Bonjour à toutes et à tous !

Merci à Cassye pour sa review !

Je songe à traduire cette fiction en anglais une fois sa rédaction entièrement terminée. Comme la communauté de Baldur's gate est majoritairement anglophone, et qu'il s'agit d'une langue que j'aime beaucoup, je me suis dit que l'exercice pourrait être intéressant. Toutefois, avoir un beta-correcteur pourrait s'avérer utile afin de vérifier les tournures de phrase, le choix des mots etc. Que ça ne fasse pas trop "Google traduction" dans l'âme ! Je suis en pleine réflexion. Si certaines personnes ici ont déjà tenté l'aventure de la traduction, je suis curieuse d'avoir vos retours.

Une rencontre que j'ai beaucoup apprécié écrire dans ce chapitre !

Réponse aux reviews :

Cassye : Et oui, on peut éliminer une bonne partie des gobelins par empoisonnement ! Lorsqu'on arrive au camp, à l'endroit même où on croise Volo, la course à la poule etc, il y a un chaudron où les gobelins vont se servir leur bière... Et si on clique dessus, on voit qu'on peut interagir en y ajoutant un objet de notre inventaire ! J'ai tenté un poison, et cela a déclenché une cinématique peu de temps après. Il faut par contre réussir un jet de persuasion pour convaincre les gobelins que tu n'es pas responsable du massacre. Le coup du barde qui distrait la foule tandis que le voleur pille sans remord, c'est un peu la base de mon gameplay avec Nymuë je l'admets x) Et pour répondre à ta question, non Nymuë n'est pas une référence à WOW, j'ai choisi ce prénom car cela est un des surnoms donnés à la Dame du Lac dans la légende arthurienne, signifiant "rivière". Cela m'a fait penser à une des OST mythiques du jeu, "Down by the river", et va savoir pourquoi c'est resté dans ma tête ensuite ! Merci encore une fois pour ta review.

Je vous souhaite une bonne lecture !


Chapitre 10

Toile d'araignée

Après le vacarme des réjouissances, l'intérieur du temple paraissait étrangement silencieux. Seul le bruit des tambours résonnait encore, mais nuls rires, ou chants ne traversaient les lèvres des gobelins montant la garde. Les créatures étaient moins nombreuses ici ; cependant, leurs faits et gestes n'en étaient que plus surveillés.

Une sentinelle les apostropha :

— Hé ! La fête, c'est pas ici ! hurla-t-elle. Nous, on est au service de l'Absolue.

Nymuë adressa un regard entendu à ses compagnons. Il était temps de mettre leur plan en marche.

— J'ai une audience avec votre cheffe, déclara-t-elle.

— Hum… Les gens de votre espèce traitent pas avec le boss Ragzlin ou la prêtresse Haruspia, en général. Je parie que vous êtes là pour voir Minthara. Sans blague, vous êtes son portrait craché. Un poil trop claire, peut-être.

L'elfe noire prit air impérieux :

— Je me demande ce que ma sœur pensera, lorsque je lui annoncerai que vous m'avez fait attendre. J'ai cru comprendre que votre bourreau avait servi de repas à vos araignées. Peut-être vous trouveront-elles aussi à leur goût ?

— Pas… Pas besoin d'aller jusque-là, glapit la sentinelle. Minthara connaît son affaire, c'est sûr, et je ne voulais pas manquer de respect. Paraît que le prochain raid, ce sera quelque chose ! Elle est dans les geôles, m'dame, avec le dernier des pillards qu'on a récupéré. Elle s'apprêtait à le faire parler.

Tremblante, la gobeline lui pointa du doigt un escalier s'enfonçant au cœur de l'édifice. Les aventuriers ne s'embarrassèrent pas de remerciements avant de poursuivre leur route :

— Si je ne vous connaissais pas, susurra Astarion, je pourrais presque croire que vous aimez terroriser ces petites créatures.

— Vous avez raison, répliqua Nymuë, vous ne me connaissez pas.

— Oh, ne soyez pas si rigide. L'autorité vous va si bien…

— Je suis étonnée qu'une elfe noire se soit perdue au milieu des gobelins, murmura Ombrecoeur. Ne le prenez pas mal Nymuë, mais les vôtres sont assez rares à la surface.

— Vous me faites rougir, Ombrecoeur. Je ne pensais pas être votre "première fois".

— Ce que j'essaye de dire, c'est que j'ignore si les codes sociaux drows fonctionneront lorsque nous nous adresserons à cette Minthara.

Nymuë s'immobilisa en bas des marches, retenant un soupir. Lorsqu'elle se tourna vers ses compagnons, son expression était désemparée :

— La vérité, c'est que… je ne connais pas les règles d'étiquette drow. Je n'en ai jamais rencontré d'autre à ce jour.

Un silence accueillit cette confession, rompu un instant plus tard par la demi-elfe :

— Vous ne connaissez donc pas vos parents ? lui demanda-t-elle.

— Ils sont morts, probablement alors qu'ils cherchaient à atteindre la surface. Ma mère est décédée en me mettant au monde. Ce sont les troubadours qui étaient avec elle qui m'ont recueillie, puis élevée.

"Puis exploitée.", poursuivit-elle en pensée. Sortant son pendentif de sous son armure, elle continua :

— Le seul objet que je garde d'eux est ce médaillon. J'ai cru comprendre que les elfes noirs étaient un peu plus nombreux à Baldur's Gate, mais je ne les ai jamais croisés. Je suppose que, tout comme moi, ils ont privilégié la discrétion.

— Je connais des jumeaux, hasarda Astarion, à la Caresse de Sharess. Le meilleur bordel de la basse-ville. Je vous les présenterai, darling. Je suis sûr qu'ils sauront quoi faire de vous…

— La question que je me pose, rétorqua la jeune femme en jouant avec son poignard, est ce que je devrais faire de vous.

— J'ai quelques idées…

Nymuë tint sa langue face à son insupportable rictus. Si les choses tournaient mal, elle pourrait toujours imaginer à certain haut-elfe à la place de Minthara.

Les sous-sols du temple étaient depuis longtemps effondrés ; ce qui devait être autrefois une immense galerie ressemblait aujourd'hui à une caverne. Des tunnels rocheux faisaient office de murs. Même le sol était trompeur, les dalles désagrégées étant par endroit des gouffres béants. L'un d'eux, peu profond, avait été aménagé en fosse dans laquelle se trouvaient deux grosses araignées.

Pas étonnant que les gobelins en aient fait leurs geôles. Les seules alternatives, si par miracle un prisonnier parvenait à s'évader, étaient un puits sans fond ou un rendez-vous avec les arachnides.

C'est l'arrière de la salle qui attira le regard des compagnons. Cette zone, séparée du reste par de lourdes barres de fer, faisait office de prison de fortune. Deux worgs grognaient férocement, enchaînés à un mur. Et dans la dernière cage, se trouvait un ours brun.

Il était plus grand encore que celui les ayant menacés au Bosquet d'Émeraude. Deux lourdes attaches entravaient ses mouvements, mais sa corpulence était telle que Nymuë se demandait par quel miracle les barreaux de sa cellule tenaient encore. Quelques gobelins s'étaient réunis devant l'animal, afin de lui jeter des pierres.

L'elfe noire se dirigea vers le renfoncement où elle espérait trouver sa semblable. Rien ne pourrait être fait pour Halsin tant que Minthara était dans les parages.

Des armoires avaient été poussées contre les murs de l'antichambre, vaine tentative de rendre la pièce plus habitable. Des torches diffusaient une lumière tremblotante, et un grand bureau de granit occupait la majorité de l'espace.

Nymuë ignorait ce qu'elle s'attendait à ressentir en rencontrant Minthara. De la curiosité, peut-être, pour une de ses congénères ? Sans se l'avouer, elle espérait dénicher quelque chose de familier. Un trait du visage, une particularité physique, un tic de langage… N'importe quoi, qui lui aurait donné un sentiment d'appartenance.

Il n'y avait toutefois rien, chez cette drow, avec lequel elle parvenait à s'identifier. Sa peau était plus foncée que la sienne, d'un bleu tirant presque sur le violet. Ses cheveux blancs étaient attachés en un chignon rapide. Même son armure lui paraissait étrange : mélange d'écailles et de cuir, elle luisait d'une couleur bleue-grise à la lumière des flambeaux. Robuste, suffisamment résistante pour encaisser et dévier des attaques à l'arme lourde ; mais également furtive, apte à se fondre aisément dans le décor. Elle arborait dans son cou un symbole en forme de toile d'araignée, et ses yeux…

Ses yeux étaient encore plus rouges que ceux d'Astarion. La générale était en train de réprimander un gobelin à leur arrivée, et la jeune femme vit clairement l'écarlate de ses pupilles foncer sous le coup de la colère. À en juger par ses tremblements, la sentinelle à ses pieds n'y était pas insensible :

— Vos éclaireurs ne sont toujours pas revenus, commenta Minthara. La moitié des intrus ont échappé à vos gardes, et une bonne partie de vos prisonniers sont morts sans lâcher la moindre information.

— Désolé, maîtresse, murmura l'autre. On a foiré.

— À compter de cet instant, et ce jusqu'à ce qu'on retrouve leur refuge, je t'arracherai toutes les heures quelque chose qui t'est cher. Un bijou… ta langue… un bras.

— Je servirai à rien sans mes bras, m'dame ! Mes gars vont faire parler cet ours, et fissa ! Promis, juré.

— Silence, vermine. Ou je te ferai taire à jamais.

Elle congédia le gobelin d'un geste dédaigneux, avant de poser les yeux sur les nouveaux venus. Un éclair de surprise traversa son visage lorsqu'elle croisa le regard de Nymuë. Au lieu de les inviter à approcher, ses pensées se mêlèrent à celles de ses visiteurs, telle une main glaciale effleurant leurs esprits.

"La pièce se dissolu autour d'eux ; une vision se matérialisa, montrant la drow écoutant attentivement une jeune femme aux yeux pâles. L'une de ceux dont parlait la Voix : une Élue…"

L'image se dissipa aussi rapidement qu'un souffle de vent. Face à Minthara, la musicienne se rappela de jouer son rôle :

— Une âme éveillée ? l'accueillit respectueusement la générale. Mes hommages, ma sœur. Vous êtes là pour me seconder dans ma traque ?

Oh, souffla Astarion, ravi. Qui chassons-nous ?

Minthara se tourna lentement vers lui, et l'air se chargea d'électricité. Quand une vague d'énergie se déversa de leur interlocutrice, le haut-elfe tomba à la renverse.

— Tu parleras, mâle, quand cela te sera autorisé. Vous l'avez mal élevé, consœur.

La jeune femme esquissa un sourire poli, serrant et desserrant les doigts pour contenir son inquiétude. Astarion ne paraissait pas blessé, mais son orgueil mis à mal pouvait leur coûter cher. Il retint cependant sa dague, bien que de mauvais gré.

— Pardonnez-le, ma sœur. Être en présence des enfants chéris de l'Absolue lui fait perdre toute mesure.

— J'ose espérer que vous saurez lui rappeler sa place. Venez-vous directement de Menzoberranzan ?

Prudemment, Nymuë répondit :

— Qu'est-ce qui vous fait dire cela ?

Abordant une expression faussement aimable, Minthara lui désigna le pendentif qu'elle avait oublié de ranger sous son armure :

— Votre ornement. Seules les grandes familles de Menzoberrazan ont le droit à ce type de parure, comme celle que j'arbore dans mon cou. Je dois toutefois admettre ne pas reconnaître le symbole de votre Maison ?

Ses yeux scrutaient avec curiosité le "A" gravé sur le bijou, ainsi que la toile d'araignée l'entourant. Nymuë saisit fermement son collier :

— Cela fait bien longtemps que j'ai quitté les Tréfonds Obscurs, broda-t-elle. Les intérêts de ma Maison cessèrent d'être ma priorité lorsque j'entendis l'appel de l'Absolue.

Cette réponse parut satisfaire sa semblable, car elle lui sourit avec indulgence. La jeune femme poursuivit :

— Vous disiez être en chasse ?

— Des adorateurs d'une fausse divinité. Leur seule existence est une insulte à la juste domination de l'Absolue. Il y a une arme que notre déesse exige, et je suis persuadée qu'elle est détenue par ces pouilleux. Nous la ramasserons au milieu de leurs cadavres encore fumants.

Son impatience était palpable. Malgré elle, les pensées de la générale s'ouvrirent à nouveau aux aventuriers. Sa conscience s'attardait sur ces rêves de victoire, le sang des infidèles répandu au sol… Et l'arme. Elle souhaitait s'en emparer, au nom de l'Absolue.

Sur sa gauche, Nymuë sentit l'angoisse d'Ombrecoeur. Comme ils le craignaient, l'artefact recherché par les cultistes n'était autre que le prisme qu'ils détenaient, celui-là même les ayant protégés à leur arrivée au camp gobelin. Les poings de l'elfe noire se serrèrent ; les fanatiques ne devaient pas savoir que l'arme qu'ils convoitaient était à portée de main.

— Le voleur dans nos geôles a cherché à s'enfuir pour rejoindre leur sanctuaire, continua Minthara. Comme notre bourreau a transformé son camarade en un tas d'os ensanglantés, nous allons continuer à le découper, morceau par morceau, jusqu'à ce qu'il nous révèle sa position exacte. Et s'il décide de rester sous sa forme animale, qu'importe : cela nous fera seulement utiliser des armes plus tranchantes.

Lentement, une idée germa dans l'esprit de la musicienne. Le plus gros des forces gobelines seraient décimées d'ici quelques heures, anéanties par le poison de Nettie. Le reste était sûrement aux ordres de Minthara, prêts à participer à ce fameux "raid"…

S'ils les attiraient au Bosquet, elle et sa bande, ils pourraient les submerger avec l'aide des tieffelins. Les druides ne se montreraient pas coopératifs, bien sûr, mais Halsin saurait certainement les convaincre…

Ne demeurait que l'impossibilité de communiquer ce plan à ses camarades, de peur que la générale l'intercepte. Ils allaient devoir lui faire confiance.

— Pas besoin du prisonnier, déclara-t-elle. Je connais déjà l'endroit que vous cherchez.

Elle entendit Ombrecoeur sursauter, et Lae'zel lâcher un juron ; mais aucune des deux femmes n'interféra. Seul Astarion sembla deviner où elle voulait en venir.

— Dites-moi ce que vous savez, ordonna Minthara avec empressement. Si nous trouvons cet endroit, l'Absolue nous récompensera en nous offrant un immense pouvoir.

Avec obédience, l'elfe noire se dirigea vers le bureau sur lequel se trouvait une carte. Ses doigts en caressèrent la surface, aussi légers qu'une plume, avant de s'arrêter sur l'emplacement du Bosquet. Les yeux de la générale s'agrandirent :

— Si près ? Bien. Ils sont faits comme des rats, et vous allez prêter main forte à ce massacre. Puisque vous connaissez déjà les lieux, rendez-vous à leur refuge, et montrez-vous amicale. Laissez-les accueillir le loup au sein de la bergerie.

— Et une fois à l'intérieur ? demanda Nymuë.

— Je vais rassembler une escouade avec laquelle je prendrai position autour du bosquet. Vous nous ouvrirez la porte de l'intérieur, quand l'heure sera venue de frapper. Au nom de l'Absolue, nous massacrerons les infidèles et purifierons les lieux par le feu. Ainsi… nous serons les premières à intégrer le cercle de ses favoris.

L'elfe noire hésita :

— Il en sera ainsi, acquiesça-t-elle.

— Bien. Rassembler les gobelins n'est jamais simple, mais mes troupes seront prêtes à l'aube. Débrouillez-vous pour vous infiltrer d'ici là. Une fois que nous serons en position, vous donnerez le signal et nous les exterminerons jusqu'au dernier. Et lorsqu'ils seront morts, l'Absolue vous récompensera pour votre foi.

Minthara s'approcha d'elle, lui saisissant le menton avec possessivité :

— Et je saurai vous montrer ma gratitude, moi aussi, ronronna-t-elle.

Nymuë tenta de garder contenance, alors qu'Ombrecoeur étouffait une toux gênée dans son dos. Lae'zel et Astarion, en revanche, admiraient le spectacle avec grand intérêt.

Sa congénère la relâcha sur un dernier sourire appréciateur, avant de se diriger vers la pièce à côté :

— Nous partons, cria-t-elle. Rassemblez nos hommes !

Les gobelins cessèrent de monter la garde pour se précipiter vers l'extérieur. En un instant, la prison se vida, ne laissant que les créatures en poste devant la cage d'Halsin. L'ours rugit tandis que la générale l'observait, le sourire aux lèvres :

— Nous avons trouvé notre proie, déclara-t-elle avec satisfaction.

Derrière elle, les aventuriers restèrent silencieux. Au fond, qui chassait qui ?


Les trois derniers gobelins étaient trop occupés à rire de leur prisonnier pour s'intéresser aux étrangers. Quand Ombrecoeur se concentra sur son sortilège, sa voix fut à peine plus forte qu'un murmure :

Silencio, invoqua-t-elle.

Une bulle magique les enveloppa, étouffant les sons extérieurs. Seuls les rires aigus des créatures restaient distincts ; désormais, rien ne saurait donner l'alerte aux patrouilles. L'elfe noire s'approcha nonchalamment de leur groupe :

— Vous ne vous préparez pas ? leur demanda-t-elle. Après tout, ce n'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de massacrer des druides.

L'ours tourna sa tête impressionnante et gronda. Elle esquissa un demi-sourire :

— Celui-là semble féroce, mais je peux vous dire que ses compères du Bosquet sont plus proches de l'hibernation…

— Haha ! ricana une gobeline. Ils ne comprendront rien du tout quand on leur tombera dessus !

— Oui, acquiesça la jeune femme. C'est le moins qu'on puisse dire.

Elle fit tournoyer son poignard chaîné, tranchant sa gorge. La créature voisine prit ses jambes à son cou, n'évitant une flèche d'Astarion que grâce à un plongé magistral. Malheureusement pour elle, l'épée de Lae'zel l'attendait ; la githyanki la trancha en deux. Le dernier garde saisit son arme, mais une patte massive le plaqua au sol. Il couina et griffa vainement les dalles de pierre, avant d'être entraîné à l'intérieur de la prison. Là, son hurlement se tût.

Une vive lumière envahit la cellule, alors qu'une forme humanoïde remplaçait l'ours. Halsin était un elfe des bois à la taille haute, ainsi qu'à la musculature colossale. Pas étonnant que sa forme animale soit si imposante ! Ses cheveux bruns lui arrivaient aux épaules, et d'anciennes griffures balafraient son visage. Fouillant le cadavre du gobelin à ses pieds, il en sortit une clé avec laquelle il déverrouilla ses chaînes. Prudemment, Nymuë lui ouvrit la porte de sa geôle, et c'est quand il croisa son regard méfiant que l'archidruide sembla remarquer ses mains, encore couvertes du sang de sa dernière victime :

— Pardonnez les viscères, leur dit-il. D'aucun devrait chérir tout ce que la nature nous offre… Mais la chair de gobelin est tout en bas de la liste. Vous avez aidé un ours, sans savoir s'il allait vous écharper ensuite ? Ou vous êtes de véritables amis des animaux… ou vous êtes un groupe de lunatiques.

Nymuë avait son opinion sur la réponse.

— Je vous dois des remerciements, poursuivit l'archidruide, bien que je vous aie cru semblable à ces cultistes, à votre arrivée… Mon nom est Halsin.

— Nous sommes au courant, répliqua Ombrecoeur, nous venons du Bosquet d'Émeraude.

— Celui-là même où vous venez d'envoyer cette drow ? accusa-t-il.

— Celui-là même où nous venons de piéger cette drow, rétorqua la musicienne. Des gobelins ont attaqué votre demeure il y a de ça quelques jours, au retour d'Aradin et de son équipe. Tôt au tard, ils vous aurez localisés. Maintenant, non seulement leur garnison est réduite, mais nous bénéficions de l'effet de surprise.

— Je les ai laissés vulnérables, reconnut Halsin. Mais jamais je n'aurais cru qu'ils auraient affaire à une telle menace…

— Craignez déjà les dangers présents en vos propres murs, ajouta l'elfe noire. Car Minthara n'est pas la seule à convoiter le Bosquet…

Ouvrant sa besace, elle lui remit la lettre de Kagha précédemment subtilisée. Les yeux de l'archidruide s'agrandirent à sa lecture :

— Les druides de l'Ombre ? Oh Kagha, pauvre enfant… Mais que lui est-il passé par la tête ?

— Une remarquable ambition, toutefois mal orchestrée, soupira le roublard.

— J'aurais dû davantage la préparer, continua le premier druide. Mieux lui montrer la voie… Mais il m'incombe de vivre avec ces regrets.

Halsin les étudia alors soigneusement :

— Ce n'est pas un hasard si vous m'avez trouvé, pas vrai ? Vos actions vous font honneur, mais je reconnais cette lueur dans vos yeux… Il vous est arrivé quelque chose.

L'archidruide fit briller ses doigts d'une lueur dorée, qui les enveloppa d'une douce chaleur. La sensation n'était pas désagréable, presque amicale… jusqu'au moment où elle effleura leurs tempes, faisant trembler le parasite.

— Que le Père de la Forêt vous préserve, mon enfant… Vous êtes infectés… Mais quelque chose est différent. Vous êtes conscients du monstre à l'intérieur de vous, et vous ne pliez pas le genou devant l'Absolue, comme les autres "Âmes Eveillées"... Comment est-ce possible ?

— Nous aurions déjà dû nous transformer, avoua Ombrecoeur. Cela fait maintenant plusieurs jours que nous souffrons de cette condition, et pourtant aucun symptôme ne s'est manifesté. Notre cas est… complexe.

— J'étudie ces vers depuis un moment, désormais, déclara Halsin. Depuis l'apparition des cultistes dans la région. Quelqu'un se sert d'une puissante magie pour modifier ces parasites ; il les utilise afin de contrôler les individus infectés, et les soumettre à sa volonté.

Nymuë retint son souffle : ce même pouvoir qu'elle avait utilisé sur Andrick et Brynna aurait dû prendre possession d'elle depuis longtemps… Était-ce également l'artefact d'Ombrecoeur qui les protégeait de cette influence, les laissant libres de corps et d'esprit ?

— Je crains de ne pouvoir défaire cette magie, confessa l'archidruide. Je ne peux vous guérir. Ce qui ne signifie pas, toutefois, que je ne suis pas en mesure de vous aider. Mon temps en cellule m'a permis d'observer ces âmes éveillées ; je n'ai peut-être pas trouvé de remède, mais je sais d'où ces larves modifiées proviennent. Cet… endroit, ces Tours… Des innocents y rentrent, et des âmes éveillées en sortent. S'il existe un traitement à ce qui vous condamne, il doit être là-bas.

— Les Tours de Hautelune ? demanda Nymuë, en se rappelant les gobelins rencontrés la veille. Où est-ce ?

— Je vous en dirai plus, je vous le promets, mais pas maintenant et pas ici. Le temps presse ; les troupes de Minthara sont en route, et elles arriveront au Bosquet à l'aube. Nous pouvons les doubler.

— C'est impossible, objecta Ombrecoeur. Il nous a fallu presque deux jours pour voyager jusqu'ici !

— Parce que vous êtes passés par les sentiers, expliqua Halsin. Les gobelins, eux, passent en dessous.

Et il pointa du doigt le souterrain à l'autre bout de la pièce.

— Ils apportaient ma nourriture de là-bas, poursuivit l'archidruide. Certains d'entre eux ont été envoyés afin de fouiller une ancienne bourgade, tombée en ruine depuis longtemps. Ils ratissent toute la région au peigne fin, même si j'ignore ce qu'ils cherchent exactement.

Les compagnons se mesurèrent du regard, silencieux. Certaines informations étaient plus en sécurité connues d'eux seuls.

— Si nous passons par ces… tunnels, lança Lae'zel, nous arriverons directement au village ?

— Ça nous laisserait moins d'une demi-journée de marche pour rejoindre le Bosquet, réfléchit Astarion.

— Autrement dit, nous pourrions arriver dans la soirée. Nous aurions le temps de nous préparer, afin d'accueillir Minthara comme il se doit.

— Minthara n'est pas le seul danger, gronda Halsin. Les autres chefs gobelins continueront de menacer mon peuple, même si la drow périt.

— Et bien, sifflota Ombrecoeur, il est possible que nous ayons déjà à moitié réglé ce problème…

En quelques mots, elle lui raconta leur stratagème, omettant toutefois la provenance de la toxine. Le premier druide sourit avec admiration :

— Vous êtes rusés comme des renards, mes amis, déclara-t-il. Mais qu'en est-il de la prêtresse à l'intérieur du temple ?

— J'ai peut-être une idée, glissa Nymuë.

Espiègle, elle indiqua à Halsin la fosse aux arachnides :

— Vous savez parler aux animaux, pas vrai ?


Note de fin :

Quelques informations sur ce chapitre :

- Tout d'abord, j'ai modifié la disposition du donjon pour correspondre à mes besoins.

- Dans le même ordre d'idée, j'ai créée un tunnel reliant le Village Abandonné et le camp gobelin. Mais sachez qu'il existe vraiment des tunnels dans le camp qu'on peut creuser pour s'enfuir discrètement, pas très loin de la cellule d'Halsin.

- J'ai modifié légèrement le sortilège "Silence" par rapport à ce dont il est réellement capable selon le lore de Donjons et Dragons. Normalement, ce sortilège empêche ceux piégés à l'intérieur d'entendre quoi que ce soit, et donc d'utiliser des sorts nécessitant une prononciation orale. Ici, je l'ai plutôt utilisé comme une "bulle d'isolation", empêchant les gens de l'extérieur d'entendre ce qui s'y passe.

- Enfin, notre pauvre Astarion se fait bully par Minthara car j'ai souhaité axer sur le lore drow, qui est relevé dans le jeu mais reste discret. Les elfes noirs sont une société matriarcale : littéralement, être un mâle là-bas est une "fonction", un corps de métier. Quand on explore le background de Minthara, on apprend qu'elle vient de la noblesse de Menzoberrazan. Si vous jouez un drow, Minthara vous accueille plus ou moins chaleureusement si vous vous identifiez comme étant une femme ou un homme, pour correspondre justement à cet aspect "culturel".

Je laisse la prêtresse Haruspia aux araignées, il semblerait que l'on se rapproche petit à petit d'une bataille épique ? Je vous remercie d'avance pour votre lecture, et vous dit à la semaine prochaine !