Chapitre 7 – Pour un sourire
Chambre 324. Sakura se tenait là, debout devant la porte de sa chambre d'hôtel. Elle tourna la clef dans la serrure d'un air encore pensif, remarquant le deuxième trousseau pendre dans la paume de sa main. Chambre 378. Il sera un peu loin d'elle, se dit-elle d'un air contrarié.
A peine entrée, elle laissa tomber son lourd sac à dos et regarda autour d'elle: c'était spacieux, mais sobre. Une légère odeur de renfermé flottait dans l'air. Le lit semblait lui ouvrir les bras, accueillant et réconfortant. Mais il était encore trop tôt: elle devait bientôt rejoindre Kakashi en bas pour faire le point. Elle se dirigea donc vers la petite salle de bain attenante à la chambre: un rapide bain chaud lui ferait le plus grand bien. La jeune kunoichi commença à se déshabiller et à faire couler l'eau chaude, rattrapée par le fil de ses pensées.
Kakashi avait été Hokage. Le regard du garde s'afficha dans son esprit, et elle réalisa ce que pouvait représenter Kakashi Hatake aux yeux du monde. C'était un homme redouté, mais aussi respecté. Il n'était pas resté longtemps au poste, mais ses actions avaient été remarquées. Il avait mis un point d'honneur à apaiser les tensions. Entretenir les échanges. Favoriser le dialogue - Konoha était devenu un véritable médiateur entre les pays. Il avait tenu à plus d'égalité entre les individus, et avait instauré des systèmes de vote concernant de nombreux postes à responsabilité. Sur ce point, il s'était mis à dos une partie de la population. Ces familles qui, de générations en générations, bénéficiaient de privilèges ancestraux. Ceux-là n'appréciaient pas sa politique, et leur mécontentement était allé plusieurs fois jusqu'à des menaces de mort. Mais Kakashi n'était pas homme à se laisser impressionner, et encore moins soudoyer – des sommes colossales lui avaient été proposées sous la table pour faire chemin arrière de telle ou telle nouvelle loi, et il n'avait même pas fait mine de s'y intéresser.
Sakura ferma les yeux, allongée au fond de la baignoire, s'imprégnant autant des sensations physiques de bien-être de l'eau chaude sur sa peau, que du sens de ce à quoi elle était en train de penser.
C'est Naruto qui avait raconté tout cela à Sakura. Parce que Kakashi lui avait tout dit. Il se doutait que Naruto serait de la même trempe que lui – difficile de trouver âme plus pure et plus juste que le jeune blond -, mais il avait préféré le mettre en garde. Peut-être pour qu'on ne lui dise pas «vous ne m'aviez pas parlé de ça». Peut-être pour se donner bonne conscience.
Sakura réalisa à ce moment-là à quel point les mesures prises par Kakashi lui paraissaient juste. Parfois courageuses. Elle revoit sa mère, il y a quelques mois, vanter la dernière décision de Kakashi d'ouvrir aux civils des postes de professeur, de soignants, de police. Oui, les shinobis possédaient des capacités indispensables. Mais les civils apportaient d'autres connaissances. Une autorité différente. Des connaissances complémentaires. Jusqu'à Tsunade-sama, la population ne semblait être qu'un «fardeau» que l'on devait protéger. Une entité précieuse, mais silencieuse.
Kakashi n'avait pas eu peur de mettre toute cette population silencieuse plus en lumière. Il ne semblait pas avoir de peur, tout court.
Sakura soupira lentement, un peu perturbée de cette prise de conscience. C'est qu'à ses côtés, elle oubliait complètement cet aspect de lui. Il aimait entretenir cette image d'un homme sur qui tout glisse, et qui n'est jamais sérieux. Un homme qui arrive en retard en permanence et qui fait payer aux autres ses repas au restaurant. D'ailleurs, Sakura revint peu à peu à la réalité à cette pensée: Kakashi devait déjà l'attendre en bas. Cette pensée lui arracha un sourire satisfait: le faire patienter un peu de lui fera pas de mal, après tout.
C'est sur cette pensée un brin machiavélique que la rose ressentit brusquement un chakra inconnu tout proche d'elle. Elle ouvrit les yeux en un éclair et se redressa d'un bond de sa baignoire, sur le qui-vive.
Elle resta figée ainsi quelques instants, tous ses sens en éveil. Ce n'était pas le chakra de Kakashi. L'essence de son chakra lui avait toujours donné cette sensation de petites décharges électriques dans un air humide. Comme une vague de courant dans un mince filet d'eau. Tout comme celui de Sasuke, ou bien évidemment celui de Naruto, elle était capable de le reconnaître parmi mille.
Ce chakra ne correspondait à aucun chakra de son répertoire connu. Elle sortit en hâte de la baignoire et enfila un kimono de l'hôtel à portée de main, le refermant à la hâte tout en attrapant un kunai de sa sacoche. Elle entrouvrit minutieusement la porte de la salle de bain, le souffle court et le cœur battant.
Elle eut tout juste le temps de dévier son visage sur le côté que quelque chose frôla sa joue pour s'enfoncer dans la baignoire en arrière dans un bruit d'éclat métallique. Un cri de surprise s'étouffa dans sa gorge alors qu'elle sentit le poids d'un individu s'écraser sur son torse et la plaquer au sol. Le goût du sang s'infiltra dans sa bouche, et elle eut tout juste le temps d'attraper le poignet de l'inconnu, dont le kunai avait déjà perforé la superficie de son sternum. Elle poussa un hurlement et une colère bouillonnante l'envahit, ses deux mains broyant l'avant-bras de l'assassin.
- Ne me touchez pas!
Son chakra irrigua tous ses muscles subitement et elle repoussa l'inconnu violemment contre le mur. La cloison s'enfonça et une partie du mur s'effondra sur lui. Sakura se releva, haletante, à l'affut du moindre prochain geste de son assaillant.
Impossible de dire s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme. D'un rapide coup d'œil, elle pouvait juste constater qu'il était totalement vêtu de noir, un masque sur le visage camouflant son identité. Elle ne pouvait distinguer que ses yeux clairs aux reflets verts, tranchant par-dessus sa tenue sombre.
- Qui êtes-vous?
Pour toute réponse, elle vit les morceaux de gravats recouvrant l'inconnu retomber brusquement au sol alors que ce dernier se jetait à nouveau sur elle. Un corps à corps s'engagea alors dans la chambre, poing contre poing. Kunai contre kunai. Chacun rendait le coup de l'autre avec encore plus de violence, chaque coup était destiné à tuer. Après quelques minutes d'échanges sans merci, Sakura s'abaissa brusquement, laissant le kunai de son adversaire siffler cette fois dans le vide, jetant sa jambe contre le tibia de l'adversaire. Celui-ci esquiva avec agilité dans un bond en arrière, enfonçant son dos contre un placard déjà criblé de coups d'armes. Sakura en profita pour essayer d'asséner le coup de grâce par surprise, mais l'inconnu prononça quelques mots et porta ses doigts à sa bouche masqué.
- Futton, brume acide!
La jeune kunoichi se retrouva brusquement entourée d'une brume épaisse, et alors qu'elle lançait son kunai en direction de l'homme – sa voix était trop grave pour être une femme – celui-ci se planta dans l'armoire dans un bruit de bois. Un éclair de lucidité éclaira le regard de Sakura qui réalisa qu'elle venait de manquer sa cible. A peine avait-elle réalisé cela qu'elle sentit une douleur insidieuse mais progressive s'emparer de l'ensemble de son corps.
- Qui êtes-vous ? répéta-t-elle, sa bouche grimaçant. Pourquoi vouloir m'assassiner ?
Merde, elle aurait dû plus s'entrainer, ces dernières années. Elle se visualisa dans les couloirs des hôpitaux, réalisant qu'elle avait passé plus de temps à perfectionner son jutsu médical qu'à garder ses réflexes et sa condition physique de shinobi. Elle sentit la douleur diffuse s'accentuer progressivement jusqu'à devenir clairement intense, lui provoquant des suées le long de son front et sur sa poitrine presque à nue. Elle s'agenouilla brusquement, pliée en deux.
- Merde, mais qu'est-ce que…
Elle comprit trop tard, alors que le kunai de sa main lui était arraché et que l'inconnu se posta juste devant elle par surprise, protégé par l'épais brouillard qui empêchait Sakura de voir à plus de 20cm. Une fine lame noire vint couper sa gorge, et elle ne dû son salut qu'à son léger recul, s'effondrant au sol, la main sur la gorge et criant de douleur. Dans le nuage de la douleur qui l'envahissait et du réel brouillard qui l'entourait, elle perçut la voix de l'homme la menacer.
- Il ne faut pas fouiller dans le passé… Il ne faut pas changer le destin.
Du sang s'écoulait de la blessure de Sakura, et plongée dans l'obscurité, une angoisse de mort l'assaillit. C'était peut-être la fin, là, dans cette chambre de Suna. Bon sang, elle était faible. Elle était terriblement vulnérable, là, au sol, et d'un geste il pouvait en finir. L'adrénaline lui dicta de parler. De détourner l'attention.
- Quel… Quel destin? De quoi parlez-vous?
- Vous vous mêlez de choses qui ne vous regardent pas.
Alors qu'elle s'appliquait à soigner la blessure au niveau de son cou aussi vite qu'elle le pouvait, elle comprit d'où venait la sensation de brûlure. «Brume acide». Les gouttelettes de cette brume artificielle n'étaient pas constituées d'eau, mais d'acide: elles s'infiltraient insidieusement dans l'épaisseur de sa peau pour la brûler. Elle s'efforçait depuis le départ, par intuition, à faire diffuser son chakra guérisseur dans l'ensemble de son épiderme. Mais cela ne suffisait pas à la guérir, tout juste parvenait-elle à ne pas finir totalement brûlée au 3ème degré. Elle devait partir de cette pièce, ou faire disparaitre cette brume: impossible de se soigner dans le nuage d'acide lui-même. Trop faible, elle se contenta d'essayer de continuer de faire parler l'inconnu.
- Je ne vois absolument pas de quoi vous parlez…
Malheureusement, elle sentit celui-ci s'approcher d'elle à nouveau. Guérie au moins de sa blessure au cou, elle réussit à stopper à nouveau le kunai qui menaçait de la transpercer par ses bras en croix au-dessus de son visage, couchée au sol sous le corps de l'inconnu. Des gouttes de sang perlèrent sur son kimono presque complètement ouvert, découvrant une peau totalement rouge.
- Tu es bien coriace… Tu devais être morte.
Elle profita du léger étonnement de son assaillant pour enfoncer son genou entre ses jambes, provoquant un cri de douleur de ce dernier. Sakura se roula et se faufila à toute vitesse dans la chambre, hors du nuage d'acide. Elle allait atteindre la fenêtre pour se jeter dans la tempête, lorsqu'elle fut à nouveau la cible d'un shuriken, qu'elle évita avec habilité en se jetant contre le mur. Elle en évita ainsi encore deux ou trois autres jusqu'à ce que le dernier plante son kimono au mur, la déshabillant à moitié et la coinçant contre celui-ci. L'inconnu en profita pour attirer d'un geste vif une partie du brouillard acide vers lui, le modelant en un nuage beaucoup plus dense, qu'il jeta sur la rose avant même que celle-ci n'essaie de se dégager de sa mauvaise posture. A peine le nuage atteint son cou qu'elle se mit à ressentir une brûlure insupportable. Elle hurla et se jeta au sol, et dans un geste de colère, lança son poing contre le parquet avec fureur. Le sol se mit à trembler et l'homme vacilla, perdant momentanément le contrôle de son attaque. Sakura se dégagea du nuage pour se jeter sur l'inconnu, une fureur sourde lisible au fond des pupilles.
- C'est vous qui allez mourir!
Son poing chargé de chakra s'écrasa sur la silhouette de l'inconnu. Elle eut à peine le temps de voir son visage s'enfoncer littéralement sous la puissance de la frappe, que l'homme se métamorphosa brusquement en une masse aqueuse qui s'effondra au sol avec fracas.
- Merde…
La douleur de ses brûlures diffuses devenait insupportable. Sakura s'effondra, le souffle coupé, sa température interne montant dangereusement. L'adversaire arrivait par derrière. Elle sentait son chakra. Bon sang, elle ne pouvait plus bouger…
- Doton! Ressenga!
Le sol se mit à nouveau à s'ébranler, des nuages de poussière cette fois se levant dans un vacarme assourdissant. Un cri de douleur fit retourner brusquement Sakura, qui vit Kakashi apparaître, transperçant littéralement le sol de son poing et finissant sa course dans la mandibule de l'ennemi qui s'apprêtait à amener le coup de grâce dans le dos de Sakura. Ce dernier retomba loin de la rose, attrapant sa mâchoire masquée dans un grognement de douleur.
- Ka… Kakashi sensei...
- Le regard inhabituellement grave Nous n'aurions pas dû nous séparer, c'était une erreur de ma part. Qu'est-ce que…
Le gris remarqua l'état de faiblesse de sa coéquipière. Son regard se transforma en un regard inquiet, mais il n'eut pas le temps de s'attarder davantage sur la rose que l'ennemi se releva, ses yeux verts noyés entre la colère et la douleur.
- C'est… probablement un shinobi du pays de l'eau, asséna Sakura aussi vite que possible. Attention à sa brume, elle brûle. Pas de contact rapproché…
Elle n'eut pas le temps de finir que ce dernier se trouvait déjà en arrière du dos de l'ancien Hokage, prêt à le trancher en deux de sa lame fine et tranchante.
- Attention!
Une décharge électrique fusa, intense, conduite par la brume et par l'humidité ambiante. Le clone de foudre de Kakashi disparut, laissant l'inconnu foudroyé au sol, haletant et balbutiant de colère.
- Kakashi Hatake, le lâche! Où êtes-vous? Battez-vous comme un homme!
- Kiri gakure no jutsu!
Une brume blanchâtre se mit à envahir la chambre de Sakura, empêchant à nouveau toute vision de moyenne ou longue portée. Cette fois, Sakura ne sentit aucune douleur supplémentaire au contact de ces fines particules d'eau. Elle grimaçait toujours de douleur, ne parvenant pas à se concentrer sur ses propres soins. Dans la purée de pois de brume épaisse, elle sentit brusquement des bras enserrer sa taille pour la soulever de terre, et ce contact lui arracha un hurlement d'effroi.
- C'est moi.
C'était chaleureux. C'était grave. C'était calme et posé. Elle se sentit brusquement en sécurité à ces paroles malgré l'intensité de la douleur. Elle s'autorisa à sombrer quelques secondes dans le néant, épuisée.
Lorsqu'elle rouvrit les yeux quelques secondes plus tard, la brume avait disparu. Elle n'était dans les bras de personne. Elle entendait des bruits de métal s'entrechoquer juste au-dessus de sa tête, et comprit brusquement où elle était. Elle se releva du lit sur lequel elle avait dû être déposée à la hâte.
- Il… combat seul, bon sang, mais à quoi je sers…
Elle essaya de se lever, mais remarqua avec horreur la couleur écrevisse de ses pieds, jusqu'à ses jambes, son abdomen et remontant jusqu'à son torse. Elle était brûlante, et la fièvre lui donnait des vertiges. C'est qu'elle était presque nue, et qu'ainsi elle avait été brûlée comme si elle avait séjourné au cœur d'un cratère de volcan. Elle essaya d'ouvrir son kimono mais remarqua avec horreur qu'il commençait à se coller à sa peau à vif.
- Suiton, Suikoudan no Jutsu!
Un flot d'eau ininterrompu s'écoula brusquement du trou dans le plafond formé par l'arrivée du clone de Kakashi quelques minutes auparavant. Il se passa de longues minutes d'un pseudo silence qui angoissa la rose, jusqu'à ce qu'elle voit apparaître le Jonin dans le trou du plafond de la petite chambre. Il se laissa tomber au sol et apposa rapidement sa main au pouce coupé sur son parchemin d'invocation. Une meute de quatre chiens sortit de terre dans un nuage de fumée autour du ninja aux cheveux argentés. Ce dernier leur tendit un bout de tissu noir déchiré, reniflé immédiatement avec frénésie par les bêtes à quatre pattes.
- L'ennemi s'est jeté par la fenêtre i peine une minute. Pistez le, ne perdez pas son odeur. Il nous le faudra vivant.
- Compte sur nous Kakashi on s'en occupe! aboya Pakkun, le chef de bande
Sakura observa les quatre chiens se ruer sur l'ouverture au plafond pour se jeter par la même fenêtre que l'inconnu, laissant le sable de la tempête extérieure se mélanger à la brume de la chambre dans une atmosphère un peu apocalyptique.
- Est-ce que ça va, Sakura?
Il s'était approché de la jeune kunoichi, et son ton était plus inquiet que d'habitude. Elle s'empourpra malgré les circonstances, fermant son kimono de honte sous son regard.
- Que faites-vous là? Où est-il? Vous l'avez eu?
- Il s'est échappé… Il m'a envoyé une attaque Doton et en a profité pour filer par la fenêtre.
- … Ah…
Elle aurait voulu demander pourquoi l'ennemi s'était enfui. Mais surtout, elle aurait voulu lui demander si la blessure qu'elle devinait sur son bras, à travers son gilet rouge de sang, n'était pas trop douloureuse. N'importe, elle était trop faible pour poser la question. La fièvre la faisait presque délirer.
- Il faut partir… lâcha le Jonin en jetant un coup d'œil au plafond éventré Ils sont peut-être plusieurs.
- Mais… Qui est-ce? Pourquoi nous a-t-il attaqué? arriva-t-elle à demander
- Je ne sais pas…
- Croyez-vous que… Notre conversation avec Gaara…
Elle ne put finir sa phrase, fermant les yeux d'épuisement, le dos de sa main appuyé sur son front. Elle sentit le Jonin s'asseoir à ses côtés, le matelas s'enfonçant un peu à ses côtés.
- On verra ça plus tard, ce n'est pas la priorité. Soigne-toi. Nous devons nous éloigner d'ici rapidement.
Elle hocha la tête d'un air vaincu, un halo vert apparaissant autour de son corps, ses yeux fermés de concentration. Vite, elle devait aussi soigner Kakashi. Il devait pouvoir aussi compter sur elle. Cependant, à peine avait-elle commencé qu'un bruit sourd coupa Sakura. Puis un deuxième. Ils n'eurent pas le temps de se parler ni d'échanger quoi que ce soit que Sakura se sentit attrapée et attirée dans les bras puissants du Jonin.
- A… Attendez, balbutia-t-elle en le repoussant faiblement je vais arriver à…
- Tiens-moi bien.
Elle ne put protester d'avantage et sentit la lourde cape du Jonin la recouvrir, elle-même blottie contre le torse de Kakashi. La douleur provoquée par le frottement du kimono sur sa peau, aggravée par la pression du corps du Jonin contre le sien aurait dû la faire tourner de l'œil. Pourtant, elle n'y prêta presque pas attention. Son oreille percevait les battements cardiaques du Jonin à travers son gilet pourtant épais, et son bras enlaçait littéralement son torse malgré elle. Son propre cœur déjà accéléré par la fièvre se mit à s'emballer avec frénésie, et elle chauffait tellement qu'elle se demandait si elle n'allait pas devenir une véritable torche humaine.
Elle sentit le Jonin sauter avec agilité au bord de la fenêtre, l'ouvrant sans hésitation de son bras libre alors que les bruits de l'étage s'approchaient nettement du trou béant du plafond. Le sable chaud fouetta les joues brûlées de la rose.
- Met bien la cape sur ta peau, murmura-t-il d'une voix qui se voulait rassurante
Elle s'exécuta, étonnamment calme malgré les circonstances. Elle sentit son corps tomber dans le vide à l'unisson avec celui de Kakashi, jusqu'à ce que celui-ci atterrisse sur quelque chose de dur. Puis il sauta à nouveau. Puis elle se sentait tomber doucement. Il devait sauter de toit en toit, bravant la tempête. Elle ne savait pas où il allait, mais il semblait déterminé. Une sensation étrange l'envahit alors qu'elle se tenait là dans ses bras, brûlée, fiévreuse, presque nue, loin de son village natal. Un sentiment incompréhensible, aidé par l'odeur dégagée par le corps du Jonin, le nez de Sakura collé sur son gilet. Une odeur masculine qu'elle n'avait jamais remarquée jusqu'alors, mais qui envahissait ses bulbes olfactifs jusqu'à son cerveau. Elle se vit fermer à nouveau les yeux et enfouir un peu plus son visage contre ce gilet et ce torse si rassurant. Si sécurisant. Ses poings serraient d'un côté le gilet, de l'autre la lourde cape ocre avec force malgré sa peau meurtrie.
Le Jonin arrêta sa course, la tête de Sakura montant et descendant doucement au rythme de la respiration accélérée de celui-ci. La kunoichi l'entendit ouvrir une lourde porte qui grinça, et elle ouvrit à nouveau les yeux, découvrant l'intérieur d'une autre auberge, et le regard apeuré de deux employés derrière le comptoir. Aux vues de leurs tenues, ils étaient bientôt prêts à aller se coucher.
- Qui êtes-vous? jeta l'un des deux, plutôt maigrichon Vous avez vu l'heure? C'est fermé!
- Nous avons besoin d'une chambre.
- C'est complet, coupa l'autre avec mécontentement, les bras croisés
Il sembla que la quantité de billets déposée sur le comptoir par Kakashi soit suffisante pour que l'hôtel se soit subitement agrandi d'une chambre en plus. L'homme le plus grassouillet des deux compta le nombre de billet ocres d'un air incrédule, reportant ses yeux sur le shinobi gris avec méfiance.
- Bien, mais il ne reste qu'une seule chambre, et que pour cette nuit. Vous devez être partis demain à 10h. Et pas de casse!
Kakashi ne répondit pas, et elle imagina qu'un simple hochement de tête avait dû clore la conversation. Elle entendit un clinquement de clef derrière le comptoir, et Kakashi, Sakura toujours dans les bras, suivit l'aubergiste jusqu'au fond d'un couloir sombre et un peu lugubre, au rez-de-chaussée. Une porte s'ouvrit dans un silence glacial, et avant qu'elle ne sente le Jonin la déposer sur un lit dur et froid, elle entendit la porte claquer derrière eux.
- Désolé ce n'est pas le luxe, mais au moins nous sommes à l'abri du sable. Et du danger.
Le coeur de Sakura se serra en sentant le corps du Jonin s'éloigner du sien. Elle observa alors la pièce froide aux murs crasseux et à la peinture défraichie. Un frisson la parcourut. Elle tenta de ravaler l'angoisse et le mal être qui l'envahissait. Elle essaya d'oublier qu'elle n'avait plus aucune intimité, plus aucune affaire, qu'elle était presque nue et le corps meurtri de brûlures. Elle s'était rarement sentie autant vulnérable qu'en cet instant.
- Profite de ce repos pour te guérir, continua Kakashi, loin du tourment intérieur de la jeune femme. Garde ma cape sur toi. J'irai te chercher des vêtements neufs demain.
- Déglutissant … Merci sensei.
Il resta un instant en face d'elle, ses yeux mi-clos fixés sur la jeune femme.
- Encore une fois… Arrête avec ça.
- Quoi? Avec quoi? bredouilla-t-elle sincèrement
- Arrête de m'appeler «sensei».
Elle ouvrit des yeux écarquillés.
- Balbutiant Mais… Vous savez bien que…
- Je le sais. Mais c'était il y a longtemps. Là, nous sommes coéquipiers.
Elle ne sut quoi répondre, et sa peau brûlante se rappela douloureusement à elle, l'empêchant de prolonger cette discussion dérangeante. Son corps se mit à nouveau à frissonner.
- J'avais fait du repérage si nous étions attaqués… J'ai trouvé cette auberge un peu excentrée. Je ne pensais pas que nous aurions besoin d'y venir aussi vite… Mais, nous sommes en sécurité ici.
- … Pourquoi avons-nous été attaqués? Pour de vieux parchemins dont personne n'était censé connaître l'existence?
- Ça en a bien l'air.
"Il ne faut pas fouiller dans le passé… Il ne faut pas changer le destin."
Oui... Ca en avait bien l'air... Bon sang. Elle ne s'était pas du tout attendue à cela.
Kakashi s'éloigna de la rose, s'asseyant à bonne distance dans une chaise peu confortable, dos à elle. Il ouvrit l'un de ses livres favoris, probablement plus motivé à laisser un peu d'intimité à Sakura qu'à se lancer à une heure pareille dans un roman. Quoi que, connaissant le personnage, ce n'était pas si sûr.
La rose essaya d'oublier le trouble qu'elle avait ressenti à sa demande – pourquoi insister autant pour qu'elle ne l'appelle plus sensei? faisait-il pareil avec Naruto? – et essaya de se concentrer sur sa guérison. Elle écarta légèrement son kimono, grimaçant de douleur. Elle constata alors avec effroi que la pression du corps de Kakashi contre le sien durant le court trajet entre les deux auberges avait définitivement collé son kimono contre sa peau. En essayant de retirer une partie du kimono, elle s'était littéralement arrachée plusieurs centimètres carrés de peau. Un hurlement mourut dans sa gorge.
- En effet, notre discussion avec Gaara a dû être interceptée, marmonna Kakashi sans se retourner, le nez dans son livre. Ou alors… La fuite vient d'un de ses conseillers. Je trouve que l'un d'entre eux n'était pas enthousiaste à l'idée que nous rencontrions Ebizo…
- Ah oui, vous trouvez vous aussi?
Une conversation. C'était parfait pour détourner l'attention sur la douleur intense qu'elle ressentait, et les bruits bizarres qu'elle devait produire en se tortillant de douleur dans ce lit inconfortable.
- Oui. Il est possible qu'il soit au courant de l'existence de ces parchemins.
- … En effet…
- … D'un côté, le shinobi qui nous a attaqué possédait des pouvoirs du pays de l'eau. Très étonnant, vu là où nous nous trouvons…
Elle ne répondit rien cette fois, embarrassée. Il avait raison, mais elle était trop faible pour lui dire ce qu'elle savait. Bon sang, aurait-elle dû en parler avant? Auraient-ils été plus attentifs ? Demain. Demain, elle lui confierait tout.
- En tout cas, si la piste d'Ebizo ne donne rien, poursuivait Kakashi, seul dans ses pensées, je pense que nous aurons un autre sujet à questionner.
- Je ne pense pas qu'il avoue quoi que ce soit…
- Oh, tournant une page, Je sais parfois être persuasif.
- Ah oui?
- Oui.
- D'humeur taquine malgré la douleur Vous n'avez plus votre sharingan, ne l'oubliez pas…
Sans qu'elle ne s'y attende, elle le vit se figer imperceptiblement. Il se retourna, et elle s'étonna de ce regard bien plus expressif que d'habitude. Que lisait-elle dans ce regard? Elle ne saurait dire.
- Je sais être persuasif sans.
- Je…
La bouche de Sakura était ouverte, sans voix, lorsque Pakkun et ses amis coupèrent la conversation en grattant au carreau presque opaque de la petite chambre. Kakashi ouvrit la fenêtre pour laisser entrer les quatre chiens couverts de sable.
- Impossible de retrouver notre homme, je suis désolé Kakashi, se désola le chef de bande. La tempête a effacé toutes les traces. J'ai même presque eu du mal à vous retrouver vous, c'est dire…
- Ce n'est pas grave, je m'en doutais. Merci à vous. Ce n'est que partie remise, nous l'aurons la prochaine fois.
Pakkun hocha la tête, penaud et agacé. Lui et les siens s'évaporèrent rapidement dans un nuage de fumée, laissant Sakura et Kakashi dans un silence un peu lourd et malaisant.
- Excusez-moi, balbutia Sakura qui avait pris le temps de se rendre compte de sa maladresse. Ce n'était pas ce que…
- Tu as raison. Je ne suis pas aussi puissant qu'avant, je dois m'en rappeler.
- Ce n'est pas du tout ce que je voulais dire!
- Le regard souriant Qu'importe.
Elle vit Kakashi la fixer d'un regard indéchiffrable. Après quelques secondes interminables - d'hésitation? - il sembla se décider à s'asseoir sur le lit devant elle. Il attrapa sans avertir sa propre cape autour de la rose, la maintenant en lévitation autour d'elle tout en préservant son intimité.
- Finis de te soigner les mains libres. Prend ton temps.
Cette bienveillance brutale la prit au dépourvu. Elle sentit une douceur et une attention soudaine dans cette proposition qui la fit tachycarder de plus belle. Il était si proche. Ses yeux noirs désormais assortis semblaient éviter de croiser les siens, fixés sur un point inconnu à ses côtés. Elle aurait senti son souffle sur son visage s'il n'avait pas ce fichu masque. Cette nouvelle proximité lui envoya malgré elle une décharge de chaleur intense dans son corps déjà bouillant.
Elle n'arrivait pas à se concentrer.
- Je… gémit-elle Mon kimono est collé à ma peau et m'empêche de me soigner correctement.
- … Tu veux que je te l'enlève?
- Non! hurla-t-elle
Il écarquilla les yeux de surprise, reculant imperceptiblement. Elle se mordit la lèvre de culpabilité. Il se détendit cependant rapidement, le visage presque amusé.
- Excuse-moi, ses yeux à nouveau rieurs. Tu es une «grande fille», je sais.
- Non, ce n'est pas…
- d'un ton moqueur Je n'avais pas de mauvaises intentions, tu sais.
- rouge Evidemment… Quoi qu'avec toutes vos lectures on n'est jamais sûr de rien !
Non. Elle n'avait pas pu répondre ça. Le regard du gris s'agrandit à nouveau de surprise.
- Sakura… murmura-t-il étonné
- Tenez-moi bien cette cape, lâcha-t-elle brutalement, stoppant cette conversation totalement surréaliste
La rose se tortilla sous la cape avec ferveur, essayant à nouveau d'ouvrir le kimono.
Vite, qu'il s'éloigne d'elle, lui et tous les effets inadaptés qu'il produisait dans son propre corps sans le vouloir. Mais son visage se tordit de douleur, sa peau s'arrachant petit à petit au fur et à mesure qu'elle retirait le kimono.
C'était insupportable.
- Je devrais peut-être te laisser seule pour que tu puisses te concentrer… lâcha le gris
- Non.
Elle lui lança un nouveau regard sans équivoque.
- Je croyais que j'en faisais trop? argua-t-il
- Je croyais que nous ne devions plus nous séparer.
Il y eut un moment de flottement où Sakura se demandait véritablement comment elle allait sortir de cet enfer. Mais Kakashi sembla hésiter, puis reprit la parole.
- Sinon… Je peux toujours essayer de t'hypnotiser.
- … M'hypnotiser? ria-t-elle presque
- C'est une technique que j'ai copié avec le sharingan.
- …
- Je parviens toujours à utiliser cette technique. Même en ayant perdu le sharingan. Celui à qui je l'ai copié n'en possédait pas.
- Un brin moqueuse … Le célèbre ninja copieur, j'oubliais…
- d'un ton faussement vexé Tu n'as pas besoin de ça, en effet.
- Je n'ai jamais dit ça.
- Tu en as besoin?
Elle le regarda, perturbée et prise au dépourvu, rougissant intensément. Partagée entre la douleur et la pudeur.
Comment avaient-ils pu se retrouver dans pareille situation, et aussi rapidement? Quelle était la probabilité qu'une situation pareille arrive?
Bon sang, elle n'aurait jamais dû choisir Kakashi pour l'accompagner. Sasuke devrait être là, en face d'elle, lui tenant la cape… ou l'aidant carrément à lui retirer directement ce fichu bout de tissu de son corps.
Mais… serait-elle vraiment plus à l'aise si c'était l'Uchiwa en ce moment en face d'elle plutôt que Kakashi Hatake?
- Alors? redemanda Kakashi d'une voix calme
Son cœur battait à tout rompre. Sa peau à vif lui hurlait de dire oui. Elle sentit sa tête hocher d'avant en arrière, dirigée par son cerveau reptilien qui lui commandait de stopper ces envois nociceptifs insupportables. Le Jonin s'installa un peu mieux devant la rose, baissa alors la cape doucement pour former quelques mudras de ses mains, ce qui exposa la rose à ses yeux. Elle croisa machinalement les bras devant sa poitrine meurtrie par réflexe, mais ce dernier ne baissa pas le regard et la fixa intensément de ses yeux noirs. Alors qu'elle sentait son cœur palpiter comme jamais et le sang lui monter au cerveau, elle se sentit brutalement submergée par une vague de douceur et d'apaisement. La douleur semblait déjà s'atténuer en quelques secondes seulement.
- Tu peux enlever ton kimono, murmura-t-il sans la lâcher du regard, les mains signant toujours un mudra fixe. Soigne-toi. Je maintiens le sort tant que tu n'as pas terminé.
- Merci mais ça va aller, murmura-t-elle d'une voix peu assurée, reprenant la cape entre ses mains
- Ce n'est pas le moment de jouer les fortes têtes Sakura, tu t'es arraché littéralement la peau en retirant ton vêtement tout à l'heure.
- Comment?...
- Je le sens, expliqua-t-il en approchant ses doigts de son nez à l'odorat surdimensionné
La rose pâlit.
- Soigne-toi.
Elle s'exécuta, n'osant plus répliquer. Elle écarta avec une précaution craintive le vêtement de sa peau, mais la sensation d'apaisement persista : elle ne ressentait plus aucune douleur. Pourtant, sa peau se décollait toujours avec le vêtement par lambeaux entiers. L'odeur du sang envahissait ses propres sens. Elle s'appliqua à concentrer enfin ce qui lui restait de chakra guérisseur autour de son corps meurtri, un halo vert l'entourant avec toute la force qu'elle parvenait à rassembler en elle. Heureusement, la peau était un organe superficiel, ce ne sera pas long. Mais vu l'étendue des brûlures… Cela durerait au moins quelques minutes.
Elle déglutit. Kakashi restait stoïquement concentré sur son regard, ses mains toujours en place devant elle, immobile. Les secondes lui semblaient des heures, les minutes une éternité.
Cet homme en face d'elle. Ce chakra électrique. Cette aura. Cette odeur…
Le halo faiblit, signant la fin de sa guérison. Aucun mot ne sortit de la bouche de la rose, les yeux émeraudes toujours fixés dans ceux de son ancien sensei. Il se passa quelques secondes avant que l'argenté ne stoppe le sort en abaissant ses mains.
La sensation de la douleur remonta doucement le long des nerfs de la kunoichi pour atteindre son cerveau mais elle ne broncha pas. Cette douleur était incomparablement plus faible. Totalement supportable. Elle effleura sa peau de ses doigts sous la cape, réalisant s'être guérie convenablement malgré les circonstances difficiles.
C'est alors que la douleur redevenait supportable et qu'elle était enfin guérie qu'elle réalisa vraiment la proximité de Kakashi. Son visage affleurait le sien, ses jambes encadraient les siennes. Il était presque à califourchon sur elle, et dans sa posture vulnérable, c'était terriblement embarrassant. Leurs regards ne pouvaient plus se détacher. Le temps semblait s'être figé. Elle se perdait dans l'obscurité de ses yeux. Elle laissa dériver son regard sur son torse, contre lequel elle avait enfoui son visage quelques instants seulement auparavant. Son cœur se mit à battre plus fort, encore une fois.
Que s'était-il passé?
Il l'avait juste aidée à se soigner.
Pourtant, elle le sentait, il s'était passé quelque chose.
Kakashi l'observait lui aussi de manière inhabituelle, jusqu'à ce qu'il finisse par dévier son regard et s'éloigner, se relevant avec lassitude. Il contourna machinalement le lit tout en retirant son Hai-tai qu'il jeta négligemment au bas de ce dernier. Ses doigts glissèrent dans sa chevelure ébouriffée d'un mouvement las, accompagnant un soupir qui ne l'était pas moins.
- Il faut dormir… soupira-t-il. Il va falloir être encore plus en forme que prévu.
Elle revint petit à petit sur terre à ces paroles, reprenant contenance. Tout en observant la silhouette de son coéquipier de haut en bas, son regard s'attarda sur son bras. Une lueur de lucidité s'empara d'elle.
- Votre bras. Je... Je dois d'abord vous soigner.
Il regarda Sakura d'un air interrogatif, alors que celle-ci serrait à nouveau le kimono contre sa poitrine, une rougeur persistante sur ses joues. Il finit par se rappeler de sa blessure et y jeta un coup d'œil peu enthousiaste.
- Ah, ça… Ce n'est rien, Sakura. Ça attendra demain.
L'échange de regard qui suivit en disait long. Ils n'eurent pas besoin de parler pour se comprendre. Kakashi se gratta alors l'arrière de sa nuque d'un geste embarrassé. Son émanation de chakra sembla brusquement plus tendue.
- Tout sera dans le rapport, n'est-ce pas? lâcha le Jonin d'un regard mi-clos blasé
- Vous pouvez avoir confiance en moi, vous aussi.
Il ne semblait pas s'attendre à cette réponse. Ses sourcils blancs se haussèrent, son bras encore en arrière dans sa nuque.
- Je ne vous demande pas de vous soigner pour vous tester, lâcha-t-elle, sûre d'elle. Je vous le demande pour votre bien.
- D'un ton las Je sais pourquoi Tsunade m'a choisie, tu sais…
- Et alors?
Il ne répondit pas, le regard fuyant, les traits de son visage préoccupés. Du peu qu'elle l'avait côtoyé ces dernières années, c'était la première fois depuis la fin de la dernière grande guerre qu'elle le trouvait troublé. Il y avait quelque chose. Tsunade avait raison.
- S'il y a des choses qui vous préoccupent… Il faut en parler à votre co équipier.
Le regard étonné du gris se retourna vers elle, les mains à nouveau dans les poches, toujours debout à côté du lit. Le sentant réceptif, Sakura poursuivit, un demi sourire aux lèvres.
- Pour le bien de la mission. Pour la cohésion d'équipe… Nous devons communiquer un minimum, non?
Elle se félicita intérieurement d'être parvenue à changer les traits tendus de son co équipier en un sourire amusé devinable sous le mince tissu noir.
- Que puis-je répondre à ça? lâcha-t-il
- Rien. Amenez votre bras.
- … As-tu encore suffisamment d'énergie pour ça?
- Courroucée Vous m'offensez.
Il s'installa à côté de Sakura et lui présenta son bras sans plus de cérémonie.
- Il faut enlever votre gilet.
- Tu peux juste déchirer le vêtement autour de la plaie. Ça suffira largement.
Elle allait s'emporter et se moquer de sa pudeur mal placée, puis repensa à ce qui venait de se passer. Elle ravala ses paroles mesquines et se contenta de hocher la tête tout en exécutant sa demande, déchirant d'un coup de kunai le gilet juste autour de la plaie. Elle n'était pas si profonde que ça. Mais peut-être fera-t-elle semblant qu'elle l'était.
- C'est plus profond que ça n'en a l'air, mentit la rose
- Ah, répondit simplement le Jonin
Elle devina un nouveau sourire sur le visage de Kakashi, alors qu'elle s'appliquait à soigner sa blessure.
- Quoi? jeta la rose avec nervosité
- Je ne me suis pas fait pardonner pour t'avoir fait payer mon repas, il y a presque trois semaines. Laissant un court silence s'installer … Je ne suis pas arrivé à l'heure l'autre jour.
- Etonnée … Depuis quand vous souciez-vous de ça?
- Comment ça? Je m'en suis toujours soucié.
- ... Il y a vraiment des choses plus urgentes à régler, vous ne croyez pas ? Nous venons d'être attaqués... d'un ton assuré Demain nous retournons voir Gaara. Nous DEVONS parler à Ebizo. Nous ne pouvons pas nous laisser intimider ainsi.
- En effet, répondit Kakashi dans le vague
- un peu rougissante ... Et puis, de toute façon, il vous faudrait au moins trois vies pour rattraper tous vos manquements depuis le départ. Envers Sasuke, Naruto et moi!
- Et juste envers toi?
Les mains de Sakura illuminées d'un halo vert se mirent à trembler légèrement au-dessus du bras du Jonin.
- La gorge sèche … Une vie entière. Laissez tomber.
Plus personne ne coupa le silence. Le visage tourné de Kakashi vers le sol resta malgré tout toujours aussi souriant, son regard mi-clos dans le vague. Sakura se contenta de cette vision de lui, le bras tendu vers elle qui le soignait, son attitude apaisée et détendue. Elle ne pouvait décrocher son regard de son profil, devinant aux reliefs noirs ce sourire suspendu à ses lèvres.
Le cœur de Sakura se réchauffa à cette vision. La chambre lui parut moins crasseuse, le lit moins froid, la situation moins dangereuse, son kimono moins inconfortable.
A quoi pensait-il ? Peu importe. S'il souriait, c'est qu'elle arrivait à rendre son humeur plus légère. C'est qu'elle arrivait à accéder à ses émotions. Il ne se confiait pas encore, mais peut-être le ferait-il un jour. Elle aimait lui faire sentir que s'il voulait se confier à elle, il le pouvait. C'était cela, être une personne de confiance pour lui.
Finalement, tout ce qu'elle voulait, c'était qu'il sourit.
