Drago, seul au bout de la table de Serpentard, jeta un coup d'œil autour de lui. Il remarqua Pansy, qui le salua avec un sourire triste. Il lui répondit par un léger signe de tête, puis posa son regard sur les autres élèves de septième année présents.

Tracy Davis, Milicent Bulstrode, Gregory et Vincent… Puis il se redressa soudainement, fronçant les sourcils en notant la présence d'Astoria Greengrass, non loin d'eux. C'est alors qu'il réalisa que Daphné et Blaise étaient absents. Il se rendit compte qu'il n'avait pas aperçu les deux jeunes gens sur le quai 9 ¾, ni même dans le train, et encore moins à leur arrivée à Pré-au-Lard.

Mais où étaient passés ces deux-là ?

Le repas se termina rapidement, et les Carrow ordonnèrent aux élèves de rejoindre leur salle commune dans les cinq minutes qui suivraient, sous peine de voir l'un d'entre eux subir les conséquences de leur fureur.

Comme d'habitude, personne ne broncha et s'exécuta aussi vite qu'un Éclair de Feu.

- Hé, Drago !

Le jeune homme se retourna et vit Pansy courir vers lui alors qu'il s'approchait de la salle commune.

- Pansy, salua-t-il d'un ton neutre.

- Ça va ? s'enquit-elle tandis qu'ils continuaient leur marche.

Drago demeura silencieux, en proie à l'état d'errance qui l'avait habité durant toutes les vacances de Noël.

- Je… je n'ai pas réussi à t'approcher avant les vacances, reprit la jeune Parkinson d'un ton hésitant. Mais je tenais à te présenter mes condoléances.

- Magicae Potientia, répondit Drago. Je te remercie, Pansy, ajouta-t-il, s'adressant à elle avec une sincérité inattendue.

Ils entrèrent dans la salle commune, accompagnés des autres élèves de Serpentard.

- Je voulais aussi que tu saches que si tu as besoin de te décharger de tes devoirs de préfet-en-chef, je peux prendre le relais.

Drago s'immobilisa un instant, surpris par la soudaine prévenance de son ancienne petite amie, qui lui avait tant reproché d'avoir tourné subitement le dos à elle pour cette jeune femme à l'esprit vif qui ne cessait de hanter ses pensées. Mais en y réfléchissant bien, Pansy avait changé au cours des derniers mois.

Plus discrète, plus humble, moins frivole, moins colérique, moins jalouse… Devant le froncement de sourcils du jeune Malefoy, Pansy se mit subitement à rougir.

- Je veux simplement me rendre utile.

- Je trouve ta sollicitude étrange, au vu de ce que… enfin, ce qu'elle te faisait ressentir.

Toujours pas. Il n'y arrivait toujours pas.

- Enfin je veux dire, ce qu'elle t'inspirait.

Pansy ouvrit la bouche, puis la referma, baissant les yeux.

- Eh bien… les gens changent, Drago. Malgré ce que Artwood – il se tendit subitement – m'inspirait, il y a des choses bien plus importantes. J'ai fini par comprendre qu'il n'y avait qu'une seule fille qui compterait jamais à tes yeux. Et ce ne serait certainement pas moi, ni même Greengrass. En toute honnêteté, j'étais un peu jalouse du couple que vous formiez.

- Je te remercie, Pansy, fit-il appréciant le compliment sous-jacent.

- Je t'en prie, je le pense vraiment, affirma la brune en posant sa main sur le bras de Drago.

Puis, elle s'en alla rejoindre ses deux amies installées dans le fond de la salle commune.

- Oui, les gens changent…

0o0

- Salut Astoria, fit Drago en prenant place face à elle.

- Salut, répondit la brune dans un soupir las, alors qu'elle touillait son porridge sans grande conviction.

- Tu sais où sont passés ta sœur et Blaise ? Je ne les ai pas vus hier soir.

La jeune femme leva les yeux vers lui, puis les referma, se retenant de pleurer.

- Astoria ?

Elle renifla, essuyant une larme au coin de l'œil.

- Ma mère et Daphné ont eu une énorme dispute.

- Quoi ?! souffla Drago, surpris. Comment ça, une dispute ?

- Je ne sais pas… Nous sommes retournés à la maison. Mon père veut prêter allégeance au maître… il pense que c'est le meilleur moyen de protéger notre famille. Mais… Daphné n'était pas d'accord. Alors… Blaise et elle, sont partis.

- Partis, mais… où ?

- Je n'en sais rien, Drago. Je n'en sais rien… je ne sais même pas si ma sœur est encore en vie…

Puis, la brune éclata en larmes. Drago, touché par la tristesse évidente de la jeune femme, posa doucement sa main sur la sienne en signe de réconfort.

Il ne pouvait qu'imaginer ce qu'elle éprouvait.

0o0

Drago était allongé sur son lit, fixant le ciel de son baldaquin, lorsqu'on toqua à la porte. En l'ouvrant, il fit face à Astoria, qui se mordillait nerveusement la lèvre.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? demanda-t-il, agacé, fronçant les sourcils.

Ne pouvait-on pas le laisser tranquille ?

- Je ne voulais pas te déranger… je… je suis embêtée, Drago, bégaya-t-elle. J'ai perdu mon devoir de Métamorphose et tu as emprunté le livre dont j'ai besoin pour recommencer ma dissertation.

Drago ferma les yeux et pinça l'arête de son nez. Tout ça pour un fichu grimoire…

Il se redressa et se dirigea vers son bureau, saisissant l'énorme grimoire traitant de la métamorphose humaine.

- Tiens, dit-il en tendant l'ouvrage à la jeune Greengrass. Mais je n'ai pas fini mon devoir. Tu voudras bien me le rendre avant la fin de la semaine ?

- Bien sûr. Merci, Drago.

Puis, la brune s'en alla sans demander son reste, laissant derrière elle une traînée de parfum fleuri. Drago referma sèchement la porte.

0o0

En passant par le couloir de gauche, Drago déboucha sur le corridor menant à la bibliothèque. Des murmures parvinrent à ses oreilles, suivis du bruit d'un aérosol, accompagné d'une odeur de peinture.

Frustré en se demandant ce que ces fichus Gryffondors avaient pu inventer pour rendre les Carrow follement en furie, il s'avança droit devant lui puis vira à droite, découvrant un petit passage assez sombre.

Il trouva alors Ginny Weasley et Neville Londubat, une bombe de peinture à la main, en train de redonner vie au mur de pierre froid en ce début de mois de février.

Les deux élèves, réalisant la présence du préfet-en-chef, s'interrompirent, se tournant vers lui avec des visages surpris.

- Qu'est-ce que vous fichez ?! s'écria-t-il, avançant vers eux.

Les deux amis reculèrent de quelques pas alors que Drago sortait sa baguette. Il jeta un œil au mur et se figea.

Le portrait de Dorea était peint, son visage illuminant soudainement l'espace. Ses cheveux roux, sa bouche fine, son petit nez retroussé, ses joues rondes, comme autrefois… Drago serra les dents, tâchant de ne pas se laisser submerger par les émotions que cette vision ravivait.

- Tu vas nous dénoncer ? demanda alors Ginny, sa voix dépourvue de rancune.

Drago trouva cette question étrange et plissa les yeux en la fixant.

- Pourquoi ?

- Parce que je n'ai jamais cru qu'elle ait rejoint les Mangemorts par simple vengeance.

Drago jaugea la rouquine de bas en haut avant de reporter son attention sur le portrait peint.

- Ses yeux manquent d'éclat, murmura-t-il. C'est vert émeraude. Ce que vous avez fait ne lui ressemble pas !

Puis, il se retourna, laissant les deux membres de l'A.D, presque sous le choc.

0o0

Le jeune homme se sentait bloqué dans sa dissertation sans l'aide du livre qu'il avait emprunté à la bibliothèque. Prise de conscience : le même livre était désormais entre les mains d'Astoria Greengrass. Soupirant d'exaspération, il ferma les yeux, accablé à l'idée de devoir le récupérer. Sans quoi, il obtiendrait un zéro à son devoir de Métamorphose qu'il devait rendre avant les vacances.

Il se leva alors de son lit, quittant sa chambre et espérant retrouver la brune dans la salle commune. Cependant, la chance n'était pas de son côté. Il se résigna donc à monter les marches menant aux dortoirs des filles.

Arrivé devant la porte de la chambre des sixièmes années, un souvenir le happa.

0o0

Deux ans auparavant…

Dorea ouvrit la porte, tout sourire, enfilant son sac à dos pour sortir de la chambre.

- Qu'est-ce que tu fais ? s'outra Drago en la voyant prête à sortir.

- Eh bien…

Elle hésita un instant, jetant un coup d'œil à sa tenue.

- On ne va pas dans le parc ?

- Ton frère fait bronzette avec Weasmoche et l'autre Sang-de-b… Il se ravisa devant le haussement de sourcil menaçant de la rousse. Pardon, la Miss-Je-Sais-Tout.

Elle soupira, retourna dans sa chambre, et jeta son sac sur le lit. Drago la suivit, refermant la porte derrière eux.

- Qu'est-ce qu'on fait alors ? demanda-t-elle en s'installant sur le lit.

La rousse s'allongea sur l'oreiller, et Drago prit place à ses côtés.

- On peut faire plein de choses dans une chambre, tu sais.

- Comme quoi ?

Drago roula sur le côté pour se retrouver au-dessus d'elle, un sourire espiègle aux lèvres.

- Plein de choses, répéta-t-il dans un murmure devenu rauque.

Il vit Dorea afficher une mine enjôleuse, attrapant sa chemise pour la sortir de son pantalon. L'excitation monta en lui, particulièrement dans son bas- ventre.

- Ah oui ? souffla Dorea en se mordant la lèvre d'une manière aguicheuse.

Le blond se pencha un peu plus au-dessus d'elle, frôlant ses lèvres aux siennes. Alors qu'il s'apprêtait à l'embrasser, Dorea, qui avait saisi ses poignets, lui fit une clé de bras. Il hurla sous l'effet de la douleur qui traversait son épaule, se redressant brusquement, Dorea l'accompagnant dans le mouvement. Puis enfin, elle le relâcha.

- Purée… Artwood, ça fait mal !

- Tant mieux, parce que la prochaine fois que tu as le malheur de coller ton engin sur moi – elle fit un signe de tête vers son érection – c'est lui que je tordrai.

Drago sortit du lit, expirant son agacement, avant de se tourner vers elle, qui se réinstallait confortablement.

- Tu ne peux m'en vouloir d'avoir du désir pour toi ! fit-il, scandalisé.

- Non, mais je peux t'empêcher de passer à l'acte sans mon consentement. Je ne suis pas prête, Drago.

Le regard du blond s'attendrit, et Drago remonta sur le lit, entourant les épaules de la jeune femme.

- Dott', jamais je ne te forcerai à faire quoi que ce soit qui te mette mal à l'aise. Évidemment, j'attendrai, mais comprends-moi aussi… j'ai envie d'en découvrir un peu plus chaque jour.

- Moi aussi, dit Dorea en haussant les épaules. Mais je préférerais que l'on prenne le temps de bien se connaître avant.

- Parce que tu crois que je ne te connais pas ?

- Tu ne sais même pas quelle est ma chanson préférée.

- Que Merlin m'en pardonne ce que je m'apprête à dire, mais il s'agit bien d'une chanson moldue.

- Et laquelle ?

- Je n'en sais rien, moi… un truc comme Nirnava ou quelque chose du genre, grimaça Drago d'un air dégoûté.

- Nirvana, Smells Like Teen Spirit.

- Elle casse les oreilles, si tu veux mon avis.

- Tu l'as écoutée ? questionna la rousse en se reculant légèrement.

- J'ai dû confisquer la radio de Thomas pour pouvoir l'écouter, oui.

Un petit sourire émergea sur les lèvres de Dorea.

- Et mon plat préféré ?

- La Tarte à la mélasse.

- Non, ça c'est mon dessert préféré, corrigea la jeune Artwood.

- Purée jambon…

Le sourire de Dorea s'agrandit.

- Et qui ai-je eu comme précepteur ?

- Le même que moi : professeur Obrey. Bon, c'est un interrogatoire que tu me fais passer là ? s'impatienta Drago.

- En fait, Monsieur Malefoy, vous cachez bien votre jeu, dit Dorea en croisant les bras sur sa poitrine.

- Et vous, Lady Dorea Artwood, pouvez-vous en dire autant sur moi ?

Elle se mit soudainement à rougir, détournant le regard pour échapper à celui du jeune homme, qui devenait de plus en plus insistant. Drago, décidé à passer à l'attaque, se jeta sur elle et commença à l'attaquer de multiples chatouilles au niveau du ventre et des côtes.

La jeune femme éclata de rire. Un rire lumineux, joyeux, contagieux, qui ne tarda pas à le saisir lui aussi.

0o0

La porte s'ouvrit sur Astoria, une mélodie légère s'échappant de la chambre.

- Salut Drago, sourit la brune. Que fais-tu ici ?

- Je voulais récupérer le livre de métamorphose. Tu as fini ?

- Oh, je suis désolée… bien sûr, oui.

Elle se retourna vers le lit et se précipita pour attraper l'énorme grimoire. Pendant ce temps, Drago posa ses yeux sur un autre lit, celui que Dorea avait occupé l'année précédente, à l'exact opposé de celui qu'occupait maintenant Astoria.

Cette dernière se posta devant lui, mais plongé dans ses pensées, il ne la remarqua pas.

- Drago ?

Le blond revint à lui, sursautant légèrement. Astoria, réalisant son air distrait, comprit.

- Je suis désolée, dit-elle, l'expression affligée.

Le jeune homme ne répondit pas, saisissant le livre que la brune lui tendait. Il commença à rebrousser chemin lorsqu'elle l'appela.

- Drago ?!

- Oui ? fit-il en se retournant vers elle.

- Tu sais, je me sens très seule en ce moment avec ma sœur…

Elle avait l'air d'avoir quelque chose coincé dans la gorge.

- Enfin bref… ça me ferait du bien de parler à un ami.

Drago la fixa un instant, ses yeux glissant vers le livre de métamorphose avant de reporter son attention sur la brune. Lui aussi se sentait seul. Peut-être qu'en parlant un peu, cela lui ferait du bien…

- Tu es libre, là, tout de suite ?

0o0

Les semaines qui suivirent, Drago et Astoria prirent l'habitude de se retrouver le soir, après les cours, s'installant confortablement avec une bouteille de Bieraubeurre que le jeune homme stockait dans sa chambre.

Ils discutaient de tout et de rien, ces moments de répit leur procurant un bien fou.

Un soir de début mars, alors que Drago effectuait sa ronde, il perçut quelques bribes de conversation provenant des toilettes des filles du sixième étage.

- … c'est franchement une mauvaise idée, Neville. Il faut prévenir Abelforth qui informera l'Ordre.

- Mais tu l'as entendu comme moi. Il faut aller la récupérer. Elle n'est pas en sécurité là-bas.

- Neville, on ne peut rien faire pour le moment. Beaucoup de gens disparaissent.

Londubat rétorqua dans un grognement bourru.

- Allons retrouver les autres dans la salle sur demande. Malefoy ne devrait pas tarder à passer dans les couloirs. Il passe toujours à cette heure-là.

Drago se cacha derrière un recoin de mur tandis que les deux membres de l'A.D sortaient des toilettes pour emprunter les escaliers de marbre.

Il savait maintenant où se cachaient les élèves qui disparaissaient mystérieusement chaque jour depuis leur retour des vacances de Noël.

Allait-il mentionner cela dans son rapport hebdomadaire au maître ? Et qui était Abelforth ?

Il rebroussa chemin, se disant qu'il n'avait finalement rien vu, ni rien entendu.

0o0

Drago et Astoria étaient assis l'un en face de l'autre, un plateau d'échecs étalé sur le lit de ce dernier entre eux.

- Je dirais…

La brune pinça sa bouche, concentrée.

- Ne fais pas durer le suspense, Greengrass. Tu as toujours été mauvaise à ce jeu, lança Drago d'un ton nonchalant.

- Non, je ne vais pas abandonner ! répliqua-t-elle avec détermination.

Drago esquissa un léger sourire, et la brune s'immobilisa, le fixant avec une surprise manifeste.

- Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? demanda le jeune homme.

- Je… C'est la première fois que je te vois sourire depuis…

Le sourire du jeune homme s'effaça aussitôt.

- Désolé, murmura Astoria.

Drago inspira puis expira, reportant son attention sur le plateau.

- Tu devrais placer ta tour en D6, ça libérera ta dame, qui pourra prendre mon roi.

- Drago Malefoy devient bon joueur, dit Astoria amusée. On aura tout vu.

- J'ai juste envie de terminer la partie, Greengrass, et d'aller me coucher.

- Tu prends toujours ta potion de sommeil sans rêve ?

- Oui, mais elle m'assomme un peu durant la journée, répondit le jeune Malefoy en réprimant un bâillement.

- On terminera demain alors, proposa Astoria.

Drago acquiesça et commença à ranger les pièces dans le petit coffret derrière lui, sur son bureau. Alors qu'il pliait le plateau, la brune posa ses mains sur ses avant-bras et tous deux se figèrent. Ils relevèrent leurs prunelles, capturant le regard de l'autre. Le temps sembla suspendu, puis brusquement, tous deux se jetèrent l'un sur l'autre, s'embrassant passionnément. Drago jeta le plateau d'échecs par terre, puis allongea la jeune femme sur le lit. Soudain, l'image de Dorea surgit dans son esprit, et il recula brusquement.

Astoria fronça les sourcils, perplexe face au comportement inhabituel du jeune homme.

- Drago ?

Il reprit place sur le lit, frottant ses yeux d'un geste las.

- Tu devrais partir. Ce n'est pas bien.

La brune le fixa, une expression outrée passant sur son visage. Puis, avec une résolution soudaine, elle se leva lentement du lit, rassemblant ses affaires, avant de s'éclipser de la chambre. Elle ferma violemment la porte derrière elle.