Hello !
Ironie de l'histoire, je suis retombée sur un document intitulé "Winter fest" dans mon ordi, et que j'avais commencé pour le WF de 2022. Je n'étais jamais allée au bout et j'avais même oublié son existence, mais là, en retombant dessus, pouf l'inspiration m'est venue, et je l'ai terminé (comme quoi tout peut arriver).
Dans mon souvenir, les règles étaient d'insérer deux phrases issues de roman, au début et à la fin de l'OS, et que ça se déroule globalement en hiver. Donc bon, me voilà deux ans après, avec un respect plus relatif des règles, mais j'aime bien ce petit texte, donc j'ai eu envie de le publier.
Quelques petites infos préliminaires :
- Narcissa et Antonin sont en 5ème année. Lucius est en 7ème année. Andromeda en 6ème année.
- Le chapitre contient une scène de violence : je ne mets pas de TW pour ne pas spoiler, mais si vous savez que vous avez une sensibilité particulière à certains thèmes, faites attention j'imagine.
- J'ai écrit les dernières pages d'une traite, en écoutant en boucle Lullaby de The Cure, d'où le titre un peu hors sujet de l'OS.
Sur ce, je souhaite une bonne lecture à ceux qui passeraient encore par là !
Le problème, c'est que les humains ont un don pour désirer ce qui leur fait le plus de mal.
Elle ne se souvient même pas du nom de l'elfe de maison qui a soufflé cette prédication maudite, lorsqu'elle était enfant. Mère l'a foudroyé d'un sort sous ses yeux ébahis, et plus jamais son nom n'a été prononcé. Le précédent sévice devait être cruel, pour amener la créature à une telle phrase, et la réalité autour d'elle s'amenuise à mesure qu'elle replonge dans ses pensées.
- Andromeda?
Il y a un moment de flottement, une suspension, comme chaque fois que Lucius Malfoy lui adresse la parole. Elle se soustrait aux affres du passé avec lenteur, tandis qu'il la regarde de haut, lui debout et elle assise, et une vague d'hostilité la prend à la gorge, pour ne plus la lâcher.
- Ta sœur t'attend.
Il désigne l'entrée de la bibliothèque du menton, et elle aperçoit effectivement une silhouette longue et hautaine, se distinguant de la file d'attente avec une calme assurance. Le chambranle de la haute porte d'entrée a été décoré de guirlandes mêlant rouge, vert, or, et bronze. Les bougies qui les éclairent réverbèrent doucement leurs lueurs colorées sur le visage des élèves, et à cette vue le cœur d'Andromeda se serre un peu plus.
Il n'y a rien de pire à ses yeux que ces moments, où Malfoy ou n'importe quel autre servile abruti vient la tirer de sa cachette pour la placer de nouveau dans l'orbite de ses sœurs. Elle pourrait s'étouffer de la frustration qui vient alors nouer sa gorge et son estomac, et la vision du visage de Malfoy lui donne la nausée.
- Je travaille.
- Elle veut te voir.
- Et moi, je veux travailler.
Le regard de Malfoy se fait polaire, et elle sent son agacement refluer, au profit de la crainte qui la saisit toujours à l'annonce d'un rapport de force.
- Narcissa t'attend. Dépêche-toi.
Elle laisse échapper un sifflement entre ses dents, avant de se lever avec brusquerie.
Ils ont gagné une bataille, se promet-elle, mais pas la guerre. Et peu importe que le nombre de victoire à leur effectif soit incalculable, elle finira bien par prendre sa revanche.
[…]
- Qu'est-ce que tu fais?
Antonin Dolohov se dresse devant elle, une flamme narquoise dans ses yeux noirs, et de nouveau elle ressent l'étau du piège qui se referme.
- Rien.
- Menteuse. Montre ce que tu as dans la main?
Elle a pourtant choisi le stade parce qu'il était supposé être vide, à cette heure, mais c'est visiblement sans compter les magouilles incessantes qui ont lieu à l'ombre de ses gradins et banderoles.
- Mêle-toi de ce qui te regarde, Dolohov.
Fort peu impressionné par le ton de son aînée, le garçon s'approche d'un pas, et fait mine de humer l'air.
- Ça sent la cigarette. La cigarette moldue, si je ne m'abuse.
Elle se fige, et son regard se fait profondément las.
- Je ne dis rien … A une condition.
Son regard se fait suggestif, et Andromeda se surprend à peser le pour et le contre.
Ce serait perdre une bataille, songe-t-elle.
Alors, elle tire son mégot de son dos, et l'écrase méticuleusement sur l'uniforme de Dolohov.
[…]
Narcissa est debout derrière elle, et brosse lentement son épaisse chevelure brune. Lorsque la brosse se coince dans les nœuds, elle défait patiemment l'amas de mèches emmêlées, du bout des doigts, et Andromeda ferme les yeux.
- Les pointes sont un peu sèches.
- Ton masque n'est pas si efficace, alors.
- Je vois bien que la boîte ne diminue pas.
Elle hausse les épaules, et Narcissa n'insiste pas, mais au nœud suivant, ses gestes se font moins délicats. De longs serpents noirs tombent au sol, silencieux et ondulants, et Andromeda clôt ses paupières de nouveau. Avec le temps, la déception de Narcissa se fait de moins en moins dolore, et elle savoure le son de la pluie contre les vitraux sans penser davantage.
- Que penses-tu de Lucius Malefoy?
Dans son dos, Narcissa s'est raidie, et le trajet de la brosse s'est stoppé.
- N'étais-tu pas amoureuse de ce crétin de Travers? poursuit-elle.
- Bien sûr que non, chuchote Narcissa, mortifiée.
- Bien sûr que si. Bella était venue t'en parler ici-même, non?
Elle blesse l'ego d'enfant de sa cadette, joue sur les émotions que Narcissa tente d'annihiler, au profit de sa froide stature de femme. Elle ressemble de moins en moins à une poupée, de plus en plus à une princesse, mais Andromeda ne la laissera pas glisser dans le camp adverse sans avoir tenté de la retenir.
- Un petit brun trapu, c'est tout l'inverse de Malefoy. N'es-tu pas déçue de ce choix? Tu peux me le dire à moi, je ne le répèterai pas.
Narcissa pose la brosse sur la coiffeuse, et le miroir renvoie son regard glacé. Elle regarde Andromeda comme si elle la voyait pour la première fois, vipère cruelle et avide, et le cœur de son aînée se serre.
- Ne joue pas à ça avec moi, Andromeda. Tu ne le ferais pas à Bellatrix.
Et elle fait volte-face, ses petits talons marquant chacun de ses pas sur le sol glacé des dortoirs.
Elle n'a pas tort. Andromeda a toujours trouvé fourbes ceux qui s'attaquaient à plus faible qu'eux, mais Bellatrix est encore un trop gros morceau.
[…]
Le professeur MacGonagall passe entre les rangs, son visage d'oiseau de proie guettant les éventuels tricheurs. Andromeda l'observe du coin de l'œil, et devant elle, Travers fait de même. L'épais sapin installé au fond de la salle clignote doucement, et le feu qui ronfle dans l'âtre instaure une douce ambiance que leur examen ne suffit pas à troubler.
Andromeda apprécie les cours de Métamorphose, parce qu'ils sont communs aux Poufsouffles, et qu'elle les trouve d'ordinaire plutôt amusants. L'une d'elle est venue affublée d'un chapeau rouge floqué d'un pompon blanc: Ellina Flint a ricané sans vergogne, mais Andromeda a vu les mines dégoûtées des autres. Il doit s'agir d'un artefact moldu, et elle a presque envie de se l'enfoncer sur le crâne.
Citez les cinq sorts permettant la modification des rapports de poids des objets, et décrivez leurs effets en quelques phrases.
Elle n'a pas révisé, et les mots voguent dans sa tête sans se fixer. Aucune idée de formule ne lui vient, et elle contemple la salle, studieuse et concentrée, sans parvenir à s'imprégner de son sérieux. Elle a déjà eu un T le mois passé; mais la curiosité d'échouer l'a emportée sur la crainte des conséquences. Elle voit presque le visage de son père, congestionné de rage contenue, et elle frissonne sur sa chaise.
Devant, Travers s'est mis à écrire, et le petit bonnet rouge a relevé la tête à son tour. Andromeda esquisse un sourire, repousse définitivement son parchemin, et calant sa tête sur ses bras croisés, elle ferme les yeux.
[…]
«Tu deviens mauvaise, Andromeda», a glissé la tante Walburga en passant une main faussement affectueuse dans les lourds cheveux bruns de sa nièce.
Il y avait un silence dans le petit salon, et la phrase a résonné entre les corps faussement alanguis, faisant ricaner les tableaux et siffler les elfes de maison. C'était Noël l'an passé, et la sentence tourne toujours dans la tête d'Andromeda, inlassablement. Jour après jour, à chaque nouvelle tentative de s'éloigner de la sphère familiale, elle se sent blesser ses proches comme si elle enfonçait un coutelas dans leur chair, et la phrase de Walburga lui revient, douce et vénéneuse.
- Passe-moi une taffe.
Elle n'ouvre pas les yeux, mais la cigarette se glisse entre ses lèvres, tandis que la main de Dolohov effleure ses cheveux. Son odeur se fond à celle du tabac, et elle sent le poids de son regard sur elle.
- T'es jolie, Andromeda.
Elle n'ouvre toujours pas les yeux, et la fumée passe doucement entre ses lèvres pour se perdre dans l'air.
- Ce sera Black, pour toi.
Le silence s'épaissit, et la cigarette est reprise, avec moins de douceur. Elle s'autorise un regard, entre ses cils, et regarde son camarade se rhabiller.
- Tu es vraiment prétentieuse.
- D'accord, répond-elle, et l'indifférence est si bien simulée que Dolohov la reçoit comme un soufflet.
Il prend le temps de s'habiller, et en nouant sa cravate, jette avec hargne:
- Je me suis fait ta copine, Flint. Tu le savais?
Elle entrouvre de nouveau un œil, et laisse filtrer un regard qu'elle espère ironique.
- Bien sûr. Les informations circulent vite, à Poudlard.
[…]
Elle ne regrette pas la maison Serpentard.
Le serpent est le plus noble des emblèmes, le plus intelligent, le plus vif, le plus charismatique. Elle a toujours su qu'elle s'y rendrait, et elle ne le regrette absolument pas.
Mais parfois, en regardant les Gryffondors chahuter dans la Grande Salle, les Poufsouffles se serrer en un groupe solidaire à l'approche d'un examen, et les Serdaigles évoluer avec leur tranquille indifférence dans les rayonnages de la Bibliothèque, elle se demande ce qu'elle apporte à cette école.
Elle s'ennuie à mourir dans ses cours, et personne n'est là pour la distraire, l'amuser. Il y a quelque chose de si profondément frustrant dans cette interminable scolarité, rythmée par les retours dans la prison familiale, qu'elle envisage parfois de fuir dans cette forêt dense et interdite qui lui tend les bras.
[…]
Elle s'est figée face aux arbres, prête à passer à l'acte.
La lisière semble la narguer, la charmant de ses dangers, et un silence est tombé sur le parc. La bruine tombe sans bruit sur sa cape, et le vent lui-même a consenti à se taire face à son dilemme.
La mousse sur le sol, partiellement recouverte de feuilles mortes et humides lui paraît accueillante, chaleureuse. Les arbres nus qui tendent leurs branches acérées vers le ciel oscillent avec affabilité, et les corbeaux sifflent des trilles de bon augure. C'est du moins ce qu'il lui semble, et elle avance d'un pas, fascinée.
- Tu ne devrais pas faire ça.
La magie est rompue; ses dents se serrent, et elle se retourne avec raideur.
- Qui es-tu? aboie-t-elle, agacée.
C'est un Poufsouffle de septième année, qui l'observe avec curiosité. Elle le déteste instantanément.
- Tu ne devrais pas entrer dans la forêt, répète-t-il. Il y a des monstres, dedans.
Il y a des monstres dehors aussi, et pourtant personne ne lui interdit de se rendre en cours.
- Tu devrais te mêler de ce qui te regarde.
Elle a hésité à insulter son sang, mais rien n'y fait, elle n'y parvient pas. Si Bellatrix était là, elle reprendrait ses leçons, et elle pouffe presque à cette idée.
- Je suis préfet. Ça me regarde.
- Où est ton badge?
Il sourit, et elle voit à son regard qu'elle lui plaît. Une nouvelle vague d'agacement la prend, et elle fait volte-face vers le château, s'éloignant à pas rapides.
De tous ces abrutis, ce sont définitivement les garçons qui causeront sa perte.
[…]
Dolohov l'observe durant le dîner, et elle lui répond par de courts regards agacés. Il est ridicule, convaincu de l'avoir dominée parce qu'elle a consenti à s'offrir sa compagnie durant quelques instants. Narcissa hausse les sourcils, Lucius fronce les siens, mais qu'importe: ce soir, elle se sent légère, forte de l'attention déçue de Dolohov. Elle se raccroche aux bribes de cette assurance artificielle pour ne pas penser à Noël. Elle repousse de toutes ses forces la pensée de Druella et Cygnus attablés dans le salon, la vision de Bella oscillant dans le rocking-chair dos au feu, et le regard déférent mais glacé des elfes de maison.
- Tout va bien, Andromeda?
La voix irritée de Lucius la tire de sa lutte avec elle-même, et elle se sentirait presque reconnaissante de croiser son regard gris et dur. A côté de lui, Narcissa fuit étrangement tout contact avec son aînée, s'appliquant à découper méticuleusement son poisson en carrés de proportions égales. Absorbée par l'observation de ces gestes précis et mécaniques, Andromeda en oublierait presque de répondre à Lucius, et un claquement de langue agacé de ce dernier la rappelle à l'ordre.
- Bien sûr que ça va, Lucius, et toi?
Il ne prend pas la peine de répondre, et elle reprend son observation de l'assiette de Narcissa. Lorsque chaque morceau de poisson a été réduit à l'état d'atomes, elle réitère sa tâche sur les haricots verts, découpés avec la même précision. Puis, d'un geste lent, elle pique sur sa fourchette un morceau de poisson couplé à un quart d'haricot. Elle amène la fourchette à sa bouche, et l'action biologique consistant à se nourrir semble soudain si vulgaire, au regard de l'attitude de sa sœur, qu'Andromeda se retient de ricaner.
C'est leur mère qui lui a fourré ses idioties de régime en tête, constate-t-elle intérieurement, et elle cherche aussitôt un nouveau pied de nez à la bêtise de cette injonction.
- Lucius, donne-moi le poulet je te prie.
Face à tant de politesse, Narcissa consent à relever la tête de son assiette. Tant mieux, songe férocement Andromeda. Qu'elle observe.
Avec délicatesse, le petit doigt levé, elle croque directement dans la cuisse de poulet qu'elle a saisi avec ses mains, désormais tâchées de gras. Une goutte d'huile glisse le long de son poignet pour venir s'écraser sur sa robe; les regards de Lucius et Narcissa ne peuvent plus s'en détacher.
Après manger, Narcissa la poursuit dans son dortoir, colle sa démarche contrariée dans les pas de sa sœur jusqu'à la salle de bain.
- Tu es dégoûtante.
Ellina Flint croise le regard figé d'Andromeda dans le miroir, et ce dernier la dissuade de rester plus longtemps dans la salle de bain immaculée de leur dortoir.
- Ce n'est qu'une tâche, Narcissa.
- Tu sais très bien de quoi je parle.
D'un geste, Narcissa a fermé la porte et insonorisé la salle de bain. Personne ne se plaindra de l'obstruction de la pièce : elles sont des Black, et les cadettes de Bellatrix.
- Non, pas vraiment. Eclaire-moi.
D'un geste, Andromeda dénoue son chignon et observe ses cheveux se dérouler lentement sur ses épaules. Elle se fait la réflexion qu'ils sont effectivement secs, et s'empare des soins offerts par Narcissa pour son anniversaire. La boite est à peine entamée, et elle saisit une lotion au hasard.
- Je parle de ce que tu as fait avec Dolohov.
Andromeda ne daigne même pas relever la tête, et dévisse le tube avec précaution, avant de l'amener à son nez. Les effluves sucrés lui font clore les yeux un bref instant, et elle dépose une noisette de crème sur ses doigts.
- Il s'applique sur cheveux mouillés. Et cesse de m'ignorer.
- Qu'est-ce que tu veux que je te réponde, Cissa? Dolohov est un imbécile, mais il m'oubliera bien assez tôt.
- Tu ne vois pas qu'il pourrait demander une alliance?
- Son sang n'est pas pur.
Narcissa ne répond pas, mais lui arrache le masque des mains. Elle en applique à son tour une dose sur sa main, et, se repositionnant derrière sa sœur, fait glisser ses doigts crémeux dans ses cheveux. Un silence tendu s'instaure, mais dans le miroir, Andromeda peut voir les lèvres serrées de sa petite sœur, et la ride contrariée entre ses sourcils.
- Arrête un peu de t'inquiéter, Cissy, murmure-t-elle doucement.
[…]
- Joyeux Mardi Gras! s'exclame un bruyant énergumène tout de bleu vêtu, au visage étrangement figé.
Andromeda, qui n'a jamais compris l'intérêt de cette fête qui vient troubler la quiétude du mois de février, se contente de hausser un sourcil.
- Je ne comprends pas en quoi tu es déguisé.
- Spock, répond l'inconnu.
- Spock, répète-t-elle, sceptique.
- C'est Moldu, répond Spock en ôtant son masque, et le visage du préfet de Poufsouffle apparaît, ébouriffé et visiblement très satisfait de lui-même.
- Très intéressant, répond-elle sèchement.
- Par contre, je ne reconnais pas ton déguisement.
- Je ne suis pas déguisée.
- Rabat-joie, lui répond-il gentiment, et il attache de nouveau son masque.
Elle le regarde distraitement s'éloigner, laissant son regard à s'attarder sur les larges épaules qui tendent la ridicule combinaison bleue.
Dans la Grande Salle, la plupart des élèves sont déguisés, à l'exception des Serpentards qui toisent avec mépris les trolls, centaures, ou autres mages qui traversent joyeusement la pièce. Andromeda ne regrette pas d'être restée en uniforme: elle n'aime pas être remarquée, et elle n'est pas familière des amusements de ce genre. Mais en entendant, malgré elle, les éclats de rire qui éclosent dans la Grande Salle au rythme des entrées de groupes costumés, elle ressent un pincement au cœur. Son regard s'attarde sur un groupe de deuxième année, le joyeux quatuor de Gryffondor dont Sirius fait partie, et qui se sont déguisés respectivement en Dumbledore, MacGonagall, Slughorn, et Rusard.
La Grande Salle rugit de rire, et un éclat amusé échappe aux lèvres d'Andromeda, qui se joint aux applaudissements qui s'élèvent.
En face, Lucius lui jette un regard d'avertissement.
[…]
- Encore toi, constate sèchement Andromeda en regardant le Poufsouffle s'assoir à côté d'elle, et commencer à manipuler son arbuste sans égard pour les mottes de terre que le petit être lui jette dessus.
- Encore moi, répond-il avec un clin d'œil.
Son sourire creuse des ridules autour de ses yeux, et Andromeda détourne le regard pour le poser sur Chourave, qui décrit les manipulations du cours.
- Tu t'appelles Andromeda, c'est ça?
- Black, répond-elle automatiquement.
- Oui, ça je sais. Mais tu es bien Andromeda?
Elle lui jette un regard courroucé. Qui pourrait-elle être d'autre? Il lui semble pourtant que ses sœurs et elle se distinguent suffisamment par leur caractère et leur réputation.
- Oui.
- Andromeda, veux-tu m'accompagner à Pré-au-Lard la semaine prochaine?
Elle laisse échapper un rire surpris, prise de court.
- Je ne connais même pas ton prénom.
- Théodore Tonks. Tout le monde m'appelle Ted.
Elle lui adresse un regard en coin, le jauge ouvertement.
Pas très grand, mais une silhouette carrée, athlétique. D'épais cheveux bruns en bataille, des yeux bruns aussi, et un sourire sincère.
A l'autre bout de la pièce, le regard insidieux d'Ellina. Et celui, étrangement fixe, de Travers.
- D'accord, Théodore, répond-elle avec hauteur. Mais c'est moi qui choisis où on va, et je te le dis tout de suite, tu peux oublier le salon de thé.
Il hoche la tête, amusé. Il se balance légèrement sur sa chaise, visiblement décontracté, et n'évite pas cette fois un petit monticule de terre de l'arbuste, qui se loge dans ses boucles brunes.
D'une main légère, après s'être assurée que ses camarades ne manquent rien du geste, Andromeda le retire de ses cheveux.
[…]
- Je te raccompagne à ton dortoir.
- Ce n'est pas nécessaire.
- Ce n'est pas une question. Je te laisserai deux couloirs avant, ne t'en fais pas.
Elle ressent une légère appréhension, un pincement à l'estomac, sans savoir si elle doit l'attribuer au fait que sa retenue pour être sortie à Pré-au-Lard sera reportée à ses parents; à la crainte de croiser un de ses camarades de Serpentard; ou au bras de Ted, qui frôle le sien par intermittence.
Ils traversent les escaliers mouvants, dénués de rampe, et elle s'accroche instinctivement au bras du garçon, comme elle le fait habituellement avec Narcissa. Il coule sur elle un regard étrange, mais ne dit rien. En arrivant à l'angle des deux couloirs qui les séparent des dortoirs des Serpentards, il y a un léger flottement, et en surprenant le regard intense du préfet, Andromeda se félicite de s'être parfumée avant d'aller en retenue.
- C'était ta dernière retenue, constate Ted.
- Oui.
- Il me faudra un autre prétexte pour te voir.
- A toi d'être créatif, répond-elle avec un demi-sourire.
Il la regarde intensément, et ne répond pas tout de suite.
- Tu es vraiment belle, constate-t-il, et cette fois, c'est elle qui ne répond pas.
Elle le laisse s'approcher, hésitant encore un instant sur la conduite à suivre. Mais sa main se pose sur sa nuque, caresse son cou, et dans un frisson, elle se surprend à aimer ça. Alors, elle ferme à demi les yeux, et le laisse cueillir ses lèvres.
[…]
Elle se doutait qu'elle ne pourrait pas être discrète longtemps. Le château a des yeux et des oreilles, et elle savait que sa provocation ne resterait pas impunie.
Mais en voyant Dolohov, Travers et Malfoy entrer ensemble dans la Volière alors qu'elle s'y tient seule, elle sent une crainte primaire s'emparer d'elle.
Travers s'est déjà placé devant la sortie, baguette clairement visible dans sa main droite, et Malfoy et Dolohov s'approchent calmement d'elle. Piégée dans le triangle qu'ils forment, Andromeda sent son ventre se tordre d'appréhension. Dolohov le sent, et ricane sans joie.
- T'as peur, Andro?
Il s'approche d'elle, et elle ne sait pas si elle doit s'inquiéter de ne pas voir sa baguette aussi apparente que celle de Travers.
- T'as bien raison. Tu pensais quand même pas pouvoir faire la salope aux yeux de tous et qu'on te laisse tranquille?
Lucius ne reprend pas l'insulte, et Andromeda cille.
- Un Sang-de-Bourbe. Tu l'as choisi pour ça, pas vrai? Ça t'a fait jouir, de nous humilier comme ça?
Elle ne répond pas, lève le menton. D'un pas, Dolohov franchit la distance qui les sépare, la gifle, la saisit par les cheveux.
- On va être clair avec toi. Comporte-toi correctement, ou ta vie deviendra un enfer. C'est compris?
Elle ne desserre pas les lèvres, et il la gifle une nouvelle fois, avant de l'attraper soudainement, et de la plaquer contre le mur, dos à lui. Elle suffoque en le sentant se presser contre elle, sa main tirant toujours violemment ses cheveux. Les deux autres ne marquent pas la moindre réaction, et elle n'ose pas se débattre, inquiète de subir un sort.
- J'ai dit: c'est compris?
Sa main passe sous sa jupe, et pince méchamment l'intérieur de ses cuisses. Elle sent sa gorge se nouer, et de gros sanglots montent dans sa gorge, tandis que des larmes s'accumulent au bord de ses yeux.
- Lâche-moi, Antonin. Lâche-moi.
- Tu as compris? aboie-t-il, et il tire violemment ses cheveux, faisant incliner sa nuque dans un arc douloureusement prononcé.
- Oui. Oui j'ai compris, articule-t-elle, étranglée par sa peur et l'angle de son cou.
- Bonne fille, ronronne-t-il, et ses sanglots redoublent lorsqu'elle le sent remonter sa jupe sur sa taille, et attraper ses fesses.
Une peur sans nom s'est emparée d'elle; son esprit n'est qu'une brume informe. Elle ne songe même pas à se défendre, et incapable de retenir ses sanglots, elle commence à trembler violemment.
- Arrête-toi, Antonin, lâche enfin Lucius d'une voix neutre. Si Bellatrix l'apprend, elle te tuera.
- Elle aura d'autres gens à tuer avant, tu ne crois pas?
- Lâche-la.
Il recule enfin, et incapable de maîtriser ses tremblements, elle se laisse glisser au sol, au milieu des fientes d'oiseau et de la paille souillée des nichoirs. Elle a du mal à respirer, et elle ne sait pas combien de temps elle reste assise là après le départ des trois garçons.
C'est Sirius qui la trouve là, adossée au mur, en train d'essayer de reprendre son souffle, décoiffée et le visage marqué par des vallées de larmes.
Il la relève doucement, passe sa main dans ses cheveux, défroisse ses vêtements.
- Tu veux aller à l'infirmerie, Andro? murmure-t-il, et elle est soulagée qu'il ne pose pas de questions.
Elle secoue la tête, et il la laisse repartir d'un pas hébété vers ses dortoirs.
Le surlendemain, Malfoy, Dolohov, Travers et quelques autres sont transformés en sangliers au beau milieu de la Grande Salle, mais Andromeda ne trouve nulle part l'envie de sourire.
[…]
- Andromeda, l'appelle à mi-voix Narcissa, perçant le silence de leur dortoir.
- J'ai compris, répond-elle hargneusement. Je vais le quitter.
- Andromeda, répète Narcissa, et la peine dans sa voix la pousse à se redresser, et regarder sa cadette.
Celle-ci tient une lettre dans sa main, qu'elle ne parvient pas à tendre à son aînée.
- Tu ne lis plus ton courrier depuis combien de temps?
- Je ne sais pas. Longtemps.
Narcissa se penche enfin, lui tend le parchemin qu'elle serrait dans sa main.
Plongée dans une spirale de noirceur depuis plusieurs semaines, Andromeda ne parvient pas à ciller en reconnaissant l'écriture sèche de son père. Pourtant, lorsque le mot reniée apparaît soudainement au milieu d'une phrase, la lettre lui glisse des mains.
Incapable d'articuler une parole, elle jette un regard hébété à Narcissa.
- Je…
Elle bafouille, ferme la bouche. La rouvre, perdue, laisse échapper le flot de ses pensées.
- Mais, Narcissa … Je ne les ai pas revus depuis la rentrée, et …?
Mais Narcissa ne répond rien, ses beaux yeux azurs remplis de larmes, et Andromeda a l'impression de glisser dans un trou noir.
- Qu'est-ce que je vais faire? articule-t-elle d'une voix blanche. Je n'ai plus rien.
Elle est incapable de regarder sa sœur, mais elle sent son regard posé sur elle, et sa commisération fait monter une rage pleine de chagrin dans sa poitrine, dans sa gorge.
- Arrête de pleurer, Cissy, siffle-t-elle entre ses dents, le regard fixé sur le tapis. Rien ne va changer pour toi.
- Bella voulait qu'ils te laissent une seconde chance. Mais ils parlent de renier Sirius aussi. Ils voulaient … ils ne voulaient pas que …
Narcissa ravale un sanglot, et sa voix se raffermit soudain.
- Epouse-le, Andromeda.
- Je préfère me pendre que d'épouser Dolohov, chuchote Andromeda, les yeux écarquillés.
- Ton Né-Moldu. Épouse-le. Fais-toi discrète. Il te protègera.
C'est au tour des yeux d'Andromeda de se remplir de larmes.
- Cissy, tu ne comprends pas … Je ne l'aime pas, Ted …
Elle se balance d'avant en arrière, une douleur immense écrasant sa poitrine.
- Je ne l'aime pas …
- Arrête, Andro, la coupe froidement Narcissa. Arrête tes caprices. Ne me dis pas que tu subis tout ça pour un simple jeu. Épouse ce garçon. Il te protègera. Il a des amis.
Mais Andromeda ne peut que se noyer dans ses larmes parce que c'est vrai, Ted embrasse bien, mais Ted n'est qu'un jeu, avec lequel elle n'a jamais voulu fonder quoi que ce soit. Soudainement elle regrette, elle regrette tout, mais c'est trop tard, et Narcissa ne vient pas la consoler lorsque ses sanglots s'intensifient.
[…]
- Il faut que tu m'épouses, annonce platement Andromeda dans le compartiment qu'ils partagent, et seul Ted lit dans ses yeux dévastés qu'elle ne plaisante pas.
Ses amis ricanent, se poussent du coude, mais elle ne cille pas. Elle est une vaste plaine aride, balayée par des vents mauvais, et Ted a remarqué l'ombre qui s'est installée dans ses pupilles. Cela fait des mois qu'elle refuse qu'il la touche, et qu'il attend en silence.
- Je n'ai pas le choix.
- Je sais.
Il laisse passer un silence, le temps que les conversations reprennent, laisse le train amorcer un virage, puis murmure:
- Tu es la première fille que j'ai connue. Je ne pensais pas avoir à faire ce choix si tôt.
- Je n'ai pas le choix, répète-t-elle.
De nouveaux sanglots montent dans sa gorge, qu'elle contient difficilement.
- Tu dois me prendre pour quelqu'un de mauvais. Je le suis. J'ai tout raté, et j'ai fait souffrir tout le monde. Je ne voulais pas te faire de mal, Ted.
Avec une immense délicatesse, il prend sa main, et la caresse comme si elle était la chose la plus fragile au monde.
- Tu n'es pas quelqu'un de mauvais. Tu es quelqu'un de bon à qui il est arrivé de mauvaises choses.
Les larmes dévalent ses joues, et il la tire à lui, la laissant pleurer en silence contre sa poitrine.
Elle n'entend plus rien d'autre que ses pulsations cardiaques, qui battent à un rythme lent et régulier. C'est comme un dialogue, calme et muet, et les bruits autour s'éteignent progressivement, la laissant seule, en tête-à-tête avec les battements du cœur de Ted.
Voilà.
Ça faisait littéralement des années que je voulais écrire sur Ted et Andromeda, sans réussir à le faire. Ça fait aussi un moment que j'essaie d'écrire un OS, parce que c'est une forme que je maîtrise mal. Voilà donc deux choses de faites.
J'ai un peu revisité le canon, comme vous pouvez le voir (normalement je crois qu'Andromeda se fait renier après son mariage), mais à force d'écrire sur les Serpentards, je commence à avoir une vision un peu pessimiste de ces individus.
Merci à celles ou ceux qui auront lu jusqu'ici ! J'ai d'autres projets en cours, beaucoup plus longs, et je ne sais pas trop s'ils verront le jour. Mais bon, je reste très attachée à ce site, et j'essaie quand même de suivre ce qui sort, toujours en quête d'histoires écrites par des personnes talentueuses.
J'arrête là mon monologue. Portez-vous bien, à bientôt !
