Bonjour à toutes et à tous !

Merci à Cassye pour sa review, et à Boulays pour la mise en favori ! Merci aussi aux lecteurs silencieux, je suis contente de voir que les statistiques sont régulières à chaque nouveau chapitre.

Hâte de voir les nouveautés prévues par Larian cette semaine avec la sortie du Patch 6 !

Réponse aux reviews :

Cassye : Merci pour ton retour ! J'aime beaucoup écrire les dialogues entre les personnages, que ça soit les remarques sarcastiques qu'ils s'envoient avec allégresse, ou les moments plus touchants ! Oui, Nymuë a eu un passif compliqué au sein du cirque de La Belle Etoile ; je pense sincèrement qu'un des thèmes forts de Baldur's Gate 3 est l'exploration des traumas, et c'est ce que je tiens à exprimer également avec mon personnage.

Je vous souhaite une bonne lecture !


Chapitre 4 :

Le Bosquet d'Emeraude

Cela faisait des lustres que Nymuë n'avait pas rêvé d'Elyon. Après quinze ans d'errance à Baldur's Gate, son temps au sein du cirque lui apparaissait comme une autre vie. Une dont elle ne souhaitait pas particulièrement se rappeler.

La jeune femme termina d'empaqueter ses effets personnels. Le soleil était levé depuis peu, et Lae'zel avait mis un point d'honneur à les réveiller dès l'aube. En vérité, l'elfe noir était peut-être plus troublée qu'elle ne souhaitait l'admettre par ce songe. Rien de bon ne pouvait advenir si ses souvenirs se décidaient à la revisiter.

Comme à chaque fois qu'elle se remémorait la petite fée aux yeux verts, un mélange de tendresse et de tristesse l'envahissait. Qu'aurait pensé Elyon de l'étrange compagnie à ses côtés ? Peut-être aurait-elle été fascinée par les yeux rubis d'Astarion, ou se serait-elle pâmée d'admiration devant l'élégance discrète d'Ombrecoeur. Quant à la githyanki, nul doute qu'elle l'aurait qualifiée de "très drôle".

Cette fine équipe avait des problèmes plus urgents que ses échos nostalgiques, cependant. Aujourd'hui, il leur fallait trouver un soigneur. L'elfe noire n'avait ressenti aucune fièvre, aucune douleur au cours de la nuit. A l'exception de ses rêves indésirables, elle se sentait même en pleine forme. Si l'on se fiait aux multiples détails fournis par Lae'zel quant à la transformation illithide, les premiers symptômes auraient déjà dû avoir lieu. La chance était donc de leur côté… Ou alors, ils venaient d'obtenir un sursis.

Nymuë jeta un œil à ses camarades. La prêtresse et la gith semblaient en forme (trop, sûrement, au vu de leurs éclats de voix), mais Astarion présentait des signes de fatigue. Les traits de son visage – déjà naturellement pâles - étaient creusés, ses yeux presque hagards. La jeune femme se rappela qu'il n'avait pas dîné… bien qu'il leur ait annoncé s'être sustenté ce matin, au retour de sa promenade nocturne. Couvait-il quelque chose ? Cela avait-il un lien avec leur larve ?

Elle décida de le surveiller discrètement au cours des prochaines heures. Ne leur restait plus qu'à espérer trouver rapidement un remède.

Une fois le camp désassemblé, le groupe reprit ses recherches là où il s'était arrêté la veille. Ils avancèrent en direction de l'Ouest, sur la piste des deux tieffelins. Il ne leur fallut pas longtemps pour repérer une immense porte de pierre, partiellement couverte de végétation. Une plateforme permettait d'accueillir des archers, et ce fut d'ailleurs une sentinelle qu'ils aperçurent en premier. L'endroit était suspicieusement bien gardé, pour un simple village…

— On laisse entrer personne, ordre de Zevlor !

La vigile - un tieffelin d'âge moyen - s'adressait à un groupe d'humains, dont le meneur enchaînait les gestes brusques et nerveux.

— Ouvrez cette foutue porte ! cria-t-il. Ces gobelins seront sur nous d'un instant à l'autre !

Des gobelins, si près d'un campement armé ? L'inquiétude gagna Nymuë. Ces créatures étaient des adeptes du pillage, mais elles n'avaient ni l'intelligence, ni l'organisation pour des mises à sac de cette envergure.

Un autre tieffelin rejoignit son compatriote. Il semblait plus âgé, et était vêtu d'une armure rouge et dorée.

— Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il.

— Des gobelins sont sur nos talons ! Ouvrez la porte, Zevlor ! Vite !

— Vous avez conduit des gobelins ici ? se scandalisa le nouveau venu. Où est le druide ?

L'homme voulut lui répondre, mais un grognement lugubre l'interrompit. A quelques mètres de là, un worg faisait son apparition. L'animal mesurait presque deux mètres de long et était semblable à un loup ; en voyant ses proies acculées, il se lécha les babines. Une demi-douzaine de gobelins ainsi qu'un gobelours le suivait au pas de course.

— Par les Neuf Enfers ! s'écria Zevlor. Ouvrez la porte !

Le guetteur tieffelin se précipita vers la manivelle ; hélas, les gobelins avaient rattrapé leur retard et deux d'entre eux armèrent leur arc. "Pour l'Absolue !" cria leur meneur ; les flèches touchèrent leur cible.

La sentinelle tomba lourdement sur le sol, tout comme la porte qu'elle avait tenté de relever. Les humains dégainèrent leurs armes et formèrent une ligne. Ils n'avaient aucune issue, à trois seulement contre le double d'opposants.

Nymuë jeta un œil à ses compagnons ; Ombrecoeur et Astarion étaient clairement récalcitrants à l'idée de rejoindre un combat qui n'était pas le leur. Lae'zel, en revanche, bouillait de se lancer à corps perdu dans une bataille sanglante. L'elfe noire secoua la tête : quoi que ce campement recèle, ils avaient besoin d'aide. Et sans leur intervention, ces gens allaient se faire massacrer. Ça valait une prise de risque.

Faisant tournoyer son poignard chaîné, la jeune femme se précipita à la suite de la guerrière gith. Sur un soupir, Astarion et Ombrecoeur plongèrent également au cœur de la mêlée. Les forces gobelines prenaient déjà d'assaut les trois humains et leur intercession les prit à revers. Leur effectif se divisa en deux, se partageant entre leurs proies et les nouveaux arrivants.

Astarion visa les quelques créatures restées en retrait. A l'aide du chef humain, Lae'zel prit le worg en tenaille. Quant à Nymuë, elle pirouetta, entraînant dans son élan son couteau chaîné. Il traçait un chemin d'acier autour d'elle, tailladant la peau et perçant le cuir. Avec adresse, elle le lança autour de la cheville du gobelours et tira : la créature tomba à la merci de leurs nouveaux alliés. L'elfe noire sentit une présence dans son dos, alors qu'un gobelin courait dans sa direction ; les flammes d'Ombrecoeur l'embrasèrent avant qu'il n'abatte sa lame.

Bien vite, leurs assaillants furent dépassés. Quoi qu'aient fait les trois fuyards qu'ils venaient de secourir, les gobelins n'avaient lancé qu'une petite escouade à leurs trousses. L'attention de Nymuë se tourna vers les rescapés, tandis que Lae'zel achevait leur dernier ennemi au fil de son épée. Qu'est-ce qui avait poussé des créatures aussi disparates à les pourchasser ?

— C'était le dernier, leur cria Zevlor. Rentrez tous à l'intérieur, d'autres pourraient suivre !

Il activa la manivelle et la porte de pierre se leva pour libérer le passage. Le chef des mercenaires se précipita à l'intérieur, sans même un remerciement. "Voilà qui promet", songea Nymuë.

— Ce Zevlor a l'air d'être le chef, chuchota Ombrecoeur. Nous devrions lui demander si le campement possède un soigneur.

— Non, nous devons lui demander où est ce "Zorru", intervint Lae'zel. Un soigneur ne sera d'aucune utilité contre nos parasites, seule une crèche peut nous sauver !

— Vous n'en savez rien, rétorqua la prêtresse. Et j'ai davantage foi en un guérisseur qu'en un membre de votre espèce.

— Encore faut-il qu'un guérisseur ait été suffisamment désespéré pour venir ici, s'exclama dédaigneusement Astarion. Ça, un campement ?

Nymuë ne pouvait lui donner tort. Alors que l'entrée de pierre se refermait derrière eux, les compagnons s'avancèrent dans ce qui ressemblait davantage à un terrier de lapins qu'à un cantonnement. Une excavation regroupait marchands et habitations. Des chariots, de tous les côtés, rassemblaient de la nourriture et des vêtements usés jusqu'à la corde. Quelques tieffelins armés faisaient des rondes, mais la maladresse de leurs mouvements indiquait qu'ils n'étaient pas des guerriers. L'elfe noire en repéra certains lui jetant des regards nerveux ; elle s'efforça de demeurer calme.

Lae'zel s'avançait déjà vers le fameux Zevlor. Sa carrure imposante et son armure bien entretenue le désignaient comme le seul combattant expérimenté parmi la garde tieffeline. Pas étonnant qu'il soit aux commandes de cet affligeant troupeau. Il ne paraissait guère enclin à leur consacrer du temps, cependant. Les poings serrés, il réunissait tout ce qu'il possédait de sang-froid afin de ne pas se jeter à la gorge du chef des mercenaires :

— Aradin, espèce d'imbécile ! Il y a des enfants ici ! hurla-t-il.

— On essayait de sauver notre peau, se défendit l'humain. Et on ne peut pas dire que vous vous soyez pressés !

— Vous les avez conduits jusqu'à nous et vous les avez laissés s'emparer du druide. J'ose à peine y croire !

— Quel druide ? s'enquit Lae'zel.

Les deux hommes se tournèrent aussitôt vers elle. Ils jaugèrent ces sauveurs inconnus, hésitant quant à leur réponse :

— Halsin, cracha finalement Aradin. Le chef des druides de ce misérable patelin. On l'a perdu de vue du côté des ruines, à quelques jours de marche. Ça grouillait de gobelins par là-bas.

— Il vous faisait confiance, feula Zevlor.

— Personne l'a obligé à venir, il a insisté. Et quand ça a commencé à tourner au vinaigre, il n'a pas réussi à suivre. C'est aussi simple que ça.

— Par tous les dieux, vous n'êtes qu'un lâche !

Aradin roula des épaules, un tressaillement nerveux au niveau de sa paupière. Nymuë avait comme le pressentiment qu'ils n'avaient pas atterris dans un havre de paix.

— Aux dernières nouvelles, lança-t-elle froidement, les combats de chiffonnières ne ramènent pas les morts à la vie. Cessez donc, et utilisez plutôt vos neurones.

— Vous avez raison, grinça Zevlor. Il y a trop de choses en jeu.

— Inquiet de vous casser un ongle, la sympathique drow et vous ? provoqua Aradin.

— Ça suffit. Ça ne sert à rien de se chamailler : les gobelins nous ont trouvés. Maintenant, les miens vont devoir fuir le plus vite possible.

— Ça, c'est votre problème, grommela le mercenaire en faisant un geste rapide à ses troupes.

Sans une parole supplémentaire, ils prirent congé.

— S'il avait mis autant de hargne face aux gobelins que dans cette dispute puérile, nous n'aurions pas eu besoin d'intervenir, souffla Ombrecoeur.

— Alors comme ça, d'autres gobelins peuvent débarquer à tout moment ? pesta Astarion. Merveilleux. Voilà vraiment un endroit charmant…

— Oubliez toute cette affaire, leur lança Zevlor. Aradin est un idiot, mais ce n'est pas une excuse. Je n'aurais pas dû m'abaisser à son niveau. Je n'aurais jamais cru dire ça à une drow un jour mais… Merci pour votre aide. A vous tous. Je me nomme Zevlor.

L'expression acerbe de Nymuë lui fit réaliser sa bévue :

— Loin de moi l'idée de vous insulter. Votre peuple est en proie à des luttes intestines permanentes, et vous autres êtes si rares… J'ignorais qu'il vous arrivait de vous soucier de vos voisins.

La jeune femme perçut le regard curieux de ses camarades. Elle ne pouvait contredire Zevlor ; le talent de ses congénères pour s'entre-déchirer était sans égal. Certains espéraient une meilleure place dans la société, tandis que d'autres souhaitaient acquérir les faveurs de la déesse souterraine, Lolth… La nature sanglante des elfes noirs avait poursuivi Nymuë toute sa vie, quand bien même elle n'avait jamais mis un orteil dans les Tréfonds Obscurs. C'est ce qui lui avait valu une place au sein de la "Parade Exotique" ; ce pourquoi il était rare qu'elle soit accueillie à bras ouverts.

— Ces gobelins ont-ils lancé beaucoup d'attaques comme celle-là ? demanda-t-elle, afin de détourner la conversation.

— Le Bosquet d'Émeraude a été attaqué par toutes sortes de monstres, et les druides l'habitant accusent les "étrangers" que nous sommes de les avoir attirés ici. Quelles que soient les raisons de votre visite, je vous conseille de faire vite. Ils ont décidé de chasser tout le monde. Plus personne n'est le bienvenu.

— Que voulez-vous dire ? s'enquit Ombrecoeur.

— Ils ont entrepris un rituel pour couper le Bosquet du monde extérieur. D'ici quelques jours, cet endroit sera recouvert d'épines. Plus personne n'entrera ou ne sortira. Nous ne pouvons donc pas rester… Mais si nous partons, nous nous ferons massacrer, c'est une certitude. Nous ne sommes pas des combattants.

— Je suppose qu'il n'y a aucun moyen de négocier avec ces druides ? demanda Nymuë.

— J'ai essayé, mais Kagha - leur nouvelle première druidesse - ne veut même pas me recevoir.

Nymuë sentit une légère pression sur son bras, alors qu'Astarion lui chuchotait :

— Ce n'est pas notre problème. N'allez pas jouer la bonne samaritaine, nous avons d'autres soucis sur les bras.

La jeune femme grimaça ; elle compatissait sincèrement avec Zevlor et son peuple. Être jugés pour la simple raison d'être d'ascendance démoniaque était aussi stupide et primaire que d'être condamnée pour être née drow. Mais le parasite dans sa tête ne se souciait guère des questions de discrimination en Faerun. Lorsqu'il se manifesterait, il s'en prendrait à quiconque se trouverait sur son chemin.

— Sachez que je sympathise de tout cœur avec vous, murmura-t-elle, mais notre temps est compté également. Nous cherchons un soigneur.

— Les gobelins vous ont amochés ? s'inquiéta Zevlor. Le druide Halsin est connu pour ses talents de guérisseur, mais il n'est pas rentré de l'expédition d'Aradin. Si ce n'est pas trop grave, vous pouvez toujours vous adresser à son apprentie, Nettie. Vous la trouverez avec les autres druides, au cœur du Bosquet.

— Je vous remercie. Nous avons également entendu parler d'un certain Zorru… Fait-il partie de votre groupe ?

— Je connais Zorru, confirma le chef tieffelin. Que lui voulez-vous ?

— Il sait où est mon peuple, répondit sèchement Lae'zel.

— Nous souhaitons juste lui poser des questions, rassura l'elfe noire, afin que notre amie ici présente puisse remonter la trace d'autres githyankis dans la région. Une fois fait, nous irons à la rencontre de Nettie.

— La dernière fois que je l'ai vu, il était près de la zone d'entraînement des cadets, plus loin dans les cavernes. J'espère que vous obtiendrez ce que vous cherchez. Si vous voulez bien m'excuser, je vais aider les miens à se préparer.

Sur un dernier hochement de tête, Zevlor s'éloigna. Les compagnons s'enfoncèrent dans la grotte faisant office de refuge pour les tieffelins. Quelques plateformes accueillaient des familles ou des étables destinées au ravitaillement. Une large zone avait été délimitée avec des cordages afin d'organiser ce qui ressemblait à un terrain d'entraînement. Quelques jeunes tieffelins, armés de bâtons, s'exerçaient sur des mannequins.

— Comment procédons-nous ? demanda Nymuë à ses camarades.

— Nous devrions profiter de l'accueil temporaire de ces druides pour acheter quelques vivres et herbes médicinales, suggéra Ombrecoeur. Si la rencontre avec Nettie ne se passe pas comme prévu, qui sait combien de temps s'écoulera avant que nous ne tombions sur un autre lieu habité.

— Perdez votre temps si vous le souhaitez, siffla Lae'zel, pour ma part, je vais chercher le cornu.

— Faisons donc deux équipes, proposa Astarion.

Sans grande surprise, la guerrière gith et la prêtresse refusèrent de travailler ensemble. Il fut décidé que Nymuë accompagnerait Lae'zel à la rencontre de Zorru, tandis qu'Ombrecoeur et Astarion feraient le tour des ressources disponibles. Ils se donnaient rendez-vous une heure plus tard à l'entrée du Bosquet. L'elfe noire remarqua qu'Astarion semblait particulièrement insatisfait ; elle l'entendit marmonner qu'il allait manquer "tout le fun".

Lae'zel et elle se dirigèrent vers le terrain d'entraînement. Les jeunes tieffelins manipulaient leurs armes avec difficulté, ayant à peine la force de soulever leur bâton afin d'effectuer une parade. La guerrière gith pesta :

— Tous les githyankis savent manier l'épée avant leurs six ans, et doivent avoir fait leur première victime avant leur dixième anniversaire. A l'opposé, ces tieffelins se révèlent fragiles. J'ai bien envie de mettre fin à leurs misères moi-même.

— Calmez-vous donc. Ce sont des réfugiés, pas des soldats.

— Je crains de ne pas saisir la différence.

"C'est peut-être là le problème", soupira Nymuë, sans répondre. Elle n'avait pas encore décidé si elle appréciait le mordant de la guerrière githyanki, ou si elle le trouvait problématique. Une des raisons qui l'avait poussé à l'accompagner.

Un tieffelin se tenait légèrement en retrait de la pratique des cadets, occupé à réaliser l'inventaire de plusieurs caisses de ravitaillement. Lorsqu'il se tourna vers elles, l'homme eut une expression épouvantée :

— Par… par les yeux de Mordaï ! s'écria-t-il. Une autre ? Le… le sang de mon ami ne vous a pas suffi ? Vous venez m'éventrer, moi aussi ?

Nymuë soupira : voilà qui répondait à ses interrogations quant aux autres githyankis. Là où les jeunes lords de Faerun s'éduquaient sur quelle fourchette saisir selon l'avancée de leur repas, les giths, quant à eux, apprenaient par quel orifice il était le plus commode de passer son épée. Classique.

— Au sein de la crèche K'liir, on commence par saluer les gens en s'inclinant, commanda Lae'zel, les bras croisés.

Zorru jeta un coup d'œil affolé à Nymuë. Ses tremblements s'accentuèrent quand il remarqua qu'elle était une elfe noire ; l'idée d'une approche diplomatique s'éloignait de seconde en seconde.

— Elle veut juste vous poser quelques questions. Elle ne vous fera aucun mal, pas vrai Lae'zel ?

Sa compagne lui jeta un regard courroucé tandis que le tieffelin se détendait légèrement. Nymuë lui renvoya une expression similaire et s'essaya à une expérience. Se concentrant sur son parasite, elle chercha à communiquer avec celui de sa camarade. La larve de Lae'zel répondit aussitôt à l'appel, alors que l'elfe noire lançait télépathiquement :

"Lorsque nous approcherons de la crèche githyanki, nous ferons selon vos recommandations. En attendant, mon monde, mes règles. On ne coupe pas les gens en deux, ni même en trois. Et on se rappelle que les aimables inconnus sur notre chemin révèlent nettement moins d'informations une fois morts."

Tchk. Votre mollesse causera notre perte. Quant à vous, cracha la guerrière à Zorru, vous avez vu un autre gith. Où ?

— Sur la route de Baldur's Gate, près du c… col de la montagne. Il nous a vus avant qu'on le voie, lui. Il a transpercé le ven… ventre de Yul avec sa lame. Elle est ressortie de l'autre côté.

— Il ne l'a pas tourné dans la plaie ? Il devait être pressé. La carte, maintenant ! Montrez-moi.

Zorru s'exécuta, pointant sur leur plan une zone se trouvant à quelques jours de marche. En regroupant cette donnée avec les informations offertes par Zevlor et Aradin, Nymuë en déduisit que le col de la montagne devait être un peu plus haut que les ruines où s'étaient réfugiés les gobelins. Ce qui voulait dire qu'ils devaient d'abord passer par ces créatures… Lae'zel était arrivée à la même conclusion, mais la perspective de durs combats ne paraissait guère l'inquiéter. Au contraire, son air renfrogné était plus détendu, ses sourcils moins froncés. Si Nymuë se sentait d'humeur audacieuse, elle aurait presque pu suggérer qu'elle irradiait.

— Debout, ordonna la guerrière. Vous allez pouvoir garder vos organes.

Zorru ne se le fit pas dire deux fois. Sans demander son reste, il fila à l'autre bout de la caverne, jetant parfois un regard terrifié derrière lui.

— Les autochtones sont particulièrement dociles, apprécia Lae'zel. C'est toujours utile.

— Nous verrons si vous pensez toujours la même chose lorsqu'il reviendra en compagnie de ses amis, rétorqua Nymuë. Je ne suis pas contre un peu d'interrogation armée. Mais peut-être serait-il bon de choisir plus judicieusement nos cibles. Les gobelins sur notre chemin, par exemple, me paraissent être une excellente option.

— Pourquoi ne pas écraser ceux trop faibles pour vous faire face ? interrogea sa camarade. Quand une carapace est si fine, il ne faut pas grand-chose pour la fissurer.

— C'est la première fois que vous atterrissez en Faerun, pas vrai ?

La guerrière ne répondit pas, lui adressant à la place une autre œillade malveillante. Nymuë l'étudia : elle n'était pas sûre d'elle, mais la défiance de la githyanki, ainsi que son agressivité continuelle… Cela lui rappelait les membres de la "Parade Exotique" avec qui elle avait grandi. Lors des premières représentations de nouveaux artistes, dame Seri doublait toujours son nombre de mercenaires. Cela permettait d'intervenir en cas d'accidents côté public… mais aussi côté scène. Lorsqu'ils sont seuls, sans option, forcés de marcher en milieu hostile, les êtres vivants sont souvent saisis de terreur, ou prompts à la violence. Était-ce ainsi que Lae'zel voyait leur situation ? Une terre inconnue, un parasite prêt à la transformer en créature monstrueuse à tout instant… dans un monde dont elle ne connaissait ni les règles, ni les habitants ? A sa place, peut-être que Nymuë aurait aussi envie de rejoindre les siens sans perdre une seule seconde… Si tant est qu'elle appartenait à une communauté.

— Très bien, déclara-t-elle. Si une crèche se trouve à l'Ouest, nous ferons bien de nous y rendre. En espérant tout de même qu'un guérisseur nous aide d'ici là.

— La purification ne peut attendre, approuva Lae'zel. Le zaith'isk de la crèche nous débarrassera du parasite.

— Allons rejoindre les autres, proposa l'elfe noire, avant qu'ils ne se mettent à menacer quelqu'un, eux-aussi.

La guerrière hocha la tête et se dirigea vers l'entrée du Bosquet, Nymuë sur ses talons. La jeune femme l'observait, pensive. La route à venir allait être difficile, probablement riche en incidents diplomatiques. Mais elle avait pris sa décision.

Elle l'aimait bien, finalement, cette githyanki.


Notes de fin :

Comme vous l'avez vu, il y a une "petite" scène d'action dans ce chapitre. Voilà comment j'ai décidé de procéder pour les combats : comme ce ne sont pas les phases les plus évidentes à rédiger, j'ai décidé de sélectionner les batailles que je souhaitais voir apparaître au sein de cette histoire. Elles ne seront pas aussi nombreuses que dans le jeu, par contre à l'heure actuelle elles sont toutes mises en scène et font l'objet quasiment de chapitres dédiés. Ca me paraît être un bon équilibre à ce jour.

A la semaine prochaine !