Bonjour à toutes et à tous,

Merci à Chlio pour son commentaire (et pour les infos sur le site !) et merci aux lecteurs silencieux.

L'introduction ainsi que les cinq premiers chapitres de cette histoire, ont été mis à jour avec leur version finale. La relecture prend plus de temps que prévu, mais à côté de ça j'ai finalisé le plan de la seconde histoire.

Nous avons rencontré Orin au chapitre précédent, il est temps de rendre visite au dernier Élu.

Réponse aux reviews :

Chlio : Je suis contente que tu aies apprécié mon parti-pris. L'envie de rendre justice aux personnages était présente, mais je pense que je serais passée à côté de ce que je souhaitais raconter avec Nymuë en agissant ainsi. Je ne suis pas sûre pour le marché avec Orin, normalement ça fait l'objet d'une scène à part ; ici, c'est moi qui ai fusionné les deux. Plus de réponses pour toi en ce qui concerne Gortash dans ce chapitre ! Merci encore pour ton retour.

Je vous souhaite une excellente lecture.


Chapitre 35 :

La main noire

Le poste de contrôle menant à la Porte Sud était soigneusement gardé. Outre un bataillon de Poings Enflammés, les aventuriers eurent la surprise de découvrir deux énormes machines d'acier de part et d'autre du pont-levis. Elles ressemblaient aux chevaliers de l'ancien temps, aux armures finement décorées de gravures irisées, si ce n'est leur taille colossale. Leur casque était surplombé d'un phénix et d'une plume rouge. Leurs mouvements, eux, étaient à la fois précis et saccadés.

"Des automates", comprit Nymuë. Orin leur avait dit qu'ils auraient affaire aux créations personnelles du seigneur Gortash. La Garde d'Acier…

"Ce sont donc ces choses qui gardent la ville, désormais ? souffla Ombrecoeur.

- Voilà qui est terriblement intelligent, apprécia Astarion. Imaginez un peu : d'une main, vous augmentez votre popularité auprès des petites gens en leur amenant une armada capable de tenir l'Absolue à l'écart. De l'autre, vous prenez le contrôle de la ville, tout en permettant au culte de se répandre encore plus vite.

- Vous faites fermer la ville pour instaurer terreur et conflit chez ses habitants, continua Nymuë. Et vous laissez à la nouvelle milice la charge d'éliminer discrètement vos opposants."

Les compagnons l'avaient déjà constaté au préalable, mais leurs ennemis étaient redoutables. La secte de l'Absolue s'était bâtie une armée menée par un général ne pouvant mourir. Au sein de Baldur's Gate, elle avait permis à un tyran de s'élever aux plus hautes sphères politiques. Et enfin, depuis les ombres, elle avait lâché la bride à ses assassins changelins. De quoi dissuader quiconque n'avait pas parcouru un aussi long chemin qu'eux. Mais les aventuriers avaient vu le général invincible périr. Ils avaient noté le conflit opposant la tueuse au despote. Et aux dernières nouvelles, ils étaient encore en vie.

"Halte ! les arrêta une Poing Enflammée. Sur ordre du seigneur Gortash, les réfugiés n'ont plus le droit d'entrer dans la cité. Faites demi-tour.

- Réfugiés ? s'indigna le roublard. J'ai vécu dans cette cité plus longtemps que tous vos ancêtres réunis !

- Oh, vraiment ? Et quel est votre nom ?"

L'elfe noire n'eut guère le temps d'intervenir. Avec panache, Astarion s'avança vers la sentinelle :

"Je suis le seigneur Jannath, patriars de cette ville. Voici mes gardes du corps, - dit-il en désignant Lae'zel et Nymuë - ainsi que ma très chère cousine, Marguerite Larosée de la Floconnière."

Ombrecoeur pinça les lèvres en esquissant une légère courbette aux côtés de son "cousin". La guetteuse se tourna vers l'automate le plus proche :

"C'est un plaisir de vous revoir, Seigneur Jannath, citoyenne de la Floconnière." grinça-t-il.

Les compagnons sentirent leur parasite s'agiter. Un lien étrange les unit à la créature artificielle, comme s'ils entraient en résonance. A l'intérieur, une présence inconnue les voyait et les reconnaissait. Les transgressions passées de leur petit groupe n'étaient pas un secret pour son regard scrutateur. Elle percevait les ombres profondes de Malforge et ses sols de pierre ensanglantés ; elle connaissait les murs glacés des Tours de Hautelune, ainsi que les cultistes qu'ils y avaient tués. Sa voix, dans l'esprit des aventuriers, était semblable à un poison distillé dans du miel :

"Mes estimables invités ! les accueillit-il. Je suis heureux d'avoir enfin l'occasion de vous rencontrer. Je suis le seigneur Enver Gortash, et m'adresse à vous depuis ma Garde d'Acier, joyau de la ville. Votre identité est déjà connue, bien sûr. Vous êtes les porteurs du prisme ; les tueurs du général Ketheric Thorm. Bienvenue à Baldur's Gate… Ma cité."

La Poing Enflammée observait toujours l'automate, manifestement ignorante de leur échange. Nymuë grinça des dents. Ils avaient été naïfs de traverser Aigreterre sans davantage se préparer. Les Élus les attendaient de pied ferme. Le disciple de Baine allait-il ordonner à ses soldats mécaniques de les exécuter sommairement ?

Quand la créature reprit la parole, elle le fit à voix haute :

"Le seigneur Enver Gortash vous invite personnellement à son couronnement. Veuillez-vous rendre à la salle de cérémonie.

- Et bien ça, pour une surprise ! souffla la sentinelle. Toutes mes excuses, seigneur Jannath, citoyenne de la Floconnière. On est jamais trop prudent, ces derniers temps. Abaissez la herse ! cria-t-elle. Permission spéciale !"

Le pont-levis se déploya lourdement, au grand dam des réfugiés patientant depuis des semaines. "A quand notre tour ?" criaient certains. La silhouette menaçante des Gardes d'Acier dissuada rapidement les plus téméraires.

De l'autre côté du gouffre les attendait la forteresse du roc de Dracosire. Véritable bastion de la cité, le donjon tenait son nom d'une ancienne légende datant des fondations de Baldur's Gate. A l'époque, l'intrépide Balduran était réputé pour voyager aux côtés d'un dragon de bronze. Aussi dangereuse que fidèle, la créature avait promis de s'éveiller de son sommeil éternel si la ville courait le moindre danger. De jeunes aventuriers, la tête pleine de rêves de gloire, s'étaient lancés à sa recherche pendant des années. D'aucun avait parcouru les cryptes sous la cité en espérant tomber sur la noble bête, s'imaginant déjà être le Balduran de cette ère. Bien entendu, aucun dragon n'avait jamais été trouvé, et Baldur's Gate avait connu son lot de crises sans qu'aucune chimère ne vienne soudainement à son secours. Néanmoins, le mythe avait perduré et donné son patronyme à la citadelle.

Maintenant que celle-ci était remplie d'automates géants, Nymuë espérait presque que ces vieilles histoires soient vraies.

Un tremblement parcourut le sol, assez puissant pour que la musicienne menace de perdre son équilibre. Une autre secousse, mentale cette fois-ci, fit tressaillir de joie son parasite.

"Le cerveau vénérable, murmura l'Empereur dans leur esprit. Il résiste aux ordres. Sans les trois pierres réunies, il semblerait qu'il soit plus difficile à contrôler. Si nous ne les récupérons pas, il se libérera."

Voilà qui expliquait l'empressement soudain des Élus à se trahir... Les fidèles des trois dieux morts avaient créé un monstre et, sans la possibilité de le dominer, celui-ci risquait de rompre ses chaînes. Nul doute que ses premières victimes seraient ses anciens tortionnaires. C'était là une nouvelle carte à jouer, s'ils s'y prenaient bien.

La salle d'audience était remplie d'individus richement vêtus, clairement issues de la haute-ville. Bourgeois comme patriars, tous les nobles importants s'étaient réunis pour ce qui devait être une cérémonie d'exception. Le tremblement de terre ne paraissait guère les avoir inquiétés ; il ne s'agissait probablement pas du premier.

Devant les gradins, plusieurs automates formaient une garde d'honneur. La pièce était gigantesque : l'ensemble des réfugiés d'Aigreterre aurait pu y loger. Cependant, c'était un autre individu qui y avait établi demeure. Au pied d'un vaste trône brodé de velours rouge, un homme faisait face à son auditoire distingué. Vêtu aussi richement que dans leurs souvenirs, le seigneur Gortash avait mis un point d'honneur à afficher plus de faste que tous ses invités réunis. Bien qu'élégant, sa figure portait les signes de la fatigue, et ses mains les traces du travail manuel. L'Élu de Baine n'était pas né dans le luxe… mais il avait travaillé dur pour le faire croire.

A ses côtés, presque invisible, se tenait le duc Gardecorbeau.

"Très chers patriars, veuillez m'accorder un instant, s'exclama Gortash. Voilà d'estimables invités que je me dois d'accueillir."

Princier, le futur archiduc descendit les marches de son trône pour venir à leur rencontre :

"Mes amis, pardonnez cet accueil quelque peu impersonnel. Je sais que mes Gardes d'Acier se comportent comme des chiens zélés, mais c'est pour le bien du peuple, je suis sûr que vous comprenez."

De ce fait, les automates formaient désormais une ligne sévère derrière les aventuriers : ils ne quitteraient cette pièce que si l'issu des pourparlers satisfaisait leur créateur. L'Élu de Baine sourit en s'approchant de leur petit groupe. De si près, Nymuë pouvait apercevoir les têtes de diable enjolivant son manteau. Le petit lord avait le sens de l'ironie.

"Seigneur Enver Gortash, à votre service.", s'inclina-t-il.

Ainsi réunis, nul patriars ne pouvait entendre leur conversation. Sans doute qu'ils donnaient l'impression d'être des amis de longue date, se retrouvant à l'occasion de cette journée mémorable. Lae'zel fronça le nez, et Ombrecoeur croisa fermement les bras. Seul Astarion semblait décidé à faire preuve de décorum. La musicienne se fendit d'une révérence ironique.

"Je crois comprendre que des félicitations sont de rigueur, poursuivit Gortash. La nouvelle de votre victoire face à Thorm est parvenue jusqu'à nous. Vous êtes connus, vous savez… à la fois pour qui vous êtes, et pour votre pierre infernale."

Avec quelle froideur il accueillait la mort de son ancien allié ! Voilà qui les éclairait sur la confiance à accorder à ces Élus. Le jeune seigneur leva le poing, faisant scintiller sa propre gemme au creux de son gantelet :

"Les trois sont nécessaires pour contrôler le cerveau. Sans celle de Thorm, il se montre particulièrement… revêche. Cette petite secousse, à votre arrivée, était un avertissement on ne peut plus clair. Si personne n'intervient, il se libérera de l'influence de la couronne. J'imagine alors qu'il infectera la totalité de la Côte des Epées, ce qui vous inclut. Votre prisme ne vous protégera pas indéfiniment."

Derrière l'elfe noire, Lae'zel s'agita :

"Le Grand Dessein, souffla-t-elle.

- L'empire des flagelleurs mentaux, approuva Gortash. Avec un peu de chance, nous deviendrons leurs esclaves. Dans le cas contraire, eh bien… notre sort ne sera guère envieux. Mais il est encore possible de l'éviter si nous convenons d'un accord, vous et moi. Ensemble, nous pouvons reprendre le contrôle du cerveau."

Nymuë pencha la tête : le tyran était loin d'être un idiot. La peur était une arme aussi efficace que l'épée. En décrivant la menace imminente qu'était le cerveau vénérable, il minimisait le propre péril qu'il représentait et passait son rôle sous silence. Mais la jeune femme et ses compagnons transportaient leur larve illithide depuis maintenant plusieurs semaines. Il leur fallait plus qu'un rappel des risques pour les faire paniquer.

"Pourquoi la couronne ne fait-elle plus effet ? demanda-t-elle. Une magie telle que celle du Néthéril devrait demeurer puissante, même avec un chaînon manquant…

- Les pierres doivent être utilisées à l'unisson, expliqua posément Gortash, comme s'ils échangeaient des plaisanteries. Autrement, le cerveau ne peut recevoir de nouvelle instruction.

- Pas de risques de cérémorphose, donc.

- Détrompez-vous. Quand il aura fini d'accomplir ses ordres actuels, il sera libre de faire comme bon lui semble. La magie de la couronne a transformé le cerveau vénérable en une chose que le monde n'avait encore jamais connue. Son pouvoir est absolument colossal. S'il se libère, je doute qu'il nous soit possible d'en reprendre le contrôle.

- "Nous"... susurra Astarion. De quel genre d'accord parlez-vous ?"

Gortash les étudia, son regard passant de leurs vêtements boueux à leurs armes aiguisées, pour finir par leur expression résolue. Ce qu'il vit dû le convaincre qu'ils étaient les personnes de la situation, car il déclara :

"Il existe un vieil adage, disant qu'une alliance fragile ne peut jamais être réparée. Elle ne peut que se briser. Sitôt Ketheric vaincu, cette traîtresse d'Orin a révélé son jeu. L'Élue de Bhaal veut toutes les pierres infernales pour elle. Elle ne vit que pour le sang… et le vôtre comme le mien sont particulièrement intéressants à ses yeux."

En cela, le disciple de Baine avait tout juste. Orin n'avait pas fait mystère de ses intentions. Son désir de carnage était le ciment de leur armistice ; la soif de pouvoir serait celui de Gortash. Nymuë réfléchit : mentionner leur rencontre avec la changeline n'était probablement pas une bonne idée. Le futur archiduc ne lui faisait pas l'effet d'un homme sensible aux coups de pression… et présentement, il avait la main gagnante. La musicienne l'incita à continuer d'un hochement de tête.

"Orin change de forme plus vite que nous changeons de tenue. Elle a décidé de me prendre pour cible. Je suis bien protégé, mais elle est extrêmement douée à ce petit jeu…

- Il semblerait que cela soit un problème entre vous et l'Élue de Bhaal, rétorqua froidement Ombrecoeur.

- Et que pensez-vous qu'il adviendra si elle s'empare des trois pierres infernales ? Elle plongera toute la Côte des Épées dans le chaos, et les rues de la cité seront rouges de sang. Je refuse de laisser cela se produire. Je veux conduire Baldur's Gate jusqu'à la gloire, pas la voir brûler."

Il était presque convaincant, les yeux ainsi levés vers le plafond lumineux de la salle d'audience. S'imaginait-il être à sa juste place, ici ? Au même niveau que tous les héros ayant foulé ce sol ? Jusqu'alors, Nymuë l'avait estimé dangereux pour son pragmatisme. Maintenant, elle réalisait que l'Élu de Baine représentait un tout autre péril.

Il n'y avait rien de pire qu'un tyran persuadé de servir une juste cause.

"Quelles sont nos garanties, si nous vous rejoignons ?" s'enquit l'elfe noire.

Elle sentit les regards de ses camarades sur elle. Quelques heures plus tôt, elle avait posé la même question à Orin.

"J'aimerais vous proposer un pacte, poursuivit Gortash. Je ne vous fais aucun mal et, en échange, vous ne m'en faites pas non plus. De plus, vous n'aurez rien à craindre de ma Garde d'Acier tant que notre accord tiendra. Gardez la pierre infernale de Thorm. Une fois que vous aurez vaincu Orin et obtenu la sienne, revenez ici afin que les trois gemmes soient à nouveau réunies.

- Oh, cracha Lae'zel. Donc nous devons massacrer Orin, et faire le travail à votre place ?

- C'est à s'interroger sur la performance de vos automates…" ajouta la prêtresse.

Le futur archiduc rit en pointant du doigt ses créations :

"Je vous promet que les voir en action vous convaincra entièrement de leur bon fonctionnement. Un souverain ne peut parcourir les rues à la recherche de tueurs sanguinaires ; non, cela est un rôle dédié aux héros ! Revenez vainqueurs, et nous pourrons régner ensemble comme des rois. Non, mieux que des rois : des dieux. Tels l'Absolue. Qu'en dites-vous ? Sommes-nous alliés ?"

Pour un peu, Nymuë en aurait presque rit. Baine, dieu de la haine, du contrôle et de la domination ! Était-il admiratif, ou fâché de l'ambition de son plus fervent disciple ? Après tout, celui-ci visait clairement son piédestal…Tellement aveuglé par son avenir radieux qu'il en était sincère dans sa proposition. Temporairement, du moins. Tout comme Orin, la collaboration n'était intéressante que le temps qu'ils remplissent leur fonction. Bien que le vaniteux seigneur puisse simplement apprécier le fait d'avoir un public… Car quel était l'intérêt de berner le monde entier, si personne n'était là pour en témoigner ?

Nymuë échangea une oeillade rapide avec ses compagnons, et y lut la confirmation qu'elle cherchait. Cette alliance pouvait les servir. Et quand sonnera l'heure, eux non plus n'étaient pas tenus d'honorer leur engagement.

"C'est d'accord Gortash, acquiesça-t-elle. Nous voilà désormais alliés, et Orin va mourir.

- Merveilleux, approuva le jeune lord. Je jure, seigneur Enver Gortash, Main Noire de Baine, que je ne vous ferai aucun mal. Nous rayonnerons ensemble sur Toril, tel un soleil radieux."

La musicienne hocha solennellement la tête, mais ne fit aucune promesse en retour. Elle n'avait aucun dieu à qui rendre des comptes.

"Laissez-moi vous prouver que vous avez fait le bon choix, les invita Gortash. Venez donc assister à une page d'histoire. Baldur's Gate s'apprête à honorer comme il se doit son premier archiduc… autrement dit, moi."

Sa voix aux accents doucereux prit une intonation plus ferme :

"Suivez-moi, et montrez-moi le respect qui m'est dû."

Prenant congé de ses invités, l'Élu de Baine se concentra sur les aristocrates dans les gradins. Ses gantelets d'or accrochèrent la lumière tandis qu'il saluait la foule :

"Estimés ducs et patriars, très cher Gardecorbeau… j'accepte le mandat que vous souhaitez me confier. Un nouveau chapitre commence pour notre glorieuse cité."

Il mit un genou à terre au moment où l'ancien grand-duc sortait une somptueuse épée de cérémonie. Nymuë se rappelait son expression terrorisée, il y a quelques jours, alors que le cerveau vénérable lui greffait de force un parasite. Son hurlement de douleur.

Désormais, il était fier et solennel alors qu'il s'avançait vers son bourreau.

"Enver Gortash, jurez-vous sur l'épée de Balduran, de défendre les citoyens de Baldur's Gate contre tous leurs ennemis, fussent-ils intérieurs ou extérieurs ?

- Je le jure."

Nymuë avait envie de vomir. Gortash ne se donnait même pas la peine de retenir son rictus. Gardecorbeau fit glisser la lame d'apparat de l'épaule gauche du consacré, à sa voisine.

"Jurez-vous d'être toujours fidèle à ces mêmes citoyens, que ce soit dans vos paroles, vos actes ou vos décrets, afin que nul ne souffre de vos décisions ?

- Je le jure.

- Invités rassemblés, donnez-vous votre consentement ?"

La musicienne se tendit, scrutant attentivement l'audience. Aucun patriars ne broncha. Ses camarades restèrent silencieux. Ils auraient pu tout aussi bien assister à des funérailles.

"Enver Gortash, le Conseil vous nomme archiduc de Baldur's Gate."

C'était fait. Un tyran possédait les rênes de la cité… et ses futures victimes étaient en liesse.

"Mes amis, se releva fièrement le jeune seigneur, la Garde d'Acier se tient prête. Sa lame s'abattra sur quiconque oserait menacer notre cité !"

Son regard croisa celui des aventuriers, tandis qu'une horde de patriars s'avançait pour le féliciter. Lentement, ses yeux glissèrent de leur petit groupe hétéroclite à ses automates, avant de se détourner. Nymuë retint un sourire amer ; sous couvert de justice, le nouvel archiduc éliminerait tous ses opposants. Les voleurs, les criminels et les escrocs : seuls ceux servant ses intérêts pourraient survivre à son règne.

L'elfe noire sentit soudain une étincelle d'espoir s'allumer au cœur de sa poitrine.

Elle venait de se rappeler à quel point Neuf-Doigts détestait la concurrence.


Notes de fin :

Les compagnons et les Élus jouent au chat et à la souris. Est-ce que ça se sent que j'adore Racoon Man ? Très certainement. Là où Ketheric Thorm m'a ému, Gortash m'a surprise. C'est assez rare de voir un méchant pragmatique et "sincère" dans son alliance avec les protagonistes : un vrai Lawful Evil. Je regrette que son histoire personnelle ne soit pas autant exploitée que celle de Ketheric, car elle a quand même un lien avec un diable à la poésie douteuse.

Avec ce chapitre, je finis ma transition entre l'Acte 2 et l'Acte 3. On va entamer les joyeusetés.
Je suis en vacances à partir de la semaine prochaine, et vais être bien occupée. J'ignore donc quel sera le rythme exact de mes publications, je tâcherai de garder mon créneau habituel.

A bientôt !