Chapitre 5: L'Ultimatum du Commandant

Alors qu'Annelise franchissait la porte du mur Rose, une vague de soulagement mêlée d'incrédulité la submergea. Elle était revenue de l'enfer, marquée seulement par des courbatures lancinantes. Elle qui s'était résignée à mourir… Une vie normale avec sa sœur l'attendait enfin, du moins le croyait-elle. Autour d'elle, le chaos des retrouvailles : des hommes et des femmes s'embrassaient en pleurant de joie, tandis que d'autres, au contraire, s'effondraient en sanglots amers en ne voyant pas leurs proches revenir.

Au loin, Annelise aperçut Armin, le visage à la fois inquiet et empli d'espoir, aux côtés d'Eren et Mikasa. Son cœur se serra à la vue du jeune garçon blond, sachant la terrible nouvelle qu'elle devait lui annoncer. En se dirigeant vers eux, son expression se fit plus grave, ses pas lourds de responsabilité.

Alors qu'elle s'approchait, son regard croisa celui de Mikasa. Un frisson inexplicable parcourut l'échine d'Annelise. Il y avait quelque chose dans les yeux de la jeune fille, une force familière qu'elle ne pouvait nommer mais qui résonnait en elle d'une manière étrange. Ce sentiment fugace la déstabilisa un instant, mais elle le repoussa, se concentrant sur la tâche douloureuse qui l'attendait.

Arrivée devant Armin, Annelise murmura, la voix brisée : « Je suis désolée. » Les larmes commencèrent à couler sur les joues du jeune garçon blond. Mikasa et Eren lui prirent chacun une main, offrant un soutien silencieux.

« Je ne serais pas là sans lui... Il m'a sauvée », ajouta Annelise, sa voix se brisant. Armin, toujours silencieux, baissa le regard et récupéra sa main droite pour sortir un livre de sous sa veste. Les yeux d'Annelise s'agrandirent. Elle avait déjà vu ce genre de couverture… dans le bureau du docteur Yaeger.

Elle se mit à genoux, saisissant le bras d'Armin pour l'empêcher de sortir complètement le livre. « Ce genre de livre est illégal, tu le sais ? » Armin hocha la tête, incapable de parler à cause des sanglots. « Ne le sors jamais en public. Ton grand-père ne voudrait pas qu'il t'arrive quelque chose », lui conseilla-t-elle d'une voix douce. Armin rangea le livre sous sa veste, ses mains tremblantes.

Toujours à genoux, Annelise regarda autour d'elle, l'air soudain inquiet. « Je ne vois pas Camélia et Lisa... Vous savez où elles sont ? » Un silence s'installa, lourd et pesant. Eren finit par prendre la parole. « Camélia a rejoint la 103ème brigade d'entraînement peu de temps après ton départ. »

Les yeux d'Annelise s'écarquillèrent. Elle se releva brusquement, faisant sursauter Armin. « Quoi ? Mais elle devait travailler à la taverne avec Lisa, qu'est-ce qui lui a pris ? » s'exclama-t-elle en se tournant vers Eren.

« Elle a eu raison de rejoindre l'armée humaine. Moi, je ferai la même chose dès que je pourrai », répondit Eren, les poings serrés, le regard déterminé.

Annelise secoua la tête, incrédule. « Mais Camélia n'a jamais parlé de vouloir s'enrôler... Et comment Lisa a-t-elle pu la laisser faire ? » La colère montait en elle, dirigée contre son amie qui avait promis de veiller sur sa petite sœur.

Un silence encore plus lourd suivit. Aucun des enfants n'osait croiser le regard d'Annelise. « Quoi ? Ne me dites pas qu'elle est aussi entrée dans la brigade d'entraînement », dit-elle, les bras croisés.

Eren prit une inspiration difficile. « Elle... est... morte », dit-il lentement, butant sur chacun des mots.

Annelise se figea. Ses bras retombèrent le long de son corps. « Comment ça... morte ? » Les enfants restaient silencieux, incapables de répondre. Soudain, Annelise tourna les talons et se mit à courir, bousculant des passants sur son passage. Elle devait vérifier par elle-même. Elle devait retrouver Lisa.

Elle courait si fort que ses poumons lui faisaient mal, trébuchant parfois contre les coins des murs dans sa hâte. Enfin, elle arriva devant la taverne. L'extérieur était sombre et silencieux, un reflet des nouvelles terribles qu'elle redoutait d'entendre. Elle resta immobile un instant, hésitant à entrer, redoutant la vérité qui l'attendait comme un coup de poignard. Elle serra les poings, prit une profonde inspiration et franchit la porte.

À l'intérieur, des clients buvaient, parlaient, jouaient aux cartes. Une odeur d'alcool et de cigarette flottait dans l'air. Annelise s'approcha du bar, où le gérant, un homme d'une quarantaine d'années aux cheveux poivre et sel, essuyait des verres. Il leva les yeux vers elle. « Qu'est-ce que je te sers, ma jolie ? »

Annelise avait le regard vide. Elle murmura : « Est-ce que Lisa est ici ? »

Le gérant fronça les sourcils, tendant l'oreille. « Parle plus fort, j'ai rien compris. »

Presque en criant, elle répéta : « Où est Lisa ? »

Le visage du gérant se décomposa. « Elle est morte il y a deux jours… Son corps a été retrouvé dans une ruelle sombre. On dit que c'est un vol qui a mal tourné », répondit-il en essuyant un verre, comme pour échapper au poids de ses propres paroles.

Annelise resta muette. « Un vol qui a mal tourné... » murmura-t-elle, incrédule. Le gérant, voyant son désarroi, proposa : « Allez, je t'offre un verre. »

Mais Annelise ne l'entendit pas. Elle tourna sur ses talons et quitta la taverne comme une somnambule, l'esprit vide, le cœur lourd.

Annelise était plongée dans un bain tiède, l'eau enveloppant son corps épuisé, apportant un soulagement bienvenu. Cela faisait au moins quatre jours qu'elle n'avait pas pu se laver correctement. Pendant la mission de reconquête du mur, elle s'était contentée de quelques éclaboussures d'eau sur le visage, essayant tant bien que mal de se débarrasser de la crasse et de la sueur accumulées. Mais maintenant, enfin seule, elle pouvait laisser son corps se détendre, se nettoyer, se purifier.

Alors qu'elle fermait les yeux, ses pensées revinrent inévitablement vers Lisa. Dire qu'elle s'était énervée en apprenant que Camélia avait rejoint la brigade d'entraînement. Elle n'aurait jamais dû douter de Lisa, jamais. C'était évident que Lisa n'aurait jamais laissé Camélia faire une telle chose. Mais comment Camélia aurait-elle pu savoir qu'Annelise était encore en vie ? Comment Annelise pourrait-elle la voir, la retrouver et la convaincre d'abandonner cet engagement insensé ? Camélia avait toujours été la plus sportive, la plus robuste des trois sœurs, celle qui semblait invincible. Elle réussirait probablement la formation, mais si elle choisissait le bataillon d'exploration... Annelise frissonna à cette pensée. Elle avait vu de ses propres yeux le carnage auquel étaient confrontés les membres du bataillon. Depuis toute petite, elle les voyait partir en grand nombre et revenir avec à peine la moitié de leurs hommes. Camélia devait absolument choisir la garnison ou les brigades spéciales, des positions moins dangereuses.

Les images de ces derniers jours défilèrent dans son esprit, et le visage d'Armin apparut soudain comme un éclair. Le pauvre garçon, avec son regard désespéré et ses larmes qui coulaient sans fin. Elle ne l'avait même pas consolé, trop préoccupée par ses propres inquiétudes, trop concentrée sur la sécurité de sa sœur. Armin venait de perdre la seule personne qui lui restait, et elle n'avait pensé qu'à elle-même. Quel égoïsme. Un sentiment de honte l'envahit, la submergeant. Annelise laissa son dos glisser le long de la baignoire jusqu'à ce que sa tête soit sous l'eau, espérant que ce geste étoufferait un instant ses pensées tourmentées.

Sous la surface, le monde devint soudain silencieux, apaisant. Mais bientôt, un bruit sourd perça le voile aquatique. Elle releva la tête, l'eau dégoulinant de ses cheveux. Des pas, des bruits étouffés provenaient de la pièce voisine. Instinctivement, elle se redressa, le cœur battant. Camélia. Peut-être qu'elle avait appris le retour du bataillon et qu'elle était venue s'assurer qu'Annelise était rentrée. Avec une précipitation désordonnée, elle saisit un vieux peignoir beige qui traînait près de la baignoire, l'enfila et l'attacha autour de sa taille tout en se dirigeant vers la porte. Son cœur battait fort contre sa poitrine.

En ouvrant la porte d'un geste brusque, elle s'exclama, pleine d'espoir : « Camélia ? » Sa voix tremblait légèrement d'anticipation. Mais elle s'immobilisa aussitôt, la déception et la surprise se mêlant sur son visage. Deux hommes se tenaient dans son logement. Elle reconnut immédiatement le commandant Erwin, debout près de la table de sa cuisine, et son second, Livaï, adossé nonchalamment au plan de travail, les bras croisés. Erwin la fixait avec un air de surprise maîtrisée, tandis que Livaï, fidèle à lui-même, affichait une expression impassible. Malgré l'inattendu de la situation, elle perçut dans le regard de Livaï une étincelle familière, la même qu'elle avait remarquée lorsqu'elle avait aidé l'homme blessé à monter sur le cheval.

Annelise sentit son visage se crisper sous le coup de la déception. Ce n'était pas Camélia. Ses pensées se bousculaient encore lorsqu'elle balbutia : « Qu'est-ce que... » Elle s'interrompit, consciente de l'eau dégoulinant de ses cheveux et formant de petites flaques à ses pieds. La frustration prit le dessus. « Je peux savoir ce que vous foutez chez moi ? C'est une pratique courante de rentrer chez les gens sans y être invité dans le bataillon d'exploration ? » lança-t-elle, son ton aiguisé par l'agacement.

Erwin esquissa un sourire amusé, remarquant qu'Annelise avait cette habitude de se donner une contenance en recourant au sarcasme. De son côté, Livaï la fixait, la scrutant de la tête aux pieds. Malgré la froideur de son regard, Annelise avait l'impression de brûler sous l'intensité de ses yeux qui semblaient la percer à jour. Elle prit soudainement conscience de son apparence : un vieux peignoir trempé qui laissait entrevoir une partie de sa petite poitrine, ses cheveux dégoulinants d'eau. L'idée de s'enfuir dans sa chambre pour se changer lui traversa l'esprit, mais elle refusa de montrer la moindre gêne. Après tout, elle était chez elle. Relevant le menton et se redressant, elle s'apprêtait à leur ordonner de quitter les lieux, mais Erwin parla avant qu'elle ne puisse réagir.

« Rejoins-nous dans le bataillon d'exploration. »

Les mots d'Erwin résonnèrent dans la pièce, lourds de sens et de promesses. Annelise resta un instant figée, essayant de comprendre, d'assimiler tout ce que cette proposition impliquait.

« Pardon ? » répondit-elle, surprise.

Erwin la fixa avec calme avant de désigner la petite table de la cuisine d'un geste de la main. « Est-ce qu'on peut s'asseoir ? »

Annelise haussa un sourcil, une expression d'irritation traversant son visage. « Est-ce qu'il y a vraiment besoin de ma permission ? Vous êtes déjà entrés chez moi sans invitation… » Elle leva les yeux au ciel, agacée, mais prit place en face de lui, résignée.

Erwin s'installa en silence. Livaï, toujours adossé au plan de travail, ne quittait pas la scène des yeux, son regard perçant balayant chaque détail. Il semblait détaché, mais attentif, comme à son habitude.

« Nous avons besoin de quelqu'un comme toi dans nos rangs. » La voix d'Erwin était posée, presque douce, et ses mains se joignirent devant sa bouche, ses coudes appuyés sur la table.

Annelise fronça les sourcils, perplexe. « C'est absurde. Je ne sais pas me battre. C'est un miracle que je sois revenue ici en un seul morceau. »

Le commandant ne cligna même pas des yeux. « Un miracle, vraiment ? Non, Annelise. Ce n'était pas un hasard. »

Elle plissa les yeux, sur la défensive. « Comment ça ? »

Un léger sourire étira les lèvres d'Erwin. « J'ai ordonné à Livaï de te garder en vie. »

Annelise se tourna brusquement vers le caporal, cherchant à lire la vérité dans ses yeux d'acier. Et soudain, tout devint clair : la façon dont Livaï apparaissait toujours au moment critique, la sauvant de justesse lorsque les Titans menaçaient de l'engloutir. Les souvenirs de lui la regardant dans la forêt, à leur camp de fortune, refirent surface. Rien de tout cela n'était une coïncidence. Un mélange de gratitude et de colère monta en elle.

Elle reporta son regard sur Erwin, la mâchoire serrée. « Et donc ? Je vous en dois une, c'est ça ? » dit-elle, croisant les bras.

Erwin ignora la pique. « Tes compétences et tes connaissances pourraient nous aider à révéler des mystères cruciaux pour la survie de l'humanité. » Son regard s'intensifia, transperçant Annelise comme une lame aiguisée. « Tu veux pouvoir utiliser tes compétences sans risquer ta vie ou celle des gens que tu aimes ? Alors rejoins-nous. »

Un frisson glacial parcourut l'échine d'Annelise. Avait-il découvert quelque chose ? Non, c'était impossible. Seule Lisa connaissait la vérité, et Lisa n'était plus là pour en parler. Tentant de masquer son trouble, elle répondit : « Je ne vois pas ce qui est dangereux dans le fait de pratiquer la médecine. Il y a des centaines de médecins à Paradis. »

À sa grande surprise, Livaï prit soudain la parole, sa voix tranchante comme une lame affûtée. « Pour un médecin ordinaire, non. Mais le "médecin du peuple", c'est autre chose. » Ses yeux, perçants comme ceux d'un faucon, semblaient sonder les tréfonds de son âme. Annelise se figea, son cœur battant la chamade. Il savait. Les avertissements de son mentor revinrent en mémoire, et elle déglutit avec difficulté, tentant de dissimuler ses mains tremblantes sous la table.

« Je ne vois pas de quoi vous parlez », murmura-t-elle en baissant la tête.

Erwin ne lâcha pas prise. « Si, tu sais. Et le gouvernement aussi. Si tu ne nous rejoins pas, tu es morte, quoi qu'il arrive. Nous rejoindre, c'est assurer ta sécurité. »

Annelise releva la tête brusquement, son visage livide. « Le gouvernement… ? »

« Oui, et cela a déjà coûté la vie à ton amie. »

Les yeux d'Annelise s'écarquillèrent d'horreur. Elle avait toujours soupçonné que la mort de Lisa était étrange, mais elle avait préféré se voiler la face. Le docteur Yeager l'avait pourtant mise en garde contre les risques, et elle s'était montrée imprudente, entraînant Lisa dans ses idéaux sans mesurer les conséquences. Rongée par la culpabilité, elle cacha son visage dans ses mains, tentant de retenir ses larmes. À travers ses doigts, elle scruta le visage d'Erwin, qui la fixait avec une froide indifférence. Aucun signe de remords. Elle comprit que cet homme était prêt à tout sacrifier pour atteindre ses objectifs, même les vies humaines.

Elle releva doucement la tête, une lueur de colère glacée dans le regard. « Vous saviez que c'était moi. Vous saviez que j'avais une complice. Vous m'avez protégée, mais pas Lisa. Pourquoi ne pas l'avoir sauvée aussi ? » Sa voix était calme, presque détachée, mais une rage sourde y grondait.

Erwin répondit sans ciller. « Elle ne nous était d'aucune utilité. Personne ne devait savoir que le commandant du Bataillon d'exploration te protégeait. »

Annelise en resta sans voix, son souffle coupé. Cet homme n'éprouvait aucune empathie pour la mort de son amie. Combien de vies avait-il déjà sacrifiées pour sa soif de vérité ? Combien d'autres allait-il sacrifier encore ?

« Utilité ? » souffla-t-elle, incrédule. « Je parle de la mort d'une personne innocente, qui a eu le courage de se mettre en danger pour le bien des autres, et vous en parlez comme d'un outil. Combien de vies avez-vous sacrifiées, Erwin ? Combien de personnes sont mortes pour votre quête de vérité ? » Son ton était acerbe, chargé de mépris.

« Beaucoup… » répondit-il simplement. « Tes compétences en médecine pourraient sauver des vies.»

Annelise secoua la tête, son expression figée dans un masque de mépris. « Vous pensez que parler de sauver des vies va me convaincre ? Parce que je suis médecin, que j'ai un instinct naturel pour sauver les gens ? Laissez-moi vous dire, commandant, que ma priorité est ma sœur, pas vos soldats. Elle passe avant tout, même avant vos idéaux de grandeur. »

« Et crois-tu que ta sœur est en sécurité ? Penses-tu vraiment que le gouvernement l'ignorera, elle aussi ? Ton amie a été éliminée. Pourquoi pas ta sœur ? » La question d'Erwin frappa Annelise comme une gifle. Elle sentit un frisson d'horreur la parcourir.

« Ma sœur n'est au courant de rien… », murmura-t-elle faiblement, presque pour elle-même.

« Le gouvernement ne prendra pas le risque de vérifier. » Annelise baissa les yeux. Elle savait qu'il avait raison. Un mouvement attira son attention. Livaï s'était détaché du plan de travail et s'avançait vers elle. Il posa ses mains à plat sur la table, se penchant légèrement pour croiser son regard, ses yeux toujours aussi imperturbables.

« Si tu ne nous rejoins pas, tu seras morte d'ici demain. Et qu'adviendra-t-il de ta sœur ? En nous rejoignant, tu assures sa sécurité, et la tienne. Tu pourras faire ce que tu sais faire de mieux : sauver des vies. Chaque fois qu'un soldat meurt d'une blessure qui aurait pu être soignée, c'est une perte qu'on aurait pu éviter. Rejoins le Bataillon d'exploration, Annelise. Tu ne seras pas juste une soldate. Tu seras celle qui fera en sorte que nos hommes reviennent vivants. Et crois-moi, on a besoin de toi. »

Les paroles de Livaï résonnèrent en elle avec force. Son regard d'acier, bien que dur, lui semblait étrangement familier et réconfortant. Il se redressa, une lueur de détermination brillant dans ses yeux. Annelise s'adossa à sa chaise, reprenant lentement son souffle. Il avait raison. La sécurité de Camélia était la priorité. Sa propre survie importait aussi, pour veiller sur elle.

« Si je vous rejoins, vous vous engagez à garder ma sœur en sécurité », déclara-t-elle d'une voix ferme, croisant à nouveau le regard d'Erwin.

Il hocha la tête avec une sincérité apparente. « Je pourrais utiliser mes pratiques innovantes en médecine et mener des recherches sans mettre personne en danger. »

Erwin acquiesça de nouveau et commença à se lever, mais Annelise leva une main pour l'arrêter. «Une dernière chose : je ne veux pas que Camélia rejoigne le Bataillon d'exploration. »

«Bien», répondit-il simplement. Puis, debout devant elle, il ajouta avec un ton autoritaire : «Maintenant que tu fais partie du Bataillon, les règles de respect envers tes supérieurs s'appliquent également à toi. J'attends de ta part que tu les respectes.» Ses yeux brillaient d'une autorité indiscutable en direction d'Annelise. Elle se rappela aussitôt des paroles cinglantes qu'elle avait lancées à Erwin sous le coup de la colère dans la tente de soin. Ses sourcils se froncèrent légèrement. Elle avait toujours eu du mal avec l'autorité. Mais elle hocha la tête, son regard trahissant clairement son mécontentement.

«Je vais préparer mes affaires», dit-elle avant de se tourner pour entrer dans sa chambre. Une fois à l'intérieur, elle referma la porte derrière elle, s'appuya contre celle-ci et se laissa glisser au sol. Dans quoi s'engageait-elle ? Elle était consciente que sa vie ne serait plus jamais la même. Prenant une grande inspiration, elle se ressaisit, se releva et attrapa un sac à cordon, un vieux sac en toile grise, usé mais robuste, avec des bretelles de cuir qui permettaient de le porter facilement sur le dos. Puis, elle se dirigea vers son armoire, sachant qu'elle ne pourrait pas tout emporter. Elle sélectionna l'essentiel : quelques sous-vêtements, économisant de l'espace en ne prenant pas de soutien-gorge, et deux tenues supplémentaires en plus de celle qu'elle porterait.

Son regard se posa ensuite sur le lit, où une peluche déchirée reposait. On ne pouvait plus deviner ce qu'elle avait été, mais Annelise savait que c'était un ours. Elle hésita. Devrait-elle l'emporter ? Même à 21 ans, elle ne pouvait se séparer de cette peluche, un souvenir précieux de son enfance. Elle l'avait reçue à l'âge de deux ans, et bien qu'elle ait réussi à s'en détacher en grandissant, la mort de sa mère à ses douze ans avait ravivé des peurs enfantines, comme celle du noir. Ne pouvant montrer ses faiblesses à ses petites sœurs, Annelise s'était naturellement remise à dormir avec cette peluche, une source de réconfort. Elle ne l'avait pas emportée lors de la reconquête, par crainte de la perdre, mais maintenant, elle décida de la glisser rapidement dans son sac.

Elle enfila ensuite un pantalon taille haute, le serra avec une ceinture et choisit une chemise blanche à manches mi-longues qu'elle rentra soigneusement. Alors qu'elle était sur le point de s'attacher les cheveux, la porte de sa chambre s'ouvrit silencieusement et avec rapidité. Elle eut à peine le temps de voir Livaï entrer et fermer la porte derrière lui. Il restait dos à elle, regardant fixement la porte devant lui. Elle l'observa. Ses cheveux courts tombaient juste avant sa nuque, le reste étant rasé. Ses épaules carrées et les muscles tendus de son dos étaient visibles à travers sa chemise blanche d'uniforme. Il avait retiré sa veste kaki, laissant son emblème du Bataillon d'exploration de côté.

Annelise s'apprêtait à faire une remarque acerbe lorsqu'il parla, toujours dos à elle. «On a un problème», dit-il d'une voix posée mais tendue.

Surprise, elle répondit : «Lequel?»

Sans se retourner, il répondit de sa voix froide et caractéristique : «Le gouvernement a agi plus tôt que prévu. Ils sont ici.»

Les yeux d'Annelise s'élargirent, une vague de panique l'envahissant. Livaï ajouta, toujours de dos : «Est-ce que je peux me retourner ?»

Un instant déconcertée, elle réalisa que Livaï avait évité de la regarder en entrant, conscient qu'elle était en train de se changer. Cette attention soudaine, ce respect de son intimité, la surprit.

Elle hocha la tête, mais se rendant compte qu'il ne la voyait pas, elle se frappa le front avec la main et répondit : «Oui.» Livaï se tourna enfin, balaya la pièce du regard, puis fixa son attention sur la fenêtre. «On sort par là,» dit-il.

Annelise, surprise, balbutia : «Euh... et Erwin, enfin, le major?»

Des murmures étouffés et des bruits de pas se firent entendre dans la pièce voisine. Livaï répondit calmement : «Il nous fait gagner du temps.»

Il ouvrit la fenêtre et jeta un coup d'œil rapide à l'extérieur pour vérifier qu'il n'y avait personne. Puis, d'un signe de tête, il lui fit comprendre qu'il était temps de sortir. Annelise chuchota : «Attends,» avant de se précipiter pour attraper ses bottines qui lui arrivaient aux chevilles. Elle les enfila à la hâte, puis rejoignit Livaï qui venait de passer par la fenêtre. Heureusement, la maison n'avait pas d'étage.

Elle se pencha par la fenêtre et il lui fit signe de le suivre en s'assurant que la voie était libre. Annelise mit son sac sur son dos, passa ses jambes par-dessus le rebord de la fenêtre, et descendit dans la rue pour atterrir en face de Livaï. Il lui désigna la direction à prendre, à droite, afin d'éviter de passer par la porte d'entrée.

Ils se mirent en marche, tous deux avançant d'un pas rapide mais sans courir, pour ne pas attirer l'attention.

Arrivés au bout de la rue, ils entendirent une voix grave dire : «Elle s'est échappée. Regardez dans les alentours. On se sépare.» Livaï et Annelise accélérèrent le pas, tournèrent au coin de la rue, puis se mirent à courir. Des bruits de pas résonnèrent derrière eux, se rapprochant de plus en plus.

«Merde,» lâcha Livaï, en s'arrêtant brusquement pour se retourner. Annelise l'imita et aperçut trois silhouettes massives qui se découpaient dans l'obscurité. Sans se tourner vers elle, Livaï lui ordonna de courir, promettant de la rattraper. Annelise resta figée sur place. Jamais Livaï ne pourrait rivaliser avec ces trois colosses à lui seul. Voyant qu'elle hésitait, il jeta un coup d'œil par-dessus son épaule et lança d'une voix tranchante : «Va-t'en, tu vas me gêner !»

Dans son regard, elle lut une assurance indéfectible. Elle se rappela qu'il était surnommé le «plus fort de l'humanité». Hochant la tête à contrecœur, elle fit demi-tour et se mit à courir aussi vite que possible, tournant dans plusieurs rues pour échapper à ses poursuivants et espérant que Livaï s'en sortirait. Alors qu'elle débouchait dans une autre ruelle, elle heurta un torse puissant et fut projetée au sol.

En levant les yeux, elle aperçut un homme qui la regardait avec un sourire carnassier. Dans l'obscurité, ses yeux étaient invisibles, rendant son expression encore plus terrifiante. «Je t'ai trouvée,» dit-il d'une voix rauque. Il se pencha, saisit son bras et la releva sans effort, la traînant en sens inverse. Annelise tenta de freiner des pieds, tirant sur son bras pour se dégager. «Lâche-moi !» cria-t-elle en désespoir de cause.

Dans un acte de survie, elle se pencha et mordit violemment le bras de l'homme. «La garce !» hurla-t-il en la lâchant brusquement. Annelise crut qu'elle pourrait s'enfuir, mais il réagit avec des réflexes fulgurants, agrippant son autre bras avant de lui asséner un coup au visage. Elle s'effondra au sol, les fesses par terre, les mains posées derrière elle pour se stabiliser. L'homme s'approchait dangereusement, un sourire mauvais étirant ses lèvres.

Soudain, un bruit léger attira son attention vers le toit à gauche. L'homme leva la tête, mais il était déjà trop tard. Livaï bondit du toit, atterrissant avec force, ses pieds joints s'abattant sur la tête de l'assaillant, qui s'écroula en arrière sous l'impact. Sans perdre un instant, Livaï se tourna vers Annelise et lui tendit la main pour l'aider à se relever. Elle saisit sa main, et leurs regards se croisèrent. Dès ce contact, une décharge électrique parcourut Annelise, comme si tout son être avait attendu ce moment. Ce simple contact, à la fois familier et grisant, la fit frissonner.

Elle sortit de ses pensées lorsque Livaï, avec une facilité déconcertante, la remit sur pieds. Il observa brièvement son visage, puis fronça les sourcils, son regard devenant encore plus dur.

Livaï se tourna vers l'homme qui tentait de se relever en titubant. Il s'avança d'un pas rapide et, d'un coup de pied puissant, l'envoya se plier en deux, un grognement de douleur s'échappant des lèvres de l'assaillant. Sans hésitation, Livaï saisit l'homme par les cheveux et lui frappa violemment la tête contre le mur. Quand l'homme perdit connaissance, il le laissa retomber lourdement au sol.

Annelise le regarda, figée. Jusqu'ici, Livaï avait toujours montré une certaine douceur à son égard. Malgré son ton tranchant, ses gestes avaient toujours été empreints d'une étrange délicatesse. Mais maintenant, son comportement contrastait fortement avec ce qu'elle avait connu de lui jusqu'à présent. Elle observa son expression, et ce n'était pas simplement de l'énervement qu'elle y lisait, c'était bien plus intense. Qu'est-ce qui avait bien pu le mettre dans un état pareil?

Livaï finit par se tourner vers elle. Instinctivement, Annelise fit un pas en arrière, comme un animal effrayé. S'apercevant qu'il lui faisait peur, il détendit ses épaules et son expression redevint neutre, son regard se faisant moins sévère. Il s'approcha d'elle lentement, avec la précaution de quelqu'un qui s'approcherait d'un chat effarouché, cherchant à la rassurer. Lorsqu'il se planta devant elle, leurs yeux se croisèrent. Dans le regard de Livaï, la jeune femme perçut cette étrange étincelle qu'elle avait déjà remarquée à deux reprises durant la reconquête, une lueur de vulnérabilité, peut-être même une certaine appréhension. Ce contraste troublant avec son attitude habituellement froide et impassible fit naître en elle une curieuse certitude. Sans savoir pourquoi, elle comprit alors qu'elle n'avait rien à craindre de lui.

«On était censé passer par là», dit-il doucement en désignant la ruelle à droite d'un geste de la main. «Mais ils sont partout. On va devoir faire un détour.»

« Je te suis », dit-elle. En marchant côte à côte, Annelise ne pouvait s'empêcher de repenser à ce regard étrange de Livaï, comme s'il portait un secret qu'ils partageaient sans le savoir. C'était troublant, cette sensation de le connaître depuis toujours, encore plus troublant d'être si proche de lui.

Soudain, Livaï saisit Annelise par le bras, sa poigne ferme mais mesurée, et la tira dans une ruelle sombre et étroite. Le bruissement des cheveux humides d'Annelise contre sa nuque accompagna le mouvement brusque. Des voix masculines résonnèrent au loin, cherchant manifestement quelqu'un. Ils s'arrêtèrent devant un cul-de-sac, les voix se rapprochant dangereusement. Livaï lâcha un « tch » agacé, ses yeux gris acier scrutant l'obscurité.

Sans prévenir, il plaqua Annelise contre le mur froid, son corps pressé contre le sien pour la dissimuler entièrement. Un doigt posé sur ses lèvres lui intima le silence, ce simple contact envoyant des frissons le long de sa colonne vertébrale. L'odeur de Livaï l'enveloppa, un mélange enivrant de savon frais, de cuir usé, de cèdre et une subtile note de menthe poivrée. Son cœur s'emballa, battant si fort qu'elle craignait qu'il ne l'entende.

Livaï plaça ses mains de chaque côté du visage d'Annelise, son souffle chaud effleurant sa joue tandis qu'il surveillait l'approche des hommes. Ses cheveux détachés et humides collaient à son cou, et elle sentit une goutte d'eau glisser le long de sa clavicule, attirant involontairement le regard de Livaï. Il détourna rapidement les yeux, mais ce bref instant suffit à intensifier la tension palpable entre eux.

Lorsqu'elle entendit des pas s'arrêter à l'entrée de la ruelle, Annelise posa instinctivement une main sur le torse de Livaï. Ses muscles tendus sous ses doigts la firent frissonner. "Fais comme si nous étions des amants," chuchota-t-elle, sa voix à peine audible.

Une lueur indéchiffrable traversa le regard de Livaï avant qu'il ne hoche imperceptiblement la tête. Avec une fluidité surprenante, il glissa ses mains sous les cuisses d'Annelise, la soulevant contre le mur. Son corps musclé se pressa davantage contre le sien, ne laissant aucun espace entre eux. Il enfouit son visage dans le creux de son cou, son souffle chaud contre sa peau humide provoquant une vague de chaleur dans tout son corps.

Annelise, le cœur battant à tout rompre, glissa une main dans le dos de Livaï, l'autre se perdant dans ses cheveux étonnamment doux. L'angoisse d'être découverts, mêlée à la proximité enivrante de Livaï, la fit s'accrocher à lui comme si sa vie en dépendait. Un léger gémissement lui échappa lorsqu'elle sentit les doigts de Livaï se crisper sur ses cuisses en réponse.

"Alors, tu les as trouvés ?" La voix rauque brisa le silence. L'homme qui avait pénétré dans la ruelle hésita avant de répondre : "Non, c'est juste un mec qui se tape une pute."

Annelise sentit Livaï se tendre contre elle, son corps irradiant une chaleur presque insupportable. Elle retint son souffle, consciente de chaque point de contact entre leurs corps. Les secondes s'étirèrent, interminables, jusqu'à ce que les bruits de pas s'éloignent enfin.

Lentement, Livaï releva la tête, son regard intense croisant celui d'Annelise. Ses yeux semblaient plus sombres que d'habitude, une émotion indéfinissable y brillant. Annelise, submergée par l'intensité du moment, baissa rapidement les yeux, ses joues brûlantes trahissant son trouble.

Avec une douceur inattendue, Livaï la déposa au sol, ses mains s'attardant un instant de trop sur ses cuisses avant de s'écarter. Le vide soudain laissé par son absence fit frissonner Annelise.

"Tu te rends compte qu'ils m'ont prise pour une pute," murmura-t-elle, cherchant à briser la tension. Un souffle amusé lui fit relever la tête, juste à temps pour apercevoir l'ombre d'un sourire sur les lèvres de Livaï.

"On y retourne," dit-il, sa voix légèrement plus rauque qu'à l'accoutumée. "Une calèche nous attend à deux rues d'ici pour nous emmener au quartier général. Erwin doit déjà y être."

Alors qu'ils reprenaient leur marche, Annelise ne put s'empêcher de jeter des regards en coin à Livaï, son corps encore électrisé par leur proximité. Le claquement de ses talons sur le pavé semblait rythmer les battements effrénés de son cœur, tandis qu'elle tentait de reprendre ses esprits, l'odeur entêtante de Livaï persistant autour d'elle.