Refuge
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Noir et rouge, noir et rage, rage et feu.
Harlock se fraye un chemin entre les armoires électriques, contourne des transformateurs bourdonnants, enjambe des tubes de plastique souple, des câbles, des traverses métalliques, sans se soucier des arêtes vives qu'il heurte et des fils gainés qui le fouettent. Son corps brûle, son cœur brûle, son esprit brûle. Les ombres vacillent autour de lui, exhalent des murmures qu'il ne peut saisir. Une menace plane en ces lieux et pèse sur ses épaules tel un oiseau de mort.
Il s'accroupit, se glisse sous une structure tétraédrique fixée à la paroi par des plots amortisseurs. Les recoins innombrables sont des abris bienvenus. Il y cherche en vain une sensation de sécurité. Plus loin, songe-t-il. Plus loin rien ne pourra t'atteindre.
La fraîcheur qui émane d'un conduit de réfrigération le surprend. Des doigts glacés courent dans l'air, rampent sur sa peau, l'attirent vers l'abîme…
Il s'enfuit.
Son souffle est court.
Peut-être fait-il fausse route, se dit-il. Peut-être faut-il faire face. Il se passe la main sur les yeux. Faire face à quoi ? Son visage est trempé de sueur.
Sous les caillebotis de caoutchouc, le plancher de métal vibre en harmonie avec le ronronnement d'un félin gigantesque. Faire face à quoi ?
Les parois étroites sont des béquilles, l'obscurité est un tombeau. Il n'existe aucune issue au labyrinthe. Faire face.
Il a… Des marteaux cognent à ses tempes, pressent ses sinus, dansent sous son crâne. Il protège. Chaque pensée s'arrache à une gangue de douleur et explose aussitôt formulée. Il protège Lydia.
Lydia rit. « Oh capitaine ! Capitaine, regarde ! » Lydia tend la main. « Je peux le caresser, capitaine ? » Lydia pousse un petit cri quand il la bouscule. « Capitaine, attention ! » Lydia se colle à ses jambes quand il s'interpose. « Oh il t'a fait mal, capitaine ? » Lydia a les larmes aux yeux. Il lui dit qu'il n'a rien. « Tu diras rien à Grand-père ? » Il regarde l'animal sonné qu'il a repoussé d'un revers de bras, de la taille d'un chat, avec de longs poils ébouriffés qui lui donnent l'air d'une boule touffue. Non. Il ne dira rien.
Lydia rit. Il protège Lydia. La paume de sa main brûle et des langues de feu remontent à son coude, son sang est de la lave et ses os des tisons ardents. Il protège.
Le « clank » d'une ferraille que l'on déplace résonne à travers les tiges et poutrelles d'acier. Quelqu'un vient. Harlock se crispe, serre les mâchoires, se ramasse sur lui-même. Il protège Lydia.
C'est important.
