait rien. Kanda devait l'accepter. Il encaissait. L'amour ne semblait pas être pour lui, s'il faisait la somme de toute ses expériences. Ça merdait toujours quelque part. Tant pis. Comme aurait pu dire Moyashi, car pour sortir une connerie pareille, il fallait être Allen, c'était la foutue baliverne qu'on appelait le destin. Le salopard, si ça existait, ouais. Kanda faisait avec. Rien ne garantissait qu'Allen change d'avis un jour. Autant passer à autre chose. Ils revenaient à la case départ, aussi frustrante soit cette conclusion.

La tête dans ses pensées, Kanda esquiva un coup de justesse. Marie se rétracta, reprenant sa garde. Il fallut un moment à Kanda pour contrattaquer avec trop de mollesse.

« Tu n'as pas l'air d'être concentré, Kanda. Quelque chose ne va pas ? »

Jouter dans le vide contre Kanda était un indicateur suffisant, ça aurait surpris n'importe qui. Avec Marie, c'était particulier. Il voyait clair en lui, ça ne changerait jamais. Ce mec aurait été voyant, il aurait fallu s'en méfier. Kanda grinça des dents, mettant de côté son cynisme. Il se rendait compte que son ami l'incitait à parler. C'était bien une tentative pour le pousser à se confier. Kanda n'y arrivait que rarement. Marie était le seul à lui arracher pourtant quelques confidences, bien que très peu avec sa pudeur. Kanda lui avait déjà demandé de l'aide quand la nécessité était là, parce que parfois, même lui en avait besoin. Lors des chaleurs d'Allen, par exemple. Rien ne pouvait être fait pour un échec amoureux. Kanda devait s'en accommoder. Il digérerait, il savait encaisser les petites contrariétés.

Ce serait chiant quelques jours, et ça irait mieux.

« Laisse, claqua-t-il fermement. On peut reprendre. »

Marie secoua la tête.

« N'oublie pas que je suis aussi un alpha et que je peux sentir en partie ton agacement. Il est fort. »

Kanda soupira. Les alphas avaient tendances à envoyer des phéromones agressives entre eux lorsque quelque chose les irritait. Inconsciemment ou pas. Bien sûr, il ne faisait pas exprès. Ça se remarquait malgré lui, doublé du fait que Marie avait un odorat sur-développé et qu'il était difficile de lui cacher quoique ce soit.

« C'est rien.

—Mon nez ne me dit pas ça. »

Le sien se retroussant, Kanda grogna. Il était presque froissé de l'acuité des remarques du plus âgé.

« Tu lâcheras pas ? gronda-t-il.

—Si tu le souhaites, bien sûr que si, je laisse tomber. Mais si tu le veux, je peux écouter. »

Kanda eut un brin d'hésitation, malgré lui. Peut-être que ça l'aurait soulagé. Il avait beau jouer les durs à cuire et se répéter qu'il ferait avec, le fait est que ça faisait quand même mal. Assez pour que ça lui trotte dans la tête depuis trois jours. Se confier le libérerait du problème. Il ne pouvait pas ressasser cette connerie de conversation éternellement. Kanda n'aimait ni s'étaler, ni se sentir vulnérable, ni exprimer ses sentiments quand ce n'était pas nécessaire. Il n'y avait pourtant qu'avec Marie que ça arrivait, et parfois avec Allen. En cet instant, Kanda n'aurait pas pu en parler avec lui, comme il était la source de son problème sans le savoir. Le désordre derrière son temps d'arrêt n'échappa pas à son ami.

Marie eut la décence de ne pas insister.

« C'est toi qui vois, Kanda.

—C'est bon, je vais parler... »

S'il grognait entre ses dents, Marie le connaissait assez pour savoir qu'on ne forçait pas Kanda Yû. Il posa tout de même la main sur son épaule.

« Je ne t'y oblige pas, sache-le. Je ne me vexerai pas de ton silence. Je veux juste être sûr que tout va bien. »

Kanda bougonna. Il avait déjà décidé de se confier, de toute manière, alors il le ferait. La bienveillance de Marie était sincère.

Kanda lâcha son épée en bambou, qui retomba au sol en un brut mat. Il traîna des pieds jusqu'au fond de la salle, et posa son dos contre le mur, se laissant lentement glisser au sol. Marie l'y rejoignit. Comme lorsqu'il était enfant, Kanda était apaisé par son ami. Une des rares personnes avec qui il ressentait ça. Jusqu'à présent, Allen lui inspirait la même chose. Parfois pas, mais ça, c'était la faute à leurs deux caractères. Le Japonais se pinça l'arête du nez. Connerie de situation de merde.

« Je te préviens, c'est pas glorieux, ce que je vais te raconter. »

Marie haussa un sourcil. Il s'était assis en tailleur, les mains sur ses genoux, donnant à son allure un aspect ouvert. Kanda n'aimait pas parler en termes si peu élogieux, c'était pourtant vrai.

« Moyashi et moi, on a parlé sentiments.

—Oh, je suis vraiment content pour vous. »

Marie se reprit bien vite lorsque Kanda durcit sa posture. Il dut réussir à ressentir la contraction de ses muscles à ses côtés.

« Ça ne s'est pas bien passé, n'est-ce pas ? »

Kanda baissa la tête, soufflant de frustration.

« J'ai des sentiments, » Marie eut l'air sincèrement surpris. « Mais pas lui. »

Le silence de Marie fut éloquent. Kanda se sentit encore plus stupide maintenant que la vérité était dite. En fait, il y avait bel et bien quelque chose de risible. Celui qui répétait qu'il ne voulait pas plus que le lien, celui qui refusait de tomber amoureux, celui qui n'avait même pas voulu son amitié... c'était lui. Lui et personne d'autre. Moyashi avait accepté ses conditions, même s'il avait parfois poussé un peu au début. Kanda se trahissait lui-même, comme un connard. Il avait été trop présomptueux, du début à la fin. À la fois en pensant qu'il avait une armure assez solide sur son coeur, et en espérant que Moyashi avait encore une fois dépassé la limite. Il avait vraiment été un abruti pour ces pensées dont il réalisait tardivement la présence, et il avait le retour du bâton.

Allen aurait-il considéré leur relation autrement, et laisser la place à d'autres sentiments, s'il ne s'était pas montré si rigide ? Kanda se posait la question.

Marie finit par parler.

« Il te l'a dit mot pour mot ? »

Kanda tiqua. On pouvait dire que oui. Il apprécia le fait que Marie ne lui joue pas la carte du "mais tu avais dit qu'il n'y aurait rien", ou encore "pourquoi tu as changé d'avis". Marie respectait ses confidences et ne tentait pas de le pousser dans des retranchements non-nécessaires.

« Ouais, il m'a dit que les sentiments entre nous, c'était pas possible.

—Je suis désolé d'entendre ça. »

Kanda rit vraiment, cette fois. C'était pathétique.

« Je suis tout de même assez étonné, je te l'avoue. Tu peux m'en dire plus ? Dans quel contexte vous en discutiez ? »

D'une certaine façon, s'il avait commencé à faire chauffer l'eau, autant la verser dans le thé. Kanda haussa les épaules.

« Il m'a proposé une relation, juste avant notre mission. »

Marie ne l'interrompit pas.

« J'ai pas su quoi dire. Il m'a laissé réfléchir. J'ai voulu savoir ce qui l'a poussé à me le demander, avant quoique ce soit. Il veut faire ça parce que le lien ne part pas et qu'on s'apprécie. Il n'y a rien de plus. »

L'homme n'eut aucune expression, si ce n'est un sérieux qui indiquait qu'il réfléchissait.

« Tu lui as donc dit ce que tu ressentais avant qu'il te réponde, ou après ? »

Pris de court, Kanda se renfrogna. Il pesta, comme à l'accoutumée, et croisa les bras sur sa poitrine. Marie avait finalement tapé là où ça faisait mal. Le connaissant encore une fois assez, Marie comprit tout de suite la raison d'une telle réaction.

« Tu ne lui as rien dit, Kanda ?

—Comment tu voulais que je lui dise quoique ce soit, alors qu'il me dit que c'est platonique entre nous ? aboya le susnommé. J'ai compris sa réponse, et j'ai pas envie de lui foutre la pression en retour. »

L'aveugle ne put s'empêcher de sourire.

« C'est délicat de ta part. »

Kanda apprécia d'être avec Marie, car il n'aurait pas aimé qu'on le voie prendre des couleurs ainsi.

« Comment tu peux être sûr qu'il était honnête, ou qu'il n'a pas pensé la même chose que toi ? »

Pour ça, Kanda eut un mouvement de tête. Marie ne pouvait pas le voir, mais il réfléchissait rapidement tout seul. Ils en avaient parlé, dans cette foutue chambre. Kanda ne partirait pas et s'investirait, que leur lien leur confère une amitié ou autre chose. Il l'avait dit à Allen. Et il était sûr, une fois de plus, qu'il le lui aurait dit s'il le ressentait : comme quand il lui avait proposé de continuer à être des amis après ses chaleurs. Allen était assez confiant pour faire ce genre de choses, peut-être même plus que Kanda. Allen avait aussi assez confiance en Kanda, après tout ce temps. Kanda l'espérait. Il était intimement convaincu qu'il ne se trompait pas. Allen n'était pas le genre à retenir ses émotions. C'était son truc à lui.

« Non, j'y crois pas. Il me dit toujours ce qu'il ressent, même quand il pense que ça peut me déplaire. Il commence à me connaître assez pour voir que je tiens à lui. Et il sait que j'aime pas qu'il me mente.

—Tu as été plutôt inflexible avec lui, au début, de ce que j'ai compris. C'est possible qu'Allen ait peur de te perdre. »

Kanda secoua la tête encore. Ça appuyait sur sa culpabilité. Il comprenait qu'Allen avait bel et bien cette peur, mais pour lui, c'était impossible qu'il se bloque à ce point. Pas quand Kanda demandait la vérité.

« J'sais bien, et il me l'a fait comprendre, pendant la mission. Je l'ai rassuré, je pense qu'il a compris. Il me fait confiance. Même si ça avait été à sens unique dans le sien, je suis pas autant un connard que ça, je l'aurais pas repoussé définitivement. Il le sait, quand même. »

Marie posa à nouveau la main sur son épaule. Il semblait percevoir sa vexation sous-jacente.

« Je ne dis pas le contraire. Mais je pense pas que ce ne soit qu'une histoire de confiance en toi, qui lui poserait problème... En partie, peut-être, les peurs comme ça empêchent de faire pleinement confiance aux autres. Le fond du problème, c'est ce que ça réveille en lui.

—Je te dis que ce n'est pas ça, » s'obstina Kanda. Il haussa les épaules. « Il m'aime juste pas, c'est comme ça. »

Marie ne parla pas plus. Kanda observa son visage froncé se détendre progressivement. Il choisissait ses mots avec précaution.

« Laissez-vous le temps de mûrir un peu. Je ne suis ni dans sa tête ni dans la tienne, mais il faut prendre son temps pour ces choses-là. Je ne veux pas non plus te donner de faux espoirs, mais quand tu es là, son coeur bat plus vite et il dégage une odeur plus douce. Tu es son lié, tu dois le sentir ? »

Kanda haussa encore les épaules.

« Tu es lié avec Miranda, tu te rends bien compte qu'un lié dégage des tas d'odeurs, je peux pas tout sentir en même temps. Et Moyashi sent toujoursdoux. Il a une odeur sucrée. »

Marie opina.

« Certes. Avec le temps, on parvient à démêler certaines odeurs.

—T'es juste meilleur à ça que moi. Je suis paumé, tellement il émet de trucs. »

Si Marie ricana, il ne se moqua pas de Kanda.

« Tu apprendras, je t'assure. Quoiqu'il en soit, rien n'est figé dans le marbre. Allen ne se rend peut-être pas compte, ou il a besoin d'un coup de pouce. »

Kanda n'y croyait toujours pas. Il eut un mouvement de sourcil.

« Qu'est-ce que tu suggères ?

—Laisse passer du temps, et avoue-lui tes sentiments si tu sens que c'est le moment. Sois franc. Tu serais peut-être surpris de la réponse quand tu le feras. »

Kanda ne voulait pas penser à ça, il avait juste envie que ça soit derrière lui. C'était le plus sain, même s'ils avaient convenu de reparler de tout ça un jour. Ça pouvait être lointain. Peut-être que s'ils se retrouvaient à nouveau dans cette situation, les choses auraient changées. Ou peut-être pas.

« Je sais pas. Je laisse tomber, dit-il. On verra plus tard, mais j'en doute. Je veux pas m'accrocher à des chimères. C'est des obstacles dont je n'ai pas besoin. »

Il le faisait déjà bien assez en poursuivant un être qu'il n'était même pas sûr de pouvoir trouver. Si c'était pas une manière que la vie avait de lui montrer qu'il devait arrêter de batifoler, il ne savait plus ce que c'était.

Marie hocha la tête.

« Tu as raison. Garde quand même une porte ouverte, on ne sait jamais.

—Ouais, concéda Kanda. Merci, Marie. Reprenons le combat. »

L'homme ne tergiversa pas.

C'est ce que Kanda appréciait à propos de lui.

Lorsqu'ils joutèrent de nouveau, Kanda parvint à se concentrer. Il se sentait délesté d'un poids. Partiellement, du moins. Ce serait suffisant pour le moment.


Allen se tourna dans un des lits de l'infirmerie, les mains sur son ventre. De curieuse crampes d'estomac venaient de le réveiller. Il se rappelait que la première fois que ses chaleurs étaient arrivées, le phénomène s'était fait constaté plusieurs semaines auparavant. Alors certes, ça pouvait être due à la grippe qui rendait difficile l'ingestion d'un quelconque aliment et le barbouillait tout entier — il était pourtant affamé. Allen était trop abattu par la fièvre pour s'angoisser réellement, mais la pensée lui venait souvent dans le crâne. Assez pour que ce soit symptomatique d'une peur. Il se rendormait vite dès qu'il commençait à cogiter, la maladie gagnant. La seule personne qu'il pouvait blâmer, c'était lui-même.

Cette douche froide, dans laquelle il s'était endormi à force de pleurer, était une idée merdique. Link était rentré en trombe dans la salle de bain après avoir cogné à la porte, apeuré car il avait dû se demander pourquoi l'eau coulait depuis longtemps et pourquoi Allen ne répondait pas. Il l'avait secoué en éteignant le robinet, tandis qu'Allen se recroquevillait de pudeur en l'engueulant à son tour pour être entré. S'en fichant scrupuleusement, Link lui avait balancé une serviette en lui passant un savon pour s'être laissé aller sous l'eau glacée. Allen l'avait rarement vu aussi fâché. Il espérait que ça ne se reproduirait pas. Ça avait beau partir d'un bon sentiment, l'inquiétude de Link était... du genre bruyante. En le grondant, Link avait argué qu'il aurait de la chance s'il ne tombait pas malade. Le constat s'opérait tout seul, cette chance l'esquivait.

Le maudit était convaincu que Link se donnait le rôle de sa mère, avec la façon dont il prenait soin de lui. C'était touchant, un peu agaçant. Sa sollicitude était moins verbeuse qu'il y a trois jours, au moins.

Link était rapidement passé le voir tout à l'heure, pour discuter avec lui. Il sentait bien qu'Allen n'avait pas fait tout ça pour rien. Pour sa part, Allen ne s'était pas expliqué, peu désireux de raconter cet exploit. C'était assez ridicule comme ça. Avec la fièvre, il n'avait pas eu le temps de se lamenter non plus. Il se sentait moins mal qu'au début, autant physiquement que mentalement. Il présumait que ça irait. Bien sûr, il avait envie de voir Kanda et aurait bien aimé qu'il ait l'idée de venir lui rendre visite — il n'en attendait cependant pas tant pour qu'il se pointe à l'infirmerie, ça faisait du bien de prendre du temps pour réfléchir seul. Ainsi que pour se détacher. Il avait cru pouvoir l'être après leur conversation. Ça s'était avéré une idée naïve, bien sûr qu'il allait être touché.

Ça allait mieux, maintenant. Vraiment. Il était peut-être même trop coupé de ses émotions, la faute à l'abrutissement fiévreux, mais il avait aussi le sentiment qu'il saurait faire face... Peut-être que ce serait différent quand il reverrait Kanda. En attendant, ça allait.

En se tournant de nouveau, Allen sentit une présence à ses côtés. Il ouvrit un oeil hagard. Lenalee, bien sûr. Elle s'était mise à son chevet avec un livre qu'elle semblait parcourir distraitement. Allen ne voyait pas son expression faciale, étant donné qu'elle portait un masque de tissu.

« Tu es réveillé ? »

Allen grimaça en glissant sur les draps. Il avait vraiment envie d'avaler un truc consistant. Marre de tourner à la soupe. Il s'essuya les yeux, bâillant malgré lui.

« Tu es là depuis longtemps ? Je suis contagieux, tu sais... »

Lenalee secoua la tête, ses couettes bougeant avec son mouvement.

« Non, je viens d'arriver. Puis j'ai mon masque, ça ira. Tu dois t'ennuyer, je me suis dit que j'allais te tenir compagnie une petite heure. C'est pour ça que je t'ai amené ce livre, aussi. Je le feuillette pour voir s'il est bien. »

Allen rit. Il fut touché de la gentillesse de Lenalee, et amusé du fait qu'elle l'ait choisi sans vraiment vérifier avant. Elle connaissait toutefois ses goûts, il lui faisait confiance.

« Disons que je dors quand je m'ennuie pas, ouais. C'est gentil. Mais j'insiste, je veux pas te transmettre ma grippe. »

Même avec son masque, si elle restait trop longtemps exposée, elle pouvait être contaminée. Bien pour ça que Link ne s'était pas éternisé non plus. Il avait dit qu'il partait en voyage — encore — et ne voulait pas tomber malade pour son départ.

Lenalee posa le livre sur la table de chevet en bois blanc, juste à côté de la carafe d'eau à moitié vide. Elle eut un geste en sa direction.

« Tu veux que je la remplisse ? »

Allen opina, la remerciant. La jeune fille était vraiment serviable, sa sollicitude le touchait.

S'exécutant, Lenalee s'éloigna et revint avec le récipient plein. Elle remplit le verre d'eau d'Allen, déposa la carafe, et lissa sa robe en s'asseyant. Il commençait à faire chaud, le moins de juin débutait fièrement. Allen guérirait au moins plus vite, comme ça. Un virus s'entretiendrait moins facilement avec les températures montantes.

« Alors comme ça, c'est une douche glacée la responsable de ton état ? Tu avais si chaud que ça ? » Si Allen fut surpris, elle plissa les yeux de malice. « Link est venu me voir en personne pour que je te dise que si tu recommences, il t'étripe. Ce sont ses mots, pas les miens. Il est assez énervé pour m'avoir pris à parti, tu devrais le prendre au sérieux. »

Elle rigolait, mais elle avait la même façon que Lavi de tâter le terrain par l'humour. Allen présumait qu'étant son amant, Link avait dû passer le même message au rouquin, et qu'il aurait droit à un triple écho. Voire quadruple, quand Kanda serait au courant. Son coeur se serra un peu. Sa fatigue remontait en flèche. Il toussa. Lenalee, d'une bonté angélique, lui tendit son verre d'eau.

Allen le but d'une traite. Il se sentit mieux.

« Ouais, j'ai pas été très brillant sur ce coup-là. T'inquiète pas, je prends Link au sérieux, j'ai cru qu'il allait me tuer. »

Lenalee eut un rire d'assentiment, il avait dû lui faire le même effet. Allen voulut dire quelque chose, demander à Lenalee ce qui se passait en ce moment à la congrégation quand il fut pris d'une quinte de toux. Il commença à avoir la tête qui tourne de nouveau. La fièvre ne voulait pas le lâcher. Devant son expression défaite, Lenalee sourit, contrite.

« Je vais peut-être te laisser, tu dois avoir besoin de dormir. C'est encore trop tôt. Avec Lavi, on veut aller chercher un cadeau pour l'anniversaire de Kanda, le 6 juin. Tu veux venir avec nous, j'imagine ? Tu devrais aller mieux d'ici là. »

Ils étaient le 2. S'il se fiait à son état qui montrait des signes d'amélioration léger, il pourrait peut-être sortir de l'infirmerie dans pas longtemps. Il avait oublié que le mois de juin venait d'être entamé. Il le voulait, bien évidemment. Il avait aussi complètement oublié que l'anniversaire de Kanda tombait le 6, pas sûr qu'il l'ait vraiment su. Kanda ne disait pas grand-chose sur lui, après tout. Allen avait beau avoir des sentiments conflictuels à son propos à cause de leur discussion, il était son ami et il tenait à le lui montrer.

« Bien sûr, je savais même pas que... » Il se sentit idiot. « Merci de me l'avoir proposé, Lenalee. »

Lenalee sourit.

« Pas de problème. Tu l'auras deviné, il n'aime pas trop son anniversaire. Mais j'espère que cette année, ce sera différent. »

Allen espéra aussi. La jeune femme partit, non sans agiter le livre devant lui — un recueil de poésie, arguant qu'il semblait excellent. Allen fut content, il espérait aussi approfondir un peu son vocabulaire — qui s'était agrandit progressivement à force de lecture. Il adorait sortir de nouveaux mots à Kanda quand ils se chamaillaient, surtout que ce dernier ne s'y attendait pas. Son coeur se serra encore, mais cette fois, le sentiment était positif. Il avait envie que Kanda passe un bon anniversaire, lui aussi.

Le blandin se rendormit très vite, décidant qu'il se motiverait à lire plus tard, quand il serait bien réveillé.


Quelques jours plus tard, le 4 juin plus précisément, l'état d'Allen s'était suffisamment amélioré pour qu'il regagne sa chambre. On l'avait encouragé à ne pas trop se mêler aux autres tout de suite par risque de contagion, mais il était plus ou moins tiré d'affaire. Il mangeait correctement depuis hier, et un Allen qui mangeait était un Allen en santé correcte. Kanda n'était pas venu le voir, et il n'était pas en mission — il avait questionné à Lavi à ce propos alors qu'il l'avait croisé en venant prendre ses repas, qu'il emmenait dans sa chambre encore aujourd'hui. Ça finissait par le décevoir un petit peu, mais tant pis. Allen comptait partir en ville avec Lavi et Lenalee demain, s'il continuait sur la voie de la guérison.

Il avait pu finir son recueil de poésie. Le jeune homme était en train de se tâter à venir en chercher un deuxième. Ou bien à se laisser tenter par un autre genre de texte, après tout, il n'avait que ça à faire aujourd'hui. Ça faisait du bien, d'avoir une pause. Allen se sentait détendu. Il n'avait que sa conscience pour le harceler doucement sur l'origine de ses petites crampes, suffisamment petites pour qu'il n'y fasse pas attention plus que ça. Il les oubliait, pour que la pensée revienne. Ça irait. Il ne cessait de se le répéter. Sa priorité, c'était de lire un coup — Link et Krory seraient fiers de lui. Il faudrait qu'il aille parler au vampire, il ne l'avait pas vu depuis un moment. Allen était de bonne humeur, paradoxalement.

Au détour d'un couloir, alors qu'il essayait d'éviter les ailes du bâtiment les plus fréquentés, le jeune homme sentit une odeur caractéristique avant d'apercevoir une silhouette qu'il connaissait bien. Kanda avait eu la même idée que lui, sans doute pas pour les mêmes raisons. Allen fut un peu plus pris de court qu'il ne l'aurait cru en le voyant. Une part de lui hésita franchement à faire demi-tour, mais d'une, il n'était pas si lâche, de deux... Kanda l'avait vu, ça aurait ététropflagrant. L'autre voulait se jeter dans ses bras, parce que sa présence était devenue si habituelle que ça faisait un vide, quand ils n'étaient pas ensemble. Il savait qu'il devait opter pour un juste milieu. Il espérait juste que, contrairement à ce qu'une pensée qu'il refusait de prendre en compte lui faisait miroiter, ce n'était pas Kanda qui ne voulait pas le voir. Il connaissait sa phobie de l'infirmerie, mais n'était-ce pas aussi à cause de ce qu'ils s'étaient dit ? Finalement, ne voulait-il pas mettre une plus grande distance entre eux ? Allen s'en inquiétait malgré tout.

Allen se força à sourire le premier, et Kanda avança dans sa direction, un sourire narquois lui répondant. Ça ne commençait pas si mal.

« Alors, on chope une grippe au mois de juin ? Tu vas mieux ? »

La lèvre pincée, Allen eut une expression indignée, pour la forme, en réalité, il était davantage las.

« Tout le monde me dit ça... On va dire que j'ai pris une douche trop froide, et trop longtemps. C'était inéluctable. Encore un mot qu'il avait appris récemment. Mais ça va.

—Tu t'es endormi dedans, ou quoi ? »

Comme Allen hoqueta et se mit à rougir, Kanda rit sincèrement, comprenant qu'il avait touché juste.

« Comment tu sais... bégaya Allen, Link te l'a dit... ?

—Tch. Comme si le chien de Luberrier me racontait ta vie. Il m'a dit que t'étais malade, mais pour le reste, je te connais. Tu t'endors toujours dans l'eau. »

Allen se sentit frémir au constat de cette intimité entre eux. Il haussa les épaules en réponse à Kanda.

« Ça me servira de leçon, on va dire. Tu... » il hésita, « tout va bien, de ton côté ? »

Il ne se voyait évidemment pas lui reprocher de ne pas être venu, mais il espérait tâter le terrain à la réaction de l'alpha quant à s'il devait bel et bien s'en inquiéter ou ne pas sourciller pour si peu. Kanda opina paisiblement.

« J'ai un peu réfléchi. »

Allen sourit.

« Je vois. »

Il ne savait pas exactement de quoi il en retournait précisément, donc non, ce n'était pas vrai. En revanche, lorsque Kanda s'approcha, comme il le faisait souvent pour lui caresser le crâne ou être au contact de ses odeurs, son coeur rata un battement et il s'apaisa. Kanda n'en fit rien. Et Allen savait que ça valait mieux : c'est ce qu'ils avaient convenu. Ce serait plus facile pour lui d'oublier ses sentiments. Il fallait passer à autre chose.

« Tu sais, je serai bien passé te voir, mais l'infirmerie, je peux pas. »

Les yeux écarquillés, touché que Kanda y ait donc pensé, Allen acheva de se sentir à l'aise. Une tension insoupçonnée s'envola de ses épaules. C'était certes une conversation un peu embarrassante, mais pas désagréable. Ça mettait les choses à plat. Encore une nécessité. Il se passa la langue sur les lèvres, content.

« Je m'en suis douté. Merci d'y avoir au moins pensé.

—Évidemment. Je t'avoue que j'avais pas non plus envie de choper ta crève, je tombe difficilement malade, mais on sait jamais. »

Allen ricana.

« Oui, ce serait dommage alors que ça va être ton anniversaire. »

Kanda se renfrogna.

« Comment tu le sais ? Ce couillon de Lavi, encore ?

—Bakanda, arrête d'insulter Lavi ! Non, c'est Lenalee. »

Croisant les bras sur sa poitrine et grognant, Kanda secoua la tête, dépité.

« Celle-là est tout aussi chiante. Je lui ai rien demandé.

—Tu ne voulais pas que je sache ? Il y a une raison ? »

Kanda eut encore l'air de vouloir lever la main, sans doute pour faire le geste de le toucher. Il se ravisa, au regret d'Allen qui se répétait que c'était mieux. Ça faisait bizarre sachant que ces gestes devenaient naturels entre eux. Il opta finalement pour une main sur son épaule, qui la serra brièvement avant de se dégager.

« C'est pas que je veux pas que tu saches. C'est que j'aime pas cette période.

—On me l'a dit, mais... ce serait bien de faire quelque chose d'agréable. On ne s'amuse pas beaucoup ici, tu nous donnerais un peu d'animation. »

Levant les yeux au ciel, Kanda eut un rictus dégouté.

« Comme si j'avais envie que tout le monde se réunisse pour moi. C'est eux qui veulent une fête, je me satisfais du calme.

—Et quelque chose en petit comité, avec Lenalee, Lavi, et moi ? Marie aussi, si tu veux. Vous vous entendez bien. »

C'était même la seule personne que Kanda supportait sans grand mal avec Lenalee, encore qu'elle semblait osciller dans sa tolérance. Allen espérait qu'il dirait oui. Il ne savait pas ce que Lenalee prévoyait d'organiser de son côté. Il pourrait la convaincre de ne pas faire quelque chose de trop drainant pour Kanda. Kanda semblait hésiter face à sa proposition. Il finit par émettre un soupir.

« Tu sais que j'ai pas Lavi en odeur de sainteté en ce moment. »

Allen comprenait ça. Sur le coup, lui non plus. Il avait quand même conscience que Lavi avait besoin d'indulgence.

« Il se tiendra tranquille. Il sait faire un effort. »

Kanda eut un haussement de sourcil dubitatif, l'air de dire qu'il en doutait. Allen savait que Lavi ne pensait pas à mal, souvent. Il ne résistait juste pas à la tentation d'emmerder Kanda. Ce qui contrariait parfois la première intention.

« On verra, écoute. Je suppose que Lenalee me laissera pas le choix non plus.

—Parfait, s'enthousiasma Allen d'une voix douce. On fera quelque chose de bien, tu verras !

—J'ai pas dit oui, Baka Moyashi. »

Kanda avait quand même un petit sourire aux lèvres, tandis que le maudit se fit taquin :

« Tu souris, c'est rare de ta part. » Il lui tira la langue, ignorant son rictus vexé. « Donc, je compte ça comme une acceptation.

—Mouais. Bon, je vais te laisser, je vais méditer un peu. Je te vois bientôt. »

Allen hésita. Il voulut laisser partir Kanda comme il le souhaitait. Leur échange au début maladroit avait fini par devenir agréable. Il avança de quelques pas, laissant une plus petite distance entre eux.

« Je... peux te demander un échange d'odeur ? » Allen se gratta l'arrière du crâne. « C'est soudain, je sais, mais ça fait un moment. Je dois te prévenir, je suis encore un peu malade... Si c'est rapide, ça devrait être bon, tu n'attraperas rien. »

Il sentait que son visage rougissait. Kanda se crispa. Évidemment, ça pouvait se comprendre. Ils s'étaient pourtant dits que ce genre de choses arriveraient à nouveau. Tant qu'ils seraient liés. De toute façon, ils avaient beau vouloir marquer une distance, ils continueraient de temps à autre. Moins fréquemment qu'avant, certes. Ils en auraient quand même besoin. Autant ne pas en complexer. L'alpha finit par se détendre, tendant aussi les bras en direction d'Allen.

« Ouais, viens.

—Tu es sûr ? »

À cause de sa crispation, Allen hésitait. Il ne voulait pas s'imposer.

« Ouais. J'en ai envie aussi. »

La voix de Kanda fut étrangement basse, comme s'il en était frustré. Il y avait de quoi. Allen ressentait la même chose. Ça resterait comme ça un moment. Puis tout redeviendrait normal, Allen l'espérait.

Lorsqu'Allen sentit les bras de Kanda autour de son corps et qu'il sentit le nez de ce dernier raser son cou, Kanda se redressant bien vite pour laisser Allen contre son torse, se contentant de le tenir contre lui alors qu'il laissait les phéromones se répandre, il ressentit la même complétude que d'habitude. Kanda se détendait progressivement dans l'étreinte, indiquant que lui aussi. Son nez fut chatouillé par l'afflux de phéromones. Allen dut se retenir de ne pas tousser. Le reste de grippe. Il s'éloigna de Kanda, espérant que ça ne serait pas assez pour qu'il lui transmette cette saleté de virus. Kanda le laissa reculer, respirant calmement. Il semblait apaisé, comme Allen l'était.

Leurs corps avaient définitivement manqué de ce contact.

Allen se passa la langue sur les lèvres.

« Je vais à la bibliothèque, je te laisse. Bonne soirée, Kanda.

—Toi aussi. »

Si Kanda n'était pas exactement lent dans ses prises de mouvement, il se figea une demi-seconde de trop, comme s'il attendait quelque chose, et Allen ne comprit pas pourquoi. Il s'était en revanche figé lui aussi, et lorsque Kanda passa, il ne put s'empêcher de lâcher ce qu'il ressentait intérieurement.

« Je suis content qu'on ait pu discuter. Ça m'a fait plaisir. »

C'était bas, il n'était même pas sûr que Kanda l'entendrait comme il était en train d'avancer. Il se sentit idiot et se dit que Kanda n'allait sûrement pas aimer ça, si ses mots l'avaient bien atteint. Ce genre de choses rentraient-elles dans l'ambiguïté qu'ils avaient instauré entre eux ? Sûrement. Allen avait pris l'habitude de les dire quand il les ressentait avec Kanda, et se réfréner serait difficile.

« Moi aussi.»

Allen se retourna comme une flèche, il n'aurait pas dû être si surpris — ce n'était pas la première fois qu'ils avaient ce type d'échange. Suite à ce dont ils avaient parlé, il y avait un côté doux-amer. Il lui faudrait pourtant l'avaler et le digérer. Au moins, leur amitié était sauve. Kanda l'avait bien entendu, en tout cas. Tandis qu'Allen était entre l'apaisement de se dire qu'il y avait une issue positive à tout ça et celle qu'il était quand même déçu, Kanda continuait d'avancer.

Allen observa sa silhouette disparaître à l'intersection du prochain couloir, content et triste à la fois. Il se reprit, fit de même et continua lui aussi son chemin dans la direction opposée.


« Aucun de vous n'a idée de ce qui pourrait lui plaire ? demanda Lavi. Sachant que Yû risque de refuser le cadeau, de toute façon. »

Slalomant entre les passants dans les rues de Londres, les trois amis avisaient les noms des différentes boutiques sans savoir s'ils devaient y pénétrer. Les enseignes multiples attiraient l'oeil, ils regardaient, effarés, les gens s'y précipiter et ressortir avec des emplettes le sourire aux lèvres. Certains comptaient les pièces de leur porte monnaie avec dépit. L'air à l'accent estival frôlait chacun d'eux sans insistance. Il était doux, tout de même un peu frais, reste du temps printanier capricieux. Le ciel avait beau être dégagé, il était plutôt pâle et ne mettait que peu de temps à se couvrir ici. Il ne faisait que rarement beau très longtemps en Grande-Bretagne. Allen tira sur l'élastique de son masque en tissu. S'il allait encore mieux que la veille, son système immunitaire resterait encore fragile. Il ne devait qu'à sa condition de symbiotique d'être si vite remis d'une grippe, aussi l'infirmière lui avait conseillé de se protéger en sortant en ville. Il éviterait de contracter la première maladie venue, ou de faire une rechute s'il y avait trop de courant d'air. Il y avait peu de chance que ça arrive, cependant, Allen tenait vraiment à être en forme pour l'anniversaire de Kanda.

Pour sa part, il ne savait pas quoi lui offrir non plus.

Il avait quelques unes de ses économies sur lui, il espérait avoir de quoi lui prendre quelque chose de bien. Il savait que Kanda aimait lire de la poésie, lui aussi. La bibliothèque de l'Ordre comportait de nombreux ouvrages, difficile de savoir ce qu'il avait déjà lu et Allen n'avait pas fait le tour de leur index. À tout les coups, dans une librairie classique, il prendrait un doublon. Kanda aimait les fleurs, mais un bouquet serait peu indiqué et quant à une nouvelle plante, n'était-ce pas facile ?

Il soupira, secouant ainsi la tête. C'était agaçant d'être si indécis.

« Je sais pas trop, dit Allen, en se grattant l'arrière du crâne. Tu as une idée, Lenalee ? «

À part Allen, elle était la plus proche de Kanda. De plus, elle se montrait souvent plus douée qu'eux pour trouver une idée simple et pertinente. Allen se serait senti ridicule de ne même pas être capable de trouver tout seul quelque chose pour son ami, donc il ne comptait pas entièrement sur Lenalee. Cependant, un peu d'inspiration serait pas mal. Il connaissait Kanda depuis moins longtemps, après tout.

La jeune fille eut un petit rire, portant la main aux rubans dans ses cheveux.

« J'en ai un peu marre qu'il me vole mes noeuds, je pensais lui en acheter quelques uns en même temps que de m'en racheter. C'est surtout les rouges, qui disparaissent. J'ai plus que les bleus et les roses, » dit-elle, dépitée.

Il aime ce qui est rouge, donc,nota Allen.

Il n'imaginait pas du tout Kanda voler les petits noeuds de Lenalee de façon éhontée, pour être franc. S'il se serait bien moqué de lui, parce que c'est vrai qu'à la réflexion, un grand gaillard comme lui qui piquait les rubans de Lenalee, ça avait de quoi faire sourire, Allen ne put s'empêcher de trouver ça plutôt mignon. Lavi, quant à lui, éclata de rire.

« Je me disais bien que ses coiffures dégageaient un truc féminin. Yû est si délicat ! Faut que je lui en touche un mot la prochaine fois qu'il me menacera avec Mugen ! »

Il ne te menace avec Mugen que quand tu insistes pour l'appeler par son prénom ou l'ennuyer, idiot.

Si Allen grinçait des dents, hésitant toujours entre l'envie de taquiner Kanda à ce sujet lui-même — ce serait sans doute moins mal pris que si c'était Lavi en ce moment, et celle de dire au rouquin de la fermer, Lenalee trancha. Elle lui envoya un coup de coude dans l'estomac, plutôt violent puisque Lavi se tordit en s'étouffant avec sa salive.

« Un ruban n'a rien de féminin, pauvre crétin. Range ton sexisme dans ta poche. C'est le fait que ce soit les miens, qui m'agace. T'as pas à te moquer de lui pour ça, c'est vraiment bas. »

En disant cela, elle lui jeta un regard noir en coin. Lavi fut penaud, encore endolori.

« Oui, madame... »

Lavi ne l'avait pas vraiment volé. Il se massa le ventre en sifflant entre ses dents. Allen décida tout de même d'intervenir.

« À ce propos, Lavi... vas-y doucement avec Kanda, il n'a pas bien digéré la dernière mission.

—Ouais, ouais, t'inquiète, moi c'est le coup de Lenalee. »

Si Lenalee rit de bon coeur en avisant le fait d'avoir touché dans le mile, elle haussa un sourcil interloqué.

« La dernière mission ? »

Allen faillit trébucher dans un des pavés parsemant la rue qu'ils arpentaient, légèrement pentue, ce qui était aussi plutôt casse gueule. Lenalee eut le réflexe d'attraper sa main au vol, empêchant Allen de s'étaler par terre comme un idiot. Le maudit sentit le rouge lui monter aux joues, autant par gêne que par une envie de se marrer franche qui montait en lui. Il était un peu distrait, aujourd'hui. Sans doute la faute à ses tracas et son envie de trouver le cadeau qui ferait la différence. Lavi le taquina sur le fait qu'il ne savait plus tenir debout, Allen lui tirant la langue en râlant pour la forme.

Finalement, le rouquin donna un coup de menton en direction de la boutique au bout de la rue, une des grandes librairies. Il voulait visiblement qu'ils y fassent un tour. Il se racla la gorge, répondant à la question de Lenalee une fois qu'ils se remirent à marcher. Le ciel se grisait encore plus. Il allait sûrement pleuvoir.

« Ouais, disons qu'on a des choses à te raconter. Enfin, » le borgne coula un regard en direction d'Allen, signifiant sans doute qu'il ne le forçait pas à se mettre à table, « j'en ai, moi. »

Allen opina. Il apprécia la discrétion de Lavi.

« C'était mouvementé. On a failli y passer. »

Ilavait failli y passer, mais il n'avait pas envie de prendre une autre claque de la part de Lenalee, celle de Kanda avait suffi. Il tairait délibérément ce moment. La jeune fille ne sourcilla pas. Il n'y avait rien qui changeait de l'ordinaire, après tout. Ils marchaient lentement, Lavi expliquant l'histoire de la brume sans en dire davantage. Allen devina qu'il ne mentionnerait pas le gardien. Il parla tout de même du pouvoir de l'Innocence. Lenalee fut impressionnée. Comme eux, elle se demanda qui serait l'Exorciste — s'il y en avait un, qui arriverait à la manier. Ce pouvoir était hautement destructeur. Mieux valait sans doute qu'il n'y ait personne pour l'utiliser.

Ils en discutèrent, tant est si bien qu'ils pénétrèrent dans la librairie, se promenant entre les étalages tout en parlant des Innocences non attribuées. Tant d'Exorciste morts au combat, tant d'Innocence qui pourraient leur servir à gagner la guerre.

« Ça me dit pas pourquoi Kanda en veut à Lavi, » finit par dire Lenalee.

Allen haussa les épaules. Il ne craignait pas la réaction de son amie quand elle saurait la vérité, mais il se sentait toujours réticent à leur dire à tout les deux comment ça s'était fini. Peut-être par peur d'entendre que c'était couru d'avance. Ils semblaient penser le contraire, au vu du nombre de fois où ils l'avaient incité à se déclarer. Devant cette preuve de rejet, peut-être auraient-ils un autre discours. En réalité, c'était surtout l'écho de sa propre tête qui parlait, bien sûr que ses amis ne l'enfonceraient pas de bon coeur. La vérité, c'était qu'Allen ne voulait pas que Lavi en fasse un objet de taquinerie en voulant jouer l'humour, le sentiment était encore trop fragile, ni que Lenalee le prenne en pitié, ou qu'ils traitent Kanda d'idiot. C'était peut-être mieux de rester évasif. Ça ne regardait que lui, qu'eux. Il ne dirait que ce qu'il voulait.

« J'ai proposé à Kanda de concrétiser notre lien, » commença Allen, Lenalee poussant une exclamation de joie qui le fit se sentir encore plus bête maintenant, « et... tu connais Lavi. » Allen lui coula un regard de biais. « Il a trouvé amusant de nous taquiner tout le séjour quand je le lui ai dit. Autant dire que Kanda lui en veut. »

Lenalee fit les gros yeux au rouquin, qui comprit tout de suite qu'elle désapprouvait. Il ne parut pas fier.

« Ouais, j'ai un peu merdé, et j'ai été lourd. » Il donna une claque amicale sur l'épaule d'Allen par principe. « Depuis, Yû est un peu sur la défensive avec moi.

—Faut dire que tu as recommencé pendant le trajet de retour, et ça a rajouté de l'huile sur le feu, » souligna Allen avec une lassitude toutefois complaisante.

Lavi eut une moue.

« Non, mais sa tête dans la voiture était trop drôle, aussi ! Puis, j'ai essayé de me rattraper avec lui juste avant qu'on te réveille. Il sait que je l'aime bien, c'est ma manière d'être son pote. Il m'en voudra pas cinq mille an. »

Allen eut un mouvement de tête hésitant.

« Honnêtement, oui, je pense qu'il le sait aussi. À sa façon. Mais là, il est vraiment fâché. Ce serait bien que demain, tu fasses un effort. Laisse le tranquille un moment. »

Lenalee eut un mouvement de tête en tapotant l'épaule de Lavi, avec peut-être un peu plus de force que nécessaire.

« De toute façon, demain, c'est moi qui organise tout. Lavi sera calme, hein, Lavi ? Tu sauras bien te retenir d'enquiquiner notre cher Kanda ? »

Le rouquin pâlit. Lenalee avait son regard meurtrier le plus convaincant, rehaussé d'un sourire innocent qui contrastait totalement avec le reste de son visage. Même Allen flippait pour Lavi en cas de désobéissance.

Loin de se démonter pour autant, Lavi se dégagea de l'étreinte de Lenalee pour passer un bras autour de ses épaules lui-même, renversant la position, et attira Allen dans son étreinte avec l'autre main. Il les tint contre lui, les regardant un à un.

« Ayez confiance en moi, les potes, vous allez me vexer. J'le redis, mais Yû est aussi mon ami. On va lui faire passer un bon anniv, il en a besoin. »

Lenalee et Allen eurent un sourire. Lenalee rompit l'étreinte entre eux la première, se dirigeant vers une étagère où la couleur d'un livre l'avait visiblement attirée. Elle lut le titre, le feuilleta un peu et le reposa bien vite. Lavi fit de même, lâchant Allen non sans lui avoir ébouriffé les cheveux. Tandis qu'Allen se recoiffa en beuglant qu'il était "impossible", Lavi feuilleta deux trois bouquins en ignorant joyeusement l'autre garçon.

Lenalee finit par se retourner vers Allen, lui attrapant le bras avec excitation.

« Et donc... Ta proposition. Qu'est-ce qu'en a dit Kanda ? »

Elle sautillait sur elle-même, comme convaincue qu'il aurait une réponse positive à apporter. Il fallut tout l'effort du monde à Allen pour ne pas en rire tant c'était bête. Pas qu'il se moquait d'elle, non, du tout. Sa bienveillance — trop enthousiaste, certes — était touchante. C'était la réponse à sa demande alors qu'elle semblait si heureuse pour lui qui prêtait à rire. Ça faisait une sensation aussi amère qu'un coup de poing dans les dents, en vérité. Ça piquait.

Il toussa dans sa main, malgré le masque.

« Hm, ouais, à ce propos... Pas grand chose, j'en ai peur. J'ai pas très envie d'en parler, je vous avoue. »

Lenalee ourla son regard, soucieuse. La façon dont sa main serra la sienne fut compatissante. Allen en fut encore touché, néanmoins, ce n'était pas de ça qu'il voulait. Il avait envie d'y réfléchir seul, en se concentrant sur lui-même, il ne voulait ni de la compassion ni des avis d'un autre. Il sourit, se libérant de l'emprise de Lenalee gentiment.

« Vous inquiétez pas, » dit-il en faussant un sourire, « tout va bien. »

Ce n'était ni vrai ni faux, mais ça le deviendrait. Il en fut persuadé. Il le faudrait bien. Lavi tapota son épaule. Ce n'était sans doute pas bien dur pour eux de deviner que soit Kanda le faisait languir, soit l'issue n'avait pas été positive.

« C'est comme tu veux, Al. On est là.

—Oui, merci. »

Allen sentit son coeur se réchauffer malgré tout. Il le savait très bien, et ils l'avaient été bien assez. Il appréciait le fait de pouvoir compter sur eux, mais ça, c'était différent. Il fallait qu'il arrive déjà à compter sur lui-même et à prendre du recul seul. Il en avait l'intime conviction, c'était le mieux. Il se sentit bien à ces mots. Sortir tranquillement avec ses amis, discuter de tout et de rien sans mission, sans la pression des entraînements, sans celle de Luberrier ou de tout ce qui gravitait autour d'eux, ça faisait un bien fou.

Aujourd'hui, son seul souci, c'était de trouver un cadeau chouette à Kanda. Il hésitait encore entre les divers options qui s'offraient à lui. Il ne pouvait pas revenir sur ce qu'il ne pouvait pas changer.

Lavi finit par se racler la gorge.

« Si Allen veut pas d'avis sur sa situation avec Kanda, j'avoue que j'utiliserai bien l'un de tes précieux conseils, Lena, pour la mienne. »

Interloquée, la jeune fille tourna un regard perdu sur lui. Lavi ne lui avait encore rien dit pour son lien avec Tyki. Il s'expliqua alors, prenant appui sur l'une des bibliothèques. Il répéta ce qu'Allen savait déjà, Lenalee écoutant patiemment. Son visage se déformait progressivement par l'inquiétude et l'empathie, Allen ayant pour sa part en mémoire la façon dont Lavi avait craqué à ses côtés le matin dans l'auberge. Il mit sa main sur l'épaule du plus grand, voulant lui transmettre du réconfort. Lavi ne lâcha pas une larme. Pour se douter de ce qu'il éprouvait à présent, Allen admira la retenue dont il faisait preuve.

Il n'eut qu'un fléchissement, lorsque Lenalee vint se blottir contre lui en murmurant qu'elle était désolée. Allen se sentit content d'avoir laissé à Lavi l'espace de s'exprimer, il en avait plus besoin que lui à présent.

« Tu sais tout. Et donc, j'sais pas quoi faire. Je dois le retrouver au milieu du mois. J'sais pas vraiment quand, comment... Ni si je dois y aller. »

Allen ne pouvait pas trancher à sa place. Sachant ce que leur dernière rencontre avait donné, il pensait qu'il ne fallait mieux pas. Il n'aurait pas supporté qu'il arrive quoique ce soit à Lavi. Mais si Tyki avait des renseignements sur le statut de Lavi, il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'il veuille en savoir plus. À sa place, ça l'aurait tué.

« Je pense que tu devrais y aller. »

Allen fut surpris des mots qui franchirent la bouche de Lenalee. Même Lavi se figea.

« Pas tout seul, par contre. L'un de nous pourrait t'accompagner.

—Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, rétorqua Allen. Tyki sentirait si l'un de nous était dans les parages, ça finirait mal. Il est étrange. J'ai du mal à le cerner. Une part de moi pense qu'il ne faudrait pas que tu y ailles, Lavi... Mais je ne sais pas si Tyki te fera du mal s'il a promis de ne pas le faire. Il a son sens de l'honneur. »

Lavi haussa les épaules.

« Il n'a pas l'air d'être un homme de beaucoup de principe.

—Il en a. »

Allen eut encore une moue hésitante, bien conscient que c'était dur à imaginer du point de vue de Lavi.

« Ils peuvent juste basculer d'un moment à l'autre.

—Génial. Je suis donc lié à un ennemietà un taré. »

Allen pouvait difficilement défendre Tyki ni l'enfoncer sur ce coup-là. Il avait cette double facette qui était réellement flippante. Personne, même lui-même, et ça, c'était le plus inquiétant, ne savait où ça pouvait le mener. En ayant trainé dans des milieux plus ou moins sécurisant pour le jeune enfant et pré-adolescent qu'il était alors, Allen avait bien appris qu'il ne fallait pas jouer ni avec ceux qui ne maîtrisaient pas leurs pulsions, ni avec ceux qui avaient peur d'eux-mêmes. Quand il s'agissait des deux à la fois, ça ne faisait pas bon ménage.

Au fond de lui, Allen sentait que Tyki n'était passimauvais. Il n'était pas le pire de tous. Pourtant, Tyki lui-même n'en était pas convaincu. Ce qui voulait dire que le reste serait ses choix, qui l'enfonceraient dans ses travers ou le guideraient vers quelque chose d'autre. Un être torturé ne voyait que deux options : sombrer ou donner un bon coup de pied pour remonter.

Lenalee tapota des talons sur le parquet, se rongeant un ongle, stressée. Elle se faisait un sang d'encre pour Lavi alors que sa conversation avec Tyki n'avaient pas encore lieu. Allen n'était bien entendu pas tranquille à ce propos non plus.

« J'avoue que je ne sais pas non plus, je l'ai moins vu que vous, mais... je pense que tu dois rester sur tes gardes, si tu y vas. Avoir une porte de sortie.

—Je suis assez d'accord avec elle. La décision t'appartient, Lavi. Ça vaut ce que ça vaut, je pense qu'il doit au moins pouvoir te dire des choses fiables. »

Hochant la tête, Lavi s'étira. Il déglutit et se passa la main sur le visage, soufflant.

« On verra bien. Merci, en tout cas. Bon, avec tout ça, on lui prend quoi, à Yû ? »

Ils se concentrèrent sur leur besogne première.

Allen finit par opter pour un bouquin de poésie qu'il trouva plutôt joli. La couverture était rouge, pleine d'arabesque sur les côtés ainsi que tout autour du plat avant, les symboles encadraient le titre, et il y était écrit qu'il s'agissait d'une compilation des meilleurs poètes du siècle. Qui sait, peut-être que Kanda lui prêterait son livre une fois qu'il l'aurait lu. Lavi craqua et s'offrit un petit quelque chose pour lui-même, tandis que Lenalee les traîna dans une boutique de tissus, demandant quelques rubans pour elle et Kanda.

Ils allèrent ensuite dans la boutique d'un fleuriste, où Lavi et Allen décidèrent d'acheter communément deux cactus pour Kanda. Allen n'avait pas mémoire d'en avoir vu au jardin, quand il y était passé. En plus, le pot du sien était de la même couleur que le livre qu'il lui avait acheté. Leurs présents étaient choisis, ils n'avaient plus qu'à patienter jusqu'à demain pour les donner à l'intéressé.

Le petit trio décida de s'arrêter là, non sans passer par un café. Il leur restait pile assez pour se prendre une boisson chacun.

Lenalee voulait aussi qu'ils décorent l'une des salles de loisirs. Ils feraient ça en petit comité, certes, mais pas n'importe comment. Ils croisèrent Marie et Miranda, tous deux en balade au même moment. Le couple se joignit à eux. Ils partaient justement en mission le lendemain. Marie remit son cadeau déjà emballé à Allen, lui demandant de le donner à Kanda à sa place comme il ne pourrait pas être présent. Si Allen fut surpris — et il n'aurait toujours pas dû — d'être le désigné d'office, il l'accepta de bonne grâce. Sous ses doigts, et avec la forme du cadeau, il avait percevait la forme d'un livre. Il craignit bêtement que Marie n'ait pris le même que le sien.

Vu le nombre d'années que Marie connaissait Kanda, il serait toutefois meilleur que lui à cibler ses goûts et aurait peut-être visé plus juste que lui. Allen se morigéna pour la pensée, mais il doutait encore de son cadeau. Il n'était pas doué pour ce genre de trucs, c'était difficile d'offrir quelque chose à quelqu'un.

Allen ne s'en flagellait pas, au fond. Kanda serait... content de l'intention, s'il ne le leur montrerait sans doute pas. Il l'espéra avec plus d'ardeur. Kanda avait beau ne pas être un fana des événements sociaux, s'ils étaient tous les quatre, ce ne serait sans doute pas trop pour lui. Marie et Miranda étant resté en ville pour flâner encore de leur côté, le trio ne s'attarda pas de son côté.

Sur le chemin du retour, alors qu'ils étaient presque arrivés aux portes de la Congrégation, leurs trouvailles sous le bras — sauf pour les cactus que Lavi tenait à bonne distance de son corps, le rouquin fut comme frappé d'une réalisation, son pas se stoppant soudainement.

« Merde, » s'exclama-t-il, « on est trop bêtes ! On a oublié le gâteau ! C'est un anniversaire, on doit avoir un gâteau.

—Kanda mangera jamais de gâteau, » répliqua Lenalee en secouant la tête. « Il refuse le sien chaque année. Mais un anniversaire s'en passe rarement... »

Les trois amis se regardèrent comme deux ronds de flancs, hésitant franchement à faire demi-tour quitte à rentrer tard, quand il se mit à pleuvoir. Le tonnerre éclata et les jeunes gens se ruèrent à l'intérieur. Allen décida qu'il irait parler à Jerry dès que possible. L'indien leur préparait bien quelque chose de sympathique, comme il connaissait mieux qu'eux le type de dessert que Kanda serait susceptible d'apprécier.

L'affaire serait rondement menée, les deux autres approuvant son idée.

« Tous dans la salle de loisir dans vingt minutes, les garçons ! » intima joyeusement Lenalee, comme gonflée à bloc.

La phase de décoration était encore à mettre en place. Lavi geignit qu'il allait avoir du mal à déposer ses affaires sans se faire alpaguer par son grand-père, à qui il avait déjà faussé compagnie.

Ignorant une nouvelle crampe à l'estomac, reste de grippe ou autre, l'oméga retrouva sa chambre et but un grand verre d'eau en déposant soigneusement son cadeau pour Kanda dans son placard. Il n'eut qu'une hâte : être au lendemain. Ça serait un bon moment pour tout le monde, si tout se passait comme prévu. Ils en avaient besoin.

Le tonnerre gronda encore. Depuis la fenêtre, Allen voyait les flots autour de la petite île absolument déchainés. Ils se prenaient une sacrée tempête. Marie et Miranda auraient du mal à rentrer si ça ne se calmait pas.

Ça le rendit tout aussi inquiet pour Link, il espéra qu'il n'était pas encore sur la mer à cette heure-ci.

À suivre...


Note : Prochain chapitre centré donc sur l'anniversaire de Kanda, il devrait être plutôt fun et comporter quelques gouttes d'avancées scénaristiques :p. Mine de rien, ça me fait drôle d'atteindre le pallier des 30 chapitres pour cette partie 2.

Un avis sur le chapitre ?

Comme toujours n'hésitez pas à dire ce que vous pensez, j'aime avoir vos réactions, c'est toujours sympa d'échanger ;).

Merci d'avoir lu et à bientôt pour la suite !