Chapitre 6 –Une histoire de confiance

(C'est très soft, mais il y a un passage un peu explicite. J'avertis au cas où...)

7h. Sakura attendait depuis une demi-heure déjà, assise sur un banc au pied d'un cerisier magnifiquement fleuri. Les rues étaient encore presque désertes, et son regard alternait entre les portes vertes de la ville et le bout de la rue à l'opposé, balançant nerveusement ses jambes d'avant en arrière.

C'était stupide, elle aurait pu faire une grasse matinée et elle le savait. Plus agacée par son propre empressement de venir au point de rendez-vous plutôt qu'à maudir son coéquipier évidemment en retard, elle soupira bruyamment et longuement, les bras croisés et les muscles de son corps tendus comme jamais.

La jeune femme s'était endormie dans la bonne humeur la veille, et cela ne lui était plus arrivé depuis une éternité. La nuit aurait dû être paisible, mais elle fut bien plus courte que prévu. Sakura frissonna et se leva brusquement de son banc, tournant en rond à en donner le tournis, butant de la pointe de ses sandales quelques cailloux innocents.

Sa langue valsant avec la sienne. Son souffle accéléré et désireux dans son cou. Sa main caressant ses courbes, remontant jusqu'à son sein. Des gémissements. La chaleur de son corps contre le sien, jusqu'à ce que…

- Yo.

Sakura sursauta brusquement, le cœur dans la gorge. L'ancien ninja copieur se lança tomber du cerisier qui surplombait la jeune femme, juste à côté de celle-ci. Elle fit un mouvement de recul et rougit brusquement.

- Vous êtes en retard, Kakashi sensei!

- Hé, à peine une heure! J'ai dû accompagner ma vieille voisine jusqu'au cimetière, et…

- Pas le temps d'écouter vos excuses bidons, lâcha Sakura sans même regarder le jonin, attrapant son sac de voyage d'un geste vif. Nous partons tout de suite.

- Levant les mains en signe d'apaisement Hey, mais ce n'était pas une excuse, c'était la vérité!

- Peu importe! Et bon sang, empruntez les routes!

Kakashi observa d'un air incrédule la rose passer devant lui sans un regard, puis franchir les portes de Konoha d'un pas pressé. Elle se jeta dans la forêt environnante sans même attendre son signal, disparaissant rapidement de la vision du Jonin. Ce dernier haussa les épaules et la suivit, sa course imitant la sienne, ses pas emboitant les siens.

Sakura ne calcula pas le nombre d'heure qu'ils avaient passé à courir. Le nombre de kilomètres qu'ils avaient déjà effectué. Ils n'échangèrent pas un mot à midi, autour de leur repas sommaire. Ils n'en échangèrent pas plus pendant leur périple de l'après-midi, et le silence régna en maitre le soir autour du feu que le Jonin avait rapidement allumé. Ce silence aurait pu régner jusqu'au lendemain matin, si un sujet anodin mais épineux ne devait pas être obligatoirement abordé.

- Je veille en premier, lança la rose tout en s'asseyant autour du feu à bonne distante de Kakashi. Je vous réveillerai en milieu de nuit, allez vous reposer en premier.

Le Jonin ne bougeait pas, adossé contre le tronc d'un arbre tortueux à proximité, les jambes allongées croisées devant lui. Il sembla prendre en compte sa proposition d'un air absent, jusqu'à ce qu'un livre orange jure dans la nuit noire, s'ouvrant au niveau d'un marque page à tête de chien.

- Va te coucher en premier plutôt, Sakura. Tu as besoin de sommeil, visiblement.

- Pas du tout, se défendit-elle, clignant des yeux pour faire illusion

- Ta dernière nuit a dû être courte. La mienne non. Va te coucher.

- Agacée, s'efforçant de le regarder dans les yeux cette fois Ah oui? Vous connaissez ma vie, peut-être?

Le Jonin hocha la tête d'un air sûr de lui tout en tournant une page.

- Oui. Je me doute.

- Rouge Vous ne vous doutez de rien du tout.

- Pourquoi es-tu si agressive?

La bouche de la rose s'ouvrit, prête à une nouvelle remarque cinglante qui ne vint pas. Elle analysa son attitude et se radoucit doucement, réalisant en effet qu'elle était franchement désagréable. Et à vrai dire, l'homme en face de lui n'y était pour rien. Elle révisa son jugement et se leva brusquement, les poings serrés.

- Vous avez raison. Réveillez-moi dans quelques heures.

Il ne répondit pas et la rose n'attendit pas d'avantage, disparaissant sans demander son reste dans sa petite tente de fortune. Seuls les bruits des insectes nocturnes, d'une chouette à proximité et du crépitement du feu envahirent les oreilles de la jeune femme, couchée sur son matelas à même le sol. Elle ferma les yeux, priant de trouver rapidement le sommeil. Mais les souvenirs de la nuit dernière l'envahirent à nouveau sans qu'elle ne contrôle quoi que ce soit.


Flash-back, appartement de Sakura, nuit précédente

Une sensation de froid. Un léger vent qui effleurait les courbes de son dos: voilà ce qui l'avait tirée de son sommeil profond au milieu de la nuit. Il lui fallut quelques instants pour comprendre et se retourner vers sa fenêtre, qu'elle s'étonna de voir entrouverte. Elle écarquilla alors franchement les yeux, jusqu'à entendre des bruits de pas feutrés provenir de son couloir. La panique la saisit, et elle avait agrippé son kunai resté à proximité sur sa table de nuit, assise dans son lit, le regard fixé sur la porte de sa chambre elle aussi semi-ouverte. Les pas se rapprochèrent, jusqu'à ce que la porte s'ouvre totalement.

Sa mâchoire aurait pu tomber au sol de surprise.

- Pardon! Je t'ai réveillée, Sakura?

Il était là, debout, habillé simplement d'un pantalon noir serré d'une corde épaisse. Sakura le scanna de la tête au pied, clignant des yeux pour vérifier qu'elle n'était pas encore en train de rêver.

- Sasuke? Que fais-tu ici?

- Je suis venu sur la falaise, hier soir, mais tu n'étais pas là… Ou étais-tu?

- Je… réfléchissant comme elle pouvait, encore à moitié dans le sommeil J'étais sur le terrain d'entrainement…

- Tu t'entraines à nouveau?

- Non. Soupirant tout en posant le kunai à côté Non, j'étudiais un parchemin pour une mission.

Sasuke lui lança un demi-sourire qu'elle devina plus qu'elle ne vit dans la pénombre de la petite chambre. Il s'avança vers elle, s'assit au bord du lit, puis se pencha pour déposer un baiser sur ses lèvres. La main de l'Uchiwa en arrière de la nuque de la rose pressait leurs lèvres l'un contre l'autre, approfondissant petit à petit le baiser jusqu'à ce que leurs langues se rencontrent et dansent ensemble quelques instants. Sakura, encore embuée par son sommeil tout récent, répondait tant bien que mal au baiser entreprenant de son compagnon. Elle finit par le repousser doucement, repoussant ses mèches rebelles derrière ses oreilles et cherchant du coin de l'œil le petit réveil de sa table de nuit.

- Mais Sasuke… Quelle heure est-il? Pourquoi viens-tu en plein milieu de la nuit?

- Je suis venu tard… Tu as oublié de fermer ta fenêtre. Je me suis glissé chez toi pour dormir avec toi.

- Tu… veux passer la nuit ici? Chez moi? demanda-t-elle, incrédule

- Oui.

Cette fois, elle était complètement réveillée. Elle accusa le coup de cette réponse, et enchaina presque immédiatement.

- Pourquoi ne t'es-tu pas manifesté avant? Ça fait quinze jours que je suis revenue de ma mission…

- Je n'étais pas au pays du feu ces quinze derniers jours… Je viens de rentrer.

- D'accord… souffla Sakura, qui renonça à poser des questions qui, elle le savait, resteraient sans réponse. Et moi, je dois repartir demain matin, déjà…

- Ah, lâcha l'Uchiwa.

Le sourire qui s'était affiché sur le visage de Sasuke s'éteignit instantanément.

- Où pars-tu?

- A Suna. C'est l'affaire de quelques jours, pas plus…

- Tu repars seule?

- Non. Un peu hésitante Je pars avec Kakashi sensei.

- … D'accord.

Le visage de Sasuke s'assombrissait. Il devait en avoir, des choses à dire. Des choses sur le cœur. Mais comme d'habitude, les mots étaient difficiles pour l'Uchiwa. Leurs regards se rencontrèrent à nouveau, et elle sentit la main de Sasuke caresser sa joue avec douceur. Elle tressaillit à ce contact, et remarqua alors le torse nu de l'Uchiwa si près d'elle.

C'était incompréhensible, mais avec Sasuke, tout était plus compliqué. Elle repensa aux mots d'Ino, et se surprit à penser qu'elle avait raison. Elle agissait comme si c'était sa première fois. Elle n'osait pas. Elle se surprenait à avoir peur.

Plongée dans ses pensées angoissées, elle n'anticipa pas le nouveau baiser que Sasuke lui proposa. Plus entreprenant. Plus amoureux. Elle se laissa faire alors qu'elle sentait sa main droite descendre dans son cou, la caressant de manière bien plus entreprenante que toutes les dernières fois où ils s'étaient vus, quelques semaines auparavant. Elle sentait le corps chaud et désireux de Sasuke juste contre elle, et finit par l'enlacer timidement. Les mains se perdirent sur le corps l'un de l'autre l'espace de quelques minutes qui parurent une éternité à Sakura. Sasuke finit par décoller ses lèvres quelques instants, retirant la nuisette de Sakura pour l'observer nue sous le regard brouillé d'embarras de cette dernière. Elle se cacha par réflexe derrière ses bras en croix, gênée comme jamais. Celui-ci prit le temps de l'admirer et ses lèvres fines et bleutées s'amincirent en un demi-sourire. Il se pencha alors vers elle pour lui murmurer quelques mots à l'oreille.

- Est-ce que tu peux me rassurer avant de repartir, cette fois ?...

- Te rassurer? murmura-t-elle entre deux souffles De quoi?

- Je ne sais pas.

A ces mots, il lui mordilla le lobe de son oreille, prenant ses bras en croix pour dégager sa poitrine, effleurant son sein avec douceur. Sakura gémit doucement, brûlante sous ses caresses entreprenantes. Bon sang, elle était paralysée. Pourquoi n'arrivait-elle pas à se détendre? Ses pensées s'entrechoquaient dans son cerveau. Elle se sentit poussée doucement par le brun, se retrouvant allongée presque totalement nue. Sasuke monta sur le lit à son tour, ses yeux hétérochromes dont le regard indéchiffrable passait de son corps à son visage, puis de son visage à son corps. Elle le sentait tout juste un peu essoufflé, à califourchon sur elle, ses lèvres inhabituellement entre ouvertes. Il était désireux, et elle ne s'étonna pas de la suite de ses paroles.

- Je veux être sûr… Que tu sois à moi, Sakura. Juste à moi.


Retour à la réalité, forêt aux alentours de Konoha

Sakura se réveilla brusquement, le regard figé sur le toit de sa tente. Sa respiration était saccadée, ses bras en étoile, ses jambes en dehors de son sac de couchage, à même le sol humide et terreux de la forêt. Elle se releva brusquement, et un vent de panique l'envahit en remarquant les premières lueurs du jour passer à travers la fente de l'entrée de sa tente.

- Qu'est-ce que…

C'est complètement échevelée et le souffle court qu'elle sortit une tête de son abri pour observer l'environnement extérieur. Son regard tomba tout de suite sur son ancien sensei, dans la même position que lorsqu'elle l'avait quitté, toujours plongé dans sa lecture, un autre tome de Icha Icha dans les mains – avait-il emporté toute sa collection? Il s'étonna de la voir apparaître devant ses yeux, déconnecté.

- Que se passe-t-il? s'étonna-t-il

- Kakashi sensei, la nuit se finit bientôt et vous ne m'avez pas réveillée pour que je prenne la relève! s'énerva-t-elle

- Déjà? observa-t-il en plongeant son regard dans le ciel

- Dépêchez-vous d'aller vous coucher! s'énerva-t-elle en se relevant, ses doigts glissant dans ses cheveux en guise de peigne Je n'ai besoin d'aucun traitement de faveur vous savez, je peux veiller sur le feu comme une grande fille. S'asseyant au bord du feu, à distance du Jonin Allez-y.

- Je ne suis pas un gros dormeur. Je peux finir la nuit si tu veux, je dormirai mieux la nuit prochaine.

- N'importe quoi. Ne jouez pas les durs et allez dormir.

- C'est que… embarrassé je suis quasiment sur la fin de l'intrigue…

La voyant entrouvrir la bouche d'étonnement et de colère, il ferma finalement son livre sans broncher, le regard penaud.

- Vous… vous ne prenez pas au sérieux cette mission, n'est-ce pas? balbutia la rose

- Si, bien sûr que si.

- Vous êtes l'élite des shinobis, ancien Hokage de Konoha, et vous lisez vos romans pervers au lieu de me réveiller pour mon tour de garde en pleine mission?

- Soupirant tout en se levant Sakura, il n'y a pas de danger.

- Eh bien heureusement!

- … Tu n'as pas confiance en moi?

Elle l'observa plus attentivement à cette phrase, prenant vraiment conscience de sa présence en face d'elle, là tout de suite. Sa présence à lui. Et non à Sasuke. Ses cheveux blancs tranchaient en cette fin de nuit, et son teint pâle faisait ressortir ses yeux noirs qui l'observaient intensément. Au lieu de lancer cette dernière phrase en l'air, il semblait attendre une réponse, et Sakura dévia rapidement son regard pour se concentrer sur le feu. Fort heureusement, l'obscurité était encore suffisante pour masquer l'accès de rougeur qui surgit sur le visage de la kunoichi.

- … Bien sûr que si.

- Alors détend-toi. C'est d'accord, je vais dormir un peu. Tu es satisfaite?

- Rouge Oui.

Kakashi rangea son livre dans sa poche puis s'approcha de la rose. Il posa de manière anodine et habituelle sa grande main au sommet de la tête de Sakura pour lui ébouriffer ses cheveux roses d'un geste rapide mais tendre.

- Merci à toi.

Ce contact fut comme une décharge électrique, un flash-back d'une seconde de la main de Sasuke quelques heures auparavant, lui caressant ses cheveux au même endroit, relançant les souvenirs de ses ébats de la nuit précédente. Elle entendit le Jonin entrer dans sa tente dans son dos, et souffla de soulagement. Ses mains étaient moites et presque tremblantes, et son cœur continuait de galoper dans sa poitrine. Elle attrapa son visage dans ses mains, accroupie, se penchant d'avant en arrière de manière anxieuse, essayant de calmer sa respiration anarchique qui lui donnait le vertige.

Bon sang, elle devait se calmer. Et vite.


Deux jours plus tard, aux portes de Suna

- Nous y sommes enfin! cria Sakura

Après deux autres journées de marche dans un silence toujours aussi pesant, ils aperçurent enfin l'entrée du village de Suna. Celui-ci était littéralement encadré de tout bord de montagnes de roche et de sable, dans une barrière naturelle impénétrable, qui lui avait valu une réputation de véritable forteresse. Le village était imposant, et bien gardé. Le ciel était menaçant et le vent particulièrement fort. Une tempête n'allait pas tarder à se lever, et ils n'étaient pas malheureux d'arriver enfin à destination. Préférant la discrétion, Sakura avait préféré emprunter le chemin de la forêt plutôt que la route commerciale officielle encore en travaux. Ils avaient fini leur course dans le désert à bonne distance des ouvriers qui terminaient la construction de la route. Kakashi ne lui avait pas demandé pourquoi, et s'était contenté de la suivre docilement. Elle était reconnaissante de son silence et de son absence de question. Elle préférait éviter la civilisation, cela aurait engagé un dialogue entre eux, et sans qu'elle ne sache vraiment pourquoi, elle préférait éviter de parler.

Alors qu'elle se félicitait d'avoir réussi à rester dans sa bulle, et qu'elle engageait le pas vers l'entrée de Suna tout proche, elle sentit brusquement la main de Kakashi attraper son bras, la stoppant net. Elle se retourna vers lui, interrogative.

- Quoi?

- Sakura, est-ce que tout va bien?

Encore un regard inattendu. Ses cheveux blancs virevoltaient, balayés par le vent de plus en plus furieux. Il plissait les yeux pour observer sa réaction, insistant.

- Bien sûr, pourquoi me demandez-vous ça? répondit-elle en déviant le regard

- Tu n'as pas dit un mot quasiment depuis que nous sommes partis.

- … Que voulez-vous que je dise?

- Je ne sais pas. C'est juste… Inhabituel.

Le vent fouettait le visage de la rose, qui crachotait le sable qu'elle venait d'avaler en ouvrant la bouche seulement quelques secondes.

- C'est la tempête… Ce n'est pas le moment. Il faut se mettre à l'abri. Je n'ai pas de masque pour me protéger, moi!

- C'est vrai, s'amusa-t-il

- Allons-y.

Il ne lâchait pourtant pas son bras, et Sakura finit par se tourner vers lui un peu excédée.

- Quoi encore ?

- Qu'est-ce qui te préoccupe?

Si elle ne cachait pas son visage comme elle le pouvait pour se protéger de la tempête, il aurait remarqué son air ébahi. Fort heureusement, la visibilité était médiocre.

- Vous ne croyez pas que ce n'est pas le moment de parler de ça?

- Sakura, tu peux me faire confiance.

- … Pourquoi me redites-vous…

- Nous sommes en mission, il faut que nous communiquions un minimum… Si tu as des problèmes, il vaut mieux en parler à ton co équipier.

- Oui je sais, lâcha-t-elle, fermée. La cohésion d'équipe.

- Le visage souriant C'est ça.

- … Tout va bien, Kakashi sensei. C'est gentil de vous inquiéter, mais tout va bien.

Elle sentit la main du Jonin lâcher son bras après quelques secondes de silence. Bon sang, son cœur repartait au galop. La honte l'envahit.

«J'ai le petit ami dont je rêvais depuis mon enfance, et hier je n'ai pas réussi à faire l'amour avec lui et je l'ai laissé comme ça. Je suis partie comme une voleuse au petit matin et du coup, au lieu de vous faire attendre une heure comme j'avais prévu de le faire, c'est moi qui vous ai attendu une heure.»

Non. Elle n'allait pas dire ça.

Elle se mit brusquement à comparer ses malheurs à ceux de Kakashi. C'est qu'elle avait appris des choses à son sujet, ces dernières années. Obito, Rin. Minato Namikaze. Le suicide de son père. Elle devait admettre que depuis qu'elle avait appris tout cela, son regard avait changé sur lui. Elle se demandait si c'était la pitié, mais en le regardant ce jour, elle réalisa que ce n'était pas cela. Son cœur s'emballa quelque peu à nouveau.

Oui, elle était tombée sur le sensei le plus pervers, paresseux et en retard de Konoha. Cependant, c'était aussi le plus atypique. Le plus droit, et le plus dévoué. Et après tout ce qu'il avait traversé, c'était d'autant plus inimaginable… Sasuke, lui aussi, avait vécu des traumatismes terribles. Mais lui n'avait pas pris le même chemin… Il s'était égaré.

Kakashi sensei, lui, ne s'était jamais perdu.

- Sakura? Tu es sûre que tout va bien?

Elle changea d'attitude et se retourna vers la source de ses pensées, son regard émeraude envahissant ses orbes noires, un sourire généreux et sincère affiché sur son visage toujours fouetté par le sable.

- Merci, Kakashi sensei. Oui, ça va. Je sais que je peux vous faire confiance. J'aurai toujours confiance en vous.

Le Jonin sembla surpris, les sourcils relevés. Cependant, sa surprise se transforma rapidement pour lui aussi en un visage souriant et apaisé.

- Bien, répondit-il. Alors allons-y. Ce n'était pas l'endroit pour discuter, tu vas finir par manger du sable.

- Rouge de colère Vous…

Elle n'eut pas le temps de le frapper ou de lui crier dessus qu'il était déjà en route vers l'entrée de la cité. Elle le suivit, le cœur étonnement plus léger.

Après avoir montré patte blanche aux shinobis gardant l'entrée de Suna, ils pénétrèrent sans difficulté dans l'enceinte de la ville. Les ruelles de celle-ci ne ressemblaient pas à l'environnement alentour: elles grouillaient littéralement de vie malgré la tempête, protégés par les murs des habitations et par les montagnes bordant la cité. On entendait les tintements des cloches sur les charrettes des marchands transportant toutes sortes de victuailles et d'objets. On sentait les odeurs des épices du marché jusqu'aux remparts. Des poules caquetaient, se frayant un passage dans la panique au milieu des passants et des roues des transporteurs, livrées à elles-mêmes. Un brouhaha de discussion, de rires, de cris des marchands emplissait l'atmosphère. Le soleil brillait encore de toute sa puissance derrière le sable virevoltant, amenant une atmosphère écrasante de chaleur dans ce désert déjà étouffant. Cependant, cela ne semblait déranger que les étrangers. La population vivait comme si de rien n'était, ne faisant qu'un avec ce paysage aux couleurs ocres.

La tempête s'aggravait cependant, et les rues commençaient à se vider progressivement. Kakashi et Sakura s'enfoncèrent dans la cité en se dirigeant vers la haute tour centrale de la ville, siège du pouvoir des Kazekage. De grandes portes oranges cloutées majestueuses se dressaient devant eux. Un des deux gardes postés dans l'entrée s'approcha, bien armé malgré ces temps d'apaisement politique et militaire.

- Halte! lança-t-il, méfiant. Que venez-vous faire ici?

- Nous voudrions rencontrer votre Kazekage Gaara, répondit simplement la rose. Nous venons de Konoha, nous aurions des questions à lui poser. Ce ne sera pas long.

- Hum, répondit-il en les toisant du regard. Entrez dans le hall en attendant que je lui soumette votre demande. La tempête s'aggrave.

- Merci.

Ils s'introduisirent dans le bâtiment, observant immédiatement par les fenêtres en effet la tempête s'emballer, emportant avec elle la vie de la cité qui à une vitesse étonnante sembla réussir à se barricader derrière portes, planches de bois de fortune et importants draps étendus ça et là, puissamment ficelés à des poteaux ou à des embarrures de portes ou de fenêtres.

- Eh bien, souffla Sakura, heureusement que nous arrivons enfin…

- Mais… N'êtes-vous pas Hatake Kakashi? lâcha le deuxième garde d'un air effaré, un peu plus perspicace que son acolyte

- … Si, répondit simplement l'intéressé.

Ce dernier s'inclina alors respectueusement, ignorant brutalement la présence de Sakura à ses côtés.

- Je vous fais entrer immédiatement, Hokage-sama.

- Je ne suis plus Hokage, lâcha Kakashi d'un ton monotone. Je suis là comme un simple shinobi en mission.

- Le dévisageant comme s'il venait de dire une grossièreté Un Hokage retraité ou non reste un Hokage. Je vous fais monter, suivez-moi.

Une goutte de sueur perla sur le front du Jonin, aggravé par le regard amusé quoique admiratif de sa coéquipière aux cheveux roses. Ils suivirent leur garde dans un escalier spacieux, retrouvant le deuxième garde qui confirmait la disponibilité du Kazekage à accueillir Kakashi et Sakura.

- Avez-vous pensé à votre entrée en maison de retraite, «Hokage-sama»? Les places sont chères…

- Ça suffit, s'agaça silencieusement le Jonin

Après encore quelques pics et rires étouffés de la part de Sakura – elle finissait par arriver enfin à se détendre - ils parvinrent tous deux accompagnés de leurs gardes dans une grande salle de réunion aux couleurs jaune ocre et brunâtre, et aux dimensions impressionnantes. Gaara les attendait en tenue traditionnelle, entouré de deux de ses conseillers. La longue table de pierre qui séparait le Kazekage de ceux-ci était emplie de papiers, parchemins et caisses de documents. Ils semblaient interrompre une réunion qui avait l'air de durer depuis un certain moment. Gaara se leva pour accueillir ses deux invités, qui eux-mêmes s'inclinèrent immédiatement respectueusement.

- Kakashi-sama, murmura Gaara d'un air toujours un peu énigmatique. Qu'est ce qui nous vaut la venue d'un ex Hokage jusqu'ici?

- Je ne viens pas en tant qu'ex Hokage, commença tout de suite Kakashi au regard courroucé de sa coéquipière. Je suis là pour protéger Sakura pour sa propre mission.

En prononçant ces paroles, il pivota légèrement pour mettre sa co équipière en valeur. Les paires d'yeux se tournèrent du coup instantanément vers elle. Elle prit une profonde inspiration, impressionnée par l'attention brusquement centrée sur elle. Mais son assurance était revenue, aidée par ce regard encourageant et plein de bienveillance que lui lançait le Jonin. Les quelques mots échangés dans le désert tous les deux, et les petites plaisanteries autour de son vieil âge et de sa possible sénilité l'avait définitivement fait revenir dans l'instant présent. Elle jeta un coup d'œil aux conseillers autour de la table, concentrée à nouveau sur le but de leur mission.

- Il faudrait que nous puissions en parler seuls à seuls, s'excusa-t-elle. Il s'agit d'une mission confidentielle…

Le Kazekage n'est jamais laissé seul avec des étrangers, coupa immédiatement l'un des conseillers, suspicieux. Mais rien ne filtre jamais de ce lieu. Nous sommes tenus dans la confidence autant que le Kazekage lui-même.

- Je réponds de mes deux conseillers, confirma Gaara, ses yeux bleux azurs fixant ses deux invités un peu dans le vague, toujours debout.

De manière un peu solennelle, il fit congédier en revanche les gardes qui refermèrent la porte derrière eux. Sakura jeta un coup d'œil à Kakashi, cherchant à nouveau son approbation pour se lancer dans ses explications malgré la présence des conseillers. Le gris l'incita à poursuivre par un bref hochement de tête, le regard neutre.

- Nous sommes venus poser des questions concernant un parchemin découvert par notre ancienne Hokage Tsunade-sama, commença Sakura.

- Je t'écoute.

- Ce parchemin est le siège d'un sort de Fuinjutsu puissant totalement interdit. Il a été créé il y a longtemps par notre 3ème Hokage, Hiruzen Sarutobi. C'est un parchemin qui scelle un être humain pour le protéger du monde extérieur, pour le détourner de la mort, de la violence… Il est même censé modifier le cours de ses pensées et l'inciter aux bonnes actions. Ce parchemin a été créé pour de bonnes intentions, probablement pour éviter encore une enième guerre entre les peuples. Il devait être destiné à un Kage, ou à un futur Kage. Mais c'est un sort d'aliénation mental, et ces sorts sont dangereux…

- … Destiné à un Kage, dis-tu? répéta le Kazekage, le regard fixé sur Kakashi, toujours silencieux

- Il devait être destiné à un probable futur Kage oui, répondit la rose. Mais cela n'a pas été le cas chez nous. Il semble actif sur un individu, mais nous ne savons pas qui est concerné…

- «Chez vous»? releva Gaara avec perspicacité

- Il existerait un parchemin similaire dans chaque grand village ninja. Sarutobi-sama en aurait conçu 4 autres, à destination des 4 autres villages. C'était probablement un geste d'apaisement et de proposition de cessez-le-feu. As-tu entendu parler de ces parchemins, Gaara?

Le roux la regarda avec attention, les bras croisés. Sa réponse malheureusement ne se fit pas attendre.

- Non, je n'ai jamais entendu parler de cela. Ainsi, il existerait un parchemin similaire ici?

- Oui, souffla Sakura, déçue de la réponse du jeune homme roux. Tsunade nous missionne de retrouver ces parchemins afin de désactiver leur Fuinjutsu. D'où notre présence ici, pour celui de Suna.

- Les désactiver? Mais pour quelle raison?

- Le sort initial du parchemin de Konoha a été détourné par un autre Fuinjutsu par-dessus le premier, expliqua Kakashi à son tour, prenant la parole.

- Détourné?

- Oui, confirma Sakura. Cela a inversé l'effet du Fuinjutsu original. Malheur, animosité, destruction… Cela maudit finalement la personne scellée. Nous ne savons pas qui a fait cela.

Il y eut un moment de flottement, des raclements de gorge et des toussotements rappelant la présence des deux conseillers en arrière du Kazekage.

- Il n'est pas dit que les 4 autres parchemins soient maudits, enchaina la rose. Mais dans le doute, Tsunade préfère, avec votre permission et en toute transparence, récupérer ces parchemins et neutraliser les sorts.

- Les peuples s'entendent bien, enchaina Kakashi pour aider Sakura devant l'air dubitatif de Gaara et les grondements sourds des conseillers en arrière. Les Kages sont en bon terme. Il n'est plus nécessaire de faire appel à ce type de sort, que ce soit pour le bien ou pour le mal.

- Mais si notre parchemin scellait lui aussi un shinobi de Suna? objectiva Gaara S'il était actif sur quelqu'un, comme le vôtre?

- C'est la deuxième partie de notre mission… continua Sakura. Nous avons échoué à comprendre pour le moment comment désactiver le sort. Si nous retrouvons votre parchemin mais qu'il scelle un individu, nous trouverons le moyen de le libérer.

- … Je comprends. ajouta Gaara. Après un court silence Malheureusement… Sachez que je suis bien désolé de ne pouvoir vous aider. Je suis incapable de vous dire où peut bien se trouver le parchemin de Suna.

Kakashi et Sakura échangèrent un regard entendu. Il allait falloir demander à parler au vieil ancêtre… Gaara semblait réfléchir de son côté, son doigt frottant doucement le bout de son nez. Mais c'est un de ses conseillers qui prit la parole en arrière, anticipant étonnamment la demande des deux habitants de Konoha.

- Je pense qu'Ebizo-jiisama pourrait vous aider.

Les regards de l'ensemble des personnes présentes se tournèrent vers le conseiller qui venait de prendre la parole. C'était un homme plutôt épais et petit, le crâne largement dégarni mais arborant une barbe impressionnante se perdant dans les ourlets de sa robe cérémoniale. Il continua malgré le sifflement de mécontentement de son collègue à sa gauche.

- Ebizo est ici une encyclopédie vivante. Il connait toutes les légendes du pays, et beaucoup de prophéties et de sorts de toute sorte. Il saura à coup sûr vous aider dans votre quête.

- Vous n'y êtes pas maitre Kanata, lança son collègue, visiblement offusqué de cette proposition

- S'il était là, il souhaiterait se rendre utile en aidant nos amis, s'agaça le premier en lui lançant un regard noir. S'il peut aider à maintenir la paix en aidant à la destruction de ces parchemins, c'est ce qu'il voudrait. Et puis… un peu mystérieux Il aurait voulu, comme Chieko-sama, amener sa part de contribution au nouveau monde.

Sakura tiqua, brusquement mal à l'aise. Elle se retourna vers le Jonin qui lui, ne présentait aucun signe de préoccupation. Elle s'efforça de mettre sa mauvaise impression de côté et retourna son regard vers les deux conseillers et Gaara.

- Ebizo est très malade, expliqua le jeune Kazekage. Il est actuellement à l'hôpital. J'irai lui demander en personne s'il accepte de vous recevoir.

- Merci, Gaara… souffla la rose en s'inclinant respectueusement

- Revenez ici demain à la même heure, et je vous donnerai sa réponse. Il se fait tard désormais, et la tempête fait rage dehors… Mes gardes vont vous accompagner dans une auberge de confiance.

En guise de bienvenue, on offrit à Sakura et Kakashi une longue cape ocre épaisse et chaleureuse. Sakura perçut les marmonnements de mécontentement du dénommé Kanata parvenir jusqu'à ses oreilles, jusqu'à ce que la porte de la salle de réunion se ferme derrière eux et que les gardes les entrainent tous deux en bas de l'escalier puis en dehors du bâtiment. Le sable fouettait désormais violemment leurs visages, et ils n'étaient pas mécontents d'atteindre rapidement l'entrée de la fameuse auberge presque attenant à la tour du Kazekage. Sakura et Kakashi prirent congé des deux gardes, puis s'engouffrèrent tous deux dans la petite bâtisse. Un nuage de sable accompagna leur entrée, le vent sifflant encore violemment au dehors. La porte claqua derrière eux avec fracas.

A peine entrée, Sakura se débarrassa de sa cape qu'elle plia négligemment sur son avant-bras, l'esprit contrarié. Elle avait eu une impression dérangeante dans cette salle qui ne la quittait pas. Ce conseiller, Kanata… C'était comme Ao, au pays de l'eau. La même réaction. Le même refus. Et Gaara, la même ignorance évidente que Meï Terumi-sama. C'était troublant.

- Bonjour jeunes gens, vous cherchez une chambre pour la nuit?

Sakura revint à la réalité, Kakashi à ses côtés toujours emmitouflé dans sa cape, silencieux. Elle observa alors l'entrée de l'auberge: c'était propre, décoré avec goût, presque classe. L'aubergiste, arborant un costume traditionnel plutôt élégant, les accueillait avec un sourire bien étudié.

- Deux s'il vous plait, corrigea Kakashi, tendant l'argent nécessaire

La rose observa en arrière une liasse de billets jaunes passer de la main de Kakashi au comptoir de bois, rapidement attrapé par l'aubergiste qui compta les billets avec discrétion. Ce dernier regarda longuement son livre de réservation ainsi que les jeux de clefs accrochés au-dessus de son comptoir, semblant essayer de résoudre un casse-tête laborieux.

- J'ai ce qu'il vous faut. Vous pouvez dîner au restaurant juste là, à côté, si vous le souhaitez le temps que l'on vous prépare les chambres. Je mettrai sur votre note.

Les joues de Sakura se mirent à chauffer sans crier gare. Un restaurant? Avec Kakashi sensei? Eh bien oui, c'était arrivé souvent à Ichiraku. Mais c'était Ichiraku. Et c'était avec d'autres personnes. Et c'était il y a combien d'années?

- Je vais affronter la tempête quelques instants pour faire le tour de la ville, répondit Kakashi en rabattant la capuche de sa cape sur ses épis. Je n'ai pas faim. Profite pour te reposer et manger un peu, on se retrouve ici dans une heure pour faire le point?

- … D'accord, fit Sakura, essayant de masquer son soulagement coupable

Il lui lança un sourire derrière son masque et la salua rapidement avant de faire volte-face et de sortir de l'auberge, quelques volées de sable entrant à nouveau dans le hall dans un nouveau sifflement aigu.

La jeune fleur de cerisier se retrouva brusquement seule, pensive. Elle parierait qu'il avait faim. Mais à coup sûr, il préférait manger seul, gardant son visage derrière son masque. Comme lors de leurs échanges au camp autour du feu, où il s'arrangeait toujours pour manger dans son coin, ou lorsque l'obscurité empêchait de distinguer son visage. Elle se surprit à regarder cette porte fermée bien plus longtemps qu'elle ne le devrait.

Il y avait toujours eu cette curiosité de savoir ce qui se cachait derrière ce masque, comme Naruto, Sasuke mais aussi son amie Ino et encore beaucoup d'autres. Mais aujourd'hui, cette curiosité s'amplifiait. Elle pensait sans cesse à son visage.

Non. Elle pensait sans cesse à lui.

«Tu peux me faire confiance.»

Elle décrocha son regard de cette porte dans un clignement d'yeux exagéré, et partit s'asseoir à une table individuelle du petit restaurant attenant au comptoir de l'entrée. Elle agrippa la carte avec fébrilité, ses yeux balayant les plats proposés sans vraiment les lire.

« Cela ne va pas être facile pour lui de revenir à une vie normale. Mais il n'aura pas meilleure compagne que toi pour l'y aider, n'est-ce pas ?»

Bon sang. Mais pourquoi avait-il dit cela, à posteriori? C'était bizarre. Elle ne savait pas pourquoi elle repensait à cette conversation. Peut-être parce qu'elle était aussi au restaurant, ce jour-là? Elle se mit à grimacer, des nouveaux flash-backs de cette fameuse nuit trois jours auparavant resurgissant de nouveau.


«- Sasuke… Arrête, attend!

Le brun la regardait, les yeux brillants de désir. Elle ne savait pas depuis combien de temps ils s'embrassaient. Depuis combien de temps ils étaient ainsi, leurs corps l'un contre l'autre. Sasuke pourtant tendre et patient, caressait son intimité avec douceur mais envie. Comme elle aimait d'habitude. Comme ce qu'elle avait fait de nombreuses fois elle-même en pensant à lui, des années en arrière. Sans qu'elle ne comprenne pourquoi, elle le repoussa et se redressa, un peu haletante, tirant brusquement un drap sur son corps pour se cacher. Il la regarda, incrédule.

- Je… Je ne peux pas. Pardonne-moi…

- C'est ta première fois? murmura-t-il d'un ton un peu rauque

- Non.

La réponse sembla étonner l'Uchiwa. Elle se mit à penser que pour lui en revanche, ce devait être le cas. Elle s'en voulut d'autant plus, mortifiée de le repousser ainsi.

- Je… Je ne m'attendais pas à ta venue. Je ne suis pas prête… J'ai besoin d'un peu plus de temps.

- … d'un ton un peu cinglant Je ne crois pas qu'on en ait beaucoup…

- Je vais revenir de ma mission. Je te promets qu'on aura du temps ensemble.

- …

- Excuse-moi. Je… Pas ce soir…

- … D'accord.

Pas ce soir? Et quand, alors? Il sentit son malaise et s'éloigna de la rose, terriblement frustré. Il ne dit pas un mot et se retourna pour reprendre son pantalon, le visage fermé. Sakura s'en voulut terriblement, mais ne savait pas quoi dire. C'est que leurs gestes, leurs caresses étaient allées bien plus loin cette fois que toutes les fois précédentes. Il brisa le silence, le regard fixé au sol, son pantalon encore dans la main.

- Est-ce que je peux quand même passer la nuit ici? Avec toi?

- Je… prise de court Oui, bien sûr…

Il ne bougea pas pendant encore quelques minutes, redescendant probablement de son état d'excitation avec difficulté. Elle aurait voulu le faire. Elle aurait voulu ne pas voir ces traits de tristesse et d'accablement sur le visage de Sasuke. Elle aurait voulu revenir en arrière, faire un effort.

Faire un effort. Mais non, on ne fait pas un «effort». Une boule d'angoisse se logea dans sa gorge, l'empêchant de respirer. Ne l'aimait-elle donc pas? Tout cela était-il juste un fantasme d'enfance et d'adolescence?

- Je crois que tu aimes quelqu'un d'autre, Sakura.

La boule grossit brusquement dans la gorge de la jeune femme, comme si l'Uchiwa avait pu lire dans ses pensées.

- Quoi? Pas du tout, répliqua-t-elle fermement, sûre d'elle malgré les circonstances

- … J'avais dit que je te laisserai du temps. Je t'en laisse, mais… Je ne sais pas. Je n'ai pas l'impression que cela aide.

- Bien sûr que si, martela-t-elle de manière presque agressive

- … D'accord.

Le silence qui s'installa était étouffant. Le brun finit par se rhabiller partiellement, enjambant la rose qui était restée couchée pour se blottir contre elle, tel un chat blessé demandant à être réconforté. Sakura était si peu habituée à ce comportement de la part de cet homme qu'elle se retrouva figée d'étonnement. Elle s'attendait à le voir partir en furie. Elle s'attendait à une dispute. Mais non. Elle se rendit compte alors de quelque chose. Elle déglutit.

Sasuke avait-il en fait BESOIN d'elle?»


- Madame? Avez-vous fait votre choix?

Sakura sursauta, brusquement ramenée à la réalité de Suna et au petit restaurant. Elle marmonna un plat choisi au hasard qu'elle montra du doigt au serveur d'un air absent. Celui-ci griffonna quelque chose sur son calepin.

- Votre mari vous rejoint-ilaprès? Choisissez-vous pour lui?

- … Mon «mari»? bégaya-t-elle

- Vous n'êtes pas arrivés à deux? Excusez-moi, j'ai peut-être mal vu.

- Les joues rouges, son corps se réchauffant brusquement Si, mais ce n'est pas mon mari. Et non, je mange seule.

- Ah. Bien.

Elle ne relèvera pas le regard suspicieux du serveur, et le laissa enlever le deuxième set de couverts en face d'elle dans un clinquement d'argenterie pressé. C'était reparti pour les battements de cœur au galop, la chaleur broyant ses entrailles, ses mains qui s'agitaient nerveusement autour de sa fourchette. Son «mari». Cette confusion la laissa pensive et bien plus troublée que ce que cela devrait.

Bon sang, pourquoi était-elle toujours autant perturbée en pensant à Kakashi sensei? Elle enchainait les situations ambivalentes depuis qu'elle l'avait retrouvé, alors que cela n'était jamais arrivé auparavant. Elle remarquait les réactions de son propre corps à la seule pensée du Jonin. A ses yeux noirs. A son visage masqué mystérieux. A ses mains gantées aux doigts fins qui caressaient ses cheveux pour la rassurer. A sa voix grave masculine et chaleureuse, toujours posée et calme malgré les circonstances.

« C'est heureux qu'il t'ait enfin vue. Enfin. Après tout ce que tu as fait pour lui…»

Un vertige la prit. Tellement de choses avaient été entreprises pour Sasuke. Tellement d'aide. D'amitié. De risques. D'énergie. De temps. Elle sentit ses entrailles se serrer.

Qui avait fait quelque chose pour Kakashi sensei? Qui avait fait attention à ses sentiments? Qui veillait sur lui?

Est-ce pour cela qu'il ne voulait plus se faire soigner? Qu'il avait abandonné le poste d'Hokage?

«Je crois que tu aimes quelqu'un d'autre, Sakura.»

Son cœur ne cessait de tachycarder et son esprit se brouillait inexorablement. Non, elle ne pouvait pas l'aimer, c'était absurde. C'était Kakashi sensei. C'était comme un parent. Un repère rassurant dans sa vie tumultueuse. Un point d'ancrage stable dans une mer déchainée. Et un homme de 14 ans de plus qu'elle, rien que cela! Se sentait-elle seulement une adulte à côté de lui? Peut-être même pas.

Quoi qu'il en soit, elle devait admettre une réalité depuis quelques semaines. Elle tenait à lui bien plus qu'elle ne se l'était admis jusqu'à maintenant.

Elle regarda le plat qu'on venait de lui apporter, manquant d'appétit malgré le fumet odorant et gourmand qui atteignait ses narines.

Elle divaguait complètement. C'était ce serveur avec sa réflexion stupide, qui lui faisait penser des choses complètement absurdes.

Mais… peut-être avait-elle besoin de rétablir un peu les choses. Une sorte de justice, peut-être. Tsunade avait raison. Elle allait arrêter de tourner autour de sa petite personne, et veiller sur Kakashi sensei. Elle devait, elle aussi, lui montrer qu'il pouvait avoir confiance en quelqu'un.

Et puis de toute façon, elle ne pouvait pas l'aimer, c'était bien simple.

Il n'était pas brun.