Bonjour à toutes et à tous !
Merci à Cassye pour son commentaire et merci aux lecteurs silencieux.
Je suis en avance pour cette semaine, car je ne serai pas disponible ce dimanche. Cet été, je vais régulièrement publier soit le vendredi soit le lundi pour palier à mes absences, je vous tiendrai au courant.
Un point important avant de vous laisser avec le chapitre 25 ; comme Cassye l'a judicieusement remarqué dans sa review, l'obtention du Marteau Orphique fait que nos compagnons n'auront pas à se rendre à la demeure de l'Espoir. J'ai effectivement choisi de couper l'intrigue liée à Raphaël dans cette fiction, car elle n'avait pas un impact fort sur nos personnages et que je souhaitais alléger l'Acte 3.
CE-PEN-DANT, Raphaël est un de mes personnages préférés dans Baldur's Gate 3, je vais donc tout de même lui rendre honneur. Bien que ça ne soit pas pour tout de suite, je vous annonce officiellement qu'une seconde histoire dans l'univers du jeu verra le jour. Elle se déroulera des années avant les évènements, et rejoindra la trame principale directement à l'Acte 3. Nous y suivrons ma Dark Urge et les Elus des trois dieux morts, leurs relation ainsi que leur montée au pouvoir, avec la naissance du complot devenant par la suite celui de l'Absolue. Je tenais vraiment à explorer ce pan du jeu, qui finalement est à l'origine de tout. Je dois admettre que j'apprécie beaucoup les "méchants" du jeu, mais ai trouvé que l'on manquait de temps ou de mise en scène pour les savourer correctement.
J'ai d'autant plus ressenti ça en me penchant sur la marmite "Durgetash" (Dark Urge x Enver Gortash). Pas mal d'indices sont disséminés dans le jeu quant à leur relation et leur histoire respective ; certains y voient de l'amitié, d'autres de la romance, un récit religieux... J'ai vite été complètement fascinée par leur dynamique. De plus, mon objectif est aussi d'écrire une histoire suivant une protagoniste totalement opposée à Nymuë ; une "méchante", enfant adorée de Bhaal, entamant un voyage à mi-chemin entre le massacre et la rédemption. Le ton et l'écriture seront donc très différents du "Chant du Silence", et c'est cette exercice qui me plaît aussi.
BREF, quel est le rapport avec Raphaël ? Notre diable préféré a un rôle très important dans le background de Gortash (qui a été son "pupille" à la Demeure de l'Espoir pendant des années, comme vous pouvez l'apprendre via un certain NPC). Je pourrai donc lui rendre le crédit qu'il mérite à l'occasion de cette seconde fiction.
Réponse aux reviews :
Cassye : Oui, les informations quant à l'Empereur et à Orphéys sont compliquées à caser, mais j'ai apprécié écrire ce chapitre 24 ! Reprendre des bribes de la crèche githyanki a beaucoup aidé en ce sens. Bien entendu, j'ai fait exactement comme tu as dit lors de mon premier playthrough et ai été atomisée. J'ai appris ma leçon à vouloir faire ma maligne ! Du coup, pour Raphaël, tu as eu ta réponse haha ! J'ai justifié autrement sa participation auprès des aventuriers dans cette histoire, et ai laissé ses fesses rebondies pour ma Dark Urge ! Pas tout de suite pour Yurgir... but very soon ! Merci encore et toujours pour tes retours !
Une longue interlude, mais il est temps de continuer !
Chapitre 25 :
Le mausolée de la famille Thorm
Ce fut bien après le départ du commandant Voss que les aventuriers s'autorisèrent une halte. Les évènements de la matinée pesaient sur leur esprit, et Lae'zel avait besoin de faire le point. Désormais, ils avaient une excellente vue sur le mausolée dont la façade surplombait le reste du cimetière. Rien ne laissait deviner que ce bâtiment était le terrain de jeu de guerriers infernaux et de nécromanciens.
Nymuë réfléchissait. Elle pensait sincèrement que la guerrière avait fait le bon choix en refusant d'éliminer l'Empereur ou Orphéys. Toutefois, elle était loin de faire confiance à leur "ami" illithid. Outre ses petites manipulations mesquines - comme prendre l'apparence d'un être autrefois tendrement aimé -, l'elfe noire ne cautionnait pas ses méthodes. Le Prince de la Comète avait été emprisonné pendant plus d'un siècle, et voilà maintenant que le flagelleur l'exploitait sans aucun remord. Certes, il aurait été hypocrite de nier que ses camarades et elle-même regrettaient de bénéficier de ce pouvoir… Mais d'un autre côté, la musicienne était tentée de libérer le githyanki afin de le rallier à leur cause. Cette décision, néanmoins, n'était pas sans risque, et l'Empereur avait clairement stipulé qu'il ne les laisserait pas faire.
Et pour couronner le tout, voilà que Baldur's Gate était la prochaine cible des cultistes… Des milliers de gens infectés et réduits en esclavages, s'ils n'étaient pas tout bonnement massacrés. La jeune femme frissonna des pieds à la tête en songeant à Revan, ainsi qu'à leur toute dernière conversation. Elle ne voulait pas que les paroles échangées peu de temps avant son départ soient leurs dernières. Encore et toujours, leur sort dépendait du hasard. Depuis le début de cette histoire, leur destinée se réglait en fonction de jets de dés. L'Empereur, Vlaakith, l'Absolue, Raphaël : tous ces lanceurs souhaitaient les voir accomplir leur projet.
"Ecoutez-moi bien, déclara soudainement Lae'zel. L'Empereur ne nous offre que des semi-vérités. Il prétend que le Prince de la Comète nous tuerait au moment-même où nous briserions ses chaînes. Toutefois, le commandant Voss m'a assuré que les intérêts du peuple githyanki passeraient toujours en premier pour Orphéys…
- Nous ne pouvons pas le libérer, Lae'zel, rétorqua Ombrecoeur. Pas tout de suite, en tout cas. Avec ces parasites dans nos crânes, et un culte sur le point d'attaquer Baldur's Gate, il nous faut garder tous nos avantages.
- Je ne suis pas sotte, demi-elfe. J'ai conscience qu'affronter le courroux de Vlaakith maintenant ne nous apporterait aucun bien. Pas alors que les githyankis ignorent que leur véritable souverain est encore en vie, et que le Grand Dessein nous menace. Mais entendez mes paroles : qu'importe ce que dit ce soi-disant "Empereur", les miens ne seront vraiment libres que quand le Prince de la Comète sera à leur tête. Orphéys vivra, et j'entendrai ce qu'il a à dire. Cela, je vous le promets."
Se levant brusquement, la guerrière s'empara du qua'nith à partir duquel Vlaakith les avait contactés. Elle le jeta de toutes ses forces dans un fossé ténébreux, laissant les fausses promesses de la reine immortelle se perdre parmi les ombres.
"Voilà, haleta-t-elle. C'est fait. Plus question de faire demi-tour, maintenant.
- Pas de regrets ? questionna Astarion.
- Aussi longtemps que durera le règne de Vlaakith, jamais je ne m'élèverai sans entraves au-dessus de la Mer Astrale, ou ne rencontrerai Celle-du-Néant. Mais mieux vaut une vie courte, fondée sur la vérité, qu'une immortalité pétrie de mensonges.
- Je ne pensais pas vous dire ça un jour, articula la prêtresse, mais santé !"
Elle leva son gobelet, s'interrompant à mi-chemin lorsqu'elle croisa le regard moqueur du roublard :
"Quoi ? Je n'y suis pour rien si nous n'avons que de l'eau pour trinquer !" siffla-t-elle.
L'elfe noire observa Lae'zel à la lueur tremblotante du braséro autour duquel ils s'étaient réunis. Malgré son discours féroce, la githyanki paraissait amère, voire… bouleversée. Pendant des années, Vlaakith avait été le centre de sa vie : tout ce qu'elle croyait vrai, ses projets, et ses aspirations. Tout cela venait de lui être arraché dans la douleur. La guerrière regrettait-elle la perte de ce qu'elle avait été… ou de celle qu'elle ne pourrait plus jamais être ? Elle avait besoin d'une nouvelle cause en laquelle croire car, sans cela, comment pouvait-elle être encore Lae'zel de K'liir ?
Souriante, Nymuë leva son verre à son tour. Elle jeta un regard appuyé à Astarion, qui consentit - de mauvaise grâce - à sortir une de ses fioles personnelles. La githyanki n'était pas familière du concept de camaraderie ; avec un grognement irrité, elle entrechoqua sa propre chope avec celle de ses compagnons.. .
"Je suppose, maugréa-t-elle, que je n'ai pas tout perdu en chemin. J'ai un nouveau régent, de nouvelles terres, et de nouveaux alliés.
- Je n'ai pas très bien entendu la fin, persifla Astarion. Pourriez-vous répéter ?"
La musicienne retint un rire tandis que Lae'zel jetait son gobelet, avant de se lancer à la poursuite du roublard. Ses appréhensions se turent, et elle s'installa près d'Ombrecoeur pour parier sur l'issue de la confrontation.
L'extérieur du mausolée évoquait plus un champ de bataille qu'un lieu de recueillement. Plusieurs squelettes entouraient l'entrée, vêtus des oripeaux propres aux disciples de Shar. Des tombes profanées, des armes rouillées : voilà tout ce qui restait de l'armée autrefois immense de Ketheric Thorm.
"Que font tous ces fidèles ici ? s'enquit Nymuë. Les Ménestrels et les partisans de Shar se sont affrontés près de Hautelune. Mais eux, que cherchaient-ils à protéger ?
- Cet endroit est forcément plus qu'un mausolée, rétorqua Ombrecoeur. Réfléchissez : une relique et un orthon auraient été découverts depuis bien longtemps si les secrets des Thorm se limitaient à ce bâtiment. Il doit y avoir quelque chose d'autre. Une entrée secrète, un portail, un passage, n'importe quoi."
Prudemment, les aventuriers pénétrèrent le caveau familial. Une franche odeur de poussière et de pourriture les assaillit, vite expliquée par la profusion de crânes, un peu partout dans le sépulcre. "Une décoration des plus appropriées, pour un immortel", songea Nymuë. Les catacombes étaient élégantes, reflétant l'éclat d'une maisonnée autrefois glorieuse, mais maintenant corrompue jusque dans la tombe. Un lourd portail de fer menait vers le coeur de la crypte :
"Nere, Z'rell, Minthara…, grinça une voix. Qui que vous soyez, partez. J'accomplirai seul la volonté du général Thorm."
Les compagnons se figèrent, identifiant leur soudain interlocuteur. Surmontant une pile d'ossements, un crâne flamboyait d'un éclat violet. Ses orbites, illuminés par un feu enchanté, étaient fixés sur les nouveaux venus et suivaient leur moindre mouvement.
"Je suppose qu'il s'agit d'un moyen de communication comme un autre, pour un nécromancien.", devina Astarion.
L'elfe noire pencha la tête : ainsi, Balthazar était bel et bien arrivé à destination. Ce n'étaient donc pas les ombres qui avaient eu raison de lui. Observant autour d'elle, la musicienne distingua plusieurs chambres funéraires, une pour chaque personnalité de la famille Thorm. Cette pièce centrale ne comprenait qu'un seul sarcophage, sur lequel avait été sculptée une statue féminine, aux traits plus humains qu'elfiques :
"Ci-gît Mélodia Thorm, lut Nymuë. Épouse et mère adorée. Ai armiel telere maenen hir.
- Ce qui veut dire ? grogna Lae'zel.
- "Mon cœur t'appartient pour toujours", traduisit Astarion. Bon sang, je n'arrive pas à croire que Ketheric ait été marié.
- A une Sélunite, qui plus est.", ajouta Ombrecoeur.
Elle pointa du doigt un symbole de demi-Lune sur le bas-côté de la tombe, que le temps avait presque entièrement effacé.
"Nous savons déjà qu'Hautelune était autrefois un bastion Sélunite, réfléchit l'elfe noire. Peut-être bien que la famille Thorm n'a pas toujours été fidèle à Shar…
- Que vaut la foi de cet homme ? siffla la prêtresse avec colère. Séluné, Dame Shar, et maintenant l'Absolue ? Il change plus vite de religion qu'une courtisane ne change ses draps."
Dans l'antichambre adjacente, les aventuriers tombèrent sur un étrange pentacle représentant une tête de squelette, entourée d'un triangle. Ils avaient déjà aperçu cet emblème, sur l'armure du général. Quant à cette aura profane, putride…
"Des rites nécromanciens, jura Lae'zel. Voilà comment Thorm est revenu parmi les vivants.
- Je doute qu'à lui seul, Balthazar ait réussi une telle prouesse, tempéra Nymuë. Ce dessin… ce n'est pas le symbole de l'Absolue, et pourtant Ketheric le porte sur lui. De la magie nécrotique ?"
Ses camarades étaient tout aussi confus. La musicienne contourna le rituel et s'accroupit près de l'autel dédié aux offrandes. A même la roche, une inscription avait été écrite en lettres de sang :
"L'oubli est la seule solution.
De la splendeur à la tragédie,
Et de la tragédie à l'infamie."
"L'oubli… répéta doucement Ombrecoeur. La récompense de Dame Shar pour ses serviteurs ; le bonheur de son égarement.
- Pensez-vous que Ketheric se soit tourné vers elle afin de… guérir de son désespoir ? Après la mort de sa famille ?"
La prêtresse ne répondit pas, mais la nouvelle fit naître sur son visage un mélange d'émotions, apparemment conflictuelles. L'oubli, chez les disciples de Shar, était un cadeau, un honneur. C'était dans cette absence que les dévots noyaient leur chagrin, leur colère, et leur deuil ; c'était quand ils étaient aveugles que leur déesse leur prenait la main. Alors pourquoi cela la rendait-elle si triste ?
"Je sens la présence de ma Maîtresse, non loin, murmura finalement la demi-elfe. Nous sommes proches."
Les compagnons se dirigèrent vers la dernière salle, tout au fond du mausolée. Trois tableaux ornaient les murs, suffisamment gigantesques pour atteindre le plafond. Au centre de la pièce, la dernière tombe du caveau les attendait, grande ouverte.
"Voilà qui n'est pas inquiétant du tout… siffla l'elfe noire.
- Le monument de Ketheric ? réfléchit Lae'zel.
- Je ne pense pas, contredit le roublard. Le nom elfique me paraît différent. Attendez…"
Il s'accroupit près de la plaque nominative, chuchotant pour lui-même :
"Ssussun elgg oloth. La lumière éliminant les ténèbres. Ce tombeau… il est au nom d'Isobel."
Ses camarades le dévisagèrent, les yeux ronds :
"Sûrement pas celle de l'Ultime lueur ? interrogea Nymuë.
- Bien sûr que non, rétorqua Ombrecoeur. Personne ne peut survivre à cette malédiction pendant presque cent ans !
- Isobel est une Sélunite, cependant…" insinua Astarion.
La musicienne se remémora leur entretien avec la prêtresse de la Lune, sa connaissance de la région, sa colère mêlée de tristesse à la mention de Ketheric… Ainsi que les tâches noires, plus sombres que l'encre, sur ses mouchoirs brodés.
"Peut-être bien que ce qui a ramené le général n'a pas réveillé que lui, avança-t-elle.
- Ketheric aurait été un disciple de Séluné, avant de perdre sa femme et sa fille…", récapitula Lae'zel à voix haute.
"De la splendeur à la tragédie".
"... Puis, l'oubli ne faisant pas disparaître son chagrin, il se serait tourné vers l'Absolue afin de ressusciter sa famille ?"
"Et de la tragédie à l'infamie."
Nymuë regarda autour d'elle :
"Pour certains dieux, le désespoir est une forme de foi parmi tant d'autres."
Tout comme Ombrecoeur sur sa gauche, la musicienne s'approcha des peintures murales. Celle sous ses yeux représentait deux immenses tours, scintillantes au clair de Lune. "Hautelune, reconnut-elle, avant la malédiction.". La seconde montrait un homme agenouillé, la tête basse, devant un voile mortuaire. L'astre surplombant la scène était doucement éclipsé par une sphère de ténèbres, aux reflets violets.
"Ketheric Thorm, décrivit la prêtresse, terrassé par la douleur après la disparition de sa fille. Sur le point de s'offrir à Dame Shar."
Quant au dernier tableau, Astarion avait déjà devancé ses camarades :
"Le général et son armée, libérant les ombres sur ces terres, détailla-t-il. Nous voilà avec les trois segments de sa vie : la splendeur, la tragédie, puis l'infamie.
- Il y a un levier, sous chaque peinture.", précisa Lae'zel.
Les aventuriers s'adressèrent un bref hochement de tête : précautionneusement, Nymuë activa l'interrupteur près de la toile de Hautelune. Ombrecoeur fit de même avec sa fresque, et enfin le roublard ferma la danse. Un cliquetis à l'arrière du dernier tableau se fit entendre, et les murs s'abaissèrent. Dans un grondement sourd, le mausolée dévoila une série d'escaliers dont les marches s'étendaient à perte de vue.
"Pourquoi, à chaque fois que nous devons rejoindre une destination, faut-il qu'elle soit sous terre ? s'insurgea Astarion. Le camp des gobelins, les Tréfonds Obscurs, Malforge…
- J'aurais cru qu'il s'agissait d'un environnement naturel, pour un vampire.", railla la prêtresse.
Leur compagnon ne répondit pas, mais Nymuë vit ses traits se durcir. Gentiment, elle lui tendit sa torche :
"Vos réponses sont là-dessous, lui rappela-t-elle. Tout comme notre moyen de pression sur le bon général."
Astarion sursauta brièvement à son approche, mais accepta son flambeau. Malicieusement, il esquissa un sourire torve :
"Je m'en voudrais affreusement de le faire attendre."
Nymuë eut l'impression de passer un temps infini à l'intérieur des souterrains. Chaque nouveau pas les enterrait davantage, et la lumière de leur torche commençait à faiblir. S'enfoncer dans son propre tombeau, alors qu'ils exploraient un mausolée : l'architecte de cet endroit avait un sens de l'humour pour le moins lugubre.
Lorsqu'ils émergèrent des profondeurs, il leur fallut un moment pour se réhabituer à la soudaine clarté. La construction autour d'eux n'avait rien à voir avec les lignes sobres, mais élégantes, du caveau des Thorm. Ici, le haut plafond aux colonnades grises et violettes évoquait plutôt les structures sévères qu'ils avaient aperçues à Malforge. La même majestuosité, les mêmes portes arrondies, les mêmes lampes aux reflets mauves. Le sépulcre du général abritait bien plus qu'une relique : il servait de cachette à un temple de Shar.
"La Dame Sombre… murmura Ombrecoeur. Elle m'a guidée. Elle voulait que je trouve cet endroit. Par tous les saints, je pensais qu'il n'était que légende…
- Vous savez où nous sommes ?" s'enquit l'elfe noire.
La prêtresse leur désigna plusieurs plaques dorées, dominant ce qui semblait être l'entrée principale :
"Passe les épreuves de Dame Shar, lut-elle. Surmonte-les toutes et tu renaîtras en tant que Tribun de la Nuit."
Elle se tourna vers ses camarades avec une expression extatique :
"Les épreuves de Shar… ce lieu est légendaire ! Même en ayant perdu une bonne partie de mes souvenirs, je me rappelle ce que l'on m'a dit à ce sujet… Les meilleurs guerriers de ma Maîtresse se sont formés ici. Et aujourd'hui, voilà mon tour…
- Quelles sont ces épreuves ? demanda Lae'zel, dubitative.
- Pour pouvoir rejoindre l'élite des serviteurs de Dame Shar, il faut prouver sa valeur puis réaliser un sacrifice dans son saint des saints. Rares sont ceux y parvenant… J'ai souvent rêvé de cet endroit. C'est ma destinée ! Je dois accomplir les épreuves.
- Quelqu'un est en train de perdre notre objectif de vue, semble-t-il, ironisa Astarion.
- Oh, parce que vous êtes là pour des raisons purement altruistes peut-être ? rétorqua la demi-elfe. N'oubliez pas ce que nous avons accepté d'affronter, en votre nom ! De plus, me laisser devenir Tribun de la Nuit rejoint entièrement nos intérêts. Je recevrai l'ultime bénédiction de Dame Shar, ainsi que tout l'arsenal qu'elle offre à ses plus grands fidèles. Notre puissance serait sans limite, et nous pourrions vaincre l'Absolue une bonne fois pour toute !"
Nymuë se mordit la lèvre, sceptique. Assurément, avoir une déité dans leur camp était tentant. D'autant plus que leur seule option à ce jour demeurait un flagelleur mental aux motivations troubles… Mais la Dame Sombre n'était pas connue pour sa fiabilité, en témoignait la blessure énigmatique d'Ombrecoeur. En lançant ses disciples à la recherche de l'artefact, quel était son but ? Se pouvait-il qu'elle soit engagée contre l'Absolue, elle-aussi ?
"Continuons notre exploration, proposa la musicienne. Nous devons fouiller le temple de fond en comble pour trouver ce Balthazar et cet orthon…
- Si ce n'est pas lui qui nous trouve, grogna la guerrière.
- … Alors autant en profiter pour réaliser ces épreuves si nous tombons dessus.", continua la jeune femme comme si de rien n'était.
Ombrecoeur lui adressa un sourire rayonnant, et les compagnons la suivirent tandis qu'elle passait le perron menant au sanctuaire. Nymuë s'imaginait déjà un torrent de pièges explosifs, tombant sur les visiteurs comme une pluie de feu. Ou alors, une armée d'ombres démoniaques, prêtent à leur bondir dessus afin de déterminer leur potentiel… Mais le hall dans lequel ils atterrirent était terriblement calme. Deux chemins s'offraient à eux, à gauche et à droite, chacun descendant encore plus dans le ventre du temple. Et en face… le vide, à perte de vue. Le bâtiment avait été construit en carré, chaque aile entourant un immense espace où se tenait une statue géante de la maîtresse des lieux. Rien ne remplissait cet incroyable abysse, si ce n'était Shar elle-même. Sa tête atteignait le plafond bien au-dessus d'eux, son regard incliné semblant presque les juger. Ils avaient dû être des milliers, songea l'elfe noire, pour réussir une construction d'une telle ampleur. L'hommage de Ketheric était parfait, une manifestation pleine et entière de ce qu'avait été sa foi et son désespoir. Nul ne pouvait se tenir devant la Dame Sombre et ne pas se sentir infiniment minuscule.
"Le sang et les larmes ont dû couler à profusion pour façonner un visage d'une telle splendeur, chuchota Ombrecoeur avec révérence. C'est magnifique…"
Non loin de là, une légère lueur émanait d'un piédestal. Il ne comportait rien, ni inscription, ni offrande. Seuls étaient visibles quatre interstices vides, de forme ovale.
"C'est sûrement lié aux épreuves, devina Astarion. Quatre tests, avec une récompense à chaque réussite.
- Voilà ce qui doit nous mener au saint des saints, poursuivit Ombrecoeur. Vous voyez ? Nous devons nous montrer dignes de ma Maîtresse si nous souhaitons avancer. Il ne fait aucun doute que la relique soit là-bas. Nous ferions mieux…"
La prêtresse s'interrompit, alors qu'un claquement sec noyait ses paroles. Surgissant du chemin de gauche, quatre squelettes affrontaient une silhouette ténébreuse, dont l'armure arborait le même emblème que celle d'Ombrecoeur. "Un Tribun de la Nuit ! comprit Nymuë. Ou du moins… ce qu'il en reste.". Le veilleur de la Dame Sombre abattit sa lourde épée sur un des morts-vivants, avant de tourner ses yeux vides en direction des nouveaux venus. Lentement, il s'approcha :
"Qu'est-ce que c'est que cette chose ? siffla Astarion. Les hommes de Shar ne sont-ils pas censés être morts ?
- Ils protègent les lieux, répondit la prêtresse. Mais pourquoi nous attaque-t-il ? Ma déesse, est-ce là mon premier test ?"
Les compagnons dégainèrent leurs armes, Lae'zel fonçant déjà droit vers leur assaillant. Les squelettes ne réagirent pas à leur approche, concentrant leurs efforts sur le Tribun de la Nuit vacillant. Nymuë fit agilement tournoyer son poignard chaîné et l'enroula autour du poignet de leur ennemi. Alors qu'il levait son bouclier, il se retrouva immobilisé, laissant ainsi le champ libre aux attaquants. Trois carreaux d'arbalètes percèrent son armure, sans l'affaiblir le moins du monde. L'un l'atteignit entre les deux yeux, avec le même résultat. D'un geste ample, Lae'zel sépara la tête du Tribun du reste de son corps, et l'ancien soldat s'effondra. Les filaments d'ombre qui le composaient se désagrégèrent. Astarion et Ombrecoeur - pointant flèches et étincelles enflammées en direction des squelettes -, les rejoignirent. Les revenants se contentèrent de pivoter leur tête vers eux :
"Vous n'avez rien à faire ici.", murmura la première créature, d'une voix d'outre-tombe.
Sa nuque avait pris un angle inquiétant, tandis qu'il examinait les visiteurs. L'elfe noire frémit : quelque part, dans les restes putréfiés constituant le défunt, une larve avait établi demeure. Et une autre présence agissait dessus afin de manipuler le squelette à sa guise :
"Balthazar ? hasarda Nymuë. C'est Z'rell qui nous envoie."
La carcasse se tourna vers l'elfe noire, faisant cette fois-ci craquer complètement ses vertèbres restantes.
"Z'rell manque d'imagination, rétorqua le second mort-vivant.
- Vous perturbez mes plans, continua le troisième.
- Vous êtes dans le domaine de la Dame Sombre, cracha Ombrecoeur, et elle n'a que faire d'un ramassis de sacs d'os infidèles."
La musicienne observa les trois squelettes, nullement impressionnés par cette accusation. Une seule entité, contrôlant plusieurs enveloppes en décomposition. Le nécromancien avait donc décidé de se cacher.
"Vous êtes peut-être un spécimen prometteur, articula difficilement le premier macchabée, bien que vous ayez pour tare d'être fait de chair. Toutes les âmes éveillées n'auraient pas réussi à suivre ma trace jusqu'ici ; les ombres les auraient massacrées.
- Nous avons été mandatés par le général Thorm… tenta à nouveau Astarion.
- Le général ? s'écria le deuxième tas d'os. N'importe quoi. La situation est totalement sous contrôle. Z'rell est juste jalouse que le général ait autant foi en moi. Il faut dire aussi que je suis une pièce vitale dans son plan génial…"
Nymuë retint un reniflement dédaigneux, jouant au mieux son rôle de mercenaire. Dans la vie ou dans la mort, Balthazar semblait manquer cruellement de modestie.
"Puisque vous êtes ici, siffla une des carcasses, votre corps pourrait m'être utile. Vous savez ce qui se joue, j'espère ?
- Z'rell nous a informés de l'existence d'une relique, répondit prudemment l'elfe noire.
- Oui, elle est vitale pour nos plans, en effet. Le général ordonne et, étant son humble serviteur, je lui obéis. Et vous, davantage inférieurs encore, obéissez donc à mes ordres. Je vais vous envoyer en mission de reconnaissance."
La jeune femme se mordit l'intérieur de la joue, réprimant une répartie bien placée. A l'expression contrariée de ses compagnons, elle devina que son antipathie était partagée.
"Nous devons trouver la relique avant que les ennemis du général ne mettent la main dessus et ne tentent d'en faire usage. C'est elle qui confie au général sa force et son invulnérabilité, voyez-vous.
- Fascinant… susurra Astarion, en esquissant un sourire mauvais.
- Elle est proche, mais la voie permettant de l'atteindre est bloquée. Les morts de Shar se montrent peu… coopératifs, mais ce n'est pas le plus gros problème. Un monstre hante ces lieux : un orthon, qui fredonne nuit et jour une atroce litanie… Quand les Tribuns me laissent en paix, alors cette créature des Enfers arrive pour éliminer mes sbires. Tuez-la, puis dégagez-moi un chemin jusqu'au cœur du temple. Que cela soit par la force ou par la ruse, peu m'importe."
Les aventuriers n'eurent pas besoin de se concerter pour savoir quoi répondre. Tout bien considéré, ils étaient à la croisée des chemins… Avec élégance, Nymuë accorda aux trois crânes défraîchis un bref hochement de tête :
"Je resterai caché là-bas jusqu'à ce que vous réussissiez… caqueta le squelette. Ou que vous mourriez."
Il pointa un long doigt blanc vers le chemin de gauche, avant de brusquement s'effondrer. Ses congénères l'imitèrent dans un entrechoquement d'os. L'elfe noire jeta un œil à ses camarades. Les traits d'Ombrecoeur étaient sévères, déterminés à réussir les épreuves devant leur ouvrir la voie. Lae'zel étudiait l'allée de droite, celle où les attendait vraisemblablement l'orthon… Sa main serrait vigoureusement le pommeau de son épée, sans trembler. Quant à Astarion, il s'avançait déjà parmi les gravats, prêt à rejoindre ce qui lui apporterait enfin des réponses.
Nymuë soupira face à l'ironie que représentait cette journée. Il n'y avait rien de plus logique qu'une descente aux Enfers, après avoir visité une tombe.
Note de fin :
L'arrivée de Yurgir ?
Je vous avoue que j'ai vraiment hâte d'être à la semaine prochaine, car le chapitre 26 est probablement mon favori à ce jour. J'y ai mis beaucoup de ma personne de par certaines thématiques abordées, et je pense même qu'une bonne partie de cette histoire est littéralement née d'une des scènes que vous allez lire. Aucune pression, donc.
D'une manière générale, nous entrons dans le dur de l'Acte 2, la phase moins explicative et où je me suis éclatée.
Je vous remercie pour votre lecture ! La prochaine publication aura lieu vendredi et non dimanche... A très bientôt !
