LE SACRIFICE

Parmi les dizaines et les dizaines de morts, Megan reconnaissait plusieurs visages. Lavender Brown, mais aussi Geoffrey Hooper, le batteur pleurnichard de l'équipe de Gryffondor, Mandy Brocklehurst, qui la détestait depuis la rentrée des cours de runes l'année passée, Chambers, le camarade de chambre de Kevan, le professeur Sinistra… et bien sûr Filch. Tous ceux qui s'étaient élevés pour combattre les fidèles de Voldemort ce soir-là étaient réunis auprès des corps sans vie ou mutilés de leurs proches. Charlie et Megan rejoignirent les Weasley et tous se resserrèrent autour du corps de Fred. Les larmes roulaient en silence sur les joues des uns, entre les hoquets et les sanglots sur les visages des autres. Les pleurs et les gémissements étaient les seuls sons audibles, les survivants valides se contentant de veiller les corps et traiter les blessures en silence, comme assommés. McGonagall était assise auprès des élèves morts qui n'avaient personne pour prier pour eux, le visage vidé de toute expression, ses cheveux défaits, échevelée. Les fantômes s'étaient joints à la veillée. Même Peeves était silencieux, flottant entre les chandelles suspendues dans les airs d'un air abattu. Megan n'avait pas la force de réconforter George, presqu'aussi inconsolable que sa mère. Elle se contentait de rester aux côtés de Charlie et d'espérer être engloutie par le sol, pouvoir fuir cet océan de douleur. Après un très long moment, Ginny balaya d'un regard éploré ceux qui se tenaient à ses côtés, puis demanda:

- Où est Harry?

Il n'était ni parmi eux, ni ailleurs dans la Grande Salle. Megan baissa les yeux sur la montre que Charlie portait au poignet. La moitié de l'heure que Voldemort lui avait donnée pour se rendre était déjà écoulée.

Doucement, elle se dégagea de l'étreinte du dresseur de dragons, s'excusant à mi-voix. Personne ne chercha à la retenir, tout le monde était trop abattu pour donner du sens à ce qui se passait autour d'eux. Comment pouvait-elle espérer qu'ils réunissent leurs forces et se relèvent pour reprendre les combats dans quelques dizaines de minutes? Il fallait mettre un terme aux affrontements.

Le château était entièrement vide. Les armures et les statues qui pouvaient encore se mouvoir s'étaient entassées dans le parc devant les portes de chêne explosées. Les cadres s'étaient vidés de leurs occupants, qui participaient vraisemblablement à la veillée, eux aussi. Les corps des Mangemorts avaient été emportés par leurs pairs, seuls restaient les cadavres des araignées géantes, celles qui n'avaient pas emporté Hagrid vers une fin atroce. Il régnait autour de Megan une immobilité sinistre, inquiétante, comme si les derniers restes de vie s'étaient concentrés dans la Grande Salle, où se serraient ceux qui pleuraient les morts. Megan longea les corps repoussants sans leur accorder un regard, elle avait sa théorie sur l'endroit où se trouvait le garçon. Les fluides qui s'étaient échappés du corps de Snape à la fin de sa vie lui rappelaient la description que Potter leur avait faite des souvenirs que Dumbledore plongeait dans la Pensine, le bassin de pierre qu'il gardait dans son bureau, dans lequel lui et Potter avaient passé de longues heures l'année passée pour en apprendre plus sur le passé de Voldemort et découvrir ce qu'étaient les Horcruxes. À travers la brume qui avait envahi son cerveau, elle devinait que le maître des potions avait confié au garçon des secrets informulés sur son lit de mort, et que ce dernier était susceptible d'avoir choisi de les regarder avant la reprise des combats, espérant pouvoir en tirer des informations utiles pour survivre aux nouveaux affrontements. Ses pas la guidèrent à travers les débris et les gravats jusqu'au deuxième étage. La gargouille de pierre qui gardait le bureau du directeur de Poudlard n'avait pas quitté son poste.

- Mot de passe?

Megan secoua la tête, agacée par ce formalisme inutile. Elle leva sa baguette d'un geste vif, et la gargouille vola en éclats, révélant l'escalier en colimaçon qui se trouvait derrière, qu'elle gravit à grands pas. Lorsqu'elle entra dans le bureau circulaire, elle constata que les tableaux accrochés aux murs étaient tous vides, y compris celui de Dumbledore. L'armoire qui contenait la Pensine était ouverte, et l'objet était posé sur le bureau. Potter, lui, se trouvait assis sur le tapis poussiéreux, une expression indéchiffrable sur le visage.

- Il reste trente minutes, dit Megan de but en blanc.

- Je sais.

Le regard qu'il posa sur elle était venimeux. Elle était la dernière personne qu'il espérait voir en cet instant.

- Voldemort va participer aux combats, cette fois. Remus et Tonks sont morts.

- Je sais! cracha Potter.

- Alors tu sais ce que tu as à faire! déclara-t-elle, vibrante de détermination. Ils ne sont pas en état de reprendre les combats, et ils ne pourront pas lui faire face. On n'a qu'une seule chance de gagner, c'est si Voldemort déclare la fin de la bataille. Si tu fais ce qu'il te dit, que tu te rends, et qu'il te tue, il pensera avoir gagné. Ça nous permettra de gagner du temps et il baissera ses défenses. Il ne reste plus que Nagini, on le tuera avec Ron et Hermione. Je m'occuperai de tuer Voldemort moi-même. Je suis la seule à pouvoir le faire. C'est le seul moyen.

Elle avait pris sa décision, et elle n'avait pas peur des moyens à mettre en œuvre pour exécuter son plan. Personne n'aurait besoin de savoir qu'elle l'aurait soumis à l'Imperium pour le contraindre à venir trouver Voldemort.

- Tu as raison.

C'était la dernière chose qu'elle s'attendait à entendre. Elle fut si désarçonnée qu'elle le regarda se relever sans broncher. Mais il n'avait aucune intention de s'opposer à elle.

- Je vais me rendre. Maintenant. Ça ne servirait à rien de tuer Nagini, sinon.

L'épuisement et la surprise avaient eu raison d'elle. Elle suivit ses pas lourds en dehors du bureau, dans l'escalier puis le long du couloir en écoutant ses explications:

- Le soir où Voldemort a tué mes parents, le sortilège de Mort a ricoché sur moi et s'est retourné contre lui, lui arrachant un septième morceau de son âme. Ce morceau s'est accroché à la seule personne vivante autour de lui. Il y a… un fragment de Voldemort en moi, depuis dix-sept ans. C'est ça qui explique que je sois Fourchelang, et ma connexion avec lui. Je suis le septième Horcruxe. Je dois être détruit pour que Voldemort puisse mourir.

La voix de Potter était dénuée d'expression. Il avançait en regardant devant lui.

- C'est quoi cette histoire? protesta Megan. Tu le savais depuis le début?

- Non. Je viens de l'apprendre. Je l'ai vu dans les souvenirs de Snape, c'est Dumbledore qui le lui a dit, il y a quelques mois. Dumbledore, lui, le suspecte depuis… longtemps.

- Dumbledore m'a demandé de te garder en vie. C'était un accord entre nous. Pourquoi il m'aurait demandé ça s'il savait que tu devais mourir pour vaincre Voldemort?

- Je crois qu'il espérait se tromper. Et qu'il savait que j'aurai des choses à accomplir, avant.

- Donc le vieux taré t'a utilisé depuis le début, en sachant qu'il allait te sacrifier à la fin?

- C'est plus compliqué que ça, Buckley.

La voix du garçon vibrait de colère, mais Megan ne savait pas si elle était dirigée vers elle, vers Dumbledore, ou vers lui-même. D'un pas résolu, il continuait d'avancer vers sa propre mort.

- Voldemort lui-même n'est pas au courant. Une fois que je serai mort, il n'y aura plus que Nagini. Tu sais quoi faire. Je sais que tu les tueras, tous les deux. C'est la seule chose pour laquelle je peux te faire confiance.

Potter sortit de sa poche la cape d'invisibilité, et la déploya sur eux lorsqu'ils atteignirent les marches qui menaient au hall d'entrée. De gros morceaux de marbre avaient été arrachés de l'escalier, une partie de la rampe avait disparu et les marches qu'ils descendaient étaient parsemées de gravats et de taches de sang. Personne n'était en mesure de les arrêter, maintenant. Lorsqu'ils atteignirent la porte d'entrée, ils manquèrent de se cogner contre Neville. Aidé d'Oliver, il ramenait le corps de Colin Creevey dans la Grande Salle. Potter se figea.

- Tu sais, je peux m'en occuper tout seul, Neville, dit Oliver.

L'ancien capitaine de l'équipe de Quidditch de Gryffondor hissa Creevey sur son épaule et l'emporta dans la Grande Salle. Neville s'adossa un moment contre le montant de la porte et s'essuya le front d'un revers de main. Il avait l'air d'un vieil homme. Puis il redescendit les marches de pierre pour aller chercher d'autres corps dans l'obscurité. À l'intérieur de la Grande Salle, une forme de vie avait repris. Des gens passaient, certains essayaient de se réconforter les uns les autres, d'autres buvaient, d'autres encore étaient agenouillés auprès des morts. Megan esquissa le premier geste, et ils descendirent les marches et s'enfoncèrent dans l'obscurité. Il était près de quatre heures du matin et le parc, figé dans une immobilité mortelle, donnait l'impression de retenir son souffle en attendant de voir si Potter parviendrait à mener à bien ce qu'il devait accomplir.

- Ça va, Neville?

Luna s'était approchée de lui. Ses cheveux blonds étaient emmêlés et de longues éraflures sanglantes traversaient son cou.

- Ouais, souffla le jeune homme.

L'étreinte qu'ils échangèrent était inattendue, mais Megan ne se sentait pas d'humeur à s'intéresser aux sentiments des autres. Ce moment était trop important.

- On va tous continuer à se battre, affirma Neville d'une voix ferme en se redressant.

Sa promesse encouragea Potter à reprendre son chemin. Ils laissèrent derrière eux Neville et Luna qui s'en allaient chercher d'autres corps dans le parc.

- Tu crois que c'est pour ça que je t'ai toujours détesté? À cause de la part de Voldemort en toi?

- Non. Je crois qu'on n'aurait jamais été amis. Tu n'es pas quelqu'un de bien.

Un peu plus loin, quelqu'un d'autre se penchait sur une silhouette allongée sur le ventre. Ils n'étaient qu'à quelques mètres lorsqu'ils reconnurent Ginny. Potter s'immobilisa. Elle était accroupie auprès d'une fille qui murmurait en appelant sa mère.

- Ne t'inquiète pas, disait Ginny. Ça va aller. Nous allons te ramener à l'intérieur.

- Mais je veux rentrer à la maison, répondit la fille. Je ne veux plus me battre.

- Je sais, reprit Ginny d'une voix qui se brisa. Tout ira bien.

Elle s'agenouilla auprès de la fille et lui prit la main. Sentant que sa détermination risquait de flancher, Megan poussa Potter à avancer. Elle crut voir Ginny jeter un coup d'œil au moment où ils passèrent près d'elle et elle se demanda si la jeune femme avait senti la présence de quelqu'un à proximité, mais elle ne dit rien, et Potter ne regarda pas en arrière.

La cabane de Hagrid se dessina dans l'obscurité. Il n'y avait aucune lumière, Fang ne grattait pas à la porte, on n'entendait pas ses aboiements résonner en signe de bienvenue. Megan ignorait ce qu'il était advenu du chien du garde-chasse mort. Ils ne s'arrêtèrent qu'une fois qu'ils eurent atteint la lisière de la Forêt interdite.

- Il y a quelque chose d'autre que tu dois savoir, dit Potter. Voldemort n'est pas devenu le maître de la Baguette de Sureau. Ce n'est pas Snape qui a tué Dumbledore. C'est quelqu'un d'autre.

- Je sais.

Pour la première fois depuis qu'ils avaient quitté le bureau du directeur, Potter se tourna vers Megan. Peu importait qu'il découvre la vérité, maintenant, il serait mort dans quelques minutes et l'emporterait avec lui.

- Personne ne sait qui c'est, asséna Potter. Snape et Dumbledore eux-mêmes l'ignorent. Voldemort avait donné à Malfoy l'ordre de le tuer, mais Dumbledore a demandé à Snape de le faire à sa place, pour sauver l'âme de Malfoy. Et aussi parce que Dumbledore était en train de mourir à cause du maléfice que contenait la bague des Gaunt et qu'il voulait en finir vite et sans douleur. C'était un accord qu'ils avaient passé ensemble. Ça avait aussi pour but que la Baguette de Sureau ne soit plus jamais maîtrisée. Si Dumbledore était tué par Snape de son plein gré, plus personne ne pouvait devenir maître de sa baguette.

Megan ignorait tout cela. Sans le savoir, elle s'était saisie de justesse de la Baguette de Sureau.

- Personne ne sait qui l'a tué, sauf –

Potter se tut, les yeux écarquillés. Il venait de comprendre. Il emporterait ce secret dans la tombe.

- Je veillerai sur Hermione et les Weasley, promit Megan. Fais ce que tu as à faire.

Le garçon était partagé entre l'horreur de sa découverte et l'imminence de sa propre mort. Le temps passait. L'heure serait bientôt écoulée. Lentement, il se retourna vers la Forêt interdite. Il tremblait. Megan n'irait pas plus loin, d'autant qu'elle sentait le froid insidieux qui annonçait la présence de Détraqueurs à proximité. Elle souleva la cape d'invisibilité et recula d'un pas, réapparaissant à la lisière des arbres. Après quelques secondes, elle entendit le bruit des pas de Potter qui s'éloignaient. Malgré elle, elle était impressionnée par le courage dont faisait preuve le garçon en allant de lui-même au-devant de sa propre mort, laissant derrière lui tous ceux qu'il aimait, qui ignoraient ce qu'il s'apprêtait à faire. Voldemort allait-il le torturer ou souhaiterait-il mettre un terme rapide à cette guerre qu'il livrait depuis plus de vingt ans?

Megan fit demi-tour. Elle n'avait pas la force de courir. Dans l'obscurité, elle buta contre un corps et heurta durement le sol, ses mains s'enfonçant dans la terre et le sang. Dedalus Diggle, l'un des sorciers de l'Ordre chargé d'assurer la protection de l'oncle et la tante moldus de Potter. Il avait visiblement abandonné son poste, devenu inutile, pour se joindre à son combat. Megan se remit sur pieds, leva sa baguette, et fit léviter le corps jusqu'au château, se joignant à la file des volontaires qui remontait les marches vers la Grande Salle.

- Dedalus, dit la voix grave, fatiguée de Kingsley, lorsqu'elle passa les portes. Il aurait dû rester caché…

Même le puissant Auror était abattu. Sa détermination était entamée.

- Si on laisse tomber, il est mort pour rien, asséna Megan.

Elle coucha le corps de Diggle auprès des autres, et porta son regard sur tous les combattants rassemblés. Une centaine de personnes blessées, endeuillées, épuisées. Des elfes de maison courraient aux quatre coins de la salle en apportant à manger et à boire pour leur redonner des forces.

- Écoutez-moi bien! lança-t-elle d'une voix forte.

Megan avait toujours détesté être au centre de l'attention, et elle répugna à voir tous les regards se tourner vers elle. Des regards terrifiés, éreintés, désespérés.

- La bataille n'est pas terminée, mais la fin de la guerre est proche. On a subi des lourdes pertes, mais eux aussi. Beaucoup de Mangemorts sont morts cette nuit, et beaucoup d'autres sont blessés et aussi épuisés que vous. La seule différence entre eux et nous, c'est qu'on se bat pour les bonnes raisons. Et eux sont seuls, alors que des sorciers de tout le Royaume-Uni nous ont rejoint.

- Et de toute l'Europe! ajouta une fille.

En lui jetant un coup d'œil, Megan reconnut une des élèves de Beauxbâtons qui était venue à Poudlard à l'occasion du Tournoi des Trois Sorciers, quatre ans plus tôt. Et effectivement, des petits groupes se distinguaient ça et là, vêtus de tenues différentes de celles des sorciers britanniques. L'Ordre du Phénix avait étendu son influence bien au-delà de l'île et fait appel aux membres du RRF dans l'hexagone et aux contacts de Charlie en Roumanie. Etna, la voyante française que Megan avait agressée à Charmont était là, ainsi que Viktor Krum, un œil tuméfié mais le regard déterminé. Ce rassemblement donna du courage à Megan.

- Exactement, acquiesça-t-elle. Et vous n'aurez pas fait le trajet pour rien. Voldemort a toujours pensé être invincible, mais il a ses faiblesses, croyez-moi, et il ignore qu'il n'a plus les armes avec lesquelles il pensait pouvoir nous vaincre. Ce n'est qu'un homme, rien de plus que vous et moi! Il n'y a plus lieu de le craindre. Ce soir, on met un terme à une guerre qui a commencé il y a cinquante ans. Après ce soir, plus personne ne craindra le nom de Voldemort, ni la marque de ses disciples!

Megan brandit le bras au bout duquel elle serrait sa baguette, et un bruit de tonnerre jaillit, accompagné d'éclairs aveuglants, faisant s'élever des cris de peur. Lorsque l'orage se dissipa, la Marque des Ténèbres ne flottait plus au-dessus du château.

- L'heure est bientôt écoulée, tonna Megan. Alors on prend tout son courage, on réunit ses forces, et on se relève. Quoi qu'il arrive, on continue à se battre, vous m'entendez? Quoiqu'il arrive! Peu importe qui on voit tomber. Pour tous ceux qui sont morts pendant la première guerre, pour tous ceux qui sont morts depuis, ceux qui sont morts cette nuit et ceux qui mourront encore aujourd'hui. On termine ce qu'on a commencé!

Les cris de colère et de revanche les plus forts s'élevèrent à l'endroit où se trouvaient les Weasley et Hermione. Les blessés se redressaient, ceux qui étaient assis sautèrent sur leurs pieds et des applaudissements retentirent sous les pluies d'étincelles que jetaient les baguettes brandies. Megan descendit de l'estrade et rejoignit ses amis, qui avaient été rejoints par Neville et Luna.

- Ecoutez-moi, leur dit-elle d'un ton pressé tandis que les combattants commençaient à quitter la Grande Salle pour se masser à l'extérieur. Pendant que tous les autres essaieront de tuer les Mangemorts, notre priorité sera de tuer le serpent de Voldemort, Nagini, d'accord?

- Le serpent? répéta Neville, surpris.

- Tuer le serpent, répéta Megan. Avant tout. C'est compris?

Les Weasley, Neville et Luna étaient pris de court par cette exigence, mais ils acquiescèrent. Neville et Luna s'élancèrent à l'extérieur avec une vigueur renouvelée. Les Weasley semblaient cependant ne pas réussir à quitter la salle. Megan se retourna vers les corps allongés près d'eux. Refusant de poser les yeux sur Fred, elle leva sa baguette. Hermione comprit ce qu'elle faisait, et se joignit à elle. Ensemble, elles enveloppèrent les corps sous un dôme argenté, semblable à celui qu'utilisait Voldemort pour protéger Nagini. Le cœur déchiré, le petit groupe se détourna alors et rejoignit les autres dans le parc.

Un vent de révolte soufflait sur la foule hétérogène. Lorsque Megan s'avança, le groupe se fendit pour la laisser passer. Des mains encourageantes lui serraient l'épaule ou lui tapaient dans le dos. Derrière elle suivaient les membres de l'Ordre du Phénix. Leurs regards se portèrent sur la Forêt interdite, où les Mangemorts s'étaient réunis. Au même moment, des éclairs routes et argentés s'élevaient des arbres, signe de célébration. Megan serra les dents. Potter était mort.

Désormais, les Mangemorts étaient en marche vers le château. Ils trainaient dans leur sillage des géants, comme en témoignaient les craquements et les chutes des arbres de la forêt dans un grand vacarme. Des oiseaux s'envolaient en poussant dans le ciel de grands cris aigus. Les cris de victoire et les chants des Mangemorts s'élevèrent bientôt. Personne, autour de Megan, ne savait ce qu'ils fêtaient. Leur assurance ne faisait que renforcer la fureur des combattants, prêts à affronter Voldemort lui-même. Enfin, ils percèrent l'orée de la forêt.

Immobilisés à la lisière des arbres, bien visibles, ils étaient entourés de Détraqueurs. Hagrid marchait en tête. Hagrid était vivant. Megan sentit Ron et Hermione s'agitaient, exultant de joie, jusqu'à ce que leurs regards se posent sur ce que le demi‑géant portait dans ses bras en sanglotant bruyamment.

- Harry Potter est mort, annonça Voldemort, victorieux, en s'avançant en tête du cortège. Ila été tué alors qu'il prenait la fuite, essayant de se sauver pendant que vous donniez vos vies pour lui. Nous vous apportons son cadavre comme preuve que votre héros n'est plus.

Un immense silence accueillit la déclaration. Megan resserra sa prise sur sa baguette.

- La bataille est gagnée. Vous avez perdu la moitié de vos combattants. Mes Mangemorts sont plus nombreux que vous et le Survivant est fini à tout jamais. Il ne doit plus y avoir de guerre. Quiconque continuera à résister, homme, femme, enfant, sera éliminé ainsi que tous les membres de sa famille. Agenouillez-vous devant moi, et vous serez épargnés. Vos parents, vos enfants, vos frères et vos sœurs vivront, ils seront pardonnés, et vous vous joindrez à moi pour que nous reconstruisions ensemble un monde nouveau.

- NON !

Ce cri était d'autant plus terrible que personne n'aurait jamais imaginé, même en rêve, que le professeur McGonagall puisse émettre un tel son. Bellatrix, les cheveux en bataille et du sang sur son visage balafré, éclata de rire, se délectant du désespoir de McGonagall.

- Non !

- Non !

- Harry ! HARRY !

Les voix de Ron, d'Hermione et de Ginny étaient pires que celle de McGonagall. Les jambes de Hermione se dérobèrent sous elle et Ron parvint de justesse à la retenir de s'effondrer. Ginny tenta de se jeter sur les Mangemorts, mais Charlie la rattrapa et l'enserra dans l'étau de ses bras. À côté d'elles, les lèvres de Molly étaient agitées de tremblements incontrôlables tandis que de gros sanglots s'échappaient de sa gorge. Megan serra les dents, concentrée sur son objectif. Nagini était libéré de sa cage ensorcelée. Elle le voyait se glisser entre les pieds des Mangemorts, enroulant ses immenses anneaux entre leurs chevilles. Elle ne pouvait pas encore l'atteindre. La foule des survivants se mit hurler, vociférant des injures à l'adresse des Mangemorts jusqu'à ce que…

- TAISEZ-VOUS ! s'exclama Voldemort.

Il y eut un bang !, un éclair de lumière brillante et tous furent réduits par la force au silence.

- C'est fini, décréta Voldemort. Pose-le par terre, Hagrid, à mes pieds, c'est là qu'est sa place! Vous voyez ? Harry Potter est mort ! Comprenez-vous maintenant, vous qui vous êtes bercés d'illusions? Il n'était rien, n'a jamais rien été, qu'un jeune garçon qui voulait voir les autres se sacrifier pour lui !

- Il vous a battu ! s'écria Ron.

Le sortilège fut brisé et les défenseurs de Poudlard se remirent à hurler, à vociférer jusqu'à ce qu'un deuxième bang ! plus puissant que le premier étouffe à nouveau leurs voix. Megan empêcha à son tour Ron de se jeter en avant.

- Pas maintenant, siffla-t-elle entre ses dents serrées en se démenant pour le maintenir en place. On doit d'abord tuer le serpent. Tu m'entends, Ron? Ça ne sert à rien, Potter est mort. C'est terminé, pour lui.

- Il a été tué en tentant de s'enfuir subrepticement dans le parc du château, reprit Voldemort – on sentait dans sa voix qu'il se délectait de son mensonge –, il a été tué en essayant de sauver sa propre vie –

Voldemort s'interrompit lorsque Neville jaillit de la foule et se précipita vers lui.

- Neville, non, attends! s'écria Megan.

Elle pointa sa baguette sur les Mangemorts qui avaient dégainé la leur dans la direction du jeune homme, mais elle ne pouvait pas contrer tous leurs sorts en même temps. Neville s'effondra sur le sol dans un grognement de douleur, désarmé. Voldemort, qui avait rattrapé sa baguette au vol, la jeta et éclata de rire.

- Qui est-ce ? demanda-t-il de sa voix douce semblable à un sifflement de serpent. Qui s'est porté volontaire pour montrer à quel sort doivent s'attendre ceux qui poursuivent le combat lorsque la bataille est perdue ?

Bellatrix eut un rire ravi.

- C'est Neville Longbottom, Maître ! Le garçon qui a causé tant d'ennuis aux Carrow ! Le fils des Aurors, vous vous souvenez ?

- Ah, oui, je me souviens.

Megan chercha du regard la grand-mère de Neville, surprise de ne pas la voir intervenir, mais elle ne se trouvait plus parmi les combattants. Neville s'efforçait de se relever, sans baguette, sans protection, dans le no man's land qui séparait les Mangemorts et les survivants de Poudlard. Megan serra les poings. Elle attendait le bon moment.

- Mais tu es un Sang-Pur, n'est-ce pas, mon garçon, toi qui es si courageux ? demanda Voldemort à Neville qui lui faisait face en serrant ses poings vides.

- Et alors ? répliqua Neville d'une voix sonore.

- Tu as montré du caractère et de la bravoure et tu es issu d'une noble lignée. Tu feras un précieux Mangemort. Nous avons besoin de gens comme toi, Neville Longbottom.

- Je me rallierai à vous quand il gèlera en enfer ! hurla Neville. L'armée de Dumbledore !

En réponse, des acclamations s'élevèrent de la foule que les sortilèges de Mutisme de Voldemort n'arrivaient pas à faire taire.

- Très bien, dit Voldemort d'un ton velouté. Si tel est ton choix, Longbottom, nous allons revenir au plan d'origine. Ce sera sur ta tête, dit-il à mi-voix, que ça se passera.

Voldemort brandit sa baguette. Quelques secondes plus tard, surgissant de l'une des fenêtres fracassées du château, quelque chose qui avait l'air d'un oiseau difforme vola dans la demi‑obscurité et atterrit dans la main de Voldemort. Le tenant par son extrémité pointue, il secoua l'objet moisi qui se déplia et pendit au bout de ses doigts, vide et effiloché : le Choixpeau magique.

- Il n'y aura plus de Répartition au collège Poudlard, annonça Voldemort. Il n'y aura plus de maisons. L'emblème, le blason et les couleurs de mon noble ancêtre, Salazar Serpentard, suffiront à chacun, n'est-ce pas, Neville Longbottom ?

Tandis que Nagini glissait vers lui en dardant sa langue fourchue, Voldemort pointa sa baguette sur Neville qui se raidit, immobile, puis il lui enfonça le chapeau sur la tête jusqu'au-dessous des yeux. Des mouvements agitèrent la foule rassemblée devant le château et, d'un même geste, les Mangemorts levèrent leurs baguettes, tenant en respect les combattants de Poudlard.

- Neville va maintenant nous montrer ce qui arrive aux gens suffisamment sots pour s'opposer à moi.

Et d'un coup de baguette, Voldemort mit le feu au Choixpeau magique. Dans l'aube naissante, des hurlements déchirèrent l'atmosphère. Neville était en flammes, et Luna criait de toute la force de ses poumons, retenue à grand peine par Cho Chang et Bradley.

- Ça suffit! hurla Megan.

D'un geste tranchant de sa baguette, Megan arracha le Choixpeau enflammé de la tête de Neville, qui tomba à ses pieds. Hors d'haleine, Neville avait plusieurs mèches de cheveux en moins et son visage était brûlé par endroits. Effarés de voir Megan sortir de la foule et s'avancer vers les Mangemorts, tout le monde se tut.

- Meganna, bien sûr, sourit Voldemort. Je savais que tu te cachais parmi tes camarades. Tu n'es jamais bien loin de Potter, n'est-ce pas? Sa fidèle garde du corps. Tu as échoué.

- Oh, non. Potter ne s'est pas fait attraper en s'échappant, après m'avoir faussé compagnie. Il s'est rendu de son plein gré, pour essayer de sauver les autres. Vous ne nous vaincrez pas avec vos mensonges. C'est terminé, maintenant, Tom.

Alors que Voldemort levait sa baguette pour la punir de son arrogance, il y eut un grand tumulte, en provenance du mur d'enceinte de l'école. À en juger par le bruit, des centaines de personnes escaladaient les murailles qu'on ne pouvait voir d'ici, et se précipitaient vers le château en lançant des cris de guerre. Au même moment, Grawp, de sa démarche pesante, apparut au coin du château et hurla :

- HAGGER!

Les rugissements des géants de Voldemort lui répondirent. Ils coururent vers Grawp comme des éléphants, en faisant trembler la terre. Puis des bruits de sabots et des claquements d'arcs résonnèrent et des flèches s'abattirent soudain parmi les Mangemorts qui rompirent les rangs, poussant des cris de surprise. D'un mouvement rapide, fluide, Neville s'était libéré du maléfice du Saucisson qui l'avait paralysé. Il se jeta sur le Choixpeau brûlé à ses pieds et tira de ses profondeurs un objet argenté, avec une poignée incrustée de rubis étincelants. La lame aux éclats d'argent fendit l'air, mais son sifflement fut inaudible dans le vacarme que produisaient les hurlements des nouveaux venus, le fracas des géants qui s'affrontaient, le martèlement de sabots des centaures, et pourtant il sembla que tous les regards se tournaient vers elle. D'un coup unique, Neville trancha la tête du grand serpent. Elle tournoya haut dans les airs, luisant dans la lumière que déversait le hall d'entrée. La bouche de Voldemort s'ouvrit dans un cri de fureur que personne ne put entendre et le corps du serpent s'abattit lourdement à ses pieds.

C'était le signal que Megan attendait. Elle leva sa baguette et projeta vers les Mangemorts, au-delà de Neville, une muraille transparente, immatérielle, qu'ils ne pouvaient traverser.

- ON TERMINE CE QU'ON A COMMENCÉ! rugit-elle.

Les Mangemorts qui se trouvaient au premier rang, en contact avec la muraille, s'effondrèrent en hurlant, les membres brûlés. Les Mangemorts étaient immobilisés derrière la dangereuse frontière magique, et l'abattement de leurs adversaires se dissipait pour laisser place à une immense rage qui jaillit au milieu du tonnerre des géants qui se battaient en piétinant le sol. Un torrent de maléfices fondit sur les Mangemorts, qui étaient également pris d'assaut à l'arrière par les centaures qui chargeaient en jaillissant de la Forêt interdite, les forçant à se disperser dans une grande panique. Il régnait désormais un chaos total. Tout le monde fuyait les pieds monstrueux des géants et les renforts venus d'on ne savait où approchaient dans un grondement d'orage. Des créatures ailées volaient autour des têtes des géants de Voldemort, des Sombrals et Buck l'hippogriffe leur donnaient des coups de griffes dans les yeux pendant que Grawp les rouait de coups. Oliver s'était mis à les harceler de sortilèges lui aussi, enragé qu'ils osent se servir des anneaux du stade de Quidditch comme des armes alors que son meilleur attrapeur était tombé.

- HARRY! beugla la voix de Hagrid, s'élevant au-dessus de tout le reste. HARRY… OÙ EST HARRY?

Il ne se trouvait plus par terre, là où il avait été déposé aux pieds de Voldemort. Megan n'avait pas le temps de chercher ce qu'il était advenu de son corps, trop occupée à maintenir en place la barrière magique qui faiblissait, des gouttes de sueur s'écrasant dans la poussière. Si elle tombait maintenant, les Mangemorts et Voldemort pourraient tous les tuer trop facilement, regroupés comme ils étaient.

- Dans le château! hurla-t-elle à ceux qui se trouvaient derrière elle et continuaient de harceler de sortilèges les Mangemorts en débâcle. Dispersez-vous dans le château! Et tuez‑les tous!

Tous ou presque lui obéirent. Megan fut emportée par la foule qui se soulevait au rythme des sortilèges, et se retrouva dans le hall d'entrée. Voldemort se trouvait de l'autre côté, jetant des sortilèges en reculant vers la Grande Salle. Il lançait ses maléfices à droite et à gauche, sans cesser de hurler des instructions à ses partisans, mais des charmes du Bouclier jaillissaient devant chacune de ses victimes. La bataille faisait rage à l'intérieur de la Grande Salle sous les yeux vides des premières victimes. D'autres combattants, de plus en plus nombreux, montaient à l'assaut, grimpant quatre à quatre les marches de pierre, à l'entrée du château. Horace Slughorn, vêtu d'un pyjama vert émeraude et une fiole dorée à la main, menait un immense groupe composé des familles et des amis de tous les élèves de Poudlard qui étaient restés pour se battre, ainsi que les commerçants et les résidents de Pré-au-Lard. Bane, Ronan et Magorian, les centaures, firent irruption dans le hall dans un grand martèlement de sabots pendant que la porte des cuisines était soudain arrachée de ses gonds. Les elfes de maison de Poudlard se répandirent dans le hall d'entrée, hurlant, brandissant des couteaux à découper et des hachoirs. Kreacher, le médaillon de Regulus Black rebondissant sur sa poitrine, menait la charge, et malgré le tumulte, on entendait sa voix de crapaud :

- Battez-vous ! Battez-vous ! Battez-vous pour mon maître, le défenseur des elfes de maison! Battez-vous contre le Seigneur des Ténèbres, au nom du courageux Regulus ! Battez-vous!

Les elfes hachaient, tailladaient à grands coups de lame les chevilles et les tibias des Mangemorts, leurs visages minuscules animés de hargne, et partout où Megan regardait, les Mangemorts ployaient sous le nombre, submergés de sortilèges, arrachant des flèches enfoncées dans leur chair, les jambes poignardées par les elfes, ou essayant simplement de s'enfuir, mais engloutis par la horde des renforts. Ce n'était pas fini, cependant. Voldemort, au centre de la bataille, frappait, attaquait quiconque était à sa portée dans la Grande Salle qui se remplissait de plus en plus, tous ceux encore valides s'efforçant de s'y engouffrer. Megan vit Yaxley jeté à terre par George et Lee, elle vit Dolohov tomber en poussant un cri sous les sortilèges de Flitwick, elle vit Walden Macnair, catapulté à travers la salle par Hagrid, heurter le mur opposé et s'effondrer, inconscient, sur le sol. Victorieuse, elle vit Ron et Neville abattre Fenrir Greyback, Aberforth stupéfixier Rookwood, Arthur et Percy terrasser Thicknesse, et Lucius et Narcissa essayer de fuir, appelant leur fils à grands cris. Megan balaya les alentours du regard, mais elle ne voyait aucun signe de Draco. Remontant le courant des combattants, abattant tous les adversaires qui se dressaient sur sa route, elle atteignit un couloir.

- Megan! Putain, enfin!

La voix familière lui arracha un froncement de sourcils avant qu'elle se retourne. Au moment où elle croisait le regard de Kevan, les cheveux en bataille, ses vêtements tâchés de sang et sa baguette levée, il y eut un grondement sonore puis un pan entier du plafond se détacha et l'écrasa. Un mélange de stupeur et d'effroi traversa son visage avant qu'il ne disparaisse sous l'immense bloc de pierre.

Megan ne conserva aucun souvenir du cri déchirant qui s'échappa de sa gorge tandis que ses genoux heurtaient douloureusement la pierre. Le monde basculait autour d'elle. Elle devait s'être trompée, ce n'était qu'un mirage, une des tortures de Voldemort.

- Megan, arrête!

Des bras l'encerclèrent tandis qu'elle tentait à tout prix de rejoindre Kevan, s'arrachant la peau des mains et des genoux, lacérant le sol de pierre de ses ongles.

- Megan, tu ne peux plus rien pour lui, arrête!

Elle n'avait pas conscience des maléfices qui étaient lancés dans sa direction et qu'une autre baguette déviait habilement, seulement de la contrainte de ces bras qui l'empêchaient de rejoindre Kevan. Enragée, elle se débattit, hurlant et griffant, mais elle était irrémédiablement entraînée en arrière. Quelques secondes plus tard, le pan de couloir entier où elle se trouvait acheva de s'effondrer dans un immense fracas, dissimulant le corps de Kevan à sa vue. Tandis qu'elle continuait à ruer, des mains attrapèrent son visage et la forcèrent à se détourner.

- Tu ne vas pas mourir comme ça, Meg.

Draco plantait ses yeux dans les siens, fixant avec détermination son visage où se mêlait les larmes et le sang.

- Il est temps de dégager! ajouta une voix.

Megan leva les yeux. Theodore Nott, le visage crispé par l'effort, les protégeait tous les trois des maléfices qui continuaient de pleuvoir sur eux. Profitant qu'elle ait cessé de se débattre, Draco la remit sur pieds et l'entraîna avec eux dans le sens inverse rejoindre le cœur des combats. Megan retrouvait peu à peu ses esprits, plongée de force dans les hurlements de rage et de douleur qui résonnaient autour d'elle. Encouragée par Draco et Theodore, elle reprit les affrontements avec une rage plus grande encore. Voldemort affrontait à présent McGonagall, Slughorn et Kingsley en même temps. Son visage exprimait une haine glacée tandis que les trois autres zigzaguaient autour de lui en esquivant ses maléfices, sans arriver à en venir à bout. À une cinquantaine de mètres, Bellatrix continuait de se battre, elle aussi ; Megan ignorait à qui elle avait soustrait une nouvelle baguette. Comme son maître, elle faisait face à trois adversaires à la fois : Hermione, Ginny et Luna, qui livraient un combat acharné, mais Bellatrix les égalait en force. Le sang de Megan se mit à lui battre aux tempes. Bellatrix avait tué Sirius. Elle avait tué Emily et Roger. Elle avait torturé Hermione. La vengeance avait crû en elle au fil des années pour atteindre ce moment précis, celui où elle pourrait enfin infliger à la sorcière toutes les souffrances qu'elle avait longtemps gardé en elle. Enragée par la mort de Kevan et son désir de revanche, Megan rejoignit ses trois amies dans le combat.

- Ma nièce préférée! se réjouit Bellatrix dans un grand éclat de rire.

Mais quelque chose dans ses yeux avait tremblé. Megan raffermit sa prise sur le manche de sa baguette et abandonna toute prise sur le monde qui l'entourait, ne voyant plus que la sorcière qu'elle haïssait et les maléfices qu'elles se jetaient. Megan ne cherchait pas à la tuer – pas encore – elle voulait la faire souffrir: quand des brèches s'ouvraient dans sa défense, assaillie par ses quatre redoutables adversaires, Megan s'y engouffrait pour tracer sur la peau de la sorcière de longues et profondes entailles sanglantes, brûler un nerf ou fendre un os. Les hurlements de douleur de sorcière se mêlaient à ses éclats de rires hystériques. Des centaines de personnes s'étaient alignées contre les murs, observant les deux combats, celui de Voldemort contre ses trois adversaires, et celui de Bellatrix contre les quatre jeunes femmes. Au fur et à mesure que le combat progressait, la sorcière était de plus en plus affaiblie, l'extrémité de ses doigts avait noirci et du sang s'écoulait de ses plaies, de son nez et de ses yeux, mais sa démence restait intacte et l'alimentait telle une source maléfique intarissable, son rire hystérique résonnant à travers la Grande Salle. Sans s'alarmer de son corps mutilé Bellatrix continuait d'harceler ses adversaires dont l'endurance faiblissait, et un sortilège de Mort passa à quelques centimètres de Ginny, qui faillit la tuer.

- PAS MA FILLE, ESPÈCE DE GARCE !

Tout en courant, Molly se débarrassa de sa cape pour avoir les mains plus libres. Bellatrix pivota sur ses talons et éclata d'un grand rire en voyant sa nouvelle adversaire.

- ÉCARTEZ-VOUS ! cria Molly aux quatre filles.

Dans un grand mouvement de baguette, elle engagea le combat. Megan refusa de reculer; elle n'en avait pas terminé avec la sorcière.

- MEGANNA BUCKLEY, DÉGAGES DE LÀ! tonna Molly tandis que sa baguette magique tournoyait, cinglait, fendait l'air.

En conjuguant leurs efforts, Hermione et Luna parvinrent péniblement à tirer Megan en arrière et à lui faire baisser sa baguette.

- J'en peux plus, et toi non plus, arrêtes! la supplia Hermione.

Elles n'avaient pas fermé l'œil une seule fois au cours des deux derniers jours qui s'étaient enchainés comme un marathon interminable contre la mort, les événements de Gringotts les avait éreintées, le vol sur le dos du dragon avait consommé toute leur résistance, et les combats n'en finissaient plus. Leurs muscles étaient douloureux, tremblants, tout le corps de Megan lui hurlait de renoncer, mais elle ne pouvait pas se le permettre. Des traits de lumière jaillissaient des baguettes de Bellatrix et Molly, le sol autour de leurs pieds était brûlant, craquelé.

- ELLE EST A MOI! rugissait Molly, empêchant quiconque de lui venir en aide.

- Elle va la tuer aussi! tempêta Megan.

Ginny hésitait elle aussi, épuisée, hors d'haleine, les lèvres tremblantes, observant les traits de lumière qui jaillissaient des deux baguettes et le sol brûlant et craquelé autour de leurs pieds. L'un des bras de Bellatrix pendait inutilement le long de son corps, une partie de son visage avait été brûlée et révélait les muscles et les tendons sous sa peau, son œil droit était si gorgé de sang qu'elle ne pouvait probablement plus voir clairement; Molly avait l'avantage, mais la folie meurtrière de la sorcière qu'elle affrontait semblait prendre le pas sur tout le reste.

- Qu'arrivera-t-il à tes enfants quand je t'aurai tuée ? raillait-elle en évitant agilement les maléfices qui dansaient autour d'elle. Quand maman sera partie de la même manière que Freddie ?

- Tu… ne… toucheras… plus jamais… à nos… enfants ! hurla Molly.

Bellatrix éclata de rire, du même rire exultant qu'avait eu son cousin Sirius avant de basculer en arrière à travers le voile. Une impression de déjà-vu. Le maléfice de Molly passa sous le bras tendu de Bellatrix et la frappa en pleine poitrine, juste au-dessus du cœur. Le sourire jubilant de la sorcière se figea, ses yeux semblèrent sortir de leurs orbites. En une fraction de seconde, elle comprit ce qui était arrivé, avant de basculer et de s'abattre sur le sol. Des rugissements s'élevèrent de la foule et Voldemort poussa un cri. Megan se retourna vers les autres duellistes. McGonagall, Kingsley et Slughorn furent projetés en arrière, le corps tordu, battant l'air de leurs bras. La fureur de Voldemort en voyant tomber son dernier et meilleur lieutenant avait explosé avec la puissance d'une bombe. Voldemort leva sa baguette et la pointa sur Molly.

- PROTEGO !

Le charme du Bouclier se déploya au milieu de la Grande Salle et Voldemort regarda autour de lui pour en chercher l'origine. Megan suivit son regard. Alors, Potter surgit du néant, sa cape d'invisibilité dans une main et la baguette de prunellier dans l'autre.