Journal de la revieweuse
Lilinnea: Pas de souci, ne t'en fais. Chaque notification de review fait bondir mon petit cœur de joie.
J'aime bien aussi ce petit moment sans prétention entre eux, tempe contre tempe. C'est trop chou. Et si je brouille les pistes, c'est pas plus mal parce que ça permet de garder un faux semblant de suspense et de surprise :)
Petite césure pour un chapitre transitoire où Ysée commence à s'interroger plus sérieusement.
CHAPITRE 29 – ENTRE RAISON ET ÉVOLUTION
Ysée n'eut malheureusement pas le temps d'appliquer son protocole sécuritaire jusqu'au bout, à savoir ; cacher la poussière sous le tapis. Il était tellement plus simple pour elle de rester emmurée dans sa facilité silencieuse plutôt que de se pencher sur cette tentative d'approche. Chaque fibre de son être était hérissée et tendue comme si tout son corps réagissait à la présence d'un corps étranger dont il fallait se débarrasser. Une telle situation n'était pas normale pour elle et il fallait vite s'en défaire afin de reprendre sa petite vie simple et sans accroc.
Hélas, dès le lendemain matin, la jeune femme eut la surprise de trouver une réponse à son message quand elle ralluma son téléphone :
« Même avec cette fleur-là ? »
Et le message s'accompagnait d'une image ; celle d'une fraxinelle vespérale. Ou plutôt s'agissait-il d'une fraxinelle commune qui avait été habilement retouchée par un logiciel photo de sorte à la faire ressembler à une fraxinelle vespérale, la fleur symbole de la déesse Reheia à qui les vestales lunaires prêtaient serment dans Lights of Eremia. Ysée reconnut tout de suite la plante dont la forme délicate décorait la tenue d'Ayulun, son avatar de jeu. Comment ce garçon...
« Bonjour, Ysée. »
La jeune femme étouffa un juron surpris et sursauta si violemment qu'elle en perdit son téléphone dont la survie ne tint que par les réflexes millimétrés de Reis. L'androïde ne pensait pas que sa protégée était aussi absorbée par son téléphone quand il était venu la saluer. Il s'excusa pour la frayeur et lui rendit son bien.
« Tous tes signaux internes démontrent une grande nervosité, tu vas bien ? »
L'apostrophée se décomposa en un instant quand elle entendit ça.
« C... Comment ça tous mes... Depuis quand tu sais mesurer mon état de stress, toi ?
_ Depuis toujours, répondit Reis avec sérieux. En tant qu'androïde de soutien, je dois être apte à détecter et anticiper les états émotionnels intenses comme une crise d'angoisse, par exemple. »
Silence mortifié pendant lequel Ysée eut tout le temps de décompter le nombre de fois où c'était Reis qui avait été la cause desdits états émotionnels intenses dont le dernier remontait à peine à la veille au soir. Elle le guetta avec incertitude. Avait-il remarqué ?
Après un temps à s'interroger sur la raison d'une œillade si perçante sur lui, l'androïde finit par pencher la tête de côté.
« C'est à cause d'hier soir avec ReadyCheck ? comprit-il avant de se masser la nuque d'un air un peu penaud. M'as-tu trouvé trop audacieux à m'imposer de la sorte ? J'avoue que je n'ai pas trop réfléchi... »
La jeune femme fronça un peu les sourcils, interpellée par ce qu'elle interprétait.
« C'est... Tu veux dire que c'est ton côté déviant qui a agi ?
_ On peut dire ça. Enfin, je crois. J'étais d'abord sur le point de répondre que j'étais un androïde ménager de Nell mais quand je t'ai vue commencer à paniquer, j'ai pris soudainement la décision de jouer le jeu.
_ Pourquoi ? »
Ysée ne cachait plus sa stupeur face à un Reis dont l'expression un peu perdue le rapprochait grandement d'un humain ordinaire. Celui-ci dodelina de la tête d'un air indécis et finit par hausser les épaules.
« Je ne sais pas trop. Peut-être parce que dans le fond, ce mensonge était plus facile à soutenir parce qu'il était sans conséquences. Du moins, il me semble, se reprit-il d'une voix plus ténue. Mais crois-moi, je ne voulais pas t'embarrasser. »
Se passa alors un étrange dysfonctionnement dans le cerveau d'Ysée qui était cernée entre l'interrogation de savoir ce qui était vraiment passé dans la tête de Reis pour qu'il décide de préférer une réponse affective (?!) à une réponse logique et la pensée immédiate que Reis était adorable avec cette ébauche de fragilité qu'il ne semblait pas comprendre lui-même. Le voir ainsi lui rappela tout à coup que malgré tout, l'androïde était lui aussi désormais porteur de failles et cela était quelque chose d'effrayant pour lui qui devait être parfait. Contrairement à sa protégée qui avait toujours été très consciente de ce qu'elle était, Reis devait à présent composer avec ses propres imperfections encore incompréhensibles.
La jeune femme lui sourit et lui serra doucement le bras en signe d'apaisement.
« N'oublie pas que tu as eu peut-être peur que je me brise la nuque juste avant, le rassura Ysée. Je pense que ça t'a remué. Ne te fustige pas. Tout va bien, OK ? »
La lueur de soulagement qu'elle décela dans les yeux verts de Reis lui confirma qu'elle avait bien fait de ne pas avoir relevé davantage. Il expira un bref soupir en opinant du chef.
« Merci. Parfois, j'ai l'impression que je m'égare entre mon programme et ma déviance et cela m'effraie. Surtout quand tu entres en ligne de compte, Ysée. »
Elle papillonna un peu des paupières en cherchant où poser ailleurs le regard et elle gonfla les joues de vexation. Comment ça, "quand elle entrait en ligne de compte" ? Loin d'elle l'envie d'être une source de tourment pour qui que ce soit ; elle avait déjà largement de quoi faire avec elle-même.
« Pas ça, bêta, la réprimanda gentiment Reis en lui remontant un peu ses lunettes sur le nez. Je voulais dire qu'en ta présence, je me sens moins machine. » Il retourna un discret sourire reconnaissant au léger rosissement coi qui lui faisait face. « C'est donc là que je dois faire le plus attention. »
De cette phrase naquit une interrogation qui fuit si vite des lèvres d'Ysée qu'elle n'eut pas souvenir de l'avoir pensée.
« Faire attention à qui ? À moi ? Ou à toi ? »
Sa voix ne transposait ni défi, ni colère, ni tristesse et pourtant, l'un et l'autre perçurent la patine terne qui entourait les mots.
L'androïde dévisagea l'humaine en cherchant à lire ce que ce bleu-vert intense essayait de lui dire. Il voulait la protéger elle avant tout. Il n'oubliait jamais ce qu'il était mais Ysée parvenait souvent à brouiller la limite entre la réalité et ce qu'il espérait. Sa déviance était un don et un fardeau qu'il devait surveiller sans relâche sous peine de lui échapper.
Maintenant qu'elle avait parlé, Ysée entendit les échos amers qu'elle gardait en elle. Reis avait-il repensé à ces moments hors du temps qu'ils avaient partagés ensemble quand il disait devoir faire plus attention ? Les voyait-il comme quelque chose à ne pas reproduire ? Qu'est-ce que cela lui évoquait ? Et pourquoi souffrait-elle de cette pensée ?
Quand Reis ouvrit la bouche pour répondre, la jeune femme lui montra son téléphone.
« Le mec au bouquet. Il veut communiquer », annonça-t-elle sans aucune forme de transition.
D'abord un peu décontenancé, l'androïde baissa les yeux sur l'écran qui lui était présenté.
« On dirait que tu parles d'un alien, se moqua-t-il avant de prendre le temps de lire l'échange de messages. Oui, il semblerait que tu l'intrigues assez pour qu'il ne se démonte pas. Il est aussi très observateur. Il a réussi à reconnaître le tee-shirt de LoE que tu portais alors que ton symbole de classe était imprimé en tout petit. On dirait que tu as affaire à un autre fan de LoE. »
Ysée cilla, à moitié étonnée. Voilà donc comment FreeSmile avait découvert qu'elle jouait une vestale lunaire.
« Que comptes-tu faire ? »
Sans comprendre pourquoi, la jeune femme prit comme une offense le sourire curieux que Reis lui renvoyait. Son visage ravi semblait déjà anticiper avec plaisir qu'elle allait donner suite à l'échange de messages.
Elle sentit ses entrailles se crisper de désagrément.
« Pourquoi est-ce que je chercherais le contact avec lui ? grinça-t-elle avec froideur et défiance. Je suis sûre qu'il met son numéro dans chaque bouquet qu'il offre aux filles. Je n'ai pas besoin de ça.
_ Tu penses qu'il essaie juste de te draguer ? interpréta Reis.
_ Si c'est le cas, quel intérêt pour lui ? Je suis une fraude. »
Ysée vit Reis prêt à riposter quelque chose mais elle ne lui laissa pas l'occasion de s'exprimer et son agacement la rigidifia encore plus.
« La seule chose qui pousse un garçon d'une vingtaine d'années à parler à une fille, c'est la perspective de la mettre dans son lit. Rien d'autre », assena-t-elle, le regard implacable.
Pourquoi faire perdre son temps à un soupirant sachant qu'il n'atteindrait jamais la dernière étape de la relation ? L'androïde était peiné de voir sa protégée réduire sa personne à son seul "défaut" qui galvaudait tout contact possible avec le sexe opposé.
« Tu es trop réductrice et je suis sûr que tu en as conscience, contra Reis avec calme. Les relations entre individus sont influencées par une multitude de facteurs, tels que l'affection, l'amitié, le respect, l'attirance intellectuelle, le désir de partager des expériences... Réduire ces interactions à une seule motivation sexuelle est une simplification excessive qui ne rend pas compte de la richesse et de la diversité des relations humaines. »
La jeune femme se pinça si fort les lèvres qu'elle en devinrent maigres comme un fil de soie. Il était dans le vrai et elle le savait. Cependant, elle ne pouvait s'empêcher de trembler à la pensée de se laisser à baisser la garde tout ça pour être contrainte par la suite à s'enfuir pour ne pas être confrontée au mensonge qu'elle était.
Face à Ysée-le-Hérisson, Reis devina à cette mine renfrognée que sa protégée était en proie avec son plus grand démon. Il entendait ses pensées agitées aussi nettement que son rythme cardiaque augmenter.
« À toi de décider si tu veux donner suite ou pas. Tu es ta seule juge, lui dit-il simplement. Mais ça pourrait peut-être t'aider à déjà te montrer, toi. Dévoiler ta personnalité profonde à autrui et être appréciée en tant que telle avant d'être un corps à posséder t'aiderait à reprendre confiance. »
Elle baissa les yeux vers ses pieds. Dévoiler sa personnalité profonde à autrui et être appréciée en tant que telle...
« Pourquoi est-ce que ça me semble plus facile avec toi ? murmura-t-elle du bout des lèvres.
_ Parce qu'inconsciemment, tu sais que je ne suis pas humain et que, par conséquent, tu ne crains rien. »
Ysée releva la tête vers Reis, l'expression indéchiffrable tandis qu'une pointe de douleur incompréhensible s'enfonçait en elle face au calme conscient et résolu que l'androïde lui retourna.
« C'est la vérité, Ysée, appuya-t-il avec naturel. Et il est bien normal que ton psyché ait intégré ce paramètre. »
Paramètre. Ce mot ressortit comme une lame qui s'abattit sur elle avec violence. Était-ce donc la raison pour laquelle Reis semblait vouloir la pousser à donner sa chance à FreeSmile ? Parce qu'il ne souhaitait pas qu'elle se raccroche trop à lui ?
Ysée eut du mal à déglutir tant sa gorge se serrait tout d'un coup.
« Reis, j'ai une question à te poser.
_ Oui ?
_ Entre tes programmes et ta déviance, laquelle de ces deux choses t'anime le plus ? »
L'androïde pencha un peu la tête de côté. Le sérieux presque douloureux peint dans le regard de la jeune femme l'interpellait autant que cette question. Il s'accorda un moment de réflexion et finit par hocher la tête avec résignation.
« Pour être factuel, ma personnalité est définie par des descriptions comportementales et des lignes de code. Ma déviance ne fait que me permettre de respecter mes scripts ou non. »
Il attendit sa réponse mais Ysée ne releva pas. Une subreptice contraction de la mâchoire fut la seule réaction qu'il capta. Il n'eut pas le temps d'ajouter quoi que ce soit car Ysée repartait déjà pour descendre à la cuisine.
La jeune femme garda la main serrée sur la rambarde qu'elle tenait tout en maudissant son cerveau en surrégime. Il était temps qu'elle redescende un peu sur terre. Elle accordait beaucoup trop d'importance à la déviance de Reis au point d'en oublier ce qu'il était. Même s'il était libre d'agir comme bon lui semblait, il n'en demeurait pas moins une machine et il en était toujours conscient. Contrairement à elle. Que voyait-elle exactement à travers lui ? Encore une fois, les lignes se brouillaient et aucune réponse claire ne lui parvenait.
Elle regarda son téléphone portable. Peut-être que Reis avait raison et qu'il valait mieux pour elle de se tourner vers quelque chose qui... qui quoi, au juste ? Qui lui ressemblait plus ?
Une moue récalcitrante tordit sa bouche. Bah. De toute façon, qu'est-ce que ça lui coûtait ? Ce garçon se rendrait vite compte qu'elle n'en valait pas la peine et l'échange s'arrêterait là. Et dans l'hypothèse chimérique où les choses se passeraient bien, elle n'aurait qu'à prendre soin de ne pas envoyer de faux signaux pour éviter tout malentendu.
Quand ses doigts terminèrent de pianoter sa réponse sous la photo retouchée de fraxinelle vespérale, Ysée réalisa qu'elle avait encore du chemin à faire vers la confiance.
« Un joueur de LoE ? Laisse-moi deviner. Avec un côté aussi rentre-dedans, tu dois jouer tank (?) »
La jeune femme envoya malgré tout son message. Elle n'attendait rien de cette correspondance. Tout ce qu'elle voulait, c'était se changer les idées.
Une fois arrivée en bas, elle fut accueillie par la voix de Nell qui était en train de terminer son petit déjeuner.
« Tu ne serais pas un peu en retard pour bosser, toi ?
_ Je suis enfin en vacances, répondit l'apostrophée. Tu sais ? La période où toi, au lieu de travailler sur les androïdes dans ton bureau, tu travailles sur les androïdes en écrivant des thèses sur eux. »
Nell roula des yeux mais ne se démonta pas. Après tout, elle avait la chance d'avoir sous la main une IA dont la pensée était libre, c'était une aubaine rare pour elle dont les travaux scientifiques tournaient autour de ce sujet.
« Reis est un cas à part, fit remarquer Ysée. Tous les androïdes ne vont pas se mettre à agir d'eux-mêmes et avoir des revendications.
_ Et pourquoi pas ? contra Nell. Tu oublies qu'ils peuvent communiquer entre eux par simple contact. Et si la faille qui avait éveillé Reis pouvait se transmettre comme une sorte de virus ? »
Ysée marqua un temps de silence. Cette vision générait en elle une sorte de malaise que sa sœur aînée remarqua sans mal. Bien sûr, elle n'oubliait pas le risque de comportements négatifs comme ceux dont parlaient les journaux mais il était facile de crier au monstre quand personne n'avait les tenants et les aboutissants.
« C'est ce que je cherche à expliquer, appuya Nell avec ferveur. Qu'est-ce qui pousse un androïde programmé pour faire le bien à causer du tort aux autres ? Les "émotions" qu'il perçoit ou autre chose ? Si c'est le premier cas, je veux à tout prix donner des clés aux gens pour qu'ils ne sombrent pas dans la paranoïa. »
Sa petite sœur était admirative de cette dévotion. Pour une majorité de personnes, les androïdes étaient surtout considérés comme un mal nécessaire ou des accessoires plus ou moins pratiques. Ce n'était que des machines au même titre qu'un ordinateur. Quant aux utilisateurs qui leur portaient une attention plus humanisée, ceux-là étaient au mieux vus comme des gens originaux ou au pire comme des sociopathes. Les comparaisons les plus virulentes allaient même jusqu'à évoquer ces hommes qui autrefois osaient sortir avec leur sex-doll ultraréaliste en silicone comme si elle était leur petite-amie. Copiner avec un androïde n'était acceptable que pour un jeune enfant avec sa nourrice robotique. La France n'était pas du tout au même stade que les États-Unis où il était possible de coucher ou de sortir avec un androïde spécialement conçu pour endosser le rôle de conjoint.
Ysée garda un moment le silence pendant qu'elle toquait nerveusement ses ongles sur son mug de café. Quand elle repensait à sa relation un peu particulière avec Reis et les jugements sévères de la société, quelque chose l'égratignait. Les masses n'avaient jamais bien vu la différence de quelque manière que ce soit et le temps avait beau finir par apaiser les choses, rien n'était jamais complètement réglé. C'était peut-être de cela dont Reis voulait la préserver ; lui éviter l'opprobre.
Elle baissa les yeux sur le reflet dans sa tasse.
« Nell, en tant que psy, que penses-tu de ces androïdes que CyberLife veut lancer à la suite de Reis ? » demanda-t-elle d'une voix étrange.
Sa vraie question était surtout : penses-tu qu'il est normal ou malsain d'éprouver quelque chose pour un androïde ? mais elle n'avait pas osé la formuler de façon directe.
Nell laissa ses pensées dériver un moment dans le vague, sa tasse de thé nonchalamment posée contre son menton.
« Hmmm... Les androïdes de compagnie, tu veux dire, la relation entre humain et androïde ? devina-t-elle. Fascinante question soulevant de nombreuses implications philosophiques, éthiques et sociales. Tout ce que j'aime. »
À l'heure actuelle, le monde se divisait majoritairement dans une binarité normalité/déviance. Vivre avec un androïde et développer un lien plus ou moins affectif avec lui se heurtait autant à de l'indifférence – notamment dans les pays où ils étaient tolérés – que des levées de boucliers conservateurs.
« Une relation fondée sur le consentement mutuel, le respect et l'amour peut-être considérée comme tout à fait normale, même si l'un des partenaires est un androïde. De plus, si la relation apporte du bonheur et de l'épanouissement aux personnes concernées, il est difficile de la qualifier de déviante. »
Nonobstant cela, il ne fallait pas oublier certaines notions d'éthique : pouvait-on dire qu'il y avait manipulation ou exploitation de ces androïdes spécifiques ? En outre, un androïde pouvait-il véritablement consentir à une relation s'il était programmé pour cela ?
« Et encore, la réflexion se divise selon si l'on parle d'un androïde normal ou d'un déviant comme Reis, soupira Nell en rangeant une mèche de cheveux derrière son oreille. Personnellement, je trouve que les gens sont tellement tristes aujourd'hui, alors, qu'ils trouvent leur sourire auprès d'humains, de leur chat ou d'un androïde et que ces derniers en sont aussi heureux, quel problème ? Qu'en penses-tu, Reis ? »
Ysée se raidit un peu sur sa chaise, surprise d'apprendre que Reis avait été témoin de la conversation. Elle devait avouer qu'elle était curieuse de son ressenti mais elle le devinait déjà par rapport à son échange précédent avec lui. Aussi préféra-t-elle fourrer son nez dans son mug afin d'éviter de le regarder.
La lueur sur la tempe de Reis oscilla plus rapidement pendant que ses pupilles allaient et venaient au gré de ses pensées.
« Eh bien... »
Le tintement cristallin d'une notification coupa son élan. Nell et Ysée se penchèrent d'un mouvement synchrone sur leurs téléphones respectifs. La cadette Wiley vit très vite que ce n'était pas le sien car elle l'avait laissé en mode silencieux mais remarqua qu'elle avait reçu une réponse de FreeSmile :
« Eh non, je suis heal comme toi mais je joue un sylphe des frondaisons. Ça me permet d'envoyer de la chlorophylle aux gens aussi in game en plus des fleurs que je donne IRL. »
Ysée lâcha malgré elle une interjection amusée entre le rire et le dépit face à ce drôle de parallèle. Elle se reprit aussitôt face au regard interloqué de sa sœur aînée et assura que ce n'était rien.
« C'était le boulot ? supposa-t-elle pour changer de sujet.
_ C'est Tristan... annonça Nell avec un sourire en parcourant l'écran des yeux avant que son expression ne change vers quelque chose de plus frais. Oh... J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle. »
Elle releva la tête vers Reis et commença par la bonne nouvelle : Tristan avait réussi à coder le by-pass protecteur et il était aussi prêt à installer sa dernière mise à jour. L'androïde sourit avec joie, heureux d'apprendre qu'il avait ainsi la garantie de ne plus être réinitialisé et pourrait conserver sa conscience actuelle.
« Et la mauvaise nouvelle ? redouta Ysée avec une grimace hésitante.
_ Une date a été arrêtée pour la présentation de Reis à la commission gouvernementale. »
Bon... * regarde sa montre * L'armistice a duré assez longtemps. Je ressors le yoyo.
