Drago ressentit la douce sensation d'atterrir sur une surface molle avant de réaliser qu'il s'agissait de sable. Il huma l'air salé et bientôt le bruit des vagues se répercuta en lui.

Poussant un grognement, Drago se releva tandis que Granger, à ses côtés, se redressait également, laissant échapper un gémissement sous le regard inquiet de Potter qui lui demandait si elle se portait bien.

Se remettant d'aplomb, le blond distingua, à travers la nuit, un petit cottage au toit de chaume d'où s'élevait une cheminée fumante vers le ciel.

- DOBBY !

Le cri de Potter résonna dans les environs. Lorsque Drago se retourna, il entrouvrit la bouche, horrifié.

Devant lui, le brun rattrapait l'elfe qui vacillait déjà, le poignard de Bellatrix enfoncé dans sa poitrine, le sang traversant son habit.

Drago demeura figé, tandis que Potter étendait l'elfe sur le sable.

- Dobby… non… AU SECOURS ! hurla Harry en direction du cottage.

Le jeune Malefoy se retourna et aperçut des silhouettes se mouvant vers eux.

- Dobby, non, ne meurs pas, ne meurs pas…

Le blond porta son attention sur le Gryffondor et la petite créature qui releva ses grands yeux vers lui.

- Harry… Potter…

Un frémissement parcourut l'elfe, puis il s'immobilisa, ses petits bras malingres se relâchant telle une poupée de chiffon.

Drago sentit Granger et Weasley, agenouillés près de leur ami, renifler et pleurer. Il observa Potter se balancer d'avant en arrière, les larmes ruisselant sur le corps sans vie de l'elfe. Cela dura une minute avant que les silhouettes, qu'il avait aperçues plus tôt, ne rejoignent son côté. Luna Lovegood, Bill Weasley, ainsi que Fleur Delacour, se figèrent face à la scène déchirante qui se déroulait sous leurs yeux.

Seuls les gémissements du brun troublaient le calme et la sérénité ambiants. Ils restèrent ainsi longtemps, observant le jeune homme se laisser submerger par son chagrin. Puis, après un certain temps, les larmes de celui-ci se tarirent et enfin, il releva la tête, s'essuyant les yeux d'un revers de manche.

- Je veux que ce soit fait dans les règles, dit-il en s'adressant aux autres.

Bill Weasley commença à sortir sa baguette, mais Potter l'interrompit.

- Pas avec de la magie, ajouta-t-il. Tu as une pelle ?

L'aîné des Weasley hocha la tête et, alors qu'il s'apprêtait à partir, Drago déclara :

- Donnez-m'en une aussi.

Potter et lui échangèrent un regard entendu.

0o0

Peu de temps après, les deux jeunes hommes se mirent à l'œuvre, se lançant dans la pénible tâche d'enterrer l'elfe, creusant dans le sable, tandis que les autres étaient rentrés à l'intérieur pour narrer les événements de la soirée aux deux membres de l'Ordre.

Après une demi-heure, ils décidèrent que le trou était suffisamment profond. Harry prit le corps de l'elfe, le serrant contre lui comme s'il s'agissait d'un nourrisson, puis il s'agenouilla devant l'orifice et le déposa doucement à l'intérieur.

Le brun se redressa et Drago saisit le manche de sa pelle, mais son meilleur ennemi l'arrêta d'un geste de la main, lui signifiant qu'il avait besoin de se recueillir. Il vit le jeune homme baisser la tête et fermer les yeux. Contre toute attente, Drago posa la pelle et l'imita.

Puis le Serpentard et le Gryffondor reprirent leur tâche.

0o0

Finalement, ils rentrèrent dans la maison. Le style y régnait chaleureux, la plupart des meubles semblant taillés dans du bois brut. Une grande table traversait la pièce de vie, entourée de deux fauteuils bergères capitonnés, faisant face à une cheminée où les flammes dansaient, diffusant une douce chaleur.

Sur le côté, un escalier menait à l'étage, tandis que de l'autre côté de la table, se trouvait la cuisine, ouvrant sur un petit jardin luxuriant.

Il distinguait Fleur Delacour s'affairant derrière les fourneaux, son ventre arrondi la gênant un peu pour atteindre les casseroles placées en hauteur. Lovegood se leva pour l'aider. Weasley et son frère redescendirent alors les escaliers, pendant que Potter prenait place sur une chaise, s'y laissant tomber avec lassitude.

- Où sont les autres ? demanda le brun à son meilleur ami, qui s'était installé en face de lui.

- J'ai allongé Hermione. Elle est choquée, mais ça ira. Gripsec et Ollivander se reposent également. Il est très faible, expliqua le rouquin.

Drago sortit de sa torpeur lorsqu'il aperçut une main tendue vers lui. Bill Weasley s'était posté devant lui et dit :

- Luna nous a raconté en quelques mots ce que tu as fait. Merci.

Le blond lui serre la main et ajouta :

- Que l'on soit bien clair, je l'ai fait uniquement pour elle.

- Je sais, murmura Bill.

Drago remarqua les griffures qui striaient le visage de Weasley et se rappela que ce dernier avait été mordu par Greyback l'année dernière, uniquement à cause de lui… La culpabilité l'envahit, aussi vive qu'une claque cinglante. Alors que Weasley lui faisait signe de prendre place à la table, il évita soigneusement de rencontrer à nouveau son regard océan.

Les deux Gryffondors le fixèrent avec une intensité telle, que Drago, qui s'assit à une distance respectable, dut user d'une volonté de fer pour ne pas se ratatiner sous la table. Cela lui fit réaliser la gravité de ce qui s'était réellement passé et ce qu'il avait fait. La conséquence de son acte était qu'il avait laissé sa mère, seule et prise au piège face à la colère du Seigneur des Ténèbres.

Pourtant, il n'avait aucune peur pour sa vie, car il possédait des informations que seuls les Malefoy et le maître en personne détenaient.

Potter sembla lire dans ses pensées, car il dit :

- Je suis désolé, murmura-t-il.

Drago l'observa à son tour, prenant le temps de répondre.

- Tu n'as pas à l'être, Potter. Mais j'ai fait mon choix. Les conséquences seront douloureuses, certes, mais pas irréversibles.

- Que veux-tu dire ? demanda Potter, visiblement perplexe.

- Il peut les torturer, mais pas les tuer. S'il commet cette erreur, l'héritage de la famille Malefoy me reviendra automatiquement, ainsi que tous les secrets que cette demeure recèle. J'ai donc un moyen de pression pour le faire tomber. Sans compter qu'aussitôt mon père rendu à la mort, il ne sera plus le bienvenu là-bas et n'y aura plus accès.

- Je n'ai jamais compris les questions d'héritage chez les Sang-Purs, observa Ron.

- Tu veux dire chez les Sang-Purs aristocrates, Weasmoche ? répliqua Drago avec une certaine condescendance.

Le regard du rouquin brillait d'une colère croissante, prêt à exploser.

- J'aurais aimé t'en coller une, dit-il. Ce serait ma façon de te remercier pour ce que tu as fait ce soir. Mais si tu oses prononcer à nouveau ce surnom ridicule, je me ferais un plaisir de te refaire le portrait.

- C'est trop d'honneur, Weasley, rétorqua Drago avec une certaine ironie dans la voix.

- Hé, ça suffit tous les deux, intervint Harry. Juste… ça suffit. S'il vous plaît.

Le blond et le rouquin observèrent un silence, conscients qu'ils avaient dépassé les bornes. Malgré l'aide qu'il avait apportée, les provocations de Drago envers Ronald Weasley demeuraient insupportables, et cette rivalité ressentie dès l'enfance ne semblait pas vouloir disparaître. Chasser le naturel, il revenait aussitôt au galop.

Pourtant, Harry avait raison. Cela devait cesser. Ce n'était plus le moment pour leurs petites rivalités d'adolescents.

D'une part, ils n'étaient plus des enfants depuis longtemps, et d'autre part, au fond de lui, Drago savait qu'il avait, pour une fois dans sa vie, agi comme il le devait.

Il n'avait pas fait preuve de lâcheté, ni de roublardise, encore moins de malveillance. Il avait été simplement l'homme qu'elle avait toujours rêvé qu'il devienne : juste, loyal, courageux.

S'il ne portait pas les couleurs de sa maison aussi fièrement, on aurait pu croire qu'il s'acclimatait chez les Gryffondors.

Il rejeta aussitôt cette idée. Non. Définitivement pas. Il était un Serpentard, pur et dur. Mais à présent, il se sentait aussi en possession des qualités pour lesquelles elle s'était battue.

Son joli visage embrasa son esprit, et les larmes lui montèrent aux yeux, prenant conscience de son état d'épuisement.

Fleur posa une assiette devant lui, et Drago la remercia rapidement avant de saisir une fourchette et de goûter aux œufs brouillés qu'elle avait préparés.

Les minutes passèrent en silence, et ils terminèrent leur repas rapidement. Puis Fleur et Luna s'éclipsèrent pour s'occuper des autres, tandis que Bill, aidé de Ron et Potter, commençait à débarrasser.

Drago, quant à lui, demeura assis sur sa chaise, une question le taraudant : que ferait-il maintenant ?

Au Manoir, il était évident qu'il devait fuir, mais maintenant que c'était fait, quelle serait la suite des événements ? La réponse ne tarda pas à venir.

Bill Weasley prit alors la parole en rejoignant la table, tandis que Potter et Ron échangeaient des chuchotements.

- Demain, nous vous exfiltrons d'ici pour vous emmener dans un endroit plus sûr.

- Où ça ? demanda son frère cadet, reprenant place sur sa chaise.

- Un endroit caché de tous.

- Où est-ce ? questionna Potter.

- Je ne peux rien vous dire, répondit Bill, jetant un regard furtif au blond.

Drago perçut la soudaine méfiance de Bill et fronça les sourcils. Puis il réalisa que s'il ne faisait rien, dès le lendemain, il se retrouverait entouré de personnes prêtes à lui demander des comptes. Et cette perspective lui était insupportable. L'Ordre… Non, il n'oserait jamais leur faire face.

- Ne t'inquiète pas, Weasley, tu peux leur dire, soupira-t-il avec sa nonchalance habituelle. Je ne compte pas vous suivre de toute façon.

- Malefoy, tu restes avec nous, dit Bill d'un ton autoritaire.

- Tu vas m'obliger ? demanda le blond, avec un haussement de sourcil provocateur.

- Non. Mais j'ai reçu des ordres.

- Des ordres de qui ? interrogea Harry, perplexe.

- Des ordres du gardien du secret. Pendant que vous travailliez dehors, et après le récit de Ron et Luna, j'ai envoyé un Patronus tout à l'heure pour les informer de la situation. On m'a immédiatement répondu que vous deviez tous vous retrouver là-bas.

- Je ne comprends pas…

- Faites-moi confiance, insista Bill. Je ne peux rien vous dire pour le moment. Mais faites-moi confiance, répéta-t-il en articulant chaque mot.

Les trois garçons échangèrent un regard. Puis Ron haussa les épaules, et Potter acquiesça.

- D'accord, souffla-t-il.

- Malefoy ? fit Bill en se tournant vers lui.

Le jeune homme prit un moment pour réfléchir, ancrant son regard dans celui de l'aîné des Weasley. Ce dernier avait l'air sincère et déterminé… il observa son pantalon, distinguant sa baguette rangée dans sa poche. Oui, s'il avait voulu le mettre hors d'état de nuire, il l'aurait déjà immobilisé.

- Ok, je vous suis, dit-il finalement. Mais s'il s'agit d'un traquenard, je livrerai votre endroit, ainsi que Potter, au Seigneur des Ténèbres. Compris ?

- Crois-moi, Malefoy, tu ne seras pas déçu du voyage, répondit Bill avec un sourire énigmatique.

Drago fronça légèrement les sourcils face à cette remarque plus qu'intrigante, mais il n'eut guère le temps de s'y attarder, car Fleur redescendait alors.

- Votre chambre est prête. J'ai ajouté deux matelas au sol, et vous avez la salle de bain juste à votre droite pour faire votre toilette.

- Merci Fleur, remercia le brun en se levant.

Il fut suivi par Ron qui remercia sa belle-sœur d'un baiser sur la joue. Malefoy n'eut d'autre choix que de les suivre, traînant les pieds à l'idée de devoir partager une chambre avec ses deux plus grands rivaux. Pourvu que le lendemain, ils atterrissent dans un lieu où chacun disposerait de son propre espace.

Ils montèrent les escaliers, le bois des marches grinçant sous leur poids, et Weasley, en tête, tourna à gauche pour longer le couloir, se dirigeant vers une porte qui se trouvait sur le mur de gauche. Le rouquin l'ouvrit, et les trois jeunes hommes se retrouvèrent dans une petite pièce exiguë. Drago fut surpris que de telles chambres puissent exister ; elle était aussi grande que sa douche au Manoir.

« Ridicule », pensa-t-il en grimaçant.

- Pas assez luxueux pour Monseigneur la Fouine ? s'esclaffa Ron avec moquerie.

Ce dernier et son meilleur ami pénétrèrent dans la pièce, commençant à se défaire de leurs affaires. Drago choisit alors de se diriger vers la salle de bain qui se trouvait juste à côté et s'enferma à l'intérieur.

- Ron, entendit-il. Vas-y mollo ! Sans lui, on ne s'en serait pas sorti, murmura Potter.

- Je ne comprends toujours pas pourquoi il a fait ça, répondit Weasley en chuchotant.

Mais les murs étaient aussi épais que du papier, et même si les deux anciens Gryffondors parlaient en voix basse, Drago pouvait tout entendre.

- Il a fait ça pour… elle.

Un silence s'ensuivit, puis le jeune Weasley reprit :

- Je n'ai jamais réalisé qu'il l'avait aimée à ce point…

- Moi non plus. Mais je viens de le comprendre ce soir.

Puis il distingua les deux garçons se déplacer dans la chambre, et Drago, adossé au lavabo, actionna le jet d'eau, se laissant aller à son chagrin.

Elle lui manquait. Elle lui manquait terriblement.

0o0

Drago n'avait pas fermé l'œil de la nuit. Privé de sa potion de sommeil sans rêve, il n'avait pu sombrer dans le sommeil sans l'angoisse de la voir se noyer au fond d'un lac.

Couché sur l'un des deux matelas posés sur le sol, il contemplait le soleil se lever à l'extérieur, ses rayons illuminant la chambre et le parquet vieilli.

Il se retourna alors, cherchant à éviter d'être ébloui, et croisa le regard émeraude de Harry Potter, installé sur le second matelas, les yeux grands ouverts. Drago remarqua alors les cernes qui marquaient son visage et comprit, pour la première fois, qu'il avait un point commun avec le brun : la peur de la voir apparaître dans la nuit, tel un ange descendu de son paradis.

Ils s'observèrent un moment, connaissant parfaitement les raisons de l'inquiétude de l'autre. Toutefois, un ronflement sonore les fit sursauter, et Drago laissa échapper un soupir d'agacement.

- Putain, je vais l'écorcher vif s'il continue à ronfler comme ça, murmura Drago.

Au lieu de se fâcher, Potter sourit discrètement. Drago décida alors qu'il était temps de se préparer et repoussa la couverture qui l'avait inlassablement gratté toute la nuit.

Alors qu'il se redressait, vêtu d'un simple caleçon, il sentit les yeux de Potter posés sur son dos. Ce dernier était strié de cicatrices, vestiges du sort de Sectumsempra qu'il lui avait lancé un an plus tôt.

Le blond enfila rapidement sa chemise, puis son pantalon, tandis que Weasley émettant un autre ronflement, aurait pu réveiller un mort.

Une fois habillé, Drago attrapa ses chaussures et ouvrit la porte, la refermant avec un éclat bruyant. Il sourit en entendant les jurons de Ron à travers la porte, puis descendit les escaliers pour rejoindre le salon où une délicieuse odeur de pain grillé flottait dans l'air.

Quand il entra dans la pièce, il constata que Granger semblait de nouveau rétablie, assise à la table, échangeant des propos animés avec Fleur et Luna.

Les trois jeunes femmes se retournèrent vers lui alors qu'il prenait place sur une chaise.

- Bonjour Drago, salua Luna.

- Bonjour, murmura le Serpentard.

- Veux-tu du café, Drago ? demanda Fleur en se levant. Ou bien du chocolat ?

Il observa Fleur, la femme de Bill, dont le ventre arrondi lui inspira un instant de remords.

- Euh… non, rien. Merci. Je vais prendre simplement une tartine et du jus de citrouille, dit-il, s'emparant de la carafe au centre de la table.

Granger porta son bol à ses lèvres, cachant son visage derrière. Puis soudain, elle fit sursauter Luna et Drago en le reposant abruptement sur la table.

- Je dois te le dire avant qu'on ne parte, sinon, cela va me ronger, et je ne pourrais pas le supporter, déclara-t-elle.

Le Serpentard et la Serdaigle échangèrent un regard, puis elle leva les yeux vers le blond.

- Merci… Drago. Merci.

Ses prunelles chocolat exprimaient la gratitude qu'elle ressentait à son égard en ce moment. Le jeune homme préféra ne pas répliquer quoi que ce soit qui risquerait de la couper. Il hocha simplement la tête, retournant à sa tartine.

Plus tard, Potter et Weasley descendirent dans un bruit assourdissant. Ils furent très vite rejoints par Gripsec et Ollivander, accompagnés de Bill.

Drago, peu habitué au tumulte d'un tel petit déjeuner, laissa son oreille traîner, tentant d'intercepter des bribes de la conversation. Weasley, Granger et Lovegood conversaient ensemble, tandis qu'Harry débattait avec Bill et Ollivander. Gripsec et lui demeuraient silencieux.

- Bill, puis-je te demander une chose ?

- Oui.

- Comment… vont-ils tous ?

- Ils vont bien, Harry. Ils vont bien. J'ai reçu des nouvelles ce matin, et ils sont en sécurité chez Tante Muriel depuis hier soir. Une que ce soit les vacances. Car si Ginny avait été à Poudlard, ils auraient pu l'emmener avant que nous ayons le temps d'intervenir.

- Pourquoi quitter le Terrier ? Ce n'est pas assez sûr, là-bas ?

- Maintenant que les Mangemorts savent que Ron est avec toi, ils risquent de s'en prendre à la famille… Non, ne t'excuse pas, ajouta Bill en voyant l'expression de Potter. Depuis des mois, Papa disait que ce n'était plus qu'une question de temps. Nous sommes la famille de traîtres à leur sang la plus nombreuse qui existe.

Bill s'essuya la bouche et se leva.

- D'ailleurs, je vais devoir vous laisser pour accompagner Luna, Gripsec et M. Ollivander.

- Non, l'interrompit Harry.

Bill parut surpris. Potter ajouta :

- J'ai besoin que Gripsec et Ollivander restent avec nous, tous les deux. Je dois leur parler. C'est important.

Son ton était plus exigeant qu'il ne l'avait jamais été. Le silence s'installa dans la pièce.

- Puis-je me permettre de te demander pourquoi ?

- Je ne te dirai rien. Tout comme tu nous as demandé de te faire confiance hier soir, je te demande d'avoir confiance en moi.

Son regard déterminé ne laissait aucun doute sur le fait que Bill plierait.

- Bien, soupira le briseur de maléfices. Comme tu le souhaites.

Le déjeuner se termina alors, et chacun rassembla le peu d'affaires dont il disposait, c'est-à-dire le simple sac en perles que Granger manipula avec un soin minutieux, ce qui parut étrange à Drago. Ils sortirent ensuite sur la plage, suivant Bill qui tenait M. Ollivander sous un bras. Ils marchèrent plusieurs mètres, se dirigeant vers une dune de sable où ils pourraient sortir du champ de force et transplaner.

Lorsque les quatre hommes atteignirent le petit monticule, ils s'installèrent en cercle rapproché, Drago se trouvant entre Potter et Granger, et unirent leurs mains.

- Vous êtes prêts ? demanda Bill.

Ils hochèrent la tête, et Drago sentit Granger lui serrer la main, tandis que Potter broyait l'autre. Ensemble, ils transplanèrent à nouveau, le néant les happant pour les mener vers un nouvel endroit.

0o0

Lorsque l'atterrissage eut lieu, Drago fut d'abord convaincu que le transplanage avait échoué, se rendant compte qu'ils se trouvaient sur une plage similaire à celle qu'ils venaient de quitter. Cependant, les falaises qui les surplombaient et les vagues plus puissantes, se brisant contre les rochers environnants, lui indiquèrent qu'ils avaient bel et bien quitté la Chaumière aux Coquillages.

Bill, toujours avec Ollivander, lâcha la main de Gripsec et fendit le groupe en deux pour se diriger vers un rocher fendu. Suivant son mouvement, ils remarquèrent des marches escarpées et glissantes qui menaient au sommet de la falaise, où le vent soufflait avec une force décuplée.

Il leva la tête et aperçut les pierres d'un château semblant être une ruine, dominant la pointe de la côte.

Ils mirent presque un quart d'heure à gravir les marches, prenant soin d'éviter de glisser, et le manque de force de M. Ollivander était un véritable handicap pour le groupe.

Quand ils arrivèrent enfin au sommet, Bill s'arrêta un instant, fouillant dans la poche de son pantalon. Il en tira un morceau de papier qu'il tendit à Drago.

Surpris, ce dernier hésita un instant, mais Bill lui fit un hochement de tête affirmatif, et Drago se saisit du parchemin.

- Lis-le à voix haute, puis brûle-le, ordonna Bill.

Drago déplia le parchemin et découvrit une écriture fine et précieuse. Fronçant les sourcils, une impression de déjà-vu le frappa, et il lut à voix haute :

« Ici, vous demeurez à Dunnotar Castle. »

Granger hoqueta, et Drago releva la tête. Le château, qui n'était qu'une ruine quelques instants auparavant, apparaissait désormais imposant et majestueux.

Les murailles culminaient si haut qu'elles pouvaient rivaliser avec Poudlard, bien que dépourvues de multiples tourelles. Hormis les remparts entourant la forteresse, il était évident qu'elle avait été construite dans une architecture géométrique plutôt intrigante. La structure était donc de forme octogonale.

De sa baguette, Drago brûla le parchemin dont les cendres dansèrent dans l'air avant de se poser sur l'herbe fraîche à ses pieds.

Le groupe s'avança vers l'entrée, où une barrière en pierre grise se leva pour les accueillir. À droite et à gauche, contrastant avec le style médiéval du château, d'immenses fenêtres laissaient entrer de lumineux rayons de lumière dans des pièces richement décorées. Jamais de sa vie Drago n'avait vu une si belle décoration, du moins de ce qu'il pouvait apercevoir de l'extérieur.

Ils passèrent la barrière puis traversèrent une petite cour pavée, et enfin, pénétrèrent dans un immense hall d'entrée qui ressemblait davantage à un couloir qu'à un véritable vestibule, lui rappelant immédiatement Higclere Castle. C'était pratiquement la même pièce, bien qu'il n'y ait pas cette tour centrale ; le mobilier et les tapis étaient quasi identiques.

Le souvenir d'Higclere lui étreignit le cœur, et il préféra se concentrer sur un autre aspect de son inspection. Il distingua quelques bribes de conversation provenant d'une porte entrebâillée, où plusieurs personnes semblaient circuler.

Ils s'approchèrent de la porte et se figèrent lorsqu'il reconnut une voix familière.

- Tu crois que c'est dangereux ?

Daphné.

- Bien évidemment que ça l'est, rétorqua Blaise.

Ils s'approchèrent encore.

- De toute façon, nous ne pouvons pas entrer dans le Manoir comme ça, ajouta Théo.

Bill ouvrit la porte, et ils pénétrèrent dans une pièce emplie de membres de l'Ordre. Drago repéra immédiatement ses amis qui se levèrent à leur entrée, tout comme les autres sorciers présents. Le jeune homme ne savait où donner de la tête. Il reconnut Arthur et Molly Weasley, Lupin, Nymphadora Tonks, qui avait un ventre aussi rond qu'un bibendum, les Beaumonts, ainsi que les Feldmann. Son regard atterrit alors au bout de la table, et il cessa tout bonnement de respirer.

Ce n'était pas le visage rassurant de Gabriel Kowalski qui l'observait, mais celui de la jeune femme rousse se tenant à ses côtés.

Le silence tomba sur la pièce, tous les regards se tournant vers Potter et lui.

Dorea Artwood se tenait là, devant eux. Vivante. En bien meilleure santé qu'elle ne l'avait jamais été.

Elle avait repris du poids… Sa silhouette, à la fois élancée, fine et plantureuse, était mise en valeur par une robe qui épousait délicatement ses formes. Son visage avait retrouvé ses lignes d'antan, des joues légèrement rebondies qu'il avait toujours adorées. Ses prunelles brillaient d'un éclat renouvelé, tout comme ses longs cheveux, soigneusement coiffés.

Pourtant, Drago avait du mal à croire ses yeux.

Il l'avait vue, son corps sans vie, étendu dans un cercueil de verre. Comment était-ce possible ?

Potter, qui se tenait à ses côtés, fut le premier à réagir et courut presque se jeter dans les bras de sa sœur, qui s'approchait lentement d'eux.

- Tu es vivante… tu es vivante…

Il répétait ces mots comme une litanie, cherchant à se convaincre que tout cela était bien réel.

Drago se demanda s'il s'était endormi dans la chambre de la Chaumière aux Coquillages, et si son esprit l'avait maintenant rattrapé pour le tourmenter un peu plus.

Il vit Potter fondre en larmes, tout comme Granger qui renifla rapidement deux ou trois fois.

Puis Potter s'écarta, lançant un regard perplexe dans sa direction. Dorea avança alors, mesurant ses pas.

Drago ne pouvait pas y croire. C'était impossible, n'est-ce pas ? Tout bonnement impossible.

Une fragrance vanillée vint jusqu'à lui. C'était comme si tout cela était réel…

Était-ce vraiment réel ? Était-elle véritablement là, devant lui ?

- Salut, souffla la jeune femme, se trouvant désormais à quelques centimètres de lui.

Il pouvait sentir la chaleur de son corps, et un frisson parcourut son échine. Il pouvait même deviner le rythme de son cœur.

Enfin, reprenant ses esprits, il se jeta sur elle aussi brusquement que Potter l'avait fait auparavant. Il la serra si fort qu'il chercha à toucher chaque parcelle de son corps, assurant ainsi qu'elle était là, contre lui, vivante.

Il lutta pour ne pas pleurer, et elle devait certainement percevoir son émotion, puisqu'elle se détacha de lui avec une douceur infinie.

Ils s'observèrent un instant. L'un haletant, elle souriante, belle et lumineuse…

Drago s'approcha alors d'elle, oubliant qu'il n'était pas seul dans la pièce, et plaqua sa bouche contre la sienne, l'embrassant avec cette passion qui les caractérisait si bien. Enroulant sa langue autour de la sienne, il sentit ses petites mains entourer sa nuque, tandis qu'il enroulait un bras autour de sa taille, saisissant l'arrière de son crâne, agrippant ses cheveux avec une force qui frôlait la possessivité. S'il avait voulu la briser, il aurait pu, tant il la serrait contre lui. Pourtant, cela ne semblait pas lui déplaire, au contraire, elle se rapprocha encore plus, approfondissant le baiser.

Les murmures autour d'eux se dissipèrent, laissant place au doux son de leurs respirations entremêlées. Dans ce monde où tout semblait vaciller autour d'eux, il n'y avait plus qu'eux deux, unis dans une étreinte qui transcendait la douleur des événements précédents.