LA MAITRESSE DE LA BAGUETTE DE SUREAU

Stupéfaite, Megan observa le garçon, bien vivant, accueilli par les cris ébahis et les acclamations. Mais les « Harry ! IL EST VIVANT ! » hurlés de toutes parts s'étranglèrent aussitôt. La foule avait peur et le silence tomba brusquement, un silence total, lorsque Voldemort et Potter s'observèrent et commencèrent à tourner l'un autour de l'autre. Megan s'élança.

- NON! Que personne n'essaye de m'aider! hurla Potter.

Un sortilège toucha Megan dans le dos et elle se figea en pleine course.

- Il faut qu'il en soit ainsi. Il faut que ce soit moi.

Megan dissipa le sortilège d'Entrave, mais elle avait été rattrapée par Charlie, Ron et Draco, qui la forcèrent à reculer.

- C'est mon combat! gronda-t-elle férocement.

- Non, asséna Ron, tellement heureux de voir son meilleur ami vivant qu'il avait acquis une force surprenante. Celui-là, c'est le sien.

Voldemort émit un sifflement.

- Ce n'est pas ce que veut dire Potter, répliqua-t-il, ses yeux rouges grands ouverts. Ce n'est pas comme ça qu'il se comporte. Qui vas-tu utiliser comme bouclier, aujourd'hui, Potter ?

- Personne. Il n'y a plus d'Horcruxes.

Si l'Horcruxe qui était en Potter avait été détruit, comment expliquer que le garçon se tenait devant eux, intact?

- Il n'y a plus que vous et moi. Aucun d'eux ne peut vivre tant que l'autre survit, et l'un de nous va partir pour de bon…

- L'un de nous ? ricana Voldemort.

Tout son corps était tendu, ses yeux rouges avaient le regard fixe, on aurait dit un serpent prêt à frapper.

- Tu penses que c'est toi qui vas l'emporter, n'est-ce pas, celui qui a survécu par hasard et parce que Dumbledore tirait les ficelles ?

- C'était un hasard quand ma mère est morte pour me sauver ?

Tous deux continuaient de se déplacer de côté, décrivant un cercle parfait qui maintenait toujours la même distance entre eux.

- Un hasard lorsque j'ai décidé de combattre dans le cimetière ? Un hasard lorsque, ce soir, j'ai renoncé à me défendre et que j'ai quand même survécu pour revenir me battre ?

- Des hasards ! s'écria Voldemort.

Mais il ne frappait toujours pas et la foule qui observait la scène était comme pétrifiée. Megan elle‑même ne s'expliquait pas que Potter soit vivant. Quelle nouvelle manigance de Dumbledore était intervenue, cette fois?

- Le hasard et la chance et aussi le fait que tu te réfugiais et pleurnichais dans les robes de sorcières et de sorciers plus grands que toi, des gens puissants comme Meganna Buckley, des hommes et des femmes que tu me laissais tuer à ta place !

- Vous ne tuerez personne d'autre, cette nuit, assura Potter.

Ils continuaient de tourner en cercle, face à face, les yeux verts rivés sur les yeux rouges.

- Vous ne tuerez plus personne, plus jamais. Vous ne comprenez donc pas ? J'étais prêt à mourir pour vous empêcher de faire du mal à ceux qui sont ici…

- Mais tu n'es pas mort !

- J'en avais l'intention et c'est cela qui a tout déterminé. J'ai fait ce que ma mère avait fait. Ils sont protégés, vous ne pouvez plus les atteindre. N'avez-vous pas remarqué qu'aucun des sortilèges que vous leur avez jetés n'a eu d'effet ? Vous ne pouvez pas les torturer. Vous ne pouvez pas les toucher.

C'était faux, ragea Megan, tremblante, Kevan était mort. Pourquoi Kevan était-il mort?

- Vous n'avez rien appris de vos erreurs, Riddle, n'est-ce pas ?

- Tu oses…

- Oui, j'ose. Je sais des choses que vous ne savez pas, Tom Riddle. Je sais des choses très importantes que vous ignorez complètement. Vous voulez que je vous en dise plus, avant que vous ne commettiez une autre grande erreur ?

Voldemort ne répondit rien, il continua simplement de tourner en cercle. Megan répugnait à le reconnaître, mais Potter le tenait momentanément en respect, hypnotisé par l'éventualité, si faible fût-elle, qu'il puisse véritablement détenir un ultime secret…

- S'agit-il d'amour, encore une fois ? demanda le mage noir, une expression railleuse sur son visage de serpent. La solution préférée de Dumbledore, l'amour, dont il prétendait qu'il était plus fort que la mort. Mais l'amour ne l'a pas empêché de tomber de la tour et de se briser comme une vieille figure de cire. L'amour, qui ne m'a pas non plus empêché d'écraser ta Moldue de mère comme un cafard, Potter… mais cette fois, personne ne semble t'aimer suffisamment pour courir à ton secours et recevoir mon sortilège à ta place. Alors, qu'est-ce qui te protégera de la mort lorsque je frapperai ?

- Une simple chose.

Ils tournaient toujours en cercle, absorbés l'un par l'autre. Plus rien ne les retenait que le dernier secret.

- Aujourd'hui, ce n'est pas l'amour qui te sauvera. Tu dois croire que tu possèdes une magie dont je serais dépourvu, ou peut-être une arme plus puissante que la mienne ?

- Les deux, je pense.

Megan vit alors passer sur le visage de serpent une expression de stupeur qui se dissipa aussitôt. Voldemort se mit à rire et son rire était plus effrayant que ses cris, un rire sans humour, un rire de fou, qui résonna en écho dans la Grande Salle silencieuse.

- Toi, tu penses connaître davantage de magie que moi ? Que moi, Lord Voldemort, moi qui ai accompli des actes de sorcellerie dont Dumbledore lui-même n'aurait jamais rêvé ?

- Oh si, il en a rêvé, mais il en savait plus que vous, il en savait suffisamment pour ne pas faire ce que vous avez fait.

- Tu veux dire qu'il était faible ! Trop faible pour oser, trop faible pour s'emparer de ce qui aurait pu être à lui, de ce qui sera à moi !

- Non, il était plus intelligent que vous, meilleur que vous, comme sorcier, et comme homme.

- C'est moi qui ai provoqué la mort d'Albus Dumbledore !

- Vous croyez cela, mais vous vous trompez.

Pour la première fois, il y eut un mouvement dans la foule : les centaines de personnes alignées le long des murs avaient pris en même temps une profonde inspiration, comme s'ils craignaient comme Megan que l'un de ses plus grands secrets soit révélé au grand jour devant tous ceux qui se détourneraient d'elle s'ils l'apprenaient.

- Dumbledore est mort !

Voldemort jeta ces mots à la tête de Potter comme s'ils avaient pu lui infliger une douleur insupportable.

- Son corps se décompose dans sa tombe de marbre, dans le parc de ce château, je l'ai vu, Potter, et il ne reviendra pas.

- Oui, Dumbledore est mort, répondit Potter d'une voix calme, mais ce n'est pas de votre fait. Il a choisi sa propre façon de mourir, il l'a choisie des mois avant le jour de sa mort, il a tout arrangé avec l'homme dont vous pensiez qu'il était votre serviteur.

- Quel est encore ce rêve puéril ?

Mais il ne frappait toujours pas et le regard de ses yeux rouges resta fixé sans vaciller sur Potter.

- Severus Snape n'était pas des vôtres. Snape était dans le camp de Dumbledore, dans son camp depuis le moment où vous avez commencé à traquer ma mère. Vous ne vous en êtes jamais rendu compte, à cause de cette chose que vous ne pouvez comprendre. Vous n'avez jamais vu Snape produire un Patronus, n'est-ce pas, Riddle ?

Voldemort ne répondit pas. Megan ne comprenait pas où Potter voulait en venir. Ils tournaient toujours face à face, comme deux loups prêts à s'entre-déchirer.

- Le Patronus de Snape était une biche, poursuivit Potter, la même que celle de ma mère, parce qu'il l'a aimée pendant presque toute sa vie, depuis qu'ils étaient enfants. Vous auriez dû vous en apercevoir.

Megan vit les narines de Voldemort frémir. Snape? Amoureux de Lily Potter? Megan secouait la tête, les sourcils froncés. Ce qui se passait sous ses yeux n'avait aucun sens.

- Il vous a demandé d'épargner la vie de ma mère, n'est-ce pas ?

- Il la désirait, voilà tout, lança Voldemort d'un ton méprisant, mais quand elle est morte, il a admis qu'il existait d'autres femmes, et d'un sang plus pur, plus dignes de lui…

- Bien sûr, c'est ce qu'il vous a dit, mais il est devenu un espion pour le compte de Dumbledore dès le moment où vous avez menacé ma mère et depuis ce temps, il a toujours travaillé contre vous ! Dumbledore était déjà mourant lorsqu'il a été achevé !

- Cela n'a aucune importance ! s'écria Voldemort d'une voix aiguë.

Il avait écouté chaque mot avec une attention intense mais il laissa soudain échapper un gloussement de rire dément.

- Cela n'a aucune importance de savoir si Snape était dans mon camp ou dans celui de Dumbledore, ou quels médiocres obstacles ils ont essayé de placer sur mon chemin ! Jeles ai écrasés comme j'ai écrasé ta mère, le prétendu grand amour de Snape ! Mais tout cela est très logique, Potter, et dans un sens que tu ne peux pas comprendre ! Dumbledore a essayé d'empêcher que je m'empare de la Baguette de Sureau ! Il voulait que Snape devienne le vrai maître de la baguette ! Mais je suis arrivé avant toi, petit bonhomme… Je me suis procuré la baguette avant que tu ne puisses mettre la main dessus. J'ai compris la vérité avant que tu ne me rattrapes. J'ai tué Snape il y a trois heures et la Baguette de Sureau, le Bâton de la Mort, la Baguette de la Destinée, m'appartient véritablement, désormais ! Le dernier plan de Dumbledore a échoué, Harry Potter !

- En effet, reconnut Potter. Vous avez raison. Mais avant que vous ne tentiez de me tuer, je vous conseillerais de réfléchir à ce que vous avez fait… Réfléchissez et essayez d'éprouver un peu de remords, Riddle…

- Qu'est-ce que c'est que ça, encore ?

Rien dans tout ce que Potter lui avait dit, ni les révélations, ni les railleries, n'avait causé à Voldemort un tel choc. Megan vit ses pupilles se contracter jusqu'à n'être plus que deux fentes et la peau blanchir autour de ses yeux.

- C'est votre unique et dernière chance, insista Potter. C'est tout ce qui vous reste… Sinon, j'ai vu ce que vous deviendrez… Soyez un homme… Essayez… Essayez d'éprouver du remords…

- Tu oses…, répéta Voldemort.

- Oui, j'ose, parce qu'il est vrai que le dernier plan de Dumbledore a échoué, mais ce n'est pas moi qui en ai subi les conséquences, c'est vous, Riddle…

La main de Voldemort qui tenait la Baguette de Sureau tremblait. Le sang de Megan se glaça.

- Cette baguette continue à ne pas marcher pleinement pour vous, parce que vous n'avez pas assassiné la bonne personne. Severus Snape n'a jamais été le véritable maître de la Baguette de Sureau. Il n'a jamais vaincu Dumbledore.

- Il l'a tué…

- Vous ne m'écoutez donc pas ? Snape n'aurait jamais vaincu Dumbledore ! La mort de Dumbledore avait été planifiée par eux deux ! Dumbledore voulait mourir sans avoir été vaincu, il voulait rester le dernier vrai maître de la baguette ! Si tout s'était passé comme prévu, le pouvoir de la Baguette de Sureau serait mort avec lui, car elle n'aurait jamais été conquise !

- Dans ce cas, Potter, c'est comme si Dumbledore m'avait donné la baguette !

La voix de Voldemort frémissait d'une délectation cruelle.

- J'ai volé la baguette dans la tombe de son dernier maître ! Je l'ai prise contre la volonté de son dernier propriétaire ! Son pouvoir m'appartient !

- Vous ne comprenez toujours pas, Riddle ? Posséder la baguette ne suffit pas ! La tenir entre vos mains, vous en servir, ne vous en donne pas réellement la maîtrise. N'avez-vous pas écouté Ollivander ? C'est la baguette qui choisit son sorcier… Or, la Baguette de Sureau s'est effectivement reconnu un nouveau maître le soir où Dumbledore est mort. Mais ce n'était pas Snape. C'était quelqu'un d'autre, quelqu'un qui n'avait jamais posé la main dessus. Ce nouveau maître a enlevé la baguette à Dumbledore contre la volonté de celui‑ci, sans jamais très bien comprendre ce qu'il avait fait, sans comprendre que la baguette magique la plus dangereuse du monde s'était soumise à lui…

Draco. La respiration de Voldemort s'était accélérée, on voyait sa poitrine se soulever rapidement, au même rythme que les battements du cœur de Megan. Comment pouvait-elle faire taire Potter sans se trahir? Elle était prise au piège.

- Ce garçon est devenu maître de la baguette de Sureau, mais il a ensuite été vaincu à son tour. Sa baguette lui a été dérobée. Et, hasard, peut-être, elle lui a été dérobée par la même personne qui a véritablement tué Dumbledore. Car Snape n'était pas seul ce soir‑là, au sommet de la tour d'astronomie. Et cette personne n'a jamais été vaincue.

Il y eut une vague de hoquets et de cris de surprise autour de Megan tandis que tout le monde découvrait que Snape n'était pas le meurtrier de Dumbledore. Voldemort était furieux de découvrir que son plan avait échoué, qu'il avait été, de nouveau, trahi par l'un de ses fidèles serviteurs, humilié devant une centaine de personnes.

- Qu'est-ce que ça change ? répliqua-t-il d'une voix forte. Même si tu as raison, Potter, cela ne fait aucune différence, ni pour toi ni pour moi. Tu n'as plus la baguette à la plume de phénix. Notre duel reposera sur la seule habileté… Et quand je t'aurai tué, je m'occuperai de cette autre personne…

Une lueur rouge et or jaillit soudain au-dessus d'eux, dans le ciel ensorcelé, en même temps qu'un soleil éclatant dessinait ses premiers contours à la fenêtre la plus proche. La lumière éclaira leurs visages au même instant et Voldemort se transforma brusquement en une tache flamboyante. Megan entendit la voix suraiguë lancer un hurlement au moment où elle s'élançait, et leurs voix se joignirent:

- Avada Kedavra !

La détonation retentit comme un coup de canon et les flammes dorées qui explosèrent entre eux, au centre précis du cercle que Voldemort et Potter avaient dessiné de leurs pas, marquèrent le point où les deux sortilèges se frappèrent de plein fouet. La Marque des Ténèbres gravée dans la peau de Megan s'enflamma, chauffée à blanc, lui arrachant un hurlement de douleur. Elle vit le jet de lumière verte de Voldemort heurter le sien, elle vit la Baguette de Sureau s'envoler très haut, sombre dans le soleil levant, tournoyant sous le plafond enchanté telle la tête de Nagini, virevoltant dans les airs en direction de la maîtresse qu'elle refusait de tuer, celle qui avait pris pleinement possession d'elle. Bousculé par Megan lorsqu'elle avait bondi dans un élan désespéré pour le sauver, Potter, avec l'habileté infaillible de l'attrapeur, saisit la baguette au vol, tandis que Voldemort basculait en arrière, les bras en croix, les pupilles fendues de ses yeux écarlates se révulsant. Tom Marvolo Riddle s'abattit sur le sol dans une fin triviale, le corps faible, ratatiné, les mains blanches et vides, son visage de serpent dépourvu d'expression, inconscient. Voldemort était mort. Megan et Potter, leurs baguettes à la main, se regardèrent puis baissèrent les yeux sur la dépouille de leur ennemi.

Pendant un instant de silence frémissant, le choc du moment fut comme suspendu. Puis le tumulte éclata autour d'eux. Les cris, les acclamations, les rugissements de la foule rassemblée déchirèrent l'atmosphère. La clarté intense du soleil levant illumina les fenêtres et tous se précipitèrent sur eux dans un fracas de tonnerre. Ron et Hermione furent les premiers à les atteindre et ce furent leurs bras qui les entourèrent, leurs cris inintelligibles qui les assourdirent. Ginny, Neville et Luna arrivèrent à leur tour, puis tous les Weasley et Hagrid et Kingsley et McGonagall et Flitwick et Sprout. Megan ne parvenait pas à comprendre un mot de ce qu'ils criaient, elle ne savait pas non plus à qui appartenaient les mains qui la saisissaient, la tiraient, essayaient d'étreindre une quelconque partie de son corps, ils étaient des centaines à se presser contre eux, bien décidés à toucher les Survivants, ceux grâce à qui tout s'était enfin terminé, mais elle n'avait pas le sentiment d'avoir gagné. Aucune joie ne s'insinuait en elle, car, en vérité, elle avait perdu. Fred et Kevan étaient morts.

Le soleil se leva peu à peu sur Poudlard et la Grande Salle fut illuminée. La présence de Megan et Potter était devenue indispensable dans les débordements de joie et de deuil, de chagrin et de fête, mais la première refusait d'y prendre part. Tous voulaient qu'ils soient là, avec eux, leurs leaders et leur symbole, leurs sauveurs et leurs guides. Le fait qu'ils n'aient pas dormi depuis deux jours, que leur seule envie soit de voir seulement quelques-uns d'entre eux, ne semblait venir à l'esprit de personne. Megan refusait de parler à ceux qui avaient perdu un être cher, de serrer leurs mains, d'être témoin de leurs larmes de soulagement et de tristesse, et de recevoir leur gratitude. Retranchée au sommet de la tour de Gryffondor, balançant ses jambes dans le vide, elle observait le transport des corps, les élèves qui jetaient de la nourriture dans la bouche hilare de Grawp qui regardait à travers une fenêtre défoncée, au son du chant victorieux que Peeves avait composé et braillait dans les couloirs, l'arrivée de dignitaires étrangers qui venaient constater la fin de la guerre. Comment se réjouir alors que Kevan, Fred, Remus et Tonks étaient allongés dans la Grande Salle, froids et immobiles? Les heures s'écoulèrent et elle refusait de descendre se joindre aux festivités qui se déroulaient dans la Grande Salle, là où enseignants et élèves, fantômes et parents, centaures et elfes de maison s'étaient mélangés pour partager un grand festin.

- J'ai entendu dire que les victimes du sortilège de l'Imperium étaient toutes en train de reprendre conscience.

Megan ne bougea pas lorsque Draco vint s'asseoir à côté d'elle. Il ne la toucha pas, se contentant de l'observer d'un air soucieux et attentif, puis suivant son regard vers la vie qui suivait son cours tandis qu'ils restaient suspendus hors du temps. Il portait lui aussi les traces des combats.

- Theo est vivant? demanda Megan d'une voix rauque.

- Oui. Mais pas son père.

Ce n'était que justice. Arello Nott était un Mangemort. Il avait répondu à l'appel de Voldemort, cette nuit-là dans le cimetière.

- Et tes parents?

- Ils vont bien. Enfin… Ils sont vivants. Ils sont partis.

- Ils vont être arrêtés.

Draco serra les dents. S'il s'était joint aux rangs des défenseurs de Poudlard, ce n'était pas le cas de Lucius et Narcissa. Megan ne ressentait aucune pitié pour ceux qui l'avaient vue grandir. Ils l'avaient trahie.

- Ils ont nommé Kingsley Shacklebolt ministre de la Magie, reprit Draco après un moment de silence. À titre provisoire, le temps d'organiser une élection.

Megan hocha la tête. Il était le candidat idéal, mais il était surprenant que qui que ce soit ait déjà pris le temps de se soucier de cette question.

- Le corps de Voldemort?

- Il a été emmené à l'écart, avec ceux des autres Mangemorts… Je ne sais pas ce qu'ils ont l'intention d'en faire.

- Une grande fosse commune ce sera très bien.

Elle lui jeta un coup d'œil féroce, comme si elle espérait qu'il protesterait, qu'il voudrait une sépulture décente pour sa tante. Mais Draco avait fait une moue appréciatrice.

- Comment on peut être sûrs que c'est terminé? s'enquit-il plutôt. Qu'il ne va pas revenir encore?

Megan poussa un profond soupir. Elle n'avait pas la force de lui raconter les Horcruxes, pas aujourd'hui.

- Il a épuisé ses dernières ressources, se contenta-t-elle de répondre. Il était redevenu mortel. On y a veillé.

- Je ne pensais pas que ça se terminerait comme ça.

- Tu t'attendais à quoi? railla Megan. À ce que Dobby soit celui qui tuerait Voldemort, devienne directeur de Poudlard, envoie ton père à Azkaban et instaure la fête nationale de la chaussette?

- C'est juste qu'il est mort bêtement. Enfin, je veux dire, il n'y avait rien de… spectaculaire, ou grandiose, ou puissant. Pas que ce n'était pas… incroyable, ce que tu as fait. Mais il est juste tombé comme n'importe qui d'autre.

- Parce que c'était n'importe qui, finalement. Oh, il était très puissant, évidemment. Il a repoussé les limites de la magie, accompli de très grandes choses. Mais il s'est reposé sur ses forces, il a oublié qu'il n'était pas le seul à avoir de grands pouvoirs.

Megan s'enferma dans un silence furieux. Dumbledore était parvenu à ses fins, ses manipulations et ses secrets avaient fini par leur offrir la victoire de la manière qu'il avait escomptée.

- En parlant de ça, il y a quelque chose que je dois récupérer.

Une petite impulsion, et elle sauta du haut de la tour.

Poudlard était détruit, elle ne reviendrait bientôt plus jamais ici. Elle ne se réchaufferait plus auprès du feu qui brûlait dans la chaleureuse et confortable salle commune de Gryffondor, elle ne passerait plus des heures aux côtés d'Hermione dans la bibliothèque gardée par l'impitoyable Mrs Pince, et elle ne dînerait plus dans la Grande Salle sous le plafond enchanté. C'était la fin d'une ère.

Évitant consciencieusement la Grande Salle bondée et bruyante, elle traversa la cour intérieure dans laquelle des cratères semblaient avoir été creusés, et se dirigea vers les escaliers, qui ne bougeaient plus. Elle venait d'atteindre le deuxième étage lorsqu'elle entendit les voix de Ron, Hermione et Potter, qui sortaient du bureau du directeur.

- Il faut que je te parle.

Megan s'adressait rarement à Potter, sauf lorsqu'elle ne pouvait l'éviter, comme aujourd'hui. Ron et Hermione, échevelés et encore marqués par la bataille, la regardèrent d'un air surpris.

- Megan, murmura Hermione d'une voix éraillée.

Après les deux jours éprouvants qu'ils avaient vécu, toutes les pertes qu'ils avaient subies, la douleur sous toutes ses formes et la terreur de la mort, elle n'avait visiblement qu'une seule envie, celle de savourer d'être toujours vivante, de même que ses trois meilleurs amis, et de se réunir pour contempler ensemble la victoire inespérée qu'ils avaient remporté après avoir lutté si longtemps et si durement.

- On vous retrouve après, insista Megan.

- Allez-y, grogna Potter, visiblement mécontent.

Son visage était tuméfié par endroits, ses lunettes étaient cassées, et ses vêtements déchirés. Il était aussi épuisé qu'elle.

- Tu as deux minutes, ensuite je vais dormir dans mon dortoir, indiqua-t-il tandis que leurs deux meilleurs amis s'éloignaient à regret.

- Tu as quelque chose qui m'appartient.

Tous deux baissèrent les yeux sur la baguette qu'il avait à la main. La prise de Potter se resserra sur le manche. Megan plissa les yeux.

- Tu as tué Dumbledore pour l'obtenir, gronda le garçon.

L'affirmation arracha une grimace de surprise à Megan.

- Pour l'obtenir? Tu as pris un peu trop de coups sur la tête aujourd'hui, Potter. Je ne savais même pas que la baguette de Sureau existait il y a quatre mois. Sinon pourquoi Dumbledore aurait été enterré avec?

- Tu ne le nies même pas! s'exclama Potter avec un rire froid.

- Je ne suis pas stupide, je ne vais pas perdre mon temps à cacher un secret que je t'ai révélé il y a quelques heures.

Il y eut un bang! sonore et Megan fut propulsée en arrière. Il n'avait pas pu retourner le pouvoir de la baguette de Sureau contre sa maîtresse. Il s'était servi d'une autre baguette; dans sa main, Megan reconnut la baguette en bois de houx.

- Tu as réparé ta baguette, à ce que je vois, commenta Megan en se relevant.

- TU AS TUÉ DUMBLEDORE!

La voix de Potter résonna dans le couloir et Megan, furieuse à l'idée que Ron et Hermione l'aient entendu, lui jeta un sortilège de Mutisme.

- La ferme, Potter! Tu l'as dit toi-même, il était déjà en train de mourir! Qu'est-ce que ça change que ça ait été Snape ou moi?

- Dumbledore et Snape avaient un accord!

Potter avait renversé le sortilège et retrouvé l'usage de la parole. Tous deux se dévisagèrent, à quelques mètres l'un de l'autre, leurs baguettes levées.

- Je t'ai sauvé la vie, gronda Megan. J'aurais pu laisser Voldemort te tuer, tout à l'heure, et ne le tuer qu'après.

- Tu ne l'as pas fait pour moi. Et c'était à moi de le tuer!

- Tu as raison, je ne l'ai pas fait pour toi, je l'ai fait pour Hermione, les Weasley et les autres. Et tu avais autant de raisons de tuer Voldemort que moi. Tu l'oublies souvent, mais tu n'es pas le seul à avoir été jeté dans cette guerre avant de savoir parler! On est quittes, maintenant. Alors garde bien notre petit secret, parce qu'on sait tous les deux que tu ne fais pas le poids face à moi, même avec la baguette de Sureau, parce qu'elle ne se retournerait jamais contre moi. Tu n'es pas de taille à me vaincre et à devenir son maître, Potter.

Le garçon savait qu'elle avait raison, mais il refusait de la lui rendre, terrifié par l'usage qu'elle en ferait.

- Qui d'autre est-ce que tu tueras, avec? Tout le monde croit que la guerre est terminée, mais les mages noirs n'ont pas tous été défaits.

- Tu veux me tuer, Potter? Je n'ai pas les faiblesses de Voldemort. Comment est-ce que tu vas faire, tout seul?

- Je ne suis pas seul. Comment est-ce que tu crois que les autres réagiraient s'ils apprenaient que c'était toi qui as tué Dumbledore? Tu crois qu'ils seraient à tes côtés ou aux miens?

- Essaie, siffla Megan. Tu ne sortirais pas vivant de ce couloir.

- Je vais remettre la baguette dans la tombe de Dumbledore, à sa place. Tu as ta propre baguette, tu n'en as pas besoin. Si tu meures de mort naturelle, son pouvoir sera brisé. Sison dernier maître n'est jamais vaincu, ce sera la fin de la baguette de Sureau.

- Tu n'as pas le pouvoir d'en décider, Potter. C'est moi qui ai tué Dumbledore, moi qui ai désarmé Draco, moi à qui elle a été léguée. Je suis la maîtresse de la Baguette de Sureau.

- Tu ne feras que du mal avec.

- Ne t'inquiète pas, Potter. Je ferai du mal, même sans.