Bonjour chers lecteurs,
Je suis désolée pour le retard de ce chapitre, je ne suis pas trop portée sur l'écriture en ce moment. (Je passe plutôt mes journées à geeker... *tousse tousse*)
J'espère, toutefois, que ce chapitre vous plaira. J'ai conscience que l'histoire peut vous paraître longue à vraiment démarrer, mais à mes yeux elle en a besoin.
Bonne lecture :)
La salle de réunion était plongée dans un silence pesant. Les murs de pierre sombres restreignaient la lumière, comme si elle étouffait dans cette pièce. En son centre, une longue table de bois remplissait l'espace.
Des légères volutes de fumée s'échappaient d'entre les lèvres des mangemorts. Certains d'entre eux s'étaient lancés discrètement des sorts chauffants. Malgré cette fin d'été, le manoir dégageait un froid glacial inexplicable.
Les membres du groupe se tenaient tous droit, attendant patiemment l'arrivée de celui-dont-il-ne-faut-pas-prononcer-le-nom.
Son pas lent annonça son arrivée. Il résonna dans le couloir et parvint jusqu'aux oreilles de ses disciples. Le glissement caractéristique de Nagini l'accompagnait. Il rentra dans la salle de réunion tel un souverain, son serpent à ses pieds et l'air vibrant par sa puissance.
Voldemort s'approcha de la table, la caressant du bout de ses longs doigts squelettiques avant de s'asseoir. Nagini se glissa jusqu'à lui et installa sa tête sur le genou de son maître. Personne n'avait osé prendre place durant ce temps.
_Vous l'avez récupéré sans le tuer, j'espère, siffla-t-il à l'encontre de ses sbires.
_Oui, Monseigneur, répondit Greyback en sortant d'un coin Ollivander, attaché et bâillonné.
Le pauvre fabriquant de baguette tremblait face à l'assemblée de mangemorts qui le fixait intensément. Le mage noir lâcha un bref rire devant la peur du vieux sorcier.
_Bien. Je me ferai un plaisir de m'entretenir avec notre invité plus tard. Emmène-le, ordonna-t-il à Greyback.
Le loup-garou ne se fit pas prier deux fois pour quitter la pièce avec leur prisonnier.
Le silence revint. Accablant et lourd. Voldemort les invita à s'installer d'un geste de la main.
_Severus, reprit-il de sa voix faussement cher Severus, raconte-nous comment se passent les préparations du château.
Severus resta d'un calme olympien malgré les deux billes rougeoyantes braquées sur lui. Il savait qu'au moindre signe de faiblesse, il subirait sa colère. Toute trace de crainte devait être dissimulée en présence de cet homme. Il en allait de sa vie.
_Dumbledore nous a conviés plus tôt cette année pour renforcer les défenses du château, débuta-t-il avec placidité. Le bouclier qui entoure le château sera doublé par un sort dont lui seul a le secret. En plus de tout ça, des aurors feront des rondes au niveau de toutes les entrées. Il doit se douter que cette année sera décisive pour la suite et souhaite mettre toutes les chances de leur côté.
_Rien d'étonnant venant du grand Dumbledore, ironisa le mage noir en caressant distraitement la tête de Nagini. Je veux la liste des aurors et la configuration des défenses.
Voldemort attendit que Severus continue son rapport. Face à son silence, un rictus mauvais se dessina sur les fines lèvres du mage noir.
_As-tu d'autres éléments à partager avec nous, Severus?
Le regard de Narcissa croisa furtivement celui de Severus.
_Une invitée est arrivée durant l'été. Une Américaine du nom d'Ophélia Low.
Voldemort posa son menton sur le dos de ses mains jointes.
_Une Américaine, dis-tu? dit-il en haussant un sourcil. Low me paraît être un nom assez commun. Dumbledore cherche encore à s'entourer de sang-de-bourbe. C'en est écœurant.
Un acquiescement général s'éleva dans la salle à cette remarque.
_Surveille-là de près. Je veux connaître chacun de ses déplacements et en quoi elle pourrait lui servir.
_Bien, Maître.
Ses yeux de serpent se dirigèrent dans la direction de Narcissa.
_Drago n'est pas venu ce soir ? Est-il souffrant?
La respiration de Narcissa se bloqua dans sa poitrine. Tous ceux autour de cette table savaient que cette question anodine n'en était rien. Derrière ses airs innocents, elle cachait un reproche. Si la raison de son absence n'était pas justifiée, quelqu'un allait devoir payer. Elle se tourna vers son Maître, le cœur prêt à défaillir.
_Il se prépare pour la future rentrée, Monseigneur, assura Narcissa sans ciller.
Bellatrix ne put retenir un reniflement dédaigneux aux paroles de sa sœur. Voldemort y fit abstraction et sortit sa propre baguette pour jouer avec. Ses doigts serpentaient sur le bois de la baguette, la tournant lentement.
Voldemort sourit, alors que son regard ne dégageait aucune chaleur.
_Tu m'en vois jeune Malfoy va devoir garder des ressources pour cette année à venir.
Il posa doucement sa baguette sur la blancheur de celle-ci détonnait sur le bois sombre de la table. Quelques mangemorts ne la quittaient pas des yeux, happés par la menace qu'elle représentait entre les mains de leur Maître.
_J'espère que vous avez pu trouver des choses intéressantes chez Barjo et Beurk, fit-il, l'air de rien.
Narcissa serra ses mains cachées sur ses genoux. Elle acquiesça silencieusement.
_Monseigneur, intervint Bellatrix. Pourrais-je m'occuper du fabriquant de baguette avec vous? J'ai de nouveaux sorts à tester et les essayer en votre compagnie serait un véritable honneur.
_T'ai-je demandé de l'aide, Bella? demanda-t-il froidement.
La sorcière se recroquevilla sur sa chaise, déçue d'être encore mise de côté.
La réunion continua dans cette ambiance écrasante. Voldemort écouta tous les rapports des dernières missions qu'il avait exigées. A quelques reprises, il fit souffrir des mangemorts qui lui rapportaient de mauvaises nouvelles. Les négociations avec les trolls et les vampires s'éternisaient, il avait besoin de leur présence pour les futures confrontations.
Contrarié par le manque d'efficacité de ses subordonnés, Voldemort mit fin à la réunion quand l'horloge sonna minuit. Il fut le premier à se lever et s'attarda près de sa chaise. Les mangemorts se levèrent à l'unisson sous l'autorisation de leur Maître.
Severus ne comptait pas s'attarder dans leur repaire. Il s'imaginait déjà se poser près d'un bon verre pour digérer plus facilement cette soirée. Mais avant qu'il ne puisse se retirer, Voldemort le convia à rester.
Ils attendirent qu'ils ne soient que tous les trois, Voldemort, Nagini et lui. Le serpent se décala, s'enroulant autour du corps de son maître et remonta jusqu'à ses épaules. Dans un geste autant fluide que rapide, Voldemort lança un impardonnable sur Severus.
_Endoloris!
Severus tomba immédiatement à genoux sous la puissance du sort. Il retint comme il put les cris qui démangeaient sa gorge. La douleur qu'il ressentait n'avait pas d'égal. Il avait beau avoir subi à plusieurs reprises le Doloris du mage noir, il ne pouvait s'habituer à une telle puissance.
Sa souffrance ne s'arrêtait pas à ça. Severus sentit rapidement l'apparition de lacérations sur son corps. Entre chaque Doloris, Voldemort optait pour des maléfices tranchants. Les sorts se délectaient de la chair de Severus, son sang s'écoulait de ses blessures et imprégnait sa robe.
Devait-il implorerpour que la douleur cesse ?
Non. Au contraire.
Il devait attendre que sa colère s'épuise et qu'il se lasse du spectacle.
Après une longue attente sur le sol gelé de la pièce, les genoux touchant presque son buste, son supplice prit fin. Voldemort s'avança jusqu'à lui et lui fit relever la tête, le bout de sa baguette sous son menton.
_Quand est-ce que tu comptais m'avertir de l'arrivée de cette femme? Je pensais avoir déjà été clair la dernière fois, fit-il en plongeant son regard de sang dans le sien. Je veux être au courant de tout ce qui se passe dans cette école. Que ce soit les évènements ou les rumeurs idiotes de tes élèves, je veux tout savoir. Et surtout, quand cela concerne de près ou de loin à ce vieux fou.
Il dégagea sa baguette et se mit à tourner autour de lui. En cet instant, Severus ressemblait à une proie. Une proie faible, blessée et à sa merci. Voldemort pouvait le tuer, là, dans cette salle de réunion. D'un simple geste de sa baguette, Severus serait mort.
Pourtant, ce n'était pas ce qui importait au mage noir. Severus était bien trop important dans ses plans pour qu'il se débarrasse de lui sur un coup de tête.
_Tu es mes yeux et mes oreilles dans ce château, ne me déçois plus, Severus.
_Oui, Maître. Je ne prendrai plus autant de temps pour vous prévenir, abdiquât-il sans la moindre résistance.
_Bien, maintenant, tu peux partir.
Nagini, toujours perché sur les épaules de son maître, siffla à son intention.
_Je suis tentée de goûter son goût.
_Pas pour l'instant, Nagini. Quand le temps sera venu, tu pourras t'en délecter, lui répondit-il en fourchelangue.
Voldemort et son animal s'en allèrent, abandonnant Severus sur le sol. Celui-ci se remit debout avec difficulté, de légers spasmes parsemaient encore son corps.
Son envie de boire un verre se décupla.
C'était toute une bouteille qu'il comptait se boire.
D'une main fébrile, il sortit deux fioles de sa poche. Une était d'un vert vif, tandis que l'autre était d'un rouge profond. Il les avala sans perdre de temps et prit quelques secondes pour respirer.
Subir une telle souffrance à cause de l'existence d'Ophélia le faisait bouillonner. Sa présence n'était qu'un synonyme d'emmerde à ses yeux.
Péniblement, il passa la porte et se mit en route vers l'extérieur, en quête du point de transplanage.
Sa frustration redoubla quand il entendit un rire derrière-lui. Bellatrix se trouvait adossée contre le mur, les bras croisés, un regard hilare posé sur Severus.
_Le maître a été bien trop clément avec toi. À sa place, je t'aurais fait passer une nuit inoubliable pour un tel oubli. M'enfin, cela ne me dérange pas que tu fasses des erreurs. Il finira par comprendre que tu n'es pas utile à notre cause.
_Ne montre pas ta jalousie, Bellatrix, cela te rend d'autant plus insupportable, répliqua-t-il d'une voix dénuée de sympathie.
Il l'entendit pester et faire un pas dans sa direction. Sans hésitation, il sortit sa baguette et lança un sort de désarmement sur la sorcière. Elle comptait l'attaquer en traitre.
Un air mauvais se forma sur le visage de Severus, sa baguette pointée sur elle.
_Tu étais bien plus réactive par le passé. Tu deviens rouillée, la railla-t-il froidement.
Il put enfin quitter le manoir en entendant dans son dos les insultes venimeuses de Bellatrix. Severus n'avait pas d'énergie à accorder à cette hystérique.
D'un sort de transplanage, il atterrit devant le grand portail de Poudlard. Il passa les défenses et emprunta le petit chemin de terre, remontant vers le château avec sa baguette devant lui, un Lumos au bout de celle-ci.
Malgré la potion de soin qu'il avait ingérée, son corps continuait à le faire souffrir. Il empestait le sang et la sueur.
Il leva les yeux vers le ciel et se concentra sur la beauté des astres. La fraîcheur de la nuit n'était pas désagréable, elle lui faisait même supporter cette longue montée. Bien que l'idée de retrouver ses cachots était la chose qu'il désirait le plus à cet instant présent, il devait prévenir le directeur de l'enlèvement d'Ollivander.
Non loin de la fin de sa marche, il entendit un bruit dans la végétation aux alentours. Il se tourna par réflexe vers la nature du bruit, la baguette dirigée dans sa direction. De par la rapidité du bruit, il finit par supposer que ça devait être le passage d'un animal.
Severus était sur le point de se retourner et de reprendre sa route, quand son regard tomba sur des affaires abandonnées. Une paire de sandales et un carnet se tenaient là, sous un lampadaire. Intrigué, il se dirigea vers eux et se pencha pour attraper tout d'abord le carnet. Sa main rencontra à peine l'objet, qu'une voix l'interpella.
_N'y touchez pas!
Il vit Ophélia sortir de sa cachette et s'approcher d'une vive allure. Celle qui lui avait valu une sale soirée venait d'apparaître comme par magie devant lui, avec des feuilles coincées dans ses cheveux. Le ridicule de la situation ne le fit pas rire.
_Miss Low, quelle surprise, fit-il avec aigreur.
Ophélia s'arrêta en face de lui et s'empressa d'attraper ses sandales.
_Rendez-le-moi, dit-elle en tendant sa main vers le carnet.
Il observa la main de la jeune femme comme si elle venait de lui présenter une chose immonde. Il s'écarta d'un pas, sa trouvaille entre ses mains.
_C'est bien les armoiries de l'école que je vois dessus, rétorqua-t-il avec son regard acéré. Vous l'avez volé?
_Pardon? s'emporta Ophélia par l'accusation. Je n'ai rien volé!
_Je vais devoir m'assurer de vos dires avec le propriétaire de ce carnet.
_On me l'a donné.
Severus, loin de la croire, n'en démordait pas.
_D'après la qualité du papier, je présume qu'il provient du bureau du directeur. Profiter d'un vieil homme, voilà donc votre véritable visage?
_Arrêtez vos conneries! s'énerva-t-elle. Je ne suis pas une voleuse.
_C'est bien les mots qu'emploierait une voleuse, dit-il en continuant obstinément de l'accuser avec sa morgue habituelle.
Ophélia avait les joues rougies par la colère.
Elle tenta de lui subtiliser le carnet par la force. Severus éloigna simplement l'objet de sa portée et se permit même de le feuilleter devant elle. Son comportement la faisait d'autant plus enrager.
Un rictus narquois déforma les fines lèvres de Severus en réalisant le sujet principal du carnet. Maintenant, il comprenait pourquoi elle y tenait tant.
_Allons, cessez de vous agiter, exigea-t-il d'un ton moralisateur.
Ophélia comptait retenter sa chance. Pour elle, il était hors de question qu'elle rentre au château sans son carnet. Severus, épuisé par ses enfantillages, plaqua la pointe de sa baguette sur l'objet.
_Préférez-vous que je détruise votre précieux carnet sous vos yeux?
Ophélia se figea à la menace. Dans son emportement, elle avait complètement fait abstraction de la baguette de Severus. Elle réalise qu'en une fraction de seconde il pouvait mettre le feu au carnet.
Son dos se raidit et ses yeux perdirent leur férocité. Ce changement brusque de comportement ne déplut pas à Severus, renforçant désagréablement son rictus aux yeux d'Ophélia.
Elle n'avait aucun pouvoir, aucune force. Face à lui, elle n'avait aucune chance. Cette réalisation percuta les pensées de Severus. Durant de brèves secondes, il hésita. Et si, dans ce parc désert, il se débarrassait de ce poids?
Personne ne saurait.
Personne ne se douterait.
Le regard de Severus se fit plus acéré. Il suffisait de quelques mots pour que cette gourde disparaisse de leurs pattes.
Sa main se resserra sur sa baguette. Cela serait rapide. Elle ne souffrirait pas.
_Non, réussit-elle à dire d'une voix forte.
Severus tressaillit à ce non.
Il regarda sérieusement Ophélia. Elle avait le corps figé par sa peur, mais ses yeux bleus avaient retrouvé leur feu. Sans même le savoir, sa détermination l'avait sauvé.
Severus se détourna, emportant avec lui le carnet.
_Demain matin, vous recevrez une note concernant notre premier cours. Je ne tolère pas le retard.
Sur ces derniers mots, il s'en alla vers le château, le carnet sous le bras.
Entre deux couloirs, Severus se tint contre le mur, une main plaquée sur le visage. Si elle n'avait pas parlé, il serait passé à l'acte. Depuis combien de temps avait-il perdu cette crainte de prendre la vie?
Il ne valait pas mieux que tous les autres mangemorts.
Epuisé, il se souvint qu'il devait encore passer chez le directeur avant de pouvoir se reposer dans ses quartiers.
Severus se rendit jusqu'à l'entrée du bureau du directeur. Il donna le mot de passe à la statue et s'empressa de monter les marches. Comme il l'avait déjà prévu, Dumbledore était encore penché sur des courriers quand il toqua à sa porte.
_Comment cela s'est passé, Severus? demanda naturellement Albus en continuant son tri.
_Ollivander s'est fait capturer.
_Je suis au courant, fit-il sans étonnement.
Le professeur haussa un sourcil, circonspect.
_Et comment pouvez-vous l'être?
_Grâce à ceci.
Dumbledore montra d'une main la boite d'une baguette et de la note accrochée dessus.
_Garrick me l'a fait parvenir avant qu'ils ne l'enlèvent.
_Est-ce bien ce que je pense?
_Oui. C'est la même baguette que je lui avais confiée.
_A-t-il réussi à trouver son propriétaire?
_En effet. Il a réussi.
Il s'attendait que le directeur lui révèle l'identité du sorcier en question, mais celui-ci garda le silence, faisant comme si de rien n'était. Severus réclama des explications. Il se trouvait légitime de connaître cette information.
_Vous ne tarderez pas à le savoir.
Ce fut la seule réponse qu'il lui accorda.
Excédé par son fétichisme des secrets, Severus comptait quitter le bureau, mais se ravisa, se souvenant de la deuxième chose qu'il devait lui transmettre. Adossé contre la porte, il parla.
_Il sait, dit-il platement.
La nouvelle fit relever le regard fatigué du directeur de ses courriers.
_Il est au courant de sa présence.
Le directeur se leva et se mit à marcher en rond dans son bureau. Il savait déjà qu'en accueillant Ophélia au sein du château, il lui offrait une protection, tout en l'exposant publiquement aux yeux du monde. Voldemort n'aurait pas tardé à l'apprendre.
_Quelle a été la réaction de Tom?
_Il est intrigué, il m'a demandé de la surveiller. Il va sûrement mener son enquête sur son identité.
_C'est même certain, acquiesça le directeur. Je ne saurais dire combien de temps sa fausse identité va tenir. J'espère qu'elle nous donnera autant de temps qu'il nous faudra pour qu'elle soit prête.
_Pourquoi voulez-vous que le Seigneur des Ténèbres ne le découvre pas? fit Severus, les bras croisés. Nous savons tous les deux que j'aurais été au courant d'une mission d'agression, et ça n'a pas été le cas. Ceux qui ont programmé cette agression ne font pas partie des mangemorts. Et visiblement, il n'avait aucune idée de son existence avant ce soir. Alors en quoi pourrait-elle lui servir ?
Dumbledore posa ses mains sur le dossier du fauteuil et s'y appuya.
_Il est vrai que vous étiez bien trop jeune pour connaître Irina, débuta-il posément. La famille d'Irina était connue dans le monde sorcier pour leur don de voyance héréditaire. Elle était elle-même dotée de ce précieux pouvoir, et ce, depuis son plus jeune âge. Tom, durant ses propres études, avait déjà remarqué son talent. Quand il commença à rassembler ses rangs de mangemorts, il a plus d'une fois proposé à Irina de le rejoindre, certainement dans l'idée de s'accaparer son don.
Il s'accorda une pause, se remémorant les fois où son apprentie avait osé braver la patience du Seigneur des Ténèbres. Elle n'avait jamais cédé à ses avances, pas une seule fois.
_Imaginez maintenant que Tom apprenne qui est la véritable mère d'Ophélia, dit-il gravement.
Severus imagina sans peine la réaction du mage noir.
_Il voudra vérifier par lui-même si elle possède ce don.
Il replaça comme il fallait le carnet sous son bras, sachant déjà qu'après cette entrevue il irait le lire avec bien plus d'attention que prévu.
_S'il s'avère qu'elle a hérité des mêmes pouvoirs, Miss Low pourra oublier sa liberté. Le Seigneur des Ténèbres cherchera par tous les moyens de l'acquérir.
_Vous comprenez donc pourquoi je ne peux pas permettre qu'elle aille n'importe où. Si Tom met la main sur un tel pouvoir, nous pouvons faire un trait sur la guerre.
Severus se para de son plus beau sourire moqueur.
_Voilà donc à quoi elle se résume pour vous. Une énième carte à jouer au bon moment, fit-il rempli de sarcasme.
_Auriez-vous préféré que je la considère comme quelqu'un de ma propre famille?
Severus claqua la langue contre son palais, irrité par sa remarque à l'allure des plus niaises.
_Ne serait-ce pas l'un de mes carnets ? reprit le directeur, le regard accroché sur ledit objet. Comment se fait-il que vous l'ayez?
_Il me semblait bien l'avoir reconnu, dit Severus en resserrant sa prise dessus. Je l'ai trouvé en remontant le parc.
_Je l'avais confié à Miss Low, souffla Dumbledore, une pointe dans la poitrine.
_Je lui rendrai durant notre cours, fit Severus en quittant le bureau.
/-/-/-/
Ophélia sursauta en entendant toquer à sa fenêtre.
Une chouette tapait de son bec contre le carreau, impatiente qu'elle daigne la laisser entrer. L'animal, d'un plumage gris, venait lui délivrer un message du professeur Rogue. En le lisant, elle reconnut qu'il possédait une belle écriture, en dépit d'un bon caractère.
" Soyez présent à 14h. N'oubliez pas votre matériel. "
Elle repensa à leur échange de la veille et froissa le message.
Ophélia était restée un temps après le départ de Severus, le cœur serré de lui avoir laissé le carnet. S'il n'avait pas eu sa baguette avec lui, elle n'aurait pas hésité à lui reprendre de force.
Elle avait fini par retourner à sa chambre en trainant des pieds.
Betsy lui avait sauté dessus dès qu'elle avait passé le pas de sa porte. L'elfe de maison avait les yeux débordant de larmes et des remontrances plein la bouche. Inquiète jusqu'aux os pour sa sorcière, Betsy n'avait pas pu aller se coucher tant qu'elle ne l'avait pas vu de retour. Dépourvue d'énergie, Ophélia la rassura autant que sa patience le lui permettait.
Dans l'espoir de ne pas s'abandonner au sommeil, Ophélia se replongea dans la lecture de ses grimoires. Sa nuit se déroula ainsi, assise sur son lit, entourée de bouquins, ses yeux peinant à suivre les mots.
Elle tint jusqu'à l'arrivée de Betsy qui tenait le petit-déjeuner dans ses mains.
_Bonjour, Miss! Betsy vous a apporté votre petit-déjeuner, où voulez-vous qu'elle vous le pose?
Ophélia réalisa qu'elle s'était un peu emportée par ses lectures, ses livres trainaient un peu partout dans la chambre. De son bureau jusqu'au lit, il y en avait partout. Elle s'empressa d'en ranger pour laisser de la place pour le plateau.
_Vous n'avez pas dormi, Miss? demanda Betsy, les sourcils froncés.
Un rire, sonnant faux, sortit d'entre les lèvres d'Ophélia.
Elle ne dormait presque plus, redoutant le moment où elle sombrerait. Depuis son dernier réveil à l'infirmerie, les nuits s'accumulaient dans ses cernes. Ses cauchemars se cachaient dans les recoins de sa chambre, ils attendaient le moment où elle tomberait d'épuisement.
_J'avais très envie de lire, dit-elle comme seule excuse.
Ophélia attrapa la brioche de son plateau et mordit dedans.
_Pourrais-tu m'aider à rassembler mes affaires pour le cours de potion? J'ai peur d'oublier quelque chose.
_Bien-sûr!
Betsy s'empressa de rassembler les fournitures nécessaires tout en chantonnant un air de musique de sa fluette. Pendant ce temps, Ophélia terminait de lire le paragraphe de son livre. Il parlait des quatre fondateurs de Poudlard et des origines des différentes maisons qui composent l'école.
L'Histoire de Poudlard avait beaucoup aidé Ophélia et restait assez clair à comprendre.
Son doigt suivit les contours du blason de l'école dessiné à l'encre. Il représentait les quatre symboles des maisons: aigle, lion, serpent et blaireau.
Ce même blason était la belle moulure qu'elle avait remarquée sur le plafond de sa chambre le premier soir. Elle la trouvait moins jolie depuis qu'elle connaissait sa signification.
Dans un moment purement fantasque, et sûrement dû à l'accumulation de fatigue, Ophélia se demanda quelle maison aurait bien pu lui convenir. Peut-être Serdaigle, tout comme sa mère? Elle n'en avait aucune idée.
Ophélia referma le livre et le rangea dans la bibliothèque.
_Je vais profiter de la matinée pour me rendre dans les serres. Tu veux m'accompagner?
_Betsy serait honorée d'accompagner la Miss, mais Betsy doit finir d'aider les autres elfes pour le repas de midi.
L'elfe de maison comptait transplaner et la laisser se rendre jusqu'aux serres. Avant de partir, elle se retourna vers Ophélia, les yeux exorbités.
_Oh ! Betsy a failli oublier ! Le directeur lui a demandé de vous dire qu'il souhaite vous voir dans son bureau avant votre cours.
_Encore? souffla Ophélia. Qu'est-ce qu'il me veut cette fois?
_Betsy n'en sait rien, Miss.
Sur ces mots, elle transplana dans les cuisines. Ophélia fronça des sourcils en finissant de ranger les livres qui trainaient.
Elle n'aimait guère quand Dumbledore la conviait dans son bureau. En fait, elle n'aimait pas quand il la conviait tout court. À chaque fois qu'elle devait parler avec lui, elle se retrouvait à faire des choix insensés ou à devoir entendre des choses qui lui déplaisaient.
Ophélia passa sa porte, l'air déjà ennuyé par la future discussion. Elle s'efforça de penser aux plantes qu'elle avait bien l'intention de rejoindre après son entrevue.
Elle donna le mot-de-passe à la gargouille et monta rapidement la paire d'escaliers. Elle toqua et entendit Dumbledore la convier à l'intérieur.
Il se tenait près d'une coupole flottante dont émanait une lueur bleutée. Pour cette journée de fin d'été, Dumbledore avait opté pour une robe aux tons orangés et aux arabesques qui formaient des formes géométriques.
La venue d'Ophélia fit scintiller son regard.
_Miss Low, prenez place. Je ne vous attendais pas de si bonne heure, plaisanta le directeur.
_J'aurais dû vous ramener de quoi manger, peut-être? Je n'ai pas encore eu l'occasion de voler l'un des vêtements des elfes de maison pour pouvoir me faufiler dans les cuisines.
Dumbledore se permit de lui sourire, comprenant qu'Ophélia était du genre à taquiner quand l'occasion se présentait. C'était même la preuve qu'elle commençait, petit à petit, à l'accepter à son rythme.
Cependant, la bonne humeur du directeur s'effrita. Il devinait d'avance que son air taquin allait vite disparaitre. Il pressentait que cette entrevue allait encore une fois se finir dans les cris ou les larmes.
_Je vois que vous vous êtes remis de cette mauvaise expérience d'hier. Voudriez-vous qu'on en parle?
_Vous n'avez jamais pensé à devenir psychologue? Cela pourrait être une belle reconversion pour vous.
La technique de la dérision était l'une dans laquelle excellait Ophélia. Pourtant, c'était mal connaître Albus Dumbledore, qui avait passé sa vie entière à l'utiliser.
_Cessons de plaisanter, Miss Low, fit-il avec plus de sérieux. J'ai quelque chose à vous remettre.
De l'espoir fit briller le regard d'Ophélia.
_Vous avez reçu des nouvellesde ma mère ?
_Non, malheureusement.
Il attrapa le paquet qu'il avait reçu la veille et le déposa sur son bureau.
_Cela provient de Garrick Ollivander, vous l'avez rencontré la veille.
Ophélia se leva subitement, son empressement fit racler le bois de sa chaise sur le sol. Il ne lui avait pas fallu beaucoup de temps pour comprendre ce que pouvait bien contenir le paquet.
_Il a osé, dit-elle la voix tremblante de colère. Vous rêvez si vous pensez un seul instant que je vais accepter ça.
_Miss Low, écoutez…
_Non! Vous, vous allez m'écouter, le coupa-t-elle avec force. J'ai consenti à beaucoup de choses depuis que je suis dans ce château. J'ai accepté de participer à vos cours, de me faire passer pour quelqu'un que je ne suis pas. Et maintenant, vous avez l'audace de me présenter cette chose. Avez-vous au moins la moindre idée de ce que j'ai vécu avec cette baguette? Ce que vous comptez me demander, c'est abominable.
Dumbledore joignit ses mains, espérant se donner la force pour cette discussion.
_Nous avions retrouvé cette baguette à côté de vous. Je le lui avais apporté pour qu'il puisse l'étudier et m'aider à retrouver la trace du sorcier auquel elle appartenait, expliqua-t-il en omettant la présence du bras sur les lieux. Il est possible qu'un tel évènement, que le voyage dans le temps que vous avez vécu, ait pu altérer l'allégeance de la baguette. Je n'aurais jamais pu prévoir que cela puisse arriver.
_Pourquoi? Pourquoi a-t-il fallu qu'il choisisse cette baguette ? continua-t-elle à s'énerver.
_Ce n'est pas le dû d'Ollivander. C'est elle, qui vous a choisi, Miss Low. Une baguette choisit toujours son sorcier, et non l'inverse.
Cette vérité alimenta sa rage. Comment avait-elle pu la choisir elle? Ophélia sentait les larmes monter et humidifier ses yeux.
_Vous me dites qu'elle m'a choisi, moi ? s'égosilla Ophélia. Il y avait une tonne d'autres baguettes dans le magasin, il doit bien y en avoir d'autres qui voudront bien de moi. Elle ne peut pas être le seul choix!
_Elle est celle qui s'accordera le mieux avec vous. Malgré votre passé commun…
_C'est tellement simple pour vous de dire ça, cracha-t-elle.
_Il est vrai…Cela m'est plus simple de vous dire tout ça, car je ne peux qu'imaginer ce que vous avez traversé dans cette forêt, dit-il avec calme. Cependant, il pourrait en être autrement si vous me laissiez vous n'y a que vous qui puissiez prendre cette décision.
La poitrine d'Ophélia se soulevait furieusement, suivant le rythme de sa respiration. Toute cette rage ne pouvait sortir, pas sur ce vieil homme.
Elle se mit à s'imaginer sous une pluie fine, entourée de végétation et par les bruits de la nature. Grâce à cette image mentale, qu'elle avait appris de sa mère, elle reprit le contrôle de ses émotions et se calma progressivement.
_N'y a-t-il aucun autre moyen? demanda-t-elle plus doucement.
_Je vais être honnête avec vous, répondit Dumbledore fermement. Nous pourrions bien nous rendre chez un autre fabriquant de baguettes, et vous trouver une baguette quelconque. Mais cela ne ferait que dissimuler votre problème. Votre peur de la magie et des baguettes et bien trop forte pour être simplement résolue par un autre choix de baguette. Je sais que vous ne pouvez pas concevoir cette idée d'un bon œil, mais pour autant, choisir cette baguette pourrait bien vous aider à combattre votre traumatisme.
_Combattre le mal par le mal…C'est ça que vous voulez que je fasse?
_J'aimerais que vous preniez possession d'elle. Prouvez qu'elle n'aura plus jamais l'ascendant sur vous.
Ces mots sonnèrent joliment à ses oreilles, comme une possible porte de sortie. Au beau milieu de ces ténèbres qui l'entouraient, une lumière venait de s'illuminer. Le directeur tenait peut-être sa solution. Désormais, il n'y avait plus qu'à accepter ladite solution.
Elle prit une grande respiration, croyant à peine ce qu'elle comptait faire.
_Montrez-là moi.
Sur sa demande, il extirpa la boite du paquet.
La boite était exactement la même que la veille, gardant en elle, dans un couffin, la maudite baguette. À sa simple vue, Ophélia ne put s'empêcher de trembler. Inconsciemment, elle se mit à redouter les ombres du bureau. Il pouvait s'y cacher, attendre patiemment le meilleur moment pour la tourmenter.
S'infliger une telle pression, n'était-ce pas jouer un jeu dangereux?
_Rappelez-vous ce que je vous ai dit. Une baguette, sans son sorcier, est impuissante, entonna le directeur tel un mantra.
Il avait beau le lui répéter, Ophélia n'arrivait pas à s'y résoudre si facilement. Elle s'efforçait déjà de ne pas détourner le regard d'elle. Ce qui, dans l'instant, lui demandait de grands efforts. Ses jambes n'osaient pas s'avancer, encore moins ses bras. Entre, avoir l'idée de faire et agir, il y avait un monde qui séparait les deux.
_C'est…C'est trop, lâcha Ophélia, les mains refermées sur elle. Je ne peux pas tolérer plus.
Le directeur, peut-être dans l'espoir de la faire réagir, se mit à sortir la baguette de sa boite.
_Que faites-vous?! se braqua-t-elle immédiatement.
_Je la pose sur le bureau. Rien de plus.
Comme il venait de le dire, il posa doucement la baguette sur le bureau. La baguette ne montra aucune réaction magique, au grand soulagement du sorcier. Il ne manquait plus que ça pour rendre Ophélia complètement fermée aux baguettes.
Elle se tenait bien sagement sur le bureau et sans sa boite. La baguette s'offrait au regard apeuré d'Ophélia.
_Comment la trouvez-vous ?
_Comment je la trouve? fit-elle, sa voix trahissant son incompréhension. Ce n'est qu'un bout de bois…
_Un bout de bois qui vous terrorise, Miss Low, se permit-il de faire remarquer. Chaque baguette possède une conception qui lui est propre, avec un assemblement qui lui donne un caractère. La baguette, ici présente, a été faite avec du bois de Frêne et possède un cheveu de Vélane comme cœur.
_Un cheveu de quoi? Non, vous savez quoi, ne me répondez pas.
_Vous avez tout à fait le droit de vous intéresser à votre baguette. Après tout, elle présente un mélange assez original. Entre son bois, le composant, sa longueur et sa rigidité…Je n'avais jamais vu une baguette aussi bornée.
_Parce qu'elle possède un caractère en plus de ça, dit-elle, dépitée.
_Et pas des plus simples, se moqua le directeur. Vous apprendrez à la connaître.
_Cela ne me rassure pas, vous savez.
_Ne souhaitiez-vous pas pouvoir vous protéger par vos propres moyens? Elle représente une nouvelle opportunité pour vous, voyez-là plutôt de cette manière.
_Je ne peux pas oublier si facilement, Monsieur, siffla Ophélia.
_Je ne vous demande pas d'oublier, répondit-il en poussant la baguette vers elle. Je vous demande de survivre, quel qu'en soit le prix.
/-/-/-/
L'après-midi était arrivée bien trop vite au goût d'Ophélia.
Les mains pleines de terre, elle alla les nettoyer au robinet des serres.
Depuis peu, Ophélia avait pris son courage à deux mains et s'était rendue dans les serres en plein jour. Dès sa première visite, elle avait croisé le professeur Chourave. La petite sorcière et passionnée l'avait accueilli les bras ouverts dans son repère fait de pots, de graines et de sacs de terreau.
L'engouement d'Ophélia pour les plantes rendit folle de joie la professeure de botanique. Elle s'était donnée comme objectif d'apprendre le plus possible à la jeune femme sur les plantes magiques.
Ophélia, bien que réticente à passer du temps avec des sorciers, s'était sentie rassurée en trouvant une autre passionnée. Elle appréciait leurs échanges et les découvertes qu'elle faisait.
La Nature, qu'elle soit magique ou non-magique, faisait vibrer Ophélia. Elle était capable de rester des heures à s'occuper des plantes, les mains dans la terre.
Malheureusement pour elle, l'horloge montrait presque 14h. Il était temps de se rendre à son cours.
Ophélia se tenait devant la porte de la salle de classe. Elle prit quelques instants pour se préparer à la prochaine heure qui l'attendait. La jeune femme avait insisté pour se rendre seule jusqu'à destination, malgré les plaintes de Betsy.
L'elfe de maison avait récemment développé une crainte envers le professeur aux longues robes noires. Néanmoins, Betsy préférait supporter sa présence, plutôt que de le laisser seul avec Ophélia. Elle avait bien trop vu de l'animosité dans ses yeux quand il la regardait. Betsy n'osait pas en toucher un mot à sa protégée, car après tout, elle n'avait pas à se mêler des histoires des sorciers.
Quand elle se sentit prête, Ophélia toqua à la porte. Celle-ci s'ouvrit toute seule, l'invitant à rentrer.
La salle de classe était à peine éclairée par les rayons de soleil qui traversaient les volets à moitié fermés. Sous un chandelier éteint, plusieurs tables comblaient l'espace de la pièce. Des étagères, à l'allure ancienne, remplissaient le mur de droite. Et puis, pour couronner le tout, un énorme tableau noir avec ses craies blanches siégeait au fond.
Severus était derrière un chaudron fumant, en pleine préparation d'une potion. Les vapeurs se dégageant du chaudron dissimulaient le visage du sorcier. À son entrée, il se tourna dans sa direction, les cheveux encore plus gras que dans ses souvenirs.
Elle toussota plusieurs fois, ses poumons n'étaient pas prêts à cet air saturé.
_Vous êtes en retard, fit-il d'une voix froide.
Elle lança un regard vers l'horloge de la classe. Elle avait effectivement dépassé de deux minutes l'heure du rendez-vous…
_Vous appelez ça du retard ? dit-elle, l'air ennuyé.
_Silence ! claqua Rogue avec fermeté. Ici, vous êtes dans une salle de cours. Je n'accepterais aucune sorte d'impertinence. Vous n'avez pas à me remettre en question alors que vous êtes en tort. Suis-je assez clair pour vous, Miss Low ?
Il mit en état de stase sa potion et lui pointa une paillasse libre.
_Allez vous installer, j'espère pour vous que vous avez apporté ce que je vous ai demandé.
Ophélia prit sur elle et évita de répondre à quel point elle rêvait d'enfoncer son impertinence dans la gorge du professeur. Il arrivait déjà à l'insupporter.
Elle s'installa face au chaudron vide et sortit de son sac tous les ustensiles qu'il avait exigés pour le cours.
Il commença quand elle eut fini de tout mettre sur sa table.
_Comme vous avez dû le deviner, aujourd'hui sera exclusivement dédié à l'étude des Potions. Pour ce cours, nous nous abstiendrons d'utiliser la magie.
Ophélia ne fit aucune remarque, mais un sourire satisfait se forma sur ses lèvres. Rogue n'était pas au courant qu'elle possédait, elle aussi, une baguette. La baguette en question avait repris sa place dans sa boite et était cachée au fond de son sac.
_N'allez pas croire que l'élaboration d'une potion est une tâche aisée, reprit-il d'un regard sévère. Les potions sont un art délicat, un art qui nécessite la plus grande attention.
Ophélia hocha de la tête, se contentant de l'écouter attentivement, et par la même occasion, d'éviter une nouvelle remarque.
_J'ose déjà penser que vous n'avez pas ouvert votre manuel avant de venir dans ma classe. Vous allez-
_À vrai dire, si, je l'ai feuilleté, le coupa Ophélia. Il y a pas mal d'éléments que je n'ai pas vraiment saisi. J'ai noté quelques questions sur mon parchemin. Préférez-vous que je pose mes questions maintenant ou à la fin de votre cours, professeur ?
Son intervention le laissa pantois quelques secondes. Il dissimula rapidement sa surprise derrière son masque. Il ne s'était pas attendu un seul instant qu'elle puisse s'intéresser à ce cours, encore moins à matière qui s'apparentait de près ou de loin à la magie. Son sérieux l'avait véritablement étonné, mais il n'allait pas lui faire le plaisir de le lui montrer.
Elle restait une ignorante.
Une ignorante qui n'avait pas la moindre idée du peu de pédagogie qu'il pouvait faire preuve.
_Des questions? grinça-t-il. Attendrez la fin de mon cours. Ne me coupez plus. Ouvrez votre manuel page 23.
Son manuel sorti, elle l'ouvrit et chercha la page demandée. En gros titre, elle lut: Remède contre les furoncles. Le nom ressemblait à une astuce de grand-mère plutôt qu'à une potion, selon l'avis d'Ophélia. Même les sorciers pouvaient subir la présence de furoncles.
Les instructions étaient claires et concises. Cela donnait l'impression qu'il lui avait choisi une potion plutôt simple pour débuter. Ce choix la soulageait, peut-être un peu trop au goût du professeur au regard d'acier.
_Venez ici, ordonna-t-il en montrant les anciennes armoires d'un geste de la main. Vous devez choisir vous-même vos ingrédients.
La liste d'ingrédients fit froncer les sourcils d'Ophélia. Elle se garda de partager ses questionnements avec le professeur en devinant d'avance qu'il ne voudrait pas lui répondre.
Près des armoires, elle les ouvrit sous l'autorisation silencieuse de Rogue. Elle ne s'attendait pas à tomber sur une véritable caverne d'Alibaba aux allures douteuses.
Plusieurs bocaux en verre s'étalaient sur des étagères poussiéreuses, enfermant ingrédients et parties animales qui lui filèrent des frissons de dégoût. Des fioles en tout genre et de toutes les couleurs prenaient le reste de la place, accompagnées par de petits sachets en toile aux contenus inconnus.
Devant un tel bordel, elle tourna vers lui un regard dépité.
_Vous n'allez quand même pas me laisser me débrouiller à tout trouver toute seule?
Au lieu de la rassurer et de l'aider, il resta adossé contre le mur en dardant sur elle un regard qui voulait dire: débrouille-toi. Ophélia, outrée par son manque de réaction, maugréa des mots peu flatteurs dans sa barbe imaginaire.
Elle se mit à farfouiller sans délicatesse au sein des armoires. Au bout d'un bon quart d'heure, la tête plongée entre d'innombrables immondices en tout genre, elle eut la conviction qu'elle avait tout trouvé. Même si un petit doute subsistait concernant les épines de porc-épic. Elle s'empressa de placer ses trouvailles près de son chaudron et n'attendit pas qu'il lui dise de commencer. Le message lui était bien parvenu, il ne comptait pas l'aider.
Consciencieusement, Ophélia se lança en suivant à la lettre près la recette.
Comme elle l'avait pressenti, la potion n'avait rien de bien compliqué. À part ajouter les ingrédients et faire chauffer plusieurs fois le chaudron, le remède n'exigeait pas de grandes aptitudes. Il avait dû exagérer au début de son cours pour l'effrayer, cette hypothèse ne l'étonnerait pas venant de lui.
Si elle portait un tablier, elle aurait pu se croire en pleine préparation d'une soupe. En oubliant, évidemment, qu'elle utilisait des crocs de serpents et des limaces à cornes bien baveuses en guise d'ingrédients. Malgré le manque flagrant d'intérêt du professeur, Ophélia évita de comparer à voix haute l'art de ce dernier avec la cuisine.
Severus, lui, l'observait préparer la potion sans rien dire.
Derrière son silence se cachaient ses véritables intentions.
Il lançait sans discontinuer des tentatives pour rentrer dans l'esprit d'Ophélia. D'après ce qu'il avait appris des esprits scellés, il était possible d'y accéder par seulement deux moyens: réussir à rentrer par la force ou qu'on le laisse passer volontairement.
L'usure était la seule option qu'il voulait bien tenter. Même si cette façon de faire coûtait une énergie colossale.
Ce cours était le parfait prétexte pour passer du temps avec elle sans éveiller les soupçons du directeur. Severus n'avait aucunement l'intention de lui apprendre quoi que ce soit. Il considérait qu'il avait déjà bien à faire comme ça.
Le sort de Severus se confrontait seulement à des ténèbres.
Aucune fissure ne se créait. Ses efforts se révélaient inutiles.
Occupée par ses crocs de serpent en poudre, la jeune femme n'avait aucune idée du manège qui se tramait en arrière-plan. Bien qu'il fût concentré sur son propre sort, Severus nota la joie briller dans les yeux d'Ophélia. Elle était enjouée d'avoir obtenu la couleur attendue dans son chaudron.
Sous cet air presque joyeux, son visage paraissait moins tiraillé par la fatigue. Penchée au-dessus du chaudron, elle ressemblait à toutes les sorcières qu'il avait croisées dans sa classe. Cette ressemblance inattendue le fit réfléchir.
Elle, qui se rapprochait d'une sorcière des plus lambdas, possédait une histoire qui l'intéressait assez pour qu'il prenne le risque de subir le doloris du Seigneur des Ténèbres. L'intérêt qu'il portait aux secrets qui entouraient Ophélia s'approchait plus d'une obsession.
Sans même qu'elle en ait conscience, sa présence pouvait faire basculer la guerre.
_Miss Low.
Severus retint le geste d'Ophélia avant qu'elle n'ajoute un nouvel ingrédient. Surprise par sa soudaine intervention, Ophélia arracha son poignet.
_Vous avez retrouvé la parole ?
_Et vous, vous comptiez tous nous faire exploser? Vous avez confondu des épines de porc-épic avec des dards de Billywig, pauvre sotte, rétorqua-t-il avec dureté. Ce genre d'erreur peut vous être fatal. Soyez plus attentive.
La peau sous l'œil droit d'Ophélia tressauta.
Comme si elle pouvait avoir la moindre foutue idée de ce que pouvait être un Billywig. Elle retourna vers les armoires en prenant de longues inspirations et finit par débusquer le bon sachet.
Elle touilla sa potion tout en grommelant. Ophélia se doutait qu'il avait remarqué son erreur bien avant, mais qu'il s'était retenu de le lui dire.
Ophélia fit de son mieux pour se reconcentrer, et par un miracle, elle obtint une potion achevée. Elle venait de réaliser sa première potion, et cela sans aide. Sans vouloir se l'avouer, elle ressentait une certaine fierté d'avoir réussi là où ce désagréable personnage comptait sur sa défaite.
Un fin sourire victorieux se forma sur ses lèvres quand elle présenta le résultat final.
_Alors ? Ce n'était pas si compliqué que ça votre histoire de potion.
Le sorcier s'approcha de la paillasse et étudia le chaudron d'un air impassible.
D'un geste vif, il sortit sa baguette et fit disparaître le contenu du chaudron. Hébétée, Ophélia posa ses mains de part et d'autre du chaudron, son regard rencontrant le fond de celui-ci.
_C'est quoi cette blague ? fit-elle les dents serrées.
_Votre potion était un échec.
_N'importe quoi! Elle était comme le manuel la décrivait.
_Les épines de porc-épic doivent être rajoutées après avoir enlevé le chaudron du feu. Sinon, cela produit l'effet inverse et vous vous retrouverez avec le double de furoncles, expliqua-t-il, imperturbable face à son énervement grandissant. En résumé, vous n'êtes même pas capable de suivre convenablement une des recettes les plus basiques.
_Ce n'était pas marqué! se défendit-elle en attrapant le manuel.
Ophélia remarqua enfin la mise en garde, écrite en tout petit caractère à la fin de la recette. Elle était persuadée qu'elle ne s'y trouvait pas avant. Pourtant, la fatigue avait bien pu lui jouer ce vilain tour.
En se tournant vers lui, elle décela sa satisfaction dans son rictus. Il l'avait observée faire sans rien dire et apprécié de la voir échouer.
_La prochaine fois, nous pourrions tester l'efficacité de votre potion sur vous-même. Nous aurions l'occasion d'admirer toute l'étendue de votre "talent", dit-il avec tout le sarcasme qu'il avait en réserve. Rangez-moi tout ça et sortez, le cours est terminé.
_Attendez…Et mes questions?
Il s'était déjà détourné d'elle pour se reconcentrer sur sa propre potion.
_Vos questions pourront bien attendre, d'autant plus si elles sont du même niveau que votre , dehors!
Ophélia crut qu'elle allait finir par lui sauter dessus et l'étrangler de toutes ses forces. Elle ne pouvait pas croire qu'un homme pareil pouvait vraiment être professeur. Visiblement, il n'en avait que le titre et non la vocation.
La jeune femme refusa de le laisser gagner en perdant son contrôle à la dernière minute. Il pouvait la rabaisser autant qu'il voulait, mais il n'aurait pas l'opportunité de se réjouir de sa colère. Elle rangea ses affaires, offrant uniquement son dos au professeur.
Quand elle fut à la porte, prête à partir, elle se stoppa. Elle ne pouvait pas simplement s'en aller, pas après un tel cours.
Une remarque cinglante allait sortir de sa bouche, mais au lieu de ça, elle souffla, ses épaules retombant.
_Vous savez, même si vous n'y donnez pas du votre, je finirais quand même par apprendre des choses. Que ce soit avec ou sans vous, prononça-t-elle la main sur la poignée. Bonne fin de journée, professeur.
Elle sortit de la salle de classe, ratant le regard noir du professeur flamboyer.
Severus avait complètement oublié de lui rendre son carnet.
/-/-/-/
Le soir était revenu, déjà prêt à tourmenter de nouveau Ophélia. Cette fois-ci, elle possédait un petit quelque chose qu'elle n'avait pas les précédentes nuits.
En revenant dans la chambre, elle trouva une petite fiole qui l'attendait sur sa table de chevet, accompagnée d'un petit mot venant du directeur. D'après ses dires, la potion dans cette fiole pouvait l'aider à faire une nuit sans rêve. Ce n'était pas un présent auquel elle s'était attendue, mais qui restait la bienvenue après sa dernière nuit blanche.
Betsy avait l'air contente de la voir accepter la potion. Ophélia suspectait que l'elfe de maison avait une part de responsabilité dans ce choix de cadeau. Même dans l'ombre, Betsy faisait tout son possible pour l'aider.
Le moment venu, elle prit tout son temps pour bien s'installer dans le lit. Une nuit sans cauchemars était tout ce qu'elle désirait.
Seulement, avant de porter le goulot à sa bouche, une alerte dans sa tête retentit.
Et si elle ne réveillait jamais à cause d'elle? Avaler tout ce qu'on lui offrait pouvait bien l'amener à faire un faux-pas. Son regard s'attarda sur la note de Dumbledore, lui souhaitant une nuit réparatrice.
Elle devait apprendre à faire confiance, à baisser la garde à ceux qui lui venaient en aide. Sur cette pensée, elle but la potion d'une traite et se coucha sans peur.
L'herbe sur laquelle elle se reposait piquait atrocement la peau de son dos.
Un orage grondait dans le ciel, juste au-dessus de sa tête. Le vent, qui fouettait sans remords son corps dépourvu de vêtements, était d'un froid glacial.
Ophélia subissait les éléments sans chercher à se mettre à l'abri. Elle les laissait se déchainer.
Les premières gouttes de pluie rencontrèrent son visage blême.
L'orage éclata. Les éclairs zébrèrent les nuages jusqu'aux cieux.
C'était l'heure de la tempête.
Elle l'accepta. Entièrement.
Elle n'avait pas peur. Ophélia était loin de ce sentiment. Son corps la suppliait d'aller s'abriter, mais elle n'écoutait pas. Il n'y avait nulle part où se cacher.
Un torrent s'abattit sur elle. Sa force la frappa de plein fouet. La tempête n'avait aucune pitié pour une pauvre mortelle.
Malgré la rage de la tempête, Ophélia se concentrait seulement sur un fredonnement. Elle entendait sa propre voix qui répétait les mêmes notes familières et réconfortantes.
Une main lui attrapa la sienne sous ce déluge.
Elle se vit, son propre reflet, allongée à ses côtés, les yeux scintillant de la couleur de l'or pur. Son double lui parla, elle voyait ses lèvres se mouvoir. Pourtant, elle ne put la comprendre, le fredonnement était bien trop fort dans ses oreilles.
Ce double se mit à s'approcher.
Ses cheveux dégoulinants d'eau encadraient son visage. Ses mains entourèrent doucement le cou d'Ophélia. Cette autre elle, cette autre Ophélia, lui fit le plus beau des sourires tout en l'étranglant.
