Le juste vivra par sa loyauté


Note de l'auteur : Bonjour et bienvenue à tous ! Pour vous prévenir, cette fanfiction a dorénavant un Rating M mais c'est seulement à partir du chapitre 9 que les choses s'enveniment, le but du juste vivra par sa loyauté étant de dépeindre la vie d'une adolescente en 1976, à l'aube d'une première guerre sorcière très sombre d'après les dires de Sirius Black ou Remus Lupin dans l'Ordre du Phénix. J'espère que ça vous intriguera assez pour laisser une chance à cette fanfiction qui est ma première tentative de publication. Sur ce, bonne lecture et on se retrouve en bas !


Chapitre 1 : Les justes et loyaux


À 16 ans, tu avais compris qu'en restant dans la société sorcière, tu étais condamnée.

Tu l'avais compris lorsque ta mère avait eu une promotion et était devenue la secrétaire du Ministre des Affaires Etrangères, représentant du gouvernement britannique à l'étranger. Pour lui et pour toute la communauté Sang-Pur, elle n'était pas la secrétaire du Ministre mais bien sa salope. Qu'importe ce que tu lui dirais, il ne changerait jamais d'avis, la haine était bien trop ancrée en lui pour ça.

Tu aurais pu lui dire qu'à chaque fois que tu sortais le soir, tu pouvais voir que la lumière du bureau de ta mère était toujours allumée et que tu pouvais l'entendre parler à la personne qui était apparue dans sa cheminée privée. Tu aurais également pu lui expliquer que des chouettes bruyantes venaient sans cesse dans votre appartement - de jour comme de nuit. Tu ne savais plus combien de fois tu avais été brutalement réveillée par une chouette qui poussait des hululements stridents pour que ta mère la nourrisse.

Tu aurais aussi pu lui raconter que ta mère passait des heures dans la salle de bain le matin à se maquiller pour que son visage soit impeccable. Tu étais la seule à savoir à quoi ressemblait son visage dénudé. Parfois, tu ne pouvais t'empêcher de fixer les cernes bleutés sous ses yeux en te demandant quand est-ce qu'elle s'arrêterait, quand son obstination et son ambition lui laisseraient du répit.

Tu étais aussi la seule qui savait qu'une bonne partie du salaire de ta mère disparaissait dans l'achat de produits cosmétiques. Tu savais que ta mère ne supportait pas d'avoir la moindre imperfection. En tant que membre du personnel d'une personnalité publique, elle devait avoir une apparence soignée, irréprochable, c'est ce qu'elle t'avait expliqué.

Un jour, la personne que tu haïssais le plus au monde t'avait dit que, sans son apparence physique, ta mère n'aurait rien réussi dans sa vie. Tu ne lui avais pas répondu.

Tu pourrais argumenter autant que tu le voulais, mais rien de ce que tu pourrais dire ne changerait l'avis de ces adolescents bien habillés au regard méprisant et surtout d'un en particulier. Ta parole n'avait aucune valeur pour eux.

Ta vie avait été préméditée par une réunion bien tardive au Ministère le 3 juillet 1958. Tout était lié à cette nuit fatidique. Mais ça, tu ne l'apprendrais que bien plus tard. À dix-sept ans, tu ne connaissais pas encore toute la vérité.


Octobre 1976 - 7ème année


« EVA ! ATTRAPE ! »

Accroupie dans le couloir bondé du 2e étage de Poudlard, Eva Brown fut interrompue dans sa recherche de son brouillon de dissertation de Sortilèges, sa meilleure amie, Charlotte Tronsky, tapant du pied avec impatience à côté d'elle tout en jetant des regards anxieux à sa montre. Eva venait tout juste de trouver le parchemin en question entre les pages de son manuel de Potions – elle avait dû le jeter précipitamment là lorsque Emmeline lui avait proposé une partie de Baveboules la veille – lorsque le cri d'une voix masculine bien familière happa son attention. Toujours aux aguets, Eva leva la tête et n'eut d'autre choix que d'attraper le projectile lancé dans sa direction.

« Oups, dit Eva en s'empressant de desserrer sa prise lorsqu'elle comprit que c'était un crapaud qu'elle avait attrapé en plein vol. Mais t'es qui toi ? » Demanda-t-elle aux yeux noirs globuleux qui clignèrent en tandem avec les siens.

Bien moins posée, Charlotte, qui avait en horreur les crapauds depuis sa découverte du monde sorcier en 1ère année, poussa un hurlement strident qui fit sursauter la foule d'élèves qui se pressaient pour atteindre leur premier cours de la journée.

«S'il te plaît Eva! Dégage ce truc tout visqueux de ma vue!» la supplia Charlotte en cachant sa grimace derrière ses mains tremblantes, les yeux clos avec force.

Par réflexe à l'entente du cri de harpie de Charlotte, Eva avait rentré ses épaules et lové le crapaud contre son torse. À la demande de la blonde aux cheveux bouclés, Eva baissa les yeux vers l'amphibien qui lui croassa à la figure. Malheureusement, Eva n'était pas capable de parler crapaud, bien qu'elle aurait adoré savoir ce que ce crapaud volant avait à dire.

Faisant la moue, Eva tenta de défendre ce crapaud qu'elle trouvait plutôt mignon:

« Il n'est pas si moche que ça. Je suis sûre que si tu le regardes sous cet angle-là, tu le trouveras mignon! » sourit Eva en levant à hauteur de son visage le crapaud pour mieux l'admirer.

Horrifiée, Charlotte jeta un regard plein d'incompréhension à sa meilleure amie qui souriait alors que le crapaud continuait de croasser, décidément très bavard.

« Eva, mais qu'est-ce que tu fais ? C'est pas un Niffleur, c'est un crapaud, » dit avec effarement Charlotte, commençant à se poser intérieurement des questions sur la santé mentale de la brune.

– Tu vois! Je t'avais dit que ton crapaud survivrait le décollage !» s'exclama la même voix familière que tout à l'heure, ne laissant pas le temps à Eva de répondre à Charlotte qui, de toute façon, ne lui portait plus aucune attention maintenant que Amos Diggory s'approchait de sa démarche nonchalante.

Anxieuse rien qu'à l'idée de devoir gérer seule une nouvelle altercation entre ses deux amis de Poufsouffle, Eva laissa son regard glisser rapidement du crâne rasé d'Amos pour atterrir sur la figure mouvante d'Akash Banerjee qui pestait tout en traversant en vitesse le couloir toujours bondé. Sans surprise, il n'hésita pas à pousser ceux qui se trouvaient sur son passage, profitant sans vergogne du fait qu'il faisait deux têtes de plus que la plupart des étudiants, aux dépends d'une petite Serpentarde qui poussa un piaillement aigu lorsqu'elle se retrouva les genoux à terre après qu'Akash l'ait bousculé.

Lorsque Akash s'arrêta enfin face à elle du haut de son mètre 92, Eva ne fut nullement intimidée à la vue de ses yeux sombres et de son visage bronzé entouré d'une barbe. Non, elle fut plutôt chagrinée lorsqu'il s'accroupit à son tour pour lui arracher le crapaud des mains et le blottir contre son torse. Un comportement tendre qui lui valut le regard curieux d'Eva alors qu'Akash entreprit de caresser de son index le dos du crapaud soudainement silencieux.

« Akash, il est à toi ce crapaud ? s'étonna Eva qui, en presque 7 ans de vie commune, n'avait jamais vu ce crapaud de sa vie. Quand est-ce que tu l'as adopté ? »

Mais l'arrivée d'Amos qui posa les mains sur les épaules d'Akash pour les secouer moqueusement empêcha Eva d'entendre la réponse d'Akash, leur trio ignorant presque inconsciemment à force le regard noir de Charlotte dirigé sans surprise vers le grand et musclé capitaine de l'équipe de Quidditch de Poufsouffle.

« Hein Akash, pourquoi tu n'as pas présenté Aristote à Eva ? » l'embêta Amos en minaudant le prénom surprenant du crapaud.

Avec un claquement de langue agacé, Akash se dégagea de la prise d'Amos et se releva. Il n'oublia pas d'adresser un doigt d'honneur à son meilleur ami de sa main libre. Eva suivit leur exemple et, à eux trois, ils relevaient facilement la taille moyenne des étudiants de Poudlard. Ce n'était guère étonnant qu'ils attiraient l'attention des autres occupants du couloir, bien qu'Amos soit sans surprise le plus reluqué depuis son statut tout récent de célibataire prêt à batifoler.

« Qu'est-ce que tu peux être lourd, mec, » grommela Akash, son visage tordu en une expression renfrognée qui était rare.

Alors qu'Eva se demandait ce qui avait pu rendre d'aussi mauvaise humeur Akash, Amos s'esclaffa et abattit sa grande main à l'arrière du crâne d'Akash pour lui ébouriffer ses cheveux foncés, nullement inquiet d'approfondir les traits de son meilleur ami.

« Arrête de faire ta sainte-nitouche, Banerjee! Présente plutôt ton Aristote chéri à la douce Eva. Eva a le droit de savoir qui lui fait concurrence, non ? ajouta Amos en lançant un clin d'œil joueur à Eva qui soupira avec exaspération alors qu'Akash se dégageait de nouveau de la prise d'Amos avec un juron coloré.

– Y a rien à dire de plus, s'exaspéra Akash en levant de nouveau les yeux au ciel, puis, de mauvaise grâce, ajouta : Eva, Aristote. Aristote, Eva. »

Eva se rapprocha d'Akash pour caresser d'un doigt prudent le crapaud toujours aussi silencieux, écoutant d'une oreille distraite les informations que Amos ressentit le besoin de partager :

« Non mais honnêtement, Aristote doit être le crapaud le plus chouchouté de Poudlard. En un mois, il a doublé de poids tellement Akash le gave de mouches. On ne le croirait pas comme ça mais les yeux globuleux c'est le kiffe d'Akash, s'amusa Amos et, comme d'habitude, il ne manqua pas de faire le commentaire de trop: D'où son faible pour Astrid Matthews. »

À l'entente du nom de la Serdaigle plutôt singulière de leur année, Akash se tourna en un éclair pour asséner un coup de poing bien senti dans le ventre d'Amos qui en perdit son souffle. Plié en deux, Amos se mit à rire avec difficulté, ne paraissant pas préoccupé par la lueur assassine qui brillait dans les yeux d'Akash.

« Bah quoi ? Tout le monde le savait, non ? » rit Amos.

Cette boutade hilare d'Amos causa l'exclamation méprisante de Charlotte et lui valut une claque dans le dos de la part d'Eva. Dans l'intimité de leur salle commune, Eva voulait bien qu'Amos lâche une énormité pareille. Par contre, le faire au milieu du couloir bondé du 2e étage? C'était bas, très bas et Eva accepta solennellement de prendre Aristote dans ses mains pour qu'Akash se consacre à donner des nouveaux coups à Amos qui se dégageait en riant, amusé par la cohue qu'il avait créée car, c'était connu, à Poudlard, rien ne restait secret. Sans aucun doute que la nouvelle que le bruyant Akash Banerjee était intéressé par Astrid Matthews, la petite Serdaigle qui passait son temps libre en compagnie du garde-chasse, allait faire le tour de Poudlard d'ici la fin du dîner.

« Ne rougis pas, mec! Il n'y a pas de honte à avoir un faible pour Astrid Matthews ! » rigolait Amos.

Eva qui détestait les commérages et s'était promis de ne pas être au centre des rumeurs aussi tôt dans l'année scolaire, ne put s'empêcher de hausser la voix pour se faire entendre par-dessus les chamailleries de ses amis :

« Amos, t'exagères vraiment ! »

Avec un dernier juron, Akash lâcha le cou d'Amos pour le pousser plus loin, Amos riant toujours. Se frottant ses cheveux à ras, Amos revint dans leur direction:

« Oh allez, avoue que c'est drôle, se défendit Amos en gardant toujours le sourire alors que Akash venait de lui donner une gifle à l'arrière du crâne, causant de nouveau une exclamation méprisante de Charlotte qui restait en retrait avec ses bras croisés.

– Pas vraiment mais c'est pas moi qui te feras changer d'avis, s'agaça Eva. Mais bref, changeons de sujet, ça ne sert à rien de continuer. Akash, où est-ce que tu caches Aristote depuis le début de l'année ? Comment ça se fait que je ne l'ai jamais vu ?

– Ça c'est parce qu'il a un lit tout douillet dans notre dortoir, répondit Amos en faisant semblant de ne pas remarquer le regard agacé d'Eva et d'Akash à sa nouvelle prise de paroles, décidément il était très bavard ce matin. Tu crois que c'est pourquoi que je ne ramène jamais de filles dans notre chambre ? Je veux pas qu'elles s'enfuient en hurlant en voyant un crapaud obèse, ricana-t-il en donnant un coup de coude à Akash qui le lui rendit bien avec un « trou de cul » facilement lancé.

– Admets plutôt que tu ne veux pas prendre la peine de les faire sortir de ta chambre, » cingla Charlotte d'un ton si venimeux qu'Eva ne put retenir une grimace.

Depuis qu'elle avait posé les yeux sur Amos, Eva s'était demandée quand est-ce que Charlotte exploserait enfin. Incapable de gérer un conflit entre ses amis, Eva resta figée alors que les deux anciens amoureux s'observaient, Charlotte avec un regard noir et Amos avec un air de dédain qui semblait contre nature à Eva tellement il lui faisait penser à un certain Serpentard.

« On t'a sonné toi ? » cingla froidement Amos avant de se tourner vers Akash, laissant clairement entendre que Charlotte ne valait pas la peine qu'il en dise plus.

À côté d'Eva, Charlotte vira lentement au rouge sous l'effet combiné de la colère et de l'humiliation, ses boucles d'un blond foncé s'élevant en l'air à cause de sa magie.

« Bon mec, reprit nonchalamment Amos, on va ramener ton p'tit chéri à la maison maintenant que Hagrid t'a rassuré sur sa santé ou tu préfères y retourner pour mater la Matthews ? En même temps, je dois avouer qu'elle a une sacrée paire de –

– Oh ta gueule, Amos, » pesta Akash avec clairement moins de contrariété après l'intervention de Charlotte.

Leur petit groupe de blaireaux ne tarda pas à se disperser, Akash n'adressa son au revoir qu'à Eva, son silence ne voulant pas dire qu'il appréciait davantage Charlotte, et Amos partit à sa suite après avoir ébouriffé les cheveux d'Eva avec un sourire taquin.

« J'allais dire une paire de gants ! brailla Amos en trottinant pour rattraper Akash. Faut bien en avoir pour être une bonne guérisseuse, tu sais !

– Quel pauvre con ce mec, » marmonna Charlotte une fois qu'Amos eut disparu dans la cage d'escaliers.

Eva jeta un regard prudent à sa meilleure qui n'avait toujours pas décoloré, incertaine sur ce qu'elle pourrait dire alors que toutes ses paroles de réconfort avaient constamment mené au conflit depuis la rentrée. Et, honnêtement, Eva n'avait pas envie de devoir attendre jusqu'à demain pour que Charlotte accepte d'entendre ses excuses. C'est pourquoi Eva décida d'ignorer le problème.

« Bon, on va la faire cette dissert' ? » proposa-t-elle avec un petit sourire, qui lui valut le mauvais regard de Charlotte qui abdiqua pour autant.

Silencieusement, elles longèrent les couloirs pour atteindre leur destination précédente: la bibliothèque. Les couloirs étaient presque vides alors que la cloche du début des cours allait sonner d'ici deux minutes, mais ça n'empêche pas Eva de tomber sur le deuxième Serpentard qu'elle mettait un point d'honneur à éviter depuis la rentrée. Il ne lui laissa pas le temps de l'éviter alors qu'il apparaissait d'une tapisserie, Corban Yaxley et Severus Rogue de 6e année à sa suite.

« Mais qui voilà ! C'est Brown, la p'tite pute. »

Eva se raidit à l'entente de la moquerie qui précéda un coup d'épaule brusque. Sous le coup de la surprise, Eva faillit s'emmêler les pieds mais elle reprit son équilibre rapidement. Il y eut un instant de flottement où, debout, elle resta le regard fixé sur le sol dallé où elle aurait pu se casser la figure, son cœur battant trop fortement dans sa cage thoracique. Finalement, elle releva presque mécaniquement la tête.

Le sourire narquois que lui lançait Evan Rosier n'était pas inattendu. Avec un esclaffement, il s'éloigna, entouré de ses cadets qui leur adressèrent des regards méprisants alors que Charlotte enserrait le poignet d'Eva. Après quelques secondes à respirer en pliant inconsciemment ses doigts, Eva répondit par un petit sourire au regard inquiet et craintif de Charlotte. Elles reprirent leur chemin en silence, les doigts de Charlotte glissant jusqu'à se lover dans le creux du coude d'Eva en un geste discret de réconfort.

Tout comme Eva aurait voulu que Charlotte le fasse concernant Amos, elle devrait être capable de balayer cette rencontre de ses pensées en un claquement de doigt, mais c'était impossible. Alors que la vue d'Aristote lui avait embelli son humeur, Evan Rosier avait réussi en quelques secondes à la laisser dans un état second qui allait certainement durer la journée. La preuve, Eva serait incapable d'affirmer qu'elle avait accueilli Emmeline qui leur avait gardé une table dans la bibliothèque avec un sourire. La discussion d'Emmeline et de Charlotte comme un bruit de fond dans ses oreilles, Eva sortit ses affaires pour terminer sa dissertation de Sortilèges.


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« Miss Brown. Ne sortez pas tout de suite à la fin du cours, j'ai quelques mots à vous dire, » Flitwick informa son élève de sa voix fluette en s'arrêtant à la table de la Poufsouffle qui tentait de contrôler son aguamenti pour qu'il ne dépasse pas 25 centilitres.

Eva détestait les exercices de contrôle. Si elle avait besoin d'utiliser un aguamenti ce serait pour éteindre un feu ou nettoyer Oscar. Elle avait depuis longtemps abandonné l'idée de le nettoyer avec un pommeau de douche, il s'amusait à le mordre au lieu de la laisser le laver en paix.

Dans les deux cas, Eva n'aurait pas besoin de serrer les dents pour contrôler son empreinte magique. Elle ne comptait pas non plus errer dans un désert avec seulement un gobelet de 25 cl avec elle.

Premièrement, l'eau de l'aguamenti avait un goût horrible et, deuxièmement, elle n'avait pas de gobelet de 25 cl en sa possession. Mais ça, Flitwick n'en avait rien à faire. Le but en tant que 7ème année n'était pas que d'avoir un vaste répertoire de sortilèges mais de savoir les utiliser avec modération pour pouvoir enchaîner sans s'évanouir de fatigue. Le but ultime étant aussi de pouvoir le faire non verbalement.

Eva acquiesça à la demande de Flitwick, s'efforçant de se concentrer sur son sortilège plutôt que de s'inquiéter sur ce que le professeur qui était parti inspecter les performances du côté des Serdaigles voulait lui dire.

Kate Godfried était occupée à discuter de manière virulente avec Marlène McKinnon qui, elle, ne paraissait pas accorder autant d'importance au sujet de leur discussion à en juger par ses hochements de tête distraits. Malheureusement, le manque d'attention de Kate Godfried lui coûta car, à la stupéfaction de la salle, elle jeta un aguamenti des plus puissants juste au moment où Flitwick arrivait à hauteur de leur table.

Il y eut un silence de mort brisé seulement par le son des gouttes d'eau tombant sur le sol de la salle de classe. Eva ne put détacher ses yeux de la vue mortifiante du professeur de Sortilèges qui donnait l'impression de s'être promené en plein milieu d'une violente tempête écossaise. Apparemment, il n'y avait pas qu'Eva qui avait des problèmes à contrôler sa magie.

« Oh merde. »

Le sentiment collectif se fit bien transmettre par le chuchotement de Kate Godfried dont le visage avait perdu toute couleur alors que ses yeux étaient gros comme ceux d'Aristote, le crapaud d'Akash. La Serdaigle apparaissait comme tétanisée, la main tenant sa baguette toujours brandie vers Flitwick qui s'essuya lentement le visage d'une main.

Il n'y avait qu'une personne qui ne perdait pas le nord. Yeux bleu électrique, haute queue de cheval, bouche finement recouverte d'un rose à lèvres, Marlène McKinnon avait le mental tout aussi soigné que son physique. D'un mouvement de poignet compliqué, la préfète de Serdaigle agita sa baguette en direction de Flitwick dont les vêtements et cheveux furent agités par un courant d'air soudain avant qu'il ne soit aussi sec qu'il y a 15 secondes.

« Très belle démonstration d'un sortilège informulé, Marlène. 5 points pour Serdaigle. Malheureusement, je me dois d'enlever 10 points à Serdaigle : votre inattention pourrait vous coûter dans l'avenir Miss Godfried si vous usez d'un sortilège plus dangereux que l'aguamenti. »

Kate Godfried baissa honteusement la tête à l'entente de la réprimande de Flitwick. Le professeur arqua son bras puis, à une vitesse qui prouvait son expérience, il lança un sortilège informulé qui fit disparaître toute trace d'eau dans la salle et fit léviter les gobelets que les élèves utilisaient depuis trois bons quarts d'heure vers les étagères au fond de la salle.

« Bien, je crois que nous en avons tous eu assez de l'aguamenti pour aujourd'hui. Nous allons exceptionnellement terminer plus tôt. Les copies de votre contrôle sont sur mon bureau. Prenez-les en sortant. CALMEMENT ! » ajouta Flitwick alors que les chaises raclaient bruyamment sur le sol et que la voix des élèves s'élevait.

Son ordre fit effet une bonne seconde avant que le brouhaha ne s'élève de plus belle lorsque les premiers élèves ayant pu jeter un coup d'œil à leur note maugréèrent avec mauvaise humeur. Alors que la plupart se précipitait de sortir pour avoir une pause de 10h plus longue, Eva, elle, rangeait lentement ses affaires. Habituellement, elle serait une des premières à sortir mais, si elle ne voulait pas écoper d'une retenue, elle avait intérêt de rester pour les réprimandes de Flitwick.

Eva répondit au « on se voit en Métamorphose » de Charlotte avec un sourire distrait, remarquant du coin de l'œil Akash et Amos s'approchant de Kate Godfried.

Ils devaient certainement souhaiter remercier la blonde de Serdaigle pour son aguamenti qui avait abrégé la leçon de par moitié. Du moins, Akash devait avoir ça comme motif, Amos semblait juste avoir réaliser l'opportunité qui s'offrait à lui. En effet, la main qu'Amos avait posée sur l'épaule de la grande et menue Serdaigle ne bougeait plus. Sans doute qu'il avait tout aussi bien remarqué qu'Eva le rougissement de Kate Godfried à son toucher. Eva le voyait à son sourire qu'Amos était amusé par cette réaction.

Eva posa son sac sur la table puis enfonça sa joue dans la paume de sa main, attendant patiemment qu'Emmeline termine de titiller Flitwick sur sa correction. Proche de la sortie, Akash était toujours en train de parler avec entrain, Eva entendit des bribes de mots : « Quidditch », « mouillé », « boue », « cul ». Sans doute ses complaintes contre les entraînements de Quidditch qui le faisait rentrer la plupart du temps d'une humeur massacrante et « avec de la boue jusqu'au trou du cul » comme Akash aimait le raconter à tout le monde. Ce qui était paradoxal chez Akash c'était qu'il se bornait à s'inviter à tous les entraînements de Quidditch – profitant du fait que son meilleur ami en soit le capitaine – et pourtant il s'évertuait à se plaindre du rythme infernal des entraînements bien que personne ne le force à y aller. Eva savait qu'Akash y allait pour s'améliorer et enfin parvenir à devenir un membre officiel de l'équipe mais vu le nombre de fois où il se plaignait, elle se demandait si tant d'effort en valait la peine.

Malheureusement pour Akash, son public ne paraissait pas très attentif à son histoire. Kate Godfried devait bloquer sur le pouce d'Amos qui caressait langoureusement son épaule recouverte de sa robe de sorcière. À côté d'eux, Marlène McKinnon qui était toujours aussi soigneuse avec le rangement de ses affaires ne manqua pas non plus de remarquer le manège du capitaine de Poufsouffle. Eva la vit discrètement lever les yeux au ciel.

« Miss Brown. »

Eva tressaillit sous le coup de la surprise, interrompue dans son espionnage. Les yeux sombres de Flitwick l'observaient derrière sa monture. Il avait beau être petit, il intimidait Eva avec autant d'aisance que McGonagall.

« Oui, professeur, dit-elle en se redressant.

– Vous ne prenez pas la peine de jeter un œil à votre copie ?

– Je pense déjà savoir que le résultat n'est pas bon si vous voulez me parler, » admit-elle en n'osant pas croiser le regard inquisiteur du professeur de sortilèges.

Flitwick émit un son contemplatif et deux secondes plus tard une feuille de parchemin lévita sous le nez de la 7ème année qui, récalcitrante, n'eut d'autres choix que de la prendre.

« Eh bien, nous allons reprendre ensemble tout cela, » dit Flitwick et, l'estomac noué, Eva le regarda léviter pour se mettre debout sur la chaise à sa gauche habituellement occupée par Charlotte.

Dans un coin de sa tête, Eva se dit que Flitwick était l'exemple même d'un parfait contrôle de son essence magique. La majorité des étudiants de Poudlard exploserait vers le plafond s'ils se lançaient un sortilège de lévitation ! Ce qui expliquait en partie la popularité du sortilège de Levicorpus qui était d'une facilité déconcertante à jeter.

Derrière la silhouette menue du professeur, Eva vit qu'Amos, Akash et Kate Godfried avaient disparu.

Marlène McKinnon, quant à elle, rangeait ses deux plumes Marronnier qui brillaient dans leur pochette respective. Etant donné qu'il n'y avait parfois que 10 minutes d'intervalle entre chaque cours et que les couloirs et les escaliers de Poudlard étaient un labyrinthe d'une grandeur digne d'un marathon, c'était un réel mystère que la Serdaigle soit toujours à l'heure vu l'attention qu'elle portait au rangement de son sac.

« Miss Brown, » la héla Flitwick et Eva se reconcentra sur son examen qui manquait cruellement de contenu.

Le professeur de Sortilèges passa quinze bonnes minutes à s'assurer qu'Eva comprenne parfaitement le contenu de ses cours. Au bout de quelques questions, Eva se sentit toute penaude de ne pas avoir porté plus d'attention à ses cours de Sortilèges. Heureusement pour elle, Flitwick ne fit aucun commentaire désobligeant, se contentant simplement de lui demander calmement de faire des démonstrations des sortilèges qu'ils avaient étudié avant de la guider pour les explications théoriques. Eva hésita à chaque fois avant de répondre mais Flitwick ne la rabroua jamais, se contentant de rediriger la conversation si elle se sentait bloquée. Avant de la laisser partir, Flitwick l'informa qu'il n'allait pas prendre en compte ce contrôle pour la moyenne du trimestre, les résultats médiocres d'une partie de la classe l'en ayant dissuadé.

« Mais ne donnez plus de devoirs de ce niveau, Miss Brown. Si vous ne comprenez pas quelque chose, venez m'en parler à la fin du cours sinon vous aurez bien du mal pour vos A.S.P.I.C.S. C'est compris ? » lui dit-il en l'observant par-dessus la monture de ses lunettes.

Le cœur d'Eva frémissait de nervosité à l'entente du mot « A.S.P.I.C.S. » mais les conseils de Flitwick lui avaient redonné la pêche. Elle lui décocha un sourire rendu lumineux par son soudain regain d'énergie.

« C'est compris, professeur ! Je n'hésiterai pas alors. En espérant que vous ne finirez pas par en avoir marre de moi, plaisanta-t-elle en se levant, son contrôle hâtivement rangé dépassant de l'ouverture de son sac.

– J'ai bien peur que mes Serdaigles soient beaucoup plus avares en précision que vous, Miss Brown, rétorqua Flitwick avec un sourire, sautant lui aussi de sa chaise. Miss McKinnon doit certainement attendre que je sois libre pour me poser quelques questions, » ajouta-t-il en trottinant jusqu'à son bureau.

Eva le suivit, prenant garde de ne pas faire de trop grandes enjambées pour ne pas marcher sur l'arrière des chaussures de son professeur.

« Oh non, j'ai dû la faire attendre longtemps.

– Ne vous inquiétez pas pour ça. A qui sait être patient, les choses arrivent toujours à temps, n'est-ce pas Marlène ? » dit Flitwick en direction de la porte restée entrouverte qui fut poussée par la concernée qui arborait le même sourire que Flitwick sur ses lèvres rosées.

Un sourire typiquement Serdaigle aux yeux d'Eva. C'était le sourire mystérieux des sages. De ceux qui échangeaient des blagues intellectuelles qui lui passaient complètement au-dessus.

« Oui, professeur car l'homme patient et courageux fait lui-même son bonheur.

– Joliment dit, Marlène. »

Ils étaient bien des Serdaigles. Ce n'était pas avec ses camarades de Poufsouffles qu'Eva allait s'amuser à échanger des proverbes. Et si quelqu'un le faisait, ça n'étirerait pas des sourires amusés sur les lèvres des blaireaux. Ça provoquerait plutôt un regard d'incompréhension. Dans le genre « qu'est-ce que tu me chies ? ».

« Hum, d'accord…, » marmonna tout bas Eva, ses yeux allant de la figure bien soignée de Marlène McKinnon qui était rentrée dans la salle d'une démarche décontractée au professeur Flitwick qui l'accueillait en lévitant une boite de sucreries vers elle.

Marlène piocha dedans sans un mot, comme si recevoir un bonbon de Flitwick n'était pas un honneur donné qu'à quelques rares élus. La dernière fois qu'Eva avait assisté à ce privilège était l'année dernière lorsqu'Akash avait fait apparaître un patronus corporel dès son deuxième essai. Le sourire brillant de Flitwick n'avait été concurrencé dans sa brillance que par le panda rouge d'Akash qui trottinait tranquillement sur le sol pour renifler partout. Maintenant qu'elle y pensait, le panda rouge avait longuement reniflé les chaussures d'Astrid Matthews. Pas que ça ait dérangé la Serdaigle qui s'était accroupie pour roucouler face au patronus. Peut-être que l'idée qu'avait Amos comme quoi Akash était intéressé par la brune n'était pas si saugrenue finalement…

Refermant la porte derrière elle, Eva fut confrontée au silence du couloir vide, se disant que l'offrande de bonbons ne devait être un privilège rarissime que pour les Poufsouffles. Sans doute que Flitwick avait quotidiennement de longues discussions passionnantes avec les esprits brillants qui siégeaient à Serdaigle. Il devait donc se restocker assez fréquemment en bonbons. Après tout, Eva ne le voyait que quatre heures par semaine. Étant à la tête de la Maison des aigles, il devait avoir des entretiens privés remplis d'exhibitions de magie incroyables qui valaient deux Chocogrenouilles.

Il ne suffisait que de penser au palmarès de la promotion de Serdaigle de son année.

Astrid Matthews avait mauvaise réputation parce qu'elle traînait avec Hagrid, le gigantesque et robuste garde-chasse qui effrayait la plupart des élèves mais ses heures passées à l'extérieur ne prouvaient que son virtuose et son dévouement pour s'occuper des créatures magiques.

Marlène McKinnon, elle, excellait dans tous les domaines, décrochant aisément tous les ans la place de tête de promo comme soupirait souvent Charlotte avec lassitude lorsqu'elle s'efforçait de réviser jusqu'à pas d'heure pour décrocher la meilleure note de leur promotion.

Kate Godfried, malgré sa mauvaise performance d'aujourd'hui, n'avait jamais concocté de potions imparfaites, la faisant d'office une invitée récurrente du club de Slughorn.

Et les quatre garçons de Serdaigle n'étaient pas en reste : Luke Carstein, préfet-en-chef, Tony Valasquez, chouchou de McGonagall et batteur d'exception, Francis Lockart, capitaine de l'équipe de Quidditch et, pour terminer, Adrian Parkinson, rival de McKinnon dans toutes les matières scolaires et héritier des Parkinson.

Non, Flitwick ne devait pas avoir besoin de dédier un quart d'heure à ses Serdaigles pour corriger un contrôle surprise mensuel. L'honneur revenait à Eva qui bataillait actuellement avec Akash, Meredith Ravencrest et Liam Olsen pour ne pas être la dernière de la promo.

Durant ses réflexions, les pieds d'Eva se dirigèrent automatiquement vers la cour où se trouvaient sans grande surprise Amos et Akash. Cependant, ils n'étaient pas assis à même la terre pour jouer à une partie de Baveboules comme ils en avaient pris l'habitude depuis la rentrée pour la pause de 10h.

(Même si Akash et Amos râlaient et se moquaient tout le temps d'Eva pour son envie de jouer aux Baveboules, Eva les soupçonnait d'apprécier ce jeu. En effet, au fur et à mesure que les parties s'enchaînaient, c'était Amos ou même Akash qui demandaient de faire une autre partie, ne supportant pas qu'Eva les batte.)

À la place, Amos s'était trouvé un coin pour se poser avec Kate Godfried dont les joues n'avaient toujours pas perdu leur couleur rosée alors qu'elle entourait une mèche blonde autour de son index, écoutant attentivement Amos en lui adressant un regard par en-dessous. Ils étaient tous les deux assis sur un banc en retrait tandis qu'Akash discutait au niveau de la fontaine avec Francis Lockart et Tony Valasquez.

« Hé, Eva ! Attrape ! »

Son bras se leva. Eva attrapa ce qui se révéla être un vif d'or. Ses ailes lui chatouillaient la main alors qu'il se débattait pour s'enfuir.

« C'est incroyable ton talent d'attraper tout à n'importe quel moment, rigola Luke Carstein qui venait d'apparaître à la gauche d'Eva, si proche que le tissu de sa chemise effleura l'avant-bras à découvert d'Eva. T'es sûre que tu ne veux pas retenter de rentrer dans ton équipe de Quidditch ?

– Tu sais très bien que je suis aussi à l'aise sur un balai que Chourave avec des talons, sourit Eva, se remémorant la démarche bancale de sa Cheffe de Maison que McGonagall avait forcé à mettre des talons pour les réunions parents-profs de la fin de 5ème année.

– Tant mieux pour nous, rit doucement Luke. On a déjà bien du mal avec Amos et James Potter. Serdaigle n'a pas besoin d'un autre monstre de Quidditch comme concurrent.

– Si seulement. J'aimerais bien revoir la coupe de Quidditch dans notre salle commune, soupira Eva d'un air rêveur. Tiens, tu veux que je te le rende ? ajouta-t-elle lorsque le vif d'or tenta avec force de s'échapper, faisant vibrer ses doigts pliés.

– Oui, il vaudrait mieux que le Préfet-en-chef ne perde pas le vif d'or. Je ne sais pas qui me tuerait d'abord : McGonagall ou Francis ? plaisanta Luke avec un petit rire.

– McGonagall sans doute. Elle n'a toujours pas digéré sa défaite de l'année dernière. J'ai cru entendre qu'elle avait parié avec Slughorn toute sa collection de vaisselle écossaise. »

Luke fit une grimace alors qu'ils s'échangeaient précautionneusement le vif d'or.

« Tiens, tu peux prendre la boîte du vif d'or dans mon sac ? » lui demanda Luke en gardant fermement le vif d'or entre ses mains jointes qui étaient secouées par des spasmes, révélant l'humeur massacrante du vif d'or.

Eva acquiesça et se pencha pour ouvrir le sac pendant le long du flanc du préfet-en-chef de Serdaigle. Il avait dû y jeter un sortilège d'expansion et d'allègement car il y avait un nombre impressionnant de livres là-dedans. Eva n'eut pas de difficulté à trouver la boîte noire avec un vif d'or peint sur son couvercle.

« Hé, Eva ! Arrête un peu de tripoter Luke en public, sa petite copine ne sera pas contente ! » cria bien fort Tony Valasquez alors qu'il n'était pas si loin que ça, l'idiot.

Il avait un sourire malicieux aux lèvres alors qu'Akash levait son pouce en sa direction (« Nice, Eva ! » accompagné d'un clin d'œil) et que Francis Lockhart souriait avec exaspération, habitué au volume inapproprié de son ami. Eva se redressa, la boîte du vif d'or en main. De l'autre, elle transmit le fond de sa pensée à Tony avec son majeur. Le batteur des Serdaigles en brandit deux en réponse, les secouant avec animation.

« Tu pourrais lui retirer des points pour ce geste, tu sais, Luke. »

Eva sursauta alors qu'Adrian Parkinson venait de se matérialiser derrière Luke et elle, complétant le quatuor masculin des Serdaigles de 7e année. Une mèche foncée s'était échappée des cheveux méthodiquement retenus en arrière par l'application d'une potion coûtant certainement une fortune du Serdaigle qu'Eva détestait, révélant ses yeux noirs perçants qui se posèrent sur Eva pendant un bref instant déjà trop long au goût de la brune avant qu'il ne se désintéresse d'elle.

Avec une grimace péniblement réprimée, Eva se retint de tourner son dos au Serdaigle alors que Luke soupirait avec lassitude:

« Si je retirais des points à Tony à chaque fois qu'il fait des doigts d'honneur, on terminerait facilement dernier pour la Coupe. Allez Eva, on va vite rentrer ce vif d'or colérique. Mes bras vont bientôt me lâcher, dit Luke avec une grimace de douleur alors qu'il luttait pour ne pas suivre le mouvement du vif d'or qui l'avait forcé à avancer d'un pas. Adrian, tu veux bien lancer un protego pour l'empêcher de s'enfuir ? »

Eva entendit Parkinson murmurer une formule trop longue pour être un simple protego et la seconde suivante un dôme de lumière entourait les trois étudiants. Eva ne put s'empêcher de lever discrètement ses yeux au ciel face à ce frimeur. Avoir son nez collé dans des bouquins vieux du XVIème siècle le rendait au moins capable de cantonner un vif d'or à un petit espace. Ça serait génial si ses bouquins pouvaient aussi apprendre à Adrian Parkinson l'étiquette sociale à suivre envers des gens qui n'étaient pas des Sang-Purs ou des étudiants savants qui allaient sans aucun doute décrocher des postes de renommée d'ici quelques années.

Luke lança un regard inquisiteur à Eva qui était bien silencieuse depuis le commentaire déplacé de Tony :

« Prête ? »

Eva hocha la tête avec un petit sourire, ouvrant la boite et la rapprochant autant que possible des mains de Luke. Elle sentit le souffle chaud de ce dernier faire voltiger quelques cheveux s'étant échappés de son chignon lâche mais elle n'y prêta pas attention. Elle était prête à ce qu'il ouvre ses mains et hop, elle refermerait direct la boite sur le vif d'or. Le but étant bien sûr de ne pas pincer les doigts de Luke pendant l'opération.

« À trois. Un, deux, trois. »

Luke retira ses mains. Le clac de la boîte qui se refermait fut presque rendu inaudible par les vibrations furieuses du vif d'or capturé de manière efficace. Un rire surpris échappa à Eva alors qu'elle sentait la boite s'enfoncer dans son ventre à cause de la force de la petite balle dorée. Elle plaignait les joueurs de Quidditch. Devoir ranger le vif d'or après chaque entraînement ne devait pas être une partie de plaisir.

« Dis donc, quel petit excité ! rit-elle. Il doit avoir plus de force qu'Akash dans les bras.

– Hey, j't'ai entendu ! s'écria Akash qui s'était rapproché, Tony Valasquez et Francis Lockhart l'entourant de chaque côté.

– Elle n'a pas tort, mec, commenta Tony, jaugeant du regard les biceps bronzés d'Akash qui étaient bien loin de ceux bien définis de Tony qui attiraient nombreux regards appréciateurs (dont celui d'Eva occasionnellement, il fallait l'avouer) lorsqu'ils n'étaient pas cachés par sa robe de sorcier. C'est pas avec ça que tu vas réussir à pécho notre défenseuse des droits des animaux, ajouta-t-il avec un sourire moqueur en parlant d'Astrid Matthews, sa camarade de Maison.

– Si tu veux je peux te passer des exercices pour te les rendre irrésistibles, » proposa Francis de l'autre côté d'Akash, son sourire narquois scotché aux lèvres.

Ce sourire légendaire prouva être tout aussi frustrant pour Akash que pour tous les malheureux poursuiveurs qui s'évertuaient à essayer de franchir le mur de fer qu'était le capitaine de l'équipe de Quidditch de Serdaigle. Eva fut la première à rire lorsqu'Akash se retourna et gifla la partie la plus atteignable de Francis. En l'occurrence : son biceps gauche qui n'avait rien à envier à celui de Tony après presque 6 ans d'entraînement de Quidditch.

La seconde suivante, Tony sautait sur le dos d'Akash, lui enroulant le bras autour du cou pour lui frotter férocement le cuir chevelu. Akash se débattit furieusement et Tony fut obligé de lâcher prise. S'ensuivit la création d'un cercle où Akash, Tony et Francis se regardaient en chien de faïence, avançant lentement pour saisir le bon moment et frapper sa victime tel un match de boxe.

Luke tapota l'épaule d'Eva alors que Francis et Tony échangeaient un regard entendu. Eva posa son attention sur le préfet-en-chef dont les mèches d'un brun clair lui tombaient dans les yeux alors qu'il se penchait vers elle.

Derrière Eva, Akash criait à la fourberie et Tony lui rétorquait que ce n'était que de la solidarité de Maison.

« Tu veux me rendre le vif d'or ou tu préfères le garder ? lui demanda Luke d'un air amusé, rappelant soudainement à Eva qu'elle n'était pas obligée de continuer à contracter les muscles pour tenir en place la boîte du vif d'or.

– Ah non, tu peux le reprendre. J'ai déjà assez à faire avec un petit monstre, » dit-elle en offrant la boîte à Luke avec un sourire.

Luke lui lança un regard interrogateur :

« Comment ça ? Quel « petit monstre » ?

– C'est un secret, monsieur le préfet-en-chef, » lui répondit Eva, le regard contrarié du Serdaigle qu'elle reçut en réponse à sa taquinerie la faisant éclater de rire alors qu'il lui reprenait la boîte des mains.

Le petit monstre en question n'était autre que Charlotte, sa meilleure amie à l'humeur bougonne depuis la rentrée, mais Eva préférait continuer à faire croire à Luke qu'elle cachait illégalement un animal interdit dans son dortoir, c'était beaucoup plus drôle.

« Le monsieur préfet-en-chef comme tu dis pourrait bien aller fouiller dans tes affaires, tu sais, maugréa Luke en fourrant le vif d'or dans son sac.

– Un préfet-en-chef avouant ouvertement vouloir pénétrer dans le dortoir des filles. Et d'une autre Maison de surcroît ! s'exclama Eva en ouvrant grand ses yeux d'un choc surjoué. Vite, je ferais mieux de prévenir Dumbledore de ce comportement intolérable ! »

Eva fit mine de partir à la recherche du directeur mais à peine eut-elle tourné les pieds que Luke l'attrapait par le col de sa chemise et la tirait vers lui, les pieds de la 7ème année évitant de justesse d'écraser ceux du Serdaigle à son geste. Eva jeta un regard par-dessus son épaule à Luke qui avait sa moue sérieuse qui était apparue dès leur 1ère année lorsqu'il avait surpris Amos en train de soulever magiquement les jupes des filles ayant le malheur de passer devant l'armure où lui et Akash s'étaient cachés.

« On ne se moque pas d'un préfet-en-chef, » lui annonça Luke le plus sérieusement possible.

Eva éclata de rire et Luke le préfet disparu pour laisser place à Luke au sourire craquant. Sourire craquant qui, d'après les rumeurs, avait été le facteur final pour qu'Amélia Avery accepte d'être sa petite amie. Eva soupçonnait fortement Amélia Avery d'avoir surtout accepté les sentiments de Luke pour son badge prestigieux de préfet-en-chef qui ne faisait que renforcer son statut de bon parti. En effet, la Serpentarde avait pris toutes les vacances d'été pour réfléchir à sa demande alors que Luke était pourtant l'héritier des Carstein. Ce n'était que lors du trajet de train de la rentrée que la Serpentarde avait enfin donné sa réponse au grand bonheur de Luke qui s'était démené depuis la 5ème année pour se rapprocher de la jumelle Avery qui était auparavant connue pour ses remarques cinglantes. Eva ne comprenait pas que la maintenant préfète-en-chef ait eu besoin d'autant de temps de réflexion : Luke était honorable, rieur et avait des fossettes qui ne le rendaient que plus craquant. Sans doute un truc de Sang-Pur. D'un autre côté, Eva n'avait jamais compris l'intérêt de Luke pour la Serpentarde donc peut-être qu'ils s'étaient bien trouvés.

« Pour une fois qu'Eva flirte, elle décide bien sûr de le faire avec un homme déjà pris. »

Le commentaire d'Amos qui avait réapparu en tenant la main de Kate Godfried dans la sienne surprit les deux 7ème année, en particulier Luke qui s'empressa de lâcher la chemise d'Eva et de s'éloigner de trois bons pas. Se sentant rougir, Eva foudroya Amos du regard qui lui répondit par un clin d'œil joueur. Eva détourna les yeux, gênée et agacée, et elle ne put s'empêcher de croiser les bras sous sa poitrine.

« Diggory, si tu pouvais éviter de faire ce genre de blague, dit Luke et Eva le visualisait parfaitement : une main posée sur sa nuque et un regard plus gêné qu'imposant.

– Roh, t'inquiètes, mec. Tu sais bien que c'est juste une boutade. Je voudrais pas qu'Eva subisse les foudres de ta femme. Enfin, c'est pas comme si ce n'était pas déjà le cas, » se marra Amos en essayant d'échanger avec ladite Eva un regard complice.

Eva refusa de croiser son regard : Amos était conscient du statut précaire de ses relations avec les Serpentards et pourtant il prenait toujours ça sur le ton de la rigolade. Luke soupira lourdement, visiblement sur la même longueur d'onde qu'Eva :

« T'es vraiment lourd…

– Mais il n'a pas tort. »

Ah, dire qu'Eva avait oublié que Parkinson rôdait dans les parages…

« Amélia ne serait pas heureuse de savoir que tu te comportes de cette façon avec…, dit Parkinson en laissant sa phrase en suspens, brûlant la nuque d'Eva qui refusait de lui accorder son attention par la force de son regard. Avec des membres de la gente féminine, » finit-il par dire d'un ton qui sous-entendait que c'était la formule la plus polie qu'il avait trouvé pour la décrire.

Eva ne fut pas la seule à prendre mal son commentaire dont le ton méprisant était impossible à ignorer. Amos avait beau ne pas contracter furieusement sa mâchoire comme Eva pour réprimer son envie de défoncer la gueule de bulldog de Parkinson, la tournure féroce qu'avait pris le sourire du capitaine de l'équipe de Quidditch montrait bien qu'il partageait ses pulsions meurtrières. Mais ce n'était pas qu'Eva et Amos. Les gars avaient cessé leur petit jeu. Un malaise s'était abattu sur le groupe d'aigles et de blaireaux et personne ne parlait.

« Membres de la gente féminine…, répéta lentement Amos d'un ton méprisant qu'il ne réservait qu'aux plus gros des trous du cul comme il aimait bien le dire. Tu te crois où, mec ? Le Moyen-âge comme dans tes bouquins ? T'as qu'à y retourner. Peut-être qu'une jouvencelle voudra bien être courtisée par un bâtard comme toi. En dernier recours, bien sûr. »

Sentant son cœur palpiter dans sa poitrine, Eva fixa la terre à ses pieds.

« Allez, on se casse, pesta d'un air méprisant Amos. Ça pue la merde ici. »

Amos se rapprocha d'Eva et posa doucement sa main sur son épaule avant de la glisser sur son omoplate pour la pousser en avant. Eva se laissa faire, remarquant du coin de l'œil qu'Amos n'avait pas lâché la main de Kate Godfried.

« Ce fils de pute, siffla Amos entre ses dents alors qu'ils disparaissaient dans l'enceinte du château. Un de ces jours, je vais vraiment lui défoncer sa gueule de branleur. Meilleur sorcier de la promo, mon cul ! Il ne saura pas quoi faire quand mon poing fera pisser d'sang son nez. J'te jure Eva, s'il rouvre sa gueule devant moi, il est mort.

– Amos, tu ne devrais pas dire ça, » dit prudemment Kate Godfried face à la rage d'Amos qui rendait intimidant plus qu'alléchant ses muscles bien définis et sa grande taille. Tu pourrais être puni si un professeur t'entendait.

– Désolé Kate mais je n'en ai strictement rien à foutre, pesta Amos en se frottant ses cheveux à ras. Si tu savais le nombre de fois que j'ai laissé couler avec ce mec, grimaça-t-il rageusement. Si ça ne tenait qu'à moi, ça ferait longtemps qu'il serait cloîtré à un lit de l'infirmerie.

– C'est imprudent, Amos, insista Kate d'un ton plus pressant.

– Je sais, la coupa Amos d'un ton grinçant. Ces putains de Sang-Purs de mes deux ! » pesta-t-il entre ses dents, froissant la chemise d'Eva sur laquelle il avait gardé sa main.

Alors que les sourcils froncés de Kate annonçaient qu'elle s'apprêtait à renchérir, la cloche sonna. La bouche de Kate se lissa et elle leur dit devoir rejoindre son cours de potions. Après avoir assuré à Amos qu'elle le verrait au déjeuner, elle adressa un petit sourire incertain à Eva qui se força à lui rendre un sourire poli. Eva lut dans le regard de la Serdaigle que celle-ci hésitait à s'excuser du comportement de son camarade de Maison, qui avait réussi à se faire une place parmi les aigles de leur année puisqu'aucun né-moldu n'en faisait partie. Finalement, Kate disparut sans rien ajouter de plus, laissant Amos et Eva au milieu de la masse d'élèves à l'énergie exubérante.

« Tu sais… », commença Amos, attirant le regard d'Eva vers lui.

Il ne la regardait pas. Il fixait un point au loin. Il avait un air déterminé qu'Eva ne lui connaissait pas.

« J'suis peut-être une tête de con comme aime bien me le rappeler Charlotte mais je ne tomberai jamais aussi bas que tous ces merdeux qui crachent leur venin sur les supposés impurs. Je les emmerde, cracha-t-il. Et toi aussi tu les emmerdes, O.K ! » lui ordonna Amos avec fermeté en attrapant Eva par les épaules pour la fixer avec intensité.

Son intensité couplée à sa proximité aurait dû rendre mal à l'aise Eva, mais il n'en fut rien alors qu'elle avait plutôt en tête les paroles du Choixpeau: Si à Poufsouffle vous allez, comme eux vous s'rez juste et loyal.

La loyauté légendaire des Poufsouffles. C'était à ça qu'elle devait ressembler.

Amos était un Diggory, une famille sorcière remontant à plusieurs générations. Il n'était pas noble mais il aurait pu bien se placer. Il avait le physique et le charisme pour. À la place, il avait décidé de s'entourer de brebis galeuses et Eva fut frappée par la chance qu'elle avait de l'avoir comme ami.

« Et quand nous les Poufsouffles on les emmerde, ça veut dire qu'on les emmerde bien profond, » ajouta Amos avec fermeté.

Enfin, Eva n'était pas sûre qu'une phrase si joliment formulée devrait être citée comme démonstration de loyauté dans les annales de leur Maison. On les emmerde bien profond...Et il disait ça d'une manière si classe en plus.

« Diggory ! Qui vous a donc appris à parler d'une telle façon ?! »

Oh non, McGonagall!