« Crowley ! » la voix de Beelzebub fendit le bruit des étudiants en train de partir. « Attend un moment, si tu veux bien. »

Crowley attendit que les derniers étudiants aient disparu, puis haussa un sourcil pour montrer qu'il écoutait. « Professeur. » Il ne quitta pas sa chaise, concédant à Beelzebub l'avantage de la hauteur.

Beelzebub ferma la porte, les enfermant seuls dans la pièce et, les poings serrées, avança vers lui. « Répond : es-tu responsable de cette rumeur ? »

Crowley retroussa la lèvre, expira et offrit poliment à Beelzebub de s'asseoir d'un geste de la main. « Celle sur Gabriel ? Pas besoin. Les étudiants l'ont pondue tout seuls. »

Æl resta debout, pas de manière intimidante, mais pas loin. « Qu'as-tu fait exactement, Crowley ? Je veux des réponses. »

Crowley inclina la tête de manière à ne laisser aucun doute sur le fait qu'il læ regardait, et haussa une épaule avec une décontraction étudiée. « Ils ont dû m'entendre dire que mon mari est un ange. Ce qui est vrai, tu le sais. Jamais je n'ai mentionné Gabriel.

— Et c'est tout ?

— Ouaip, répondit Crowley en accentuant le 'p'. Je te garantie que je suis pas responsable de toutes les rumeurs du coin.

— Non, rétorqua-t-æl. Juste de la majorité. Tu as intérêt à nous en débarrasser, c'est compris ?

— Parfaitement. »

Beelzebub se tourna et sortit.

Crowley regarda la porte se fermer derrière æl et ajouta doucement : « Mais je vais le faire à ma manière. »

Son téléphone sonna alors et il le sortit. Warlock. « Ouais ?

— Læ Professeur Fly a parlé des rumeurs au Professeur Gabriel… ils n'ont pas vraiment l'air d'apprécier.

— Je sais, soupira Crowley. Je viens juste d'avoir une conversation très… intéressante, avec læ Professeur Fly. Æl voulait que je fasse taire la rumeur, comme si c'était possible.

— Oh. » La voix de Warlock se fait plus basse encore et prend un ton désolé. « Je voulais te prévenir. J'imagine que c'est trop tard.

— Mais j'apprécie le geste, dit Crowley en déplaçant ses jambes et en laissant sa tête reposer contre le dossier de sa chaise. Autre chose ?

— Hum, ouais. Le professeur Gabriel a dit qu'il allait demander des comptes au Docteur Fell, et je n'arrive pas à le joindre. Son téléphone est éteint. »

Crowley ferme les yeux un long moment et ravale un grognement. Foutu Gabriel. Et pile quand les rumeurs devenaient amusantes. « Il l'éteint souvent pendant les cours. Je m'en occupe.

— D'acc, répondit Warlock avec un soulagement évident. Et merci. » Iel raccrocha avant que Crowley ait le temps de protester face à ce dernier mot.


Tout en réfléchissant, Crowley récupéra une bouteille d'eau et en prit une longue gorgée. Les rumeurs étaient une véritable Hydre de Lerne. Si on tente d'en éliminer une, elle revient deux fois plus forte. Il faut être prudent pour s'en débarrasser. Ne pas tenter de la faire taire, mais l'attaquer de façon détourner. Vous voulez en faire disparaître (en grande partie) une ? Alors il faut en offrir une autre aux colporteurs de rumeurs. Donnez-leur quelque chose de plus juteux encore à se mettre sous la dent, et les vieilles rumeurs mourront d'elles-mêmes. Plus ou moins. C'est un phénomène que Crowley comprenait suite à sa longue expérience, mais apparemment ni Gabriel ni Beelzebub ne comprenait le problème inhérent au fait d'essayer de s'en 'débarrasser'.

Alors, que pourraient-ils proposer qui ferait plus de bruit et se répandrait plus vite que la rumeur sur lui et Gabriel ? Il malaxa distraitement sa jambe puis soupira, se remémorant l'emploi du temps d'Aziraphale pour déterminer l'endroit où son époux avait le plus de chance de se trouver à l'heure actuelle.

Car aussi sûr que l'Enfer grouillait de démons, cela ne dérangera pas du tout Gabriel d'acculer et d'humilier Aziraphale en plein milieu d'un couloir. Et Crowley ne voyait aucune version de cette confrontation de laquelle Aziraphale ressortirait sans blessure mentale et émotionnelle. Gabriel Cause Toujours, Gabriel l'Emmerdeur, avait l'habitude d'en causer. Il se faisait la main sur lui depuis longtemps, et Aziraphale ne méritait pas, et ne mériterait jamais, que Gabriel affute sa langue sur lui une nouvelle fois.