Bonjour à toutes et à tous !
Merci à Cassye pour son commentaire, et merci aux lecteurs anonymes.
e suis très heureuse d'arriver au bout du premier tiers de cette histoire à vos côtés. Pour fêter ça, deux petits partages :
- Tout d'abord, une illustration de Nymuë faite par la talentueuse kamillyanna sur Instagram !
- Ensuite, un petit aperçu de Nymuë in game !
Ces deux liens sont disponibles directement depuis mon profile, la plateforme n'autorisant pas les hyperliens dans les fictions. Ce n'est pas grand-chose, mais je suis contente de pouvoir vous transmettre ces petits bonus.
Réponses aux reviews :
Cassye : En plus d'imaginer mère Gothel pour Séri, j'ai vraiment voulu représenter avec elle l'image de l'adulte/parent toxique. Cette femme est un red flag ambulant. En ce qui concerne Revan, le retrouver mettra un peu de temps mais j'ose espérer que cela en vaudra le coup :) Merci pour ton retour !
Je vous souhaite à tous une excellente lecture !
CHAPITRE 15 :
Le diable qui régale
"T'es une sacrée trouvaille, mésange".
La voix de Revan la tira du sommeil. L'aurore éclairait faiblement le sous-bois, et l'humidité matinale faisait frissonner sa peau nue.
Nymuë se raccrocha à son rêve, avant que la clarté du jour ne l'efface. Aujourd'hui encore, elle ignorait si sa rencontre avec le voleur était le fruit du hasard, ou celui du destin. Quinze ans avaient passé, depuis son départ de La Belle Etoile. Et tant de choses avaient changé.
La jeune femme se remémora les évènements l'ayant conduite à la clairière. Elle avait rejoint Astarion dans la forêt ; ils avaient passé la nuit ensemble. Elle se redressa, dissimulant ainsi partiellement sa nudité. Du bout des doigts, elle préleva un peu de sang séché au creux de sa nuque : le vampire avait connu une nuit stimulante, semblait-il.
Elle fut surprise de l'apercevoir à quelques pas d'elle. À moitié rhabillé, Astarion faisait face aux premiers rayons du soleil. Son visage était serein, et ses mains - légèrement écartées - offraient une étreinte à la douceur de l'aube. Nymuë s'étonnait qu'il soit resté à ses côtés après leurs ébats. Étaient-ils amants désormais, amis, camarades ? Ses anciennes relations avaient plutôt été marquées par le seau de l'éphémère…
Ses yeux se posèrent sur le dos de son compagnon. La veille, ses caresses avaient effleuré le tracé de cicatrices entre ses omoplates. À la lumière du jour, elle réalisait qu'elle avait sous-estimé l'importance des stigmates ; trois cercles concentriques étaient gravés dans sa chair, entrecoupés de runes discontinues. Les traits étaient raides, nets : ciselés à l'aide d'une lame. Les mots franchirent ses lèvres avant que le bon sens ne les rattrape :
— D'où viennent vos marques ?
Les épaules d'Astarion se tendirent. Il ne se retourna pas, quand il répondit :
— C'est un poème. Un "cadeau" que je tiens de Cazador. Il se considérait comme un grand artiste et réalisait ses œuvres à même la peau de ses esclaves. Il a composé celui-ci au cours d'une seule et même nuit…
Sa voix se réduisit à un murmure :
— ... Il y a apporté de nombreuses modifications, au fur et à mesure.
L'elfe noire fut heureuse que son compagnon ne la regarda pas en cet instant. Sa compassion aurait sans doute été mal reçue.
Malgré tout, son cœur se serra quand elle étudia les lignes sculptées à même son épiderme. Un bref souvenir se rappela à elle, celui d'une cargaison que Revan et elle étaient allés récupérer. Les deux mercenaires avaient pénétré à l'intérieur d'un entrepôt pour se rendre compte, une fois sur place, que toutes les caisses disposaient d'annotations rédigées dans un langage aux caractères anguleux. "La langue des Enfers, avait grogné Revan. Va savoir quel matos nous intéresse avec un dialecte aussi embrouillé !".
— Pourquoi a-t-il été composé en infernal ? demanda-t-elle à son camarade.
La question parut l'abasourdir.
— En infernal ? Je… Comment voulez-vous que je le sache ? Ce pourri était totalement dément.
Le roublard récupéra sa chemise :
— Allons-nous-en. Nous avons perdu assez de temps à discuter.
Nymuë revêtit ses effets personnels. Quel genre d'homme, s'interrogeait-elle, pouvait infliger un tel traitement ? Et qu'en déduire des balafres qu'Astarion ne portait pas sur son dos ? Des angoisses, des rancœurs accumulées au fil des ans…
Le trajet de retour se fit en silence, loin d'être inconfortable. L'elfe noire préférait mille fois cette distance familière à une intimité trop prononcée. Pour ce qu'elle en savait, cette nuit commune ne signifiait rien pour Astarion. Quant à elle ? Sa seule vérité était que, la veille, lorsqu'elle s'était sentie seule au milieu de la foule, ses pas avaient croisé les siens.
Lae'zel et Ombrecoeur étaient déjà réveillées. La première s'exerçait, et la seconde leur adressa une œillade torve. S'agissait-il d'une moue grivoise ou d'un effet secondaire du vin, nul ne le savait.
Halsin était présent également ; les festivités ne semblaient guère l'avoir fatigué.
— J'espère que la soirée vous a plu, les accueillit-il. Après tout ce que vous avez fait, vous méritiez bien un peu de bon temps. Il risque de se passer un moment avant que vous ayez droit à un autre instant d'insouciance…
Les compagnons se réunirent autour de lui.
— Chez les gobelins, je vous ai révélé que le remède à votre mal se trouvait aux Tours de Hautelune, continua Halsin. Sachez que c'est… compliqué.
— Bien évidemment, grommela Astarion.
— Le voyage s'annonce périlleux, quand bien même vous avez déjà vaincu votre lot de dangers. Pour atteindre les tours, vous allez devoir traverser une région terrible… une région maudite. Tout, là-bas, est enveloppé d'un linceul d'ombre. Vous ne trouverez ni lumière, ni vie, ni quoi que ce soit de naturel. Ceux qui y restent trop longtemps sont transformés ; changés en êtres d'ombre, des âmes tourmentées et extrêmement dangereuses.
— Il doit forcément y avoir un moyen, contra Nymuë. Sinon, les forces de l'Absolue ne s'y rendraient pas.
— Vous avez la possibilité de passer par la surface en suivant la Route du Renouveau. De prime abord, ce sera plus simple, mais vous finirez fatalement par vous heurter à la malédiction des ombres.
— La Route du Renouveau ? répéta lentement Lae'zel. C'est là où la crèche githyanki a été repérée !
Nymuë pinça les lèvres : "par la surface", Halsin avait précisé ?
— Ou sinon, poursuivit le premier druide, vous pouvez passer par dessous. Au niveau du temple en ruine de Séluné, il y a un tunnel qui mène aux Tréfonds Obscurs. Les disciples de l'Absolue l'empruntaient pour se rendre aux Tours de Hautelune.
La musicienne ferma les yeux, tandis que ses camarades poussaient une exclamation de surprise. L'Outreterre recelait de nombreux risques, tout aussi mortels qu'une malédiction.
— Il y a bien longtemps, leur conta l'archidruide, un homme du nom de Ketheric Thorm a fait bâtir une forteresse secrète dans les profondeurs. Il a ensuite rallié à sa cause une véritable armée de Tribuns de la Nuit… des disciples de Shar.
Les murmures soucieux d'Ombrecoeur disparurent, remplacés par la curiosité :
— Il nous faut voir ça. Ce n'est pas un hasard !
— Cette entrée dans le temple… réfléchit Nymuë. Était-ce ce que cherchaient Aradin et sa bande ?
— Exactement, acquiesça Halsin. On leur avait promis une fabuleuse récompense s'ils rapportaient du bastion de Shar une relique appelée Chantenuit… Mais il leur fallait pénétrer dans les Tréfonds Obscurs et y survivre, en premier.
— Au final, la simple étape des gobelins les a arrêtés, se moqua Astarion.
— Hautelune… murmura Ombrecoeur. Sûrement un lieu ayant un rapport avec Séluné, avant qu'une secte s'y installe. Ce Ketheric Thorm devait être un important adepte de Shar pour construire une place-forte si proche de deux points stratégiques ennemis. Il avait sûrement prévu de les attaquer simultanément.
— La malédiction l'aurait arrêté ? théorisa Nymuë.
— C'est ce que je pense, intervint Halsin. Si vous parvenez à découvrir ladite place-forte, vous devriez du même coup pouvoir trouver un moyen plus direct d'atteindre les Tours de Hautelune. Et peut-être même cela vous évitera-t-il le plus gros de la malédiction des ombres.
— C'est hors de question, tempêta Lae'zel. Nous avons suffisamment perdu de temps comme ça, nous devons retrouver les miens !
— N'avez-vous toujours pas compris que notre situation dépasse les procédures habituelles ? rétorqua la prêtresse. Nos larves sont magiquement protégées. Si nous ne découvrons pas la source de leur pouvoir, les retirer ne nous sortira pas d'affaire.
— En réalité, leur apprit l'archidruide, cela vous tuerait.
Un silence suivit cette révélation. L'esprit de Nymuë tournait à vive allure : qui avait modifié leurs parasites, et pourquoi ? Cela outrepassait la cause illithid, signe que quelque chose d'autre était à l'œuvre. La visiteuse nocturne avait mentionné "un combat concernant la totalité de Faerun". Un combat… qu'ils étaient en train de perdre.
— La purification ne nous sauvera pas, Lae'zel, chuchota-t-elle à l'intention de sa camarade. Et je pense qu'au fond de vous, vous le savez.
La guerrière serra les poings. Éliminer les larves ghaiks était soumis à un rigide protocole au sein de son peuple ; se laisser corrompre par un parasite était une souillure, une honte. Plus elle conservait cette créature, plus elle s'éloignait de l'idéal immaculé qu'elle devait devenir afin d'être acceptée par Vlaakith. Mais si l'archidruide disait vrai, et si cette opération menaçait l'ensemble des royaumes… alors ce serait prendre le risque de laisser les flagelleurs mentaux accomplir leur Grand Dessein. Et jamais, jamais Lae'zel de K'liir agirait en lâche.
— Tsk'va ! rugit-elle. Très bien, menez-nous donc aux tours si vous le souhaitez. Je ne tolérai pas servir les intérêts ghaiks !
Nymuë analysa ses propres doutes. Ses parents avaient cherché à fuir l'Outreterre, autrefois, et avaient trouvé la mort au bout du périple. S'y rendre relevait de la folie… Une énième de plus, dans ce long voyage qui était le leur. La jeune femme soupira, se tournant vers ses camarades afin d'annoncer sa décision :
— En route pour les Tréfonds Obscurs, déclara-t-elle.
Le retour au temple de Séluné leur prit un peu moins de deux jours. Grâce à Halsin et aux autres druides du Bosquet, ils détenaient assez de vivres pour toute une semaine. Le repaire des gobelins paraissait vide de ses anciens occupants, signe que leur dernière visite avait porté ses fruits.
— Sommes-nous sûrs que le poison et les araignées nous aient vraiment débarrassés d'eux ? demanda Ombrecoeur.
— Si certains ont survécu, ils ont dû fuir, rétorqua Nymuë. La nouvelle de la mort de Minthara a dû se répandre.
— Dans le pire des cas, ils ne sont pas de taille, contra la guerrière gith.
Restait l'énigme de l'entrée secrète ; avant leur départ, Halsin leur avait déclaré que le passage se trouvait sans doute au niveau des fondations du bâtiment. Comme les cultistes l'empruntaient régulièrement, ils avaient l'espoir que sa recherche ne se révèle pas si complexe.
Alors qu'ils traversaient le pont à l'approche de la cour intérieure, un bruit sourd se fit entendre derrière eux. Ils dégainèrent leurs armes, mais seul un homme leur faisait face. Il était habillé élégamment, un plastron bleu mariné rehaussé de fils d'or. Ses cheveux bruns étaient coiffés en arrière, et il observait les compagnons avec… complaisance. D'où avait-il surgi, et comment ? Il ne semblait guère enclin à le leur apprendre. En réalité, il les aborda avec théâtralité, comme un acteur faisant son entrée grandiose :
— Et bien, et bien, qu'est-ce donc que cet endroit ? s'ébahit-il. Le chemin de la rédemption, ou alors celui de la damnation ? Difficile à dire, car votre périple ne fait que commencer.
"Quel genre de lunatique est-ce là ? " songea Nymuë. L'inconnu ne prêtait aucune attention aux lames pointées vers sa gorge, semblant réfléchir à sa réplique suivante :
— Qu'est-ce qui conviendrait pour cette grande occasion ? Une petite berceuse, peut-être ?
La souris, rusée comme un renard,
Se joua du chat sans retard !
Alors, la griffe s'abattit.
Et le récit fut fini.
Il soupira, admirant la beauté simple des rimes :
— Qu'est-ce qu'on écrit avec panache au Cormyr ! Bien le bonjour, je me nomme Raphaël. Entièrement à votre service.
— À qui nous adressons-nous ? demanda l'elfe noire. Au chat, ou à la souris ?
— Ni l'un ni l'autre, répondit l'inconnu. Plutôt au renard, en fait. Caché au détour d'une rime, il observe discrètement, prêt à rompre le silence.
L'étranger - Raphaël - observa les alentours d'un œil ennuyé, fronçant le nez à la vue du temple en ruines :
— Mais il est vrai que ce que j'ai à dire mérite un peu d'intimité, ainsi que plus de… raffinement, disons. Ce petit coin bucolique est vraiment au milieu de nulle part. Venez.
Le paysage s'effondra sous leurs yeux, et les compagnons se sentirent tirés en arrière. Les décombres devinrent murs ; la boue, un sol de marbre. Ils atterrirent au centre d'un décor fastueux, majoritairement composé d'une table en bois massif et plusieurs chaises. Un festin les attendait, prêt à être entamé. Raphaël leva la main :
— Voilà. Le milieu de quelque part.
Nymuë se tourna vers ses camarades : la même angoisse traversait leur regard. Lae'zel serrait toujours fermement son épée ; Ombrecoeur et Astarion pivotaient sur eux-mêmes, constatant que la salle à manger ne contenait ni portes, ni fenêtres. Aucune issue… si ce n'était cet homme, qui jouait avec eux.
— Où sommes-nous ? siffla le roublard.
— La Demeure de l'Espoir, où les épuisés viennent se reposer, et les affamés se nourrir… dans le luxe, les accueillit l'étranger. Je vous en prie, allez-y. Profitez bien de votre dîner. Après tout…
Son sourire s'étira :
— ... Cela pourrait très bien être le dernier.
L'elfe noire le sentit récolter leur réaction. Il les avait approchés en grande pompe, pour ensuite les transporter dans un lieu inconnu. Il était leur hôte et leur geôlier ; à nouveau, l'acteur principal face aux figurants. Et maintenant que chacun était bien conscient de son rôle, il allait pouvoir déclamer son texte.
— Je commence à me lasser de vos petits jeux ! cracha Lae'zel.
— Vous ne vous amusez pas ? rit-il. Très bien. Je ne voudrais surtout pas vous décevoir.
Un tourbillon de flammes l'enveloppa, rougissant sa peau et assombrissant ses pupilles… Quand la bourrasque se calma, deux cornes noires coiffaient sa tête, ainsi qu'une paire d'ailes. Ses dents pointues étincelaient au milieu de sa figure carmine ; oh, le héros de l'histoire venait enfin de retirer son costume d'apparat.
— Nul besoin, ici, de tirer le diable par la queue… susurra-t-il. Vu que c'est lui qui régale.
C'était un cambion, réalisa l'elfe noire. La dangereuse engeance d'un démon et d'un mortel. Des créatures ambitieuses, avides d'âmes, de pactes… et plus que talentueuses pour subvenir à leurs besoins. Leur gloutonnerie sans limite n'était surpassée que par celle des hommes, dont les appétits et la cupidité servaient toujours leur cause. Gloire, puissance, richesse ? Les diables étaient enclins à vous les offrir au meilleur prix.
Du moins, pour eux.
— Suis-je un ami ? poursuivit Raphaël. Potentiellement. Un adversaire ? Éventuellement. Mais un sauveur ? Cela, en revanche, est une certitude.
Il étendit les bras, comme prêt à les étreindre. Lui, leur libérateur, la réponse à tous leurs maux. Entre ça, et l'étrange visiteur nocturne, les bienfaiteurs se multipliaient autour de leur petit groupe… "Mais dans quel but ? ", s'interrogea la jeune femme. Qu'avaient-ils de si précieux pour qu'un culte, une vision onirique et désormais un démon s'intéressent à eux ? Du jour au lendemain, ils étaient devenus le premier prix d'une vaste vente aux enchères.
— Pourquoi nous aider ? demanda Ombrecoeur avec méfiance.
— Parce que ma compassion ne connaît pas de limite ! s'écria Raphaël. Je vais à la rencontre des nécessiteux et leur apporte mon aide quand je le peux. Et vous, vous en avez grandement besoin.
Son doigt griffu pointa Nymuë, elle qui jusqu'à présent était restée silencieuse.
— Un seul crâne, deux habitants, et aucune solution en vue. Je pourrais régler le problème… en un rien de temps.
Il guetta l'effet de son discours : un souffle paniqué, un froncement de sourcil… éventuellement une goutte de sueur. Le moindre indice prouvant qu'il avait ferré sa proie. Malheureusement, son butin du jour demeura résolu :
— Vous avez perdu la tête si vous pensez que je vais passer un marché avec un diable, répliqua froidement Nymuë.
Dans son dos, elle entendit le grognement approbateur de Lae'zel, ainsi que les soupirs de soulagement d'Ombrecoeur et Astarion. Avec le parasite, leur esprit et leur corps ne leur appartenaient plus que de manière temporaire. Hors de question de risquer également leur âme.
— Et qu'est-ce que la folie, sinon le déni de la réalité ? reprit lentement Raphaël. J'ai le sentiment que vous allez changer d'avis. Tant que vous êtes encore aux commandes, bien sûr.
Il fit un geste négligent du bras, balayant leur volonté de survivre sans son aide :
— Essayez donc de vous soigner, renseignez-vous. Suppliez, empruntez, et volez ; explorez la moindre possibilité, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus aucune. Et quand l'espoir se sera réduit comme peau de chagrin, là, vous viendrez frapper à ma porte.
Il s'interrompit un instant, savourant son propre jeu de mot :
— L'espoir. Ha ! C'est si drôle.
— Vos plaisanteries ont assez duré, siffla l'elfe noire. Ramenez-nous d'où nous venons, et ne vous avisez plus de croiser notre chemin.
Raphaël se pencha vers eux, comme pour partager une confidence :
— Tous ces symptômes si charmants, la peau qui s'ouvre, les entrailles qui se liquéfient… Ils ne se sont pas encore manifestés, n'est-ce pas ?
Malgré elle, les yeux de Nymuë dérivèrent vers Ombrecoeur, et notamment vers son sac transportant l'artefact. Le cambion suivit son regard :
— D'aucuns diraient que la chance vous accompagne. Je serai là, quand elle vous abandonnera.
Un vent violent emporta les aventuriers, les congédiant d'un claquement de doigt. Quand ils se relevèrent, le temple de Séluné les environnait à nouveau :
— Par les Enfers, s'écria Ombrecoeur. Au sens propre ! Et dire que je commençais tout juste à comprendre notre situation…
— Donc maintenant, nous avons un fichu diable après nous ? s'époumona Astarion. Il avait l'air sûr que nous ne trouverions rien du tout. Et il a peut-être raison. On ne peut pas dire que la chance ait été de notre côté, jusque-là.
— Non, il se trompe, affirma sèchement Nymuë. Il n'est pas notre unique option.
— Tout ce qu'il a fait, rugit Lae'zel, c'est ébrouer ses belles ailes, comme s'il voulait nous impressionner. Ce genre de créatures parle beaucoup, mais n'a aucun pouvoir, hormis celui que nous lui donnons.
— Peut-être, mais il s'amuse avec nous. Caza…
Le roublard jeta une œillade méfiante à la guerrière gith et à la prêtresse :
— Quelqu'un que je connaissais aimait faire de même avec ses victimes. Leur laisser croire qu'il restait un espoir… jusqu'au moment où il décidait que le jeu était terminé. Ce genre d'individus ne jouent jamais tant qu'ils ne sont pas sûrs de gagner.
— Il est rusé, intervint Ombrecoeur. Mon ordre utilise la même tactique face aux ennemis de Shar. Pas besoin d'un chevalet ou d'un chat à neuf queues pour briser les gens. La peur et le doute sont généralement suffisants. Quand la souffrance arrive, le cerveau de la victime a déjà fait la majorité du travail. Il n'y avait pas de bonne réponse avec ce diable, Astarion, et vous feriez bien de vous en souvenir.
L'elfe se tourna vers elle, prêt à répliquer vertement, mais ses yeux croisèrent ceux de Nymuë. Son regard était confiant :
— Nous ne sommes pas ses marionnettes. Nous allons le lui montrer.
— Ce diable n'est pas le seul à vouloir nous attirer dans sa toile, poursuivit la prêtresse. Qui a altéré nos parasites, et qu'est-ce que le responsable peut bien nous vouloir ? Si nous parvenons à répondre à ces interrogations, nous aurons peut-être une chance de nous en tirer.
— Alors, cessons de bavarder, trancha la githyanki.
Les compagnons pénétrèrent à l'intérieur du temple. Hormis les cadavres de gobelins jonchant le sol - victimes du poison, pour la plupart - les lieux paraissaient presque… immobiles. Aucun son, aucun mouvement. Qui aurait pu deviner qu'un grand triomphe avait été célébré ici, il y a de ça quelques jours ?
Sur une estrade, gisait une gobeline en tenue de cérémonie. Ses adeptes l'entouraient comme s'ils avaient voulu la protéger jusqu'à leur dernier souffle : probablement la prêtresse Haruspia, la dernière cheffe de cette horde disparate. Sa chapelle personnelle se situait un peu plus loin dans le bâtiment.
Des bancs et des gravures remplissaient le lieu abandonné, bien que les gobelins aient gâché une bonne partie du mobilier. Les aventuriers suivirent l'allée entre les sièges, s'enfonçant de plus en plus dans les profondeurs. Un courant d'air froid leur parvint en contrebas.
Ils atterrirent dans une vaste salle, éclairée uniquement par une minuscule ouverture au plafond. Un rayon filtrait à travers la pierre, illuminant une porte sur laquelle étaient représentés les différents cycles de la lune. Et derrière…
— À votre avis, murmura Ombrecoeur, cela descend jusqu'où ?
Une énorme échelle de corde dégringolait dans les abysses, sans qu'un sol soit distinguable. Avec hésitation, l'elfe noire s'empara d'un caillou et le jeta : ils n'entendirent aucune chute.
— Jusqu'en Outreterre, répondit-elle laconiquement.
Elle sentit sur elle le regard de sa camarade :
— Est-ce que ça va aller, Nymuë ? Je veux dire… vous n'avez aucune idée de ce que vous allez y trouver.
— Vous non plus, rétorqua-t-elle. Et je crains qu'il n'y ait qu'une seule façon de le savoir.
Saisissant l'échelle, elle se suspendit prudemment dans le vide, faisant taire l'angoisse au creux de son ventre.
Il était temps d'entamer sa longue descente vers les Tréfonds Obscurs.
Notes de fin :
Et voici ! Semaine prochaine, nous entrons donc directement dans l'Acte II, avec pour commencer, la traversée de l'Outreterre... Bien évidemment, il s'agit d'un passage important pour notre Nymuë, qui retourne à ses racines !
Je vous remercie pour votre lecture et vous souhaite une excellente semaine !
