HEYY GUYS!
Mon caplocks était bloqué, ce doit être un signe.
On se retrouve à nouveau pour un chapitre beaucoup trop long par rapport à mes prévisions, et qui me force à réajuster le scénario de mes futurs chapitres (encore et encore) pour pouvoir intégrer tout ce que je veux. Toutefois, je suis assez fière de pouvoir vous dire que je sais à peu près comment tout cela va se finir !
J'espère que cela vous plaira, en tout cas, on prend un pas un peu plus léger par rapport à ce qui précède !
(Avant la suite. Huhuhu.)
Ok il y a moins d'Irondad que d'histoires d'adolescents mais promis il y a plein de Tony / Peter prévu ensuite !
Bonne lecture !
(Je n'ai pas vraiment de TW, pour une fois. Consommation d'alcool suggérée, peut-être ? Enfin bref - enjoy !)
Le choc fut si brutal que ses poumons se vidèrent instantanément de leur air.
Peter resta étendu sur le dos un long moment, hébété. Son esprit était devenu blanc. Il ne sentait plus son corps ; les sons et les images avaient été coupés, seul comptait l'oxygène qu'il avalait désespérément dans l'espoir de retrouver et de stabiliser son souffle.
Ses sens revinrent progressivement. L'ouïe, d'abord : le tumulte de la circulation, l'asphalte malmené par les semelles des passants, les cris qui s'élevaient tout autour de lui. Puis ce furent les lumières aveuglantes des lampadaires, dont les faisceaux se mêlaient au scintillement lointain des étoiles.
Et, enfin, ses nerfs qui s'éveillaient. Il avait l'impression qu'on avait écrasé chacune de ses vertèbres avec un marteau ; sa nuque était en feu, une douleur sourde tintinnabulait à l'arrière de son crâne.
Un grognement de douleur lui échappa, alors que des ombres s'agitaient à la périphérie de son champ de vision.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Il est blessé ?
— Ne me dites pas qu'il est tombé du toit ?
— C'est Spider-Man ?
— Non, c'est sûrement un gamin qui a voulu l'imiter… regardez, il est beaucoup plus petit que sur les photos !
— Est-ce qu'on devrait appeler le 911 ?
— Je ne sais pas. On devrait d'abord regarder son visage…
Quelqu'un glissa les doigts sur son menton, cherchant à le libérer de son masque.
Ce fut comme si on venait de lui administrer une piqûre d'adrénaline. Peter se redressa brusquement sur les coudes, faisant sursauter les passants qui s'étaient rassemblés autour de lui, et s'empressa de rabaisser son masque pour couvrir sa bouche. Agenouillée à ses côtés, une femme déguisée en sorcière ramena précipitamment la main vers sa poitrine.
— Oh, désolée, je ne savais pas que tu étais réveillé !
— Il est toujours vivant ? demanda quelqu'un par-dessus son épaule, avec une certaine perplexité.
— Pas d'inquiétude, les gars, je vais bien, affirma Peter à la cantonade — ce qui était assez loin d'être la réalité. Où est passé l'alien sur son skate-board violet ?
Il leva le nez, mais l'homme en armure verte avait disparu.
— L'alien ? Quel alien ? s'étonna la sorcière.
Un homme vêtu d'une cape noire et affublé de fausses canines démesurées s'accroupit à son tour, fixant Peter avec inquiétude.
— Tu t'es cogné la tête, petit ?
— On devrait appeler les secours… hasarda sa voisine.
Peter fit un rapide signe de dénégation — ce qu'il regretta aussitôt : ses épaules et sa nuque protestèrent vivement, et il retint de justesse un hoquet de douleur.
— Il y avait un alien, enfin, ce n'était pas vraiment un alien, bien sûr, il portait une armure verte qui le faisait ressembler à un insecte. Il trimballait une sorte de mini-grenade… vous n'avez pas vu l'explosion ? insista-t-il.
La sorcière et le faux Dracula échangèrent un regard laissant entendre que la santé mentale de leur interlocuteur était préoccupante.
— J'ai cru que c'était un feu d'artifice, dit enfin le vampire. Je veux dire, c'était très haut dans le ciel et ça a fait des étincelles…
— C'était un feu d'artifice, confirma une momie dont les bandelettes ressemblaient à s'y méprendre à des rubans de papier toilette. Qui est-ce qui s'amuserait à jeter des grenades le soir de Halloween ?
Plusieurs réponses vinrent à l'esprit de Peter, mais il préféra s'abstenir de les partager.
— Et cet alien devait être un déguisement, ajouta la sorcière. Comme le tien. Très réussi, d'ailleurs, on dirait presque le vrai.
— Ce n'est pas… commença Peter, mais il comprit à leurs expressions qu'ils ne le croiraient pas. Laissez tomber. Il faut que je le retrouve avant qu'il ne blesse quelqu'un.
Il chercha à se remettre debout. Plusieurs paires de mains s'abattirent immédiatement sur ses épaules pour le retenir, et il retomba sur les fesses. Un nouveau grognement de douleur s'arracha à sa gorge : il avait l'impression que son coccyx avait été remplacé par un hématome de la taille d'une pastèque.
— Hey, doucement ! Tu ne devrais pas bouger avant qu'un médecin t'ait examiné, lança quelqu'un dans son dos.
— Et tu devrais enlever ce masque, mon chéri. Promis, même si tu n'es pas le vrai Spider-Man, on ne dira ton identité à personne, ajouta la sorcière avec douceur.
— Je vais bien, je n'ai pas besoin qu'on m'examine ! protesta Peter.
— Tu as fait une chute d'au moins dix étages, c'est déjà un miracle que tu sois encore en état de parler, observa le faux Dracula.
— Mon costume est rembourré. Un rembourrage très technologique, invisible à l'oeil nu, prétendit Peter. C'est un procédé secret, directement inspiré des armures d'Iron Man. Laissez-moi juste me relever, et vous verrez.
Ses interlocuteurs pincèrent les lèvres, mais consentirent à le laisser se remettre debout.
Lorsqu'il fut de nouveau en position verticale, ses jambes chancelèrent un peu ; il pressa son poignet et jeta une toile sur le lampadaire le plus proche pour se rattraper.
— W… woaaaah ! Tu... tu es vraiment Spider-Man ? hoqueta la sorcière. Mais… mais tu as quel âge ?
— Euh… je suis, euh, un adulte ? Je veux dire, j'ai l'air plus jeune qu'en vrai. Mais oui, c'est moi, Spider-Man, euh, enchanté les gars ! Et les filles, ajouta-t-il à l'attention de la sorcière.
Le faux Dracula plissa les yeux :
— Mouais. Ou alors, tu as volé ce costume et ce lance-toiles au vrai Spider-Man…
— Quoi ? Non, bien sûr que non ! Je ne suis pas un voleur, protesta l'adolescent.
— Vous voyez ? C'est exactement ce que dirait un voleur, dit triomphalement le vampire.
— Mais… je… écoutez, il faut que j'aille retrouver cet espèce d'alien vert avant qu'il ne fasse d'autres dégâts, est-ce qu'on pourrait reprendre cette conversation plus tard ?
— Mais tu ne sais même pas comment…
— Merci pour tout, désolé de vous avoir inquiétés pour rien, je vous souhaite un joyeux Halloween, attention aux caries et aux chauves-souris ! Saluuut !
Il s'élança le long d'une nouvelle toile qu'il avait au préalable attachée à la façade d'un gratte-ciel. Bouches bées, ses interlocuteurs lui firent vaguement un signe de la main et se précipitèrent sur leurs téléphones portables.
Au moins, ça leur fera une anecdote à raconter, songea Peter.
Il espérait seulement qu'ils n'enjoliveraient pas la réalité au point d'alerter Tony.
⁂
Malgré ses recherches, il ne trouva aucune trace de l'alien vert. Comme si l'homme ne s'était matérialisé que pour lui et, satisfait d'avoir constaté son existence, s'était évaporé dans le ciel (non sans avoir au préalable cherché à le blesser, voire à le tuer).
En dépit de ce qu'il avait affirmé plus tôt, Peter sentait le contrecoup de sa chute dans chaque os, chaque muscle de son corps. Il fut de retour à l'appartement avant même que Tony et Morgan ne soient revenus de leur expédition ; des pics de douleur électrisaient à fréquence régulière des parties de son corps dont jusque là, il ignorait l'existence.
Par chance, il lui restait quelques-uns des anti-douleurs super-puissants qu'avait synthétisé Bruce pour lui. Il en avala trois d'un coup, sans prendre la peine de les faire passer avec un verre d'eau, et s'effondra sur son lit. Il plongea quasi instantanément dans un état second dans lequel ses sens étaient cotonneux et l'écoulement du temps ne signifiait plus rien.
Il n'aurait su dire s'il s'était endormi lorsque la porte d'entrée troubla le silence de l'appartement et que la voix flûtée de Morgan résonna, faisant l'inventaire de toutes les sucreries récoltées durant la soirée. Quelques instants plus tard, quelqu'un frappa discrètement à la porte de sa chambre, mais il n'eut ni la force d'ouvrir un oeil, ni celle de répondre.
Un mince rai de lumière perturba l'obscurité de ses paupières.
— Hey, Spider-Kiddo. Tu es déjà couché ? murmura la voix de son père.
Il l'entendit s'approcher et s'agenouiller devant lui, se mettant à la hauteur de sa tête. Le froufrou des chaussons à pompons roses de Morgan l'accompagnait.
— Il peut pas te répondre s'il est endormi, observa cette dernière, avant de glapir : Ew, regarde, il a gardé ses chaussettes dans son lit !
— Shhh, Mo' ! Tu vas le réveiller.
— Mais nan, tu vois bien qu'il dort comme une pioche !
— On dit dormir comme une souche, Mo'. Et tu devrais prendre exemple sur lui, on a largement dépassé l'heure de ton couvre-feu.
— J'suis pas fatiguée !
— Ce n'est pas que disent tes tous petits yeux. Va te laver le visage et te changer, trésor, pendant que je dis bonne nuit à ton frère.
— Mmhh… bon, d'accord, mais tu viendras me dire bonne nuit à moi aussi, hein ?
— Bien sûr, petit monstre. Allez, file, avant que le croque-mitaine ne t'attrape !
Prisonnier d'un état à mi-chemin entre éveil et sommeil, Peter eut vaguement conscience que Morgan quittait la pièce, tandis que Tony rajustait ses draps et le bordait soigneusement. Il sentit ensuite une main contre sa joue, la caresse légère d'un pouce sous son oeil droit, puis un baiser contre son front.
— Bonne nuit, Peter. J'espère que là où tu es, tu fais de beaux rêves, avec si possible beaucoup de soleil, de pizzas hawaïennes et qui sait, peut-être ton amie MJ ? Essaie juste de ne pas tout mélanger, je ne crois pas que tu aies très envie de voir ta copine recouverte de sauce tomate et d'ananas.
Peter sourit intérieurement. Il ne savait pas si c'était les anti-douleurs ou la présence de son père, mais il ne s'était pas senti aussi bien depuis très longtemps.
Mais contrairement aux prédictions de Tony, lorsque la conscience de Peter glissa dans les contrées mystérieuses des songes, ce ne fut pas MJ qu'il vit près de lui, un sourire niché au coin des lèvres et les yeux pétillants de malice.
⁂
Les ecchymoses laissées par sa chute dessinaient une douloureuse constellation violette sur sa peau. Elle virerait ensuite au vert, puis au jaune, avant de s'estomper définitivement.
— Spider-Man, l'homme-araignée-oeuvre d'art, marmonna Peter le lendemain matin en enfilant ses vêtements avec des gestes raides.
Chaque mouvement lui donnait l'impression d'avoir été piétiné par un troupeau d'éléphants. Par chance, son visage avait été épargné, mais il prit soin de couvrir chaque autre centimètre carré de son corps qui aurait pu attirer le regard de Tony ou Pepper.
Il alla d'un pas traînant à la cuisine, réprimant de nombreux bâillements. Ses pensées étaient un peu confuses, il soupçonnait son organisme de ne pas avoir brûlé l'intégralité des anti-douleurs avalés la veille. A bien y réfléchir, Bruce ne lui avait-il pas formellement interdit d'en prendre plus d'un à la fois ? Un et demi, grand maximum ?
— Beurk, tu vas vraiment boire ça ?
Peter baissa les yeux et s'aperçut qu'il venait de mettre du jus de fruits dans son bol de chocolat chaud. Il esquissa une grimace de dégoût et croisa le regard de Morgan. S'apercevant qu'ils faisaient tous les deux la même tête, l'ombre d'un sourire flotta sur leurs visages — mais l'un comme l'autre le firent disparaître sur-le-champ.
— J'ai confondu avec le lait, marmonna Peter en vidant l'abomination chocolatée dans l'évier. Où sont Tony et Pepper ?
Morgan haussa les épaules, avant d'annoncer fièrement :
— Aujourd'hui, papa m'emmène au parc !
— Effectivement, confirma Tony qui venait d'apparaître dans l'embrasure de la porte, fraîchement rasé et portant son sweat-shirt préféré (un modèle noir Stark Industries, sur lequel « Stark » avait été barré et remplacé par la mention « Pepperony »). D'ailleurs, on ferait mieux de ne pas traîner, ils prévoient de la pluie cet après-midi, et mon affection pour les bacs à sable ne s'étend malheureusement pas aux bacs à boue.
— Oui, p'pa !
— Je ne te demande pas si tu veux venir avec nous, ajouta Tony à l'intention de Peter. Aller au parc pour enfants, c'est comme être un asticot dans un poulailler. C'est bruyant, tu ne sais jamais sur quoi tu marches, et tu n'es en sécurité nulle part.
— Ne dis pas ça, tu vas lui faire peur ! intervint Pepper.
Elle s'était matérialisée derrière lui comme une ombre aux cheveux roux et au tailleur blanc impeccable.
— Hey, Peter. Je t'aurais bien proposé de te tenir compagnie mais malheureusement, j'ai un vol pour le Canada qui décolle dans quelques heures.
— Même que tu vas ramener plein de gâteaux au sirop d'érable ! précisa Morgan, les yeux brillants de gourmandise.
— Seulement si tu es sage, rétorqua Pepper avec un sourire amusé. Mais dis-moi, Peter, au lieu de rester ici tout seul toute la journée, pourquoi n'irais-tu pas passer la journée dehors, avec tes amis ?
— Euh…
En vérité, Peter avait songé à patrouiller, mais les hématomes qui couvraient son corps l'incitaient plutôt au repos — rien que d'être assis mettait son coccyx au supplice, alors il ne s'imaginait pas faire des cabrioles dans les airs.
Il glissa un regard vers Tony, en quête de son approbation.
— Très bonne idée, approuva chaleureusement celui-ci. Depuis quand tu n'as pas vu Ted et MJ ?
— Ouais. Ouais, okay, dit l'adolescent.
— Je te déposerais au café où vous avez l'habitude de vous voir, si tu veux, proposa Pepper. C'est sur le chemin de l'aéroport.
— Ouais, okay, répéta Peter.
— Tu es autorisé à utiliser d'autres mots, tu sais, Pete, pouffa Tony en lui ébouriffant les cheveux.
— Ouais… enfin, je veux dire, je sais, désolé. Merci Pepper, je veux bien !
— Parfait. On part dans dix minutes, je t'attendrai en bas.
Pendant que Tony et Pepper lui tournaient le dos, Peter envoya discrètement l'adresse du café à Harry et Gwen.
« RDV là-bas dans 20 mn ? »
Harry fut le premier à répondre : « Drôle d'endroit, mais je ne peux rien te refuser, Pete. J'y serai ;) »
La réponse de Gwen fut plus nuancée : « Oh, c'est adorable, j'aurais adoré venir mais j'ai promis à papa qu'on passerait la journée ensemble… une prochaine fois ! Amusez-vous bien, soyez sage, surtout toi Harry ! »
Peter ne fut pas surpris par la réaction de Harry :« Peter est suffisamment sage pour nous deux », suivi d'une dizaine de coeurs — sans qu'il ne soit précisé s'ils s'adressaient à Peter ou à Gwen.
— Encore sur ton téléphone ? Dépêche-toi, Pete, Pepper t'attend !
— Oui, tout de suite !
⁂
Le coeur de Peter se serra. Il n'était pas retourné dans ce café depuis si longtemps… la dernière fois, MJ et lui s'étaient solennellement engagés à ne pas s'oublier. Que restait-il de leur promesse, aujourd'hui ?
Peter se pelotonna sur un recoin de banquette rose et commanda un cappuccino. Harry n'était pas encore arrivé ; le café était presque désert, le ciel gris n'incitait pas les New-Yorkais à mettre le nez dehors. Tout en remuant l'onctueuse mousse de lait qui couronnait sa boisson, il imagina Tony courir après Morgan dans le parc, dérapant sur des plaques de gadoue, et s'autorisa un léger sourire. Aussi douloureuse que soit cette image, il devait admettre que Tony était devenu un excellent père.
Du moins, pour elle.
La porte du café tintinnabula, l'arrachant à ses pensées. Peter releva les yeux, espérant que Harry était arrivé, et fut comme frappé par la foudre.
Plantée sur le seuil, les doigts serrés autour de la bandoulière de son sac, MJ le fixait avec tant de surprise qu'elle en avait oublié d'afficher son habituel masque d'ennui mâtiné d'indifférence.
Ni l'un ni l'autre ne sut comment réagir. Un bref instant, Peter crut qu'elle allait ressortir du café — elle-même semblait en mourir d'envie — mais, à la place, elle prit une grande inspiration et se dirigea droit vers lui.
— Hey, loser, dit-elle lorsqu'elle fut arrivée au niveau de sa table.
— Salut, MJ, répondit Peter sur le même ton un peu guindé qui trahissait leur gêne respective. Qu'est-ce que, euh, qu'est-ce que tu fais ici ?
— La même chose que toi, je suppose.
Il y eut un silence si écrasant que Peter se sentit rabougrir de quelques centimètres.
— Tu peux t'asseoir, si tu veux, balbutia-t-il finalement. Enfin, tu n'es pas obligée. Tu peux aussi rester debout, mais c'est un peu bizarre, non ?
Bien qu'hésitante, MJ finit par acquiescer et prendre place face à lui. Une serveuse se précipita à leur table pour prendre sa commande .
— Un expresso noir, sans sucre, s'il vous plaît, dit MJ sans quitter Peter du regard. Il faut bien que je cultive le mystère, ajouta-t-elle face à l'air stupéfait de l'adolescent. Sinon, tu pourrais te lasser de moi. Et j'ai lu que les femmes mystérieuses buvaient ce genre de truc.
— Elle prendra un thé au jasmin, corrigea Peter à l'attention de la serveuse. Elle déteste le café. Et MJ, bien sûr que non, je ne me suis pas lassé de toi, c'est juste que…
— Je sais, coupa la jeune fille. Tu as été dépassé par les évènements, tu t'es dit que tu m'écrirais plus tard, puis tu n'as plus su quoi dire, parce que trop de temps s'était passé. Et je sais aussi que je n'ai pas le droit de t'en vouloir, parce qu'une conversation, ça se fait à deux, et moi non plus je ne t'ai pas relancé. Moi aussi je me suis dit que je le ferai plus tard, par fierté, sûrement, puis par culpabilité. Je suppose que je t'en veux moins que je m'en veux à moi-même, et c'est pour ça que je suis tellement en colère. Parce que je n'ai pas le droit de te faire des reproches que je mérite tout autant que toi.
— MJ, je suis désolé, je...
— Du coup, c'est quoi, un café ou un thé ? les interrompit la serveuse d'un ton ennuyé.
— Un thé, dirent les adolescents à l'unisson.
Tandis que la femme s'éloignait d'un pas chaloupé, ils échangèrent un regard à la fois étonné et amusé.
— Je ne savais pas que tu te souvenais de mon thé préféré. C'est ce genre de détail qui te rend vraiment insupportable, Parker.
— Parce que je me souviens de ce que tu aimes ? bredouilla l'adolescent. J'aurais dû te prendre le pire truc de la carte ?
— Parce que je ne peux pas t'en vouloir, quand tu es comme ça, soupira la jeune fille.
Elle attendit qu'on lui serve sa tasse brûlante avant de relever les yeux vers lui.
— Tu as changé, dit-elle brusquement.
— Ouais, Pepper aussi n'arrête pas de me dire que je vais bientôt dépasser Tony…
— Pas seulement physiquement. Il y a quelque chose de différent dans ce que tu dégages. Quand je t'ai vu, tout à l'heure, je ne t'ai pas tout de suite reconnu.
— Et c'est une bonne, ou une mauvaise chose ?
— Je ne sais pas, admit MJ. Le temps nous le dira.
Ils sirotèrent leurs boissons respectives en se jetant des coups d'oeil à la dérobée. Contrairement à lui, MJ n'avait pas changé ; elle était toujours aussi indéchiffrable, toujours aussi fascinante, et le corps de Peter réagissait de lui-même à sa présence : son coeur battait un peu plus fort, ses paumes étaient légèrement moites, une chaleur étourdissante s'attardait sur ses joues.
Mais ce ne fut rien, au regard du déluge sensoriel qui traversa tout son organisme lorsque la porte carillonna à nouveau et que la silhouette de Harry apparut. Il portait un pantalon noir assorti à un gilet de costume qui le faisait paraître plus âgé. Comme à son habitude, les manches de sa chemise blanche étaient retroussées jusqu'à ses coudes et ses cheveux étaient ébouriffés, lui conférant un air nonchalant qui s'accordait à merveille avec son expression enjouée et malicieuse.
— Hey, Pete, tu ne m'avais pas dit que tu avais déjà de la compagnie, lança-t-il joyeusement en s'approchant d'eux.
Sans la moindre hésitation, il s'agit à ses côtés sur la banquette, face à MJ qu'il considérait avec un mélange de curiosité et d'impertinence. La jeune fille lui rendit un regard méfiant, qui s'ombra lorsque Harry passa négligemment un bras autour des épaules de Peter. Celui-ci se sentit rougir jusqu'à la racine des cheveux.
— MJ, je te présente Harry, bafouilla-t-il. Harry, voici Michelle Jones, ou MJ.
— Michelle, dit la jeune fille.
— Très joli. Le prénom, je veux dire, répondit Harry, et Peter se retint de lui administrer une petite tape sur l'arrière du crâne. Enchanté de te rencontrer, Peter m'a énormément parlé de toi, mais tu es encore plus impressionnante en vrai.
Peter, qui ne lui avait jamais parlé de MJ, envisagea brièvement de se cacher sous la table.
— C'est drôle, parce que Peter ne m'a jamais parlé de toi, rétorqua MJ.
— Je suppose qu'il préférait faire planer le mystère, sourit Harry. Ou qu'il n'avait pas tant de choses à dire sur moi. Contrairement à toi, qui est, cela va sans dire, une jeune fille talentueuse et brillante, à côté de laquelle je ne suis qu'un vermisseau analphabète.
MJ haussa les sourcils et tourna son regard vers Peter :
— Est-ce que ton copain se moque de moi ?
— Moi, me moquer ? Alors que je pense chacun des mots qui sort de ma bouche ? Tu me brises le coeur, chérie, geignit Harry en portant la main à sa propre poitrine, avec cette théâtralité à laquelle s'était habitué Peter — mais qui ne parut pas amuser son amie.
— Ne m'appelle pas comme ça, dit-elle sèchement.
— Oh, désolé, je ne voulais pas te vexer !
— Je ne suis pas vexée, je suis ennuyée, riposta MJ.
Harry se tourna vers Peter et lui adressa un clin d'oeil :
— Sacré caractère. Je comprends pourquoi elle te plaît.
Peter avait l'impression de voir la situation lui échapper comme des grains de sable qui glisseraient entre ses doigts. Il se décida enfin à ouvrir la bouche :
— Harry, arrête, ce n'est pas le moment. MJ, je suis désolé, j'aurais dû te prévenir, Harry est un peu, euh…
MJ pencha la tête :
— Indélicat ? Goujat ? Désagréable ?
— Tant de compliments, je ne sais plus où me mettre, dit Harry.
— Spécial ? proposa Peter, tandis que Harry pouffait de plus belle. Harry, s'il te plaît, stop, vraiment, ce n'est pas drôle.
— A tes ordres, chéri. Tu vois, lui, ça ne le dérange pas que je l'appelle comme ça, susurra-t-il en direction de MJ.
Celle-ci rouvrit la bouche d'un air furieux, mais sembla soudainement déstabilisée. Ses yeux allèrent de Harry à Peter, et il vit le trouble s'épanouir dans son regard.
— Je rêve, Parker, ou ton copain a bu ?
— Hein ? Mais non, pas du tout, qu'est-ce que tu racontes ? répondit spontanément Peter.
Toutefois, il devait bien admettre que les prunelles de Harry étaient anormalement chatoyantes — et ses pommette anormalement colorées sous sa myriade de taches de rousseur.
— Je sais reconnaître quelqu'un qui n'est pas dans son état normal. Et je sais aussi reconnaître quand je suis de trop. Je vais vous laisser, ce sera mieux pour tout le monde.
— Attends, MJ…
— A plus tard, Peter.
Elle posa un billet sur la table et se releva.
— MJ !
— Woah, c'est pas une fille, c'est une tornade, dit Harry. Tu vas aller lui courir après ?
— Bien sûr ! Franchement, Harry, t'aurais pu être moins… moins… enfin, elle ne t'a rien fait !
— Désolé, dit-il, et il semblait sincèrement contrit.
Le temps que Peter se défasse de Harry et la rattrape, MJ était déjà devant le café, son manteau sur les épaules. Elle se retourna vers lui ; ses yeux ressemblait à s'y méprendre à deux pics de glace prêts à le transpercer à la moindre parole malheureuse.
— MJ, je suis désolé, je ne pensais pas que ça se passerait comme ça avec Harry, bégaya Peter. Je ne voulais pas que tu te sentes mal à l'aise, excuse-moi. Tu n'étais pas du tout de trop, et j-je... je suis très heureux qu'on se soit revu.
— Moi aussi, j'étais… je suis heureuse de t'avoir revu, répondit-elle.
— V-vraiment ? demanda Peter, la voix vibrante d'espoir.
— Vraiment.
Son expression s'adoucit, et Peter fut surpris de voir que son regard s'était teinté de mélancolie.
— Alors, euh… si tu es d'accord, on pourrait, euh, recommencer à s'écrire ? tenta Peter, la bouche sèche.
— Je ne sais pas, Peter, soupira MJ. Tu es vraiment devenu ami avec quelqu'un comme Harry Osborn ?
Peter écarquilla les yeux.
— Tu sais qui il est ?
— Bien sûr que je le sais. Difficile de ne pas le reconnaître. Un gosse de riche imbu de lui-même et complètement saoul à dix heures du matin, qui croit que le monde entier va lui manger dans la main grâce à son nom de famille…
Quelque chose s'éleva dans la poitrine de Peter. Un sentiment incandescent, qu'il crut d'abord être de l'indignation — mais mélangé à autre chose : les accusations de MJ le blessaient comme si elles étaient portées directement contre lui, et il s'entendit répondre avec une colère qui l'étonna lui-même :
— Tu te trompes totalement ! Harry n'est pas du tout fier de son nom de famille, au contraire, il fait de son mieux pour changer sa réputation et l'associer à des travaux qui pourraient protéger le monde contre la pollution, le dérèglement climatique et toutes ces choses là ! Okay, il a sûrement pris un truc ou deux avant de venir, mais ça ne dit absolument rien de lui.
— Peut-être, admit MJ. Peut-être que je ne sais rien de lui, et que j'ai raté à quel point il est formidable. Mais toi, Peter Parker — ou Peter Stark, peu importe —, je te connais. Et je sais que… que ce garçon que Harry Osborn voit en toi, ce n'est pas toi.
— Comment tu peux en être si sûre ?
— Je n'ai pas beaucoup de qualités, mais je sais observer. Et ce que j'ai vu aujourd'hui…
Elle soupira et lui accorda un dernier regard chargé de chagrin, de lassitude et de tendresse mêlés.
— J'avais raison, Peter, tu as changé.
Sans plus de cérémonie, elle fit volte-face et s'éloigna du café — et de tous les souvenirs naguère partagés avec Peter. L'adolescent esquissa un geste pour la rattraper à nouveau, mais se souvint alors de Harry qui l'attendait à l'intérieur et se demandait probablement s'il allait revenir ou l'abandonner pour son amie.
Quelque chose sembla se déchirer dans sa poitrine — et, pourtant, Peter n'hésita pas longtemps avant de rebrousser chemin et de retourner dans le café.
⁂
Lorsqu'il le vit, le regard de Harry s'illumina.
— Elle me déteste, hein ? s'enquit-il alors que Peter se rasseyait à côté de lui et fixait son regard sur la tasse à moitié pleine de MJ.
— Un peu, avoua Peter. Et on ne peut pas dire que tu aies fait quoi que soit pour l'éviter.
— Je suis désolé. C'est juste que quand je suis arrivé et que je vous ai vu, tous les deux… j'ai senti qu'il y avait quelque chose entre vous. Quelque chose d'inachevé. Et ça m'a fait un truc, juste là, dans le ventre, et je te promets que l'alcool n'y est pour rien.
Peter releva le visage vers Harry, pris de court par cet aveu. Contrairement à ce qu'avait affirmé MJ, et bien qu'il ait vraisemblablement pris un ou deux verres avant de le rejoindre, Harry ne semblait pas réellement dans un état second ; son expression était grave, sérieuse, ses yeux s'attachaient aux siens sans dévier du moindre millimètre.
— Et j'ai peut-être, probablement, très certainement été un peu jaloux, murmura-t-il.
— Jaloux… de quoi ? demanda Peter, troublé.
— A ton avis ? Ça commence par un M, et ça finit par un J.
Peter ne sut que répondre. Il était hypnotisé par les prunelles claires de son ami, et il déploya des efforts colossaux pour s'en détacher.
— Ne refais plus ça, s'il te plaît, dit-il en s'efforçant de reporter son attention sur son cappuccino. MJ ne mérite pas qu'on lui parle comme ça.
— Promis.
Il observa un long moment le fond de sa tasse où s'attardaient de minuscules grains de café noirs. A ses côtés, Harry ne disait rien, comme s'il devinait qu'il avait besoin d'un peu de temps pour rassembler ses pensées.
— Est-ce que tu trouves que j'ai changé ? demanda finalement Peter. Pas physiquement, je veux dire, mais est-ce que tu penses que je dégage un truc différent, depuis qu'on se connaît ? C'est peut-être une histoire d'aura, j'avais lu ça quelque part. Peut-être qu'on a tous une aura d'une couleur différente, certains ont une aura rose, d'autres une aura verte, et la mienne aurait changé depuis que l'Eclipse ?
— Euh... je dirais que ce n'est pas le genre de conversation qu'on a quand on est sobre, dit Harry.
— Tu ne l'es pas, objecta Peter .
— Crois-moi, je le suis trop pour pouvoir répondre à ta question, mais on pourrait y remédier.
Peter ne put s'empêcher de pouffer de rire, mais il reprit vite son sérieux :
— On pourrait peut-être fabriquer des lunettes spéciales qui révéleraient les auras des gens, ça serait instructif. (Il resta songeur quelques instants, avant de poursuivre :) Je pense que la tienne serait pleine de nuances. Elle n'aurait pas forcément beaucoup de couleurs différentes, mais il y aurait des parties très lumineuses, et d'autres plus sombres.
— Tu sais quoi ? Je pense qu'on devrait continuer cette conversation ailleurs. Dans un lieu plus propice aux débats philosophiques.
— Genre, une université ?
Harry eut un sourire énigmatique :
— Je pensais plutôt à chez moi. Sauf si ça te dérange d'y retourner, bien sûr. Je sais que ton père te l'a interdit.
— Non, dit Peter. Je veux dire, oui, il me l'a interdit, mais on s'en fiche, non ?
Et en le disant, il s'aperçut qu'il le pensait vraiment. A cet instant, il avait désespérément besoin que Harry lui démontre qu'il n'était pas celui qu'il avait vu dans les yeux de MJ — et pour cela, il l'aurait suivi au bout du monde.
— Bien sûr qu'on s'en fiche, approuva Harry. Tant qu'on est ensemble.
