Guest : Et pourtant, ils sont partis de loin :)
En passant : En théorie, je sais ^^ En pratique, je m'en veux forcément quand je préviens un peu trop tard à mon gout
« Tu penses que tu vas essayer de tenir plus de deux heures, cette fois-ci ? »
Drago se rallongea sur le dos. C'était une question difficile. Quand il avait suggéré à Harry qu'ils s'appellent par leurs prénoms, il l'avait fait sans trop y croire, avait regretté immédiatement son audace, et s'en était ensuite voulu chaque fois où le nom de « Potter » lui avait échappé.
Il avait presque immédiatement laissé tomber l'idée.
« Je ne sais pas trop. Ça me donne l'impression de m'adresser à quelqu'un d'autre… Je n'aime pas vraiment le changement, de manière générale.
– Ça, je m'en suis aperçu ! Il faut être sacrément patient pour avoir une chance de t'apprivoiser ! »
Drago haussa les épaules. Il aurait pu rétorquer qu'ils étaient partis de très loin, et que compte tenu de leur histoire passée, quelques mois ne semblaient pas excessifs à ce que des sentiments positifs émergent enfin.
« On m'a demandé ?
– Il y a eu trois messages. Rien d'important, rien de grave. Tout le monde va bien. Ils n'ont pas trouvé de nouvelle trace du Sang du Détraqueur, alors ils hésitaient à envoyer des brigades sous-marines. Ils attendaient ton autorisation… Ou plutôt, non : ils attendaient que tu prennes la responsabilité de donner ton autorisation à qu'on utilise de nouveau Monsieur Temrah comme appât.
– Fait chier… Parfois j'ai vraiment envie de tout plaquer et de les laisser se démerder avec leurs plans foireux. »
Drago sourit méchamment en fixant le plafond.
« Je t'encourage à aller dans ce sens, railla-t-il.
– Bien sûr, oui. Personne ne viendrait me le reprocher.
– Tu pourrais t'installer dans une petite communauté moldue. Il doit exister des villages sans aucun Sorcier, et tu y serais tranquille. En plus, tu connais leurs traditions. Tu pourrais passer inaperçu. Faire un métier qui ne nécessite pas de savoir utiliser la Magie, comme Facteur, ou Policier, ou Boulangère.
– Tu viendrais avec moi ? »
Drago hésita un moment avant de tourner son visage vers Harry, qui le fixait avec des étoiles dans les yeux.
« Peut-être, admit-il. Il faudrait que tu m'enlèves et que tu acceptes de m'entretenir.
– Pourquoi ça serait à moi de t'entretenir ?
– Parce que moi, je jouerais le rôle de la parfaite femme au foyer en m'occupant de ton ménage et de l'éducation de tes enfants.
– Mes enfants ?! » Le sourire de Potter s'étalait de l'une à l'autre de ses oreilles.
– Un garçon et une fille, évidemment. Le choix du roi. Je ne vois pas comment tu pourrais y échapper.
– Je vois que tout est déjà réglé. Est-ce que j'aurais le droit de choisir les prénoms, au moins ?
– Non. Ils s'appelleront Scorpius et Ariadne.
– Quoi ?! Je pensais que tu avais un peu muri depuis ta période Vif-Eclair ! Non ! Nos enfants auront des noms normaux !
– Scorpius et Ariadne sont des noms normaux », rétorqua Drago, dissimulant le fait qu'il était vexé en fermant les yeux et en détournant le visage en souriant.
Il avait toujours su que Scorpius et Ariadne ne verraient jamais le jour, mais il les avait tout de même imaginés et chéris. Longtemps, il avait rêvé de trouver une femme lesbienne au Sang Pur, avec qui ils auraient effectué un mariage de convenance ne les empêchant ni l'un ni l'autre de prendre une ou un amant… Ils auraient calculé les dates de conception optimales pour faire naître le premier enfant sous le signe du Verseau, et la seconde sous celui des Gémeaux. Et puis Drago aurait éjaculé dans une fiole et laissé sa charmante épouse se débrouiller avec sa compagne pour procéder à la fécondation pendant que lui-même serait parti se faire malmener dans les bras de cet homme à l'apparence mouvante qui habitait ses fantasmes.
Ce n'était pas désagréable de s'imaginer changer de rôle : Si Potter était capable de se charger de la besogne de façon traditionnelle, alors lui-même n'aurait même pas besoin d'être l'homme marié mais pourrait endosser le rôle de l'amant discret. Au lieu d'être blonds et pâles, Scorpius et Ariadne auraient les cheveux bruns et désordonnés de leur géniteur. Nul besoin de chercher la perle rare chez les femmes : Les prétendantes pour porter les enfants du Survivant ne manqueraient pas.
« Donc moi, se plaignait Harry pendant ces réflexions, j'ai juste le droit de bosser et fermer ma gueule concernant chaque aspect de ma vie et de celle de mes enfants. Génial. J'imagine que c'est aussi moi qui conduis la bagnole quand on part en vacances ?
– Tu ne vas tout de même pas me demander à moi de conduire une voiture moldue ? »
Ils perdirent une quantité phénoménale de temps à plaisanter ainsi : Drago décrivait chaque aspect de leur vie de renégats, avec des courses au supermarché où ils payeraient en livres sterling, la cuisine dans le four à micro-ondes (sans oublier le tupperware), les joggings et les casquettes qu'ils porteraient, les restaurants moldus, le cinéma, les vacances au ski, les enfants qui iraient à l'école moldue du village où ils se feraient des dizaines d'amis…
« Avec des noms comme Scorpius ou Ariadne, j'ai bien peur qu'ils passent pour les barjots de service et qu'ils n'aient jamais un seul copain… » tempéra Harry, couché sur le flanc tout contre Drago, et qui ne le lâchait pas du regard.
Au bout d'un moment, il ajouta :
« Et tu penses que tu serais capable d'être heureux ?
– Et bien tu ferais tout pour me rendre heureux, et tu réussis toujours tout ce que tu entreprends, n'est-ce-pas ? Je pourrais surement invoquer un Patronus par jour. Juste pour le plaisir. Juste pour créer des veilleuses pour les enfants.
– Chiche. »
Drago émit un reniflement amusé, toujours sans ouvrir les yeux… Quelques secondes plus tard, il sentit Potter lui remonter la manche et déclipser la baguette de son étui de cuir. Il la glissa ensuite entre les doigts obéissants de Drago, qu'il avait croisés sur son ventre.
Il sourit de plus belle en songeant qu'il devait ainsi avoir l'air d'un gisant.
Il sentit le nez de Harry lui chatouiller l'oreille, et déposer un baiser léger, puis entendit les instructions qu'il avait déjà reçues lors de son seul et unique cours de Patronus, prononcées avec cette voix douce et enveloppante d'hypnotiseur :
« Respire doucement… Concentre-toi. Imagine-toi dans notre grand jardin… C'est la fin du printemps, le temps des premiers barbecues… Scorpius chasse les criquets et Ariadne fait des pirouettes sur le trapèze de la balançoire… »
Drago voyait parfaitement le paysage, il entendait les rires des enfants, il sentait le soleil de fin d'après-midi sur ses paupières et l'odeur du charbon de bois dans ses narines… Oui, il était capable d'invoquer un Patronus. Il savait même quel animal jaillirait de sa baguette, car au fond, il l'avait toujours su… Ses lèvres et sa langue prirent la position de la toute première syllabe du Sortilège.
Il se vit tourner la tête et voir Harry Potter, à ses côtés, avec ses yeux verts rêveurs et son petit sourire triste…
« Je serais heureux », admit-il. Puis il souleva les paupières, et le soleil s'éteignit, les rires des enfants disparurent et l'odeur du barbecue fut remplacée par celles des peaux de mandarines. Ne restaient que les yeux verts. « Mais toi, tu ne le serais pas. Tu passerais ton temps à t'en vouloir d'avoir abandonné tout le monde ici. A regretter. A savoir que ta place est ailleurs. Que tu serais davantage utile autre part. »
Harry ne répondit pas, mais son sourire prit la forme qu'avait eu celui de sa rêverie.
« On devrait redescendre. »
·
N'importe qui aurait considéré cette après-midi comme une perte de temps inutile.
Drago aussi, si on lui avait raconté les choses sans qu'il ne les ait lui-même vécues…
Toutefois, la vue du sourire serein et du visage détendu de Harry suffisait à le rasséréner, et à se convaincre que le bien-être du Survivant était indispensable à la bonne marche des opérations.
Ils étaient arrivés au grand hall quand ils croisèrent Ron Weasley qui sortait des toilettes :
« Ah, vieux, t'es là ! Par Merlin, on commençait à s'inquiéter ! Faudrait que t'apprennes à prévenir quand… Qu'est-ce que tu fiches ici, Malfoy ?! Je te signale que ma sœur a mieux à faire que de se charger de ton travail. »
Drago s'apprêtait à lui sortir une réponse bien cinglante, mais Harry fut plus rapide :
« Justement, Malfoy était venu me chercher. Bon, vous avez pas re-foutu Temrah à la flotte j'espère ?! Il est résistant aux Détraqueurs, mais ça ferait chier de le perdre avec une hydrocution.
– Non, on attendait ton avis, mais on tourne en rond, là. Il faut quelqu'un pour prendre une décision, parce que… »
Drago suivit les deux amis en silence, puis retourna s'asseoir à sa place où il remercia Ginny Weasley d'avoir gardé Carrow à l'œil. Il fut aussitôt pris d'assaut par Madame Johnson qui désirait une boisson chaude, par Monsieur Temrah qui avait besoin d'être accompagné aux latrines, par le Major Runcorn qui lui réclamait le planning des Surveillants, par le Surveillant Brigadier Hitchin qui attendait sa présence pour lui faire son compte-rendu du jour…
Un nouveau coup d'œil au profil calme de Potter ne conforta dans son opinion : Non, ce n'avait pas été une perte de temps.
Le soir venu, quand Potter proposa à ses amis une nouvelle soirée à se détendre et à profiter du bain japonais, il reçut même des applaudissements et des remarques enjouées sur le fait qu'il avait l'air d'aller mieux.
« Ça, c'est le Harry qu'on aime ! » s'exclama Georges Weasley en lui coinçant la tête sous son aisselle pour lui frotter le crâne et le décoiffer encore plus.
La remarque tourna longtemps en boucle sous le crâne de Drago, tandis qu'il tâchait de rattraper son retard en travaillant sur un coin de la table du buffet. Harry était discrètement venu l'inviter à se joindre à eux, mais Drago avait refusé sans hésiter un instant et sans laisser la possibilité à son interlocuteur d'insister. Il avait cependant apprécié l'intention, et avait encore davantage apprécié le fait d'entendre les rires, les bousculades, les éclaboussures et les plaisanteries qui s'échappaient de la cloison de papier enchanté.
Un rire en particulier.
Harry et Ron Weasley furent les derniers à quitter l'eau. Uniquement vêtus de serviettes leur ceignant les hanches, ils sautillèrent sur le sol gelé de la patinoire en se chamaillant
Quand Harry repéra Drago, toujours à table, il vint aussitôt le rejoindre, tira une chaise et s'assit en tailleurs dessus afin que ses pieds cessent de toucher la glace. Weasley le rejoignit aussitôt et s'installa, lui, carrément sur la table.
Comme lors de la soirée du Nouvel An, ils prenaient un plaisir grotesque à comparer leur résistance au froid en faisant mine que la tisane brulante qu'ils buvaient n'était qu'une coïncidence fortuite. Une conversation régulière, à ce qu'il semblait. Tous deux avaient la peau couverte de chair de poule. Le corps blanc de Weasley avait viré à un rose rouge qui jurait affreusement avec la couleur de ses cheveux.
Celui de Harry, en revanche…
Entre la peau bronzée parcourue de frissons, les cheveux qui s'égouttaient doucement, les petits filets d'eau qui disparaissaient entre les poils bruns, les tétons qui pointaient outrageusement… Et cette position obscène, avec les jambes croisées… Il aurait suffi à Drago de se pencher de quelques centimètres pour savoir s'il y avait un slip de bain sous la serviette qui remontait.
« On peut savoir à quoi tu penses, Malfoy ? » s'amusa Harry au bout d'un moment.
Drago releva les yeux, paniqué, et se retrouva à fixer deux iris verts, brillants et amusés. Sa bouche s'ouvrit, se referma, puis s'ouvrit de nouveau pour improviser sur le premier sujet qui lui vint à l'esprit :
« Aux Patronus.
– Aux Patronus ? répéta Harry sans avoir l'air d'y croire une seule seconde.
– Oui, aux Patronus, prétendit Drago sans se démonter. Je me demande si c'est vraiment une bonne idée que j'essaye d'apprendre ce sort. Est-ce qu'il ne vaut pas mieux que je reste ignare sur le sujet ? C'est ce que la Dottoranda Bonello avait dit, non ? Que c'était grâce à ça qu'on avait pu créer un Patronus Hybride, toi et moi ?
– Non, le fait que tu sois ignare sur le sujet a juste permis qu'il soit moche. Je pense que ça serait une très bonne idée que tu apprennes ce sort.
– Mais comme tu es un Mangemort, intervint Weasley, ça m'étonnerait que tu y arrives un jour. »
Drago ignora l'interruption du rouquin pour demander plus d'explications.
Il avait en effet mal compris les explications de la Dottoranda, à l'époque : S'il ne s'était pas retrouvé dans le même état que les Welbert, ça avait peu à voir avec sa maitrise ou non du Sortilège. Foley n'avait pas souffert de l'exercice, parce que son cerveau abimé avait été incapable de créer un souvenir cohérent. Quant à Drago, aucun souvenir heureux ne lui avait été arraché parce qu'il n'en avait même pas convoqué un seul. Il avait été si passif à ce moment du combat que la Magie s'était écoulée de lui pour venir nourrir celle de Potter sans résister. Pas parce qu'il était faible, mais parce qu'il avait été si confiant et docile que son subconscient n'avait même pas été fouillé. En bref, peu à avoir avec sa non-maîtrise du sortilège, et davantage avec sa non maîtrise de ses émotions.
Il manquait un détail à l'explication, même si Drago n'osa pas l'exprimer à haute voix : Il n'avait alors aucun souvenir heureux à perdre parce qu'il n'en avait aucun en lui.
« Tu dois vraiment empêcher Johnson et sa mère de tenter le coup », prévint-il.
Drago respecte les femmes autant qu'il respecte les moldus : De loin et avec un mélange de crainte et de mépris XD
