Journal de la revieweuse

Lilinnea: Intéressante question à laquelle j'ai envie de te répondre mais sans trop spoiler de futurs événements entre mes loulous... Dans mon HC (et donc dans cette fic), les androïdes sentent forcément le contact physique (pression, chaleur) mais n'ont pas de retour sensoriel concernant la douleur ou le plaisir. Au pire, si un androïde est méchamment abimé, il entre en mode détresse à cause de son système défaillant (comme Connor quand il se fait planter par le déviant dans la tour).
En mode déviant, pour moi, le truc change un peu. À défaut d'une vraie sensation à cause de l'absence de nerfs et d'encodage spécifique, grâce à leur perception plus accrue des sentiments, les androïdes développent une sorte de script retour qui leur délivre un message positif ou négatif (différence entre une caresse ou une gifle), d'où le fait qu'ils puissent apprécier ou fuir le contact. Après, cette sensibilité diffère d'un modèle à l'autre selon le rôle de base de l'androïde (un androïde dédié à la vente sera bien moins réceptif qu'un androïde de compagnie parce qu'il n'était pas conçu pour ça). Dans le cas de Reis, il sera de la catégorie à quantifier ces nuances.

À ma gauche, un androïde qui constate qu'il a un peu vrillé et à ma droite, une forteresse blindée qui a trop baissé sa garde... Deux façons de gérer.


CHAPITRE 14 - FAUSSES IDÉES

L'obscurité et le silence de la chambre formaient un cocon de vide apaisant et bienvenu contre son agitation intérieure. Et encore, rien n'aurait pu égaler l'atmosphère qui avait plané sur la terrasse après cette danse.

La fin du repas s'était déroulée dans une ambiance indescriptible mêlée de silence vibrant, d'échanges creux sans importance et de parasites invisibles qui grésillaient entre les deux attablés. Ysée n'avait pris qu'un seul mochi qu'elle avait mangé en quelques bouchées et avait aussitôt exprimé son désir d'aller se coucher.

Reis lui avait aussitôt conseillé d'aller se reposer en lui assurant qu'il s'occuperait de débarrasser la table et du rangement. La jeune femme avait accepté, l'avait encore remercié pour la soirée et avait disparu comme un courant d'air.

Une demi-heure plus tard, le voilà qui avait retrouvé sa chambre, assis sur le rebord du lit, le regard perdu vers la baie vitrée dans la lueur blafarde des lampadaires qui éclairaient la rue.

Reis cilla quand un message s'afficha dans son palais mental.

« Analyse terminée : aucune anomalie critique détectée. »

C'était le quatrième diagnostic qu'il lançait et le verdict restait inchangé. Il avait même fait une analyse minutieuse de chaque biocomposant et de chaque paramètre... et rien. Rien qui ne pouvait expliquer comment il s'était retrouvé à deux doigts d'embrasser Ysée.

L'androïde s'ébroua face à cette mise au pied du mur qu'il n'avait voulu admettre jusqu'ici. Cela n'avait aucun sens. Il avait proposé cette danse à Ysée dans l'espoir de lui faire plaisir et de la faire se sentir spéciale, rien de plus. De là à...

Une grimace d'agacement crispa son visage alors qu'il portait la main à sa tempe. Encore cette gêne fantôme qu'il percevait à peine mais qui n'apparaissait nulle part dans ses rapports internes. Reis essaya de détendre sa posture et rassembla son intelligence logique. Il devait comprendre ce qui s'était passé.

Il revisualisa dans sa mémoire les derniers instants précédents l'anomalie et se pencha sur les données qui lui avaient été envoyées à ce moment-là. La stupeur lui fit écarquiller les yeux.

Rien. Il n'y avait pas le moindre script interne en action, aucune injonction de programme, aucune ligne de code logique pour lui expliquer pourquoi il avait agi ainsi. C'était comme si son logiciel avait été victime d'un black-out sans affecter son système d'interaction physique. Cela voulait-il dire... qu'il avait agi de son propre chef ?

Reis quitta en trombe la chambre en prenant néanmoins soin de ne pas faire de bruit pour ne pas réveiller Ysée qui dormait deux pièces plus loin. Il descendit les marches et se rendit dans le bureau de Nell. Après un rapide coup d'œil à l'heure, il tira le fauteuil du bureau et s'y installa avant de composer un numéro de téléphone depuis son module dédié. Quelques tonalités plus tard, une voix souriante mais étonnée décrocha :

« Allô ?

_ Bonsoir, Nell. Veuillez pardonner cet appel impromptu, s'excusa Reis en s'efforçant de garder le ton le plus neutre possible. J'espère ne pas vous déranger. »

Il était près de vingt heures à Detroit, la journée de travail était officiellement terminée pour Nell qui confirma qu'il n'y avait pas de souci.

« Tout va bien, Reis ? s'enquit la femme. Il y a un problème ? C'est Ysée ?

_ Non, Ysée va bien. Elle est partie se coucher après le repas que je lui ai organisé.

_ Merci encore pour elle, j'espère qu'elle était contente. Dis-moi, que me vaut ton appel ? »

Reis chercha ses mots entre les couvertures de livres de psychologie qui garnissaient les étagères autour de lui. Il ne savait par où commencer ni comment formuler ce qui le troublait ; d'autant plus qu'il s'adressait à l'une de ses « créatrices ». La pression de l'alarmer à cause d'une potentielle déviance était encore plus grande.

Il s'immobilisa. Déviance ? Le souvenir de ce reportage concernant l'androïde qui avait tué son propriétaire lui revint. Non. C'était impossible. Il n'en était pas à ce point.

« Reis ?

_ Excusez-moi, se reprit-il. Comment dire... Mon développement actuel ne me remonte aucun dysfonctionnement majeur mais me donne l'impression de ne pas être efficient dans mon rôle. »

C'était une version très édulcorée de ce qui l'habitait mais résumait bien le tout.

« Je suis cantonné à ce profil 0 qu'Ysée m'a attribué à votre demande lors de ma mise en route et je suis dans le flou de ne pas discerner ma fonction précise. Et je ne voudrais pas commettre d'impair envers Ysée. »

Il y eut un silence analytique à l'autre bout de la ligne pendant lequel Reis espérait ne pas avoir généré trop de doutes ou de craintes chez son interlocutrice.

« Qu'as-tu cerné chez Ysée, exactement ? finit par lui demander Nell.

_ Une personnalité introvertie avec une grande mésestime d'elle-même. Elle compense son manque d'émotions et d'assurance par une sur-intellectualisation des choses et le silence. C'est une forme de contrôle qui la rassure. Elle ressent le besoin d'avoir la main sur ce qui la touche. Savez-vous ce qui l'a amenée à craindre autant l'affect ? »

Nell eut un soupir dépité qui traduisait autant sa frustration que sa détresse.

« Non. Ma sœur est une mutique comme notre père qui n'est déjà pas un exemple à suivre... » Sa voix se réchauffa un peu. « Mais tu as l'air de très bien t'en sortir, Reis. Tu sembles inquiet et volontaire pour aider Ysée et c'est ce que l'on attend du SP700. Il s'est passé quelque chose pour que tu doutes ainsi de toi ?

_ Est-il normal pour moi de douter ? éluda-t-il.

_ Je pense qu'un patch correctif sera nécessaire pour t'éclairer un peu mais ne t'en fais pas. Ton rôle final couvrira nombreuses fonctions et avec ce profil 0 de mon invention, plus ma petite sœur rigide, il est normal que tu sois dans le brouillard. »

De ces paroles naquit sur le visage de l'androïde un début de sourire rassuré, quoique peu assertif. Ce brouillard interne impliquait-il de se retrouver à faire quelque chose sans le comprendre ? Faute de mieux – ou parce qu'il refusait d'imaginer qu'il ait pu agir de par sa propre conscience – Reis se résolut à isoler l'incident du dîner vers cette explication. Si ça se trouve, il avait juste eu une faiblesse dans son système et il s'était relâché malgré lui. Il n'avait eu aucune intention d'embrasser vraiment Ysée.

L'androïde remercia Nell pour son temps et sa gentillesse mais n'osa pas tout de suite prendre congé car un autre sujet l'accaparait.

« J'ignore si CyberLife vous en a parlé durant votre séminaire mais en France, nous avons eu vent d'une histoire d'androïde ayant tué son propriétaire. Avez-vous eu des informations à ce sujet ? »

Nell lâcha une interjection blasée à cette évocation. En tant que « humanity bender » comme elle aimait se désigner, elle scrutait dans les médias le moindre sujet, le moindre forum ou la moindre allusion concernant les comportements des androïdes et était bien sûr au courant de cette affaire. Mais bizarrement, quand elle voulait aborder le sujet en réunion, celui-ci déviait vite sur autre chose. On évoquait aussitôt un dysfonctionnement informatique tout en insistant bien sur le caractère exceptionnel de ce triste événement. Circulez, il n'y a rien à voir.

« J'ai supplié de parler à cet androïde pour espérer comprendre, mais hélas, il est entre les mains de la police, le temps de l'enquête. D'ailleurs, CyberLife va envoyer un androïde spécialement conçu pour étudier ce cas et épauler la police.

_ Vous qui écrivez des thèses sur l'IA et son évolution vers des comportements de plus en plus humanisés, cela ne vous effraie pas ? Si les androïdes commençaient à penser ou agir d'eux-mêmes... »

Reis se trouva étrange à entendre une certaine tension dans sa propre voix en s'écoutant parler.

« L'humanité a évolué au fil des siècles, Reis, tempéra Nell avec calme. De nomades, nous sommes devenus sédentaires. De civilisations en mal de conquêtes, nous sommes devenus nations qui espèrent majoritairement la paix... Pourquoi ne pourriez-vous pas aussi évoluer, vous qui êtes nos plus proches semblables à l'heure actuelle ?

_ Mais tuer un homme...

_ Ah, bien sûr, si on va directement dans les extrêmes... Mais quid des bonnes évolutions ? Peut-être que je regarde trop loin et peut-être est-ce la raison pour laquelle je me donne du mal pour vous. Pour moi, vous n'êtes pas là pour remplacer l'Homme mais pour le soutenir et compenser ses lacunes. Hélas, tout le monde ne voit pas les choses ainsi... »

Reis écoutait Nell entre deux réflexions éparses. Elle n'avait pas tort. Si les androïdes étaient un jour en mesure d'évoluer par eux-mêmes, pourquoi ne tomberaient-ils que dans des travers ? Pourquoi ne pourraient-ils pas s'orienter vers quelque chose de positif ? Il finit par sourire.

« Merci beaucoup, Nell. Je continuerai de m'occuper au mieux d'Ysée jusqu'à votre retour. »

Oui. Tant qu'il ne nourrissait pas de mauvaises intentions envers sa protégée, il n'avait rien à craindre. Pour ce coup-ci, c'était lui qui pensait beaucoup trop.

Après avoir souhaité une bonne soirée à son interlocutrice avant de raccrocher, l'androïde se sentait plus serein. Il n'avait pas à se torturer autant. Dans le fond, il n'avait rien fait de mal.

Du moins... rien de visiblement mal.

Le lendemain matin, Ysée ne descendit pas prendre de petit déjeuner. Ce que Reis prit d'abord comme une grasse matinée récupératrice s'éternisait beaucoup, même pour la grosse dormeuse que l'humaine se déclarait être.

Quand onze heures et demi passèrent, l'androïde se décida à aller toquer à la porte de chambre de sa protégée.

« Ysée ? Tout va bien ? »

Pas de réponse. Il réitéra mais se heurta à un nouveau silence. Il entrebâilla la porte avec prudence et passa la tête dans l'embrasure.

La jeune femme était encore vautrée dans son lit, prostrée avec sa musique dans les oreilles et l'air maussade. Elle remua un peu nerveusement en découvrant son visiteur et retira une oreillette.

« Quoi ?

_ Il se fait tard et je ne te voyais toujours pas.

_ Tu me vois déjà bien assez, tu ne crois pas ? répliqua-t-elle un peu froidement. Accorde-toi un break. »

Pourquoi entendait-il surtout un « Laisse-moi tranquille » subliminal pas si subliminal ? Ysée arborait son masque de réserve froide et ses miradors étaient sur le qui-vive, prêts à repousser tout ce qui passerait à leur portée.

Reis demeura interdit, ne sachant à quoi attribuer ce visage terne.

« Quelque chose ne va pas ? »

Semblant se rendre compte qu'elle n'avait pas assez bien joué le détachement, Ysée tenta d'alléger le poids qui tirait ses traits vers le bas.

« C'est rien. Je n'ai pas très bien dormi cette nuit et le manque de sommeil me rend grincheuse.

_ Oh. J'espère que ce n'est pas le dîner qui...

_ For God sake, c'est bon, Reis, trancha la jeune femme d'une colère incisive. Tout ne tourne pas autour de ce que tu fais. Je sais très bien m'empêcher de dormir toute seule comme la grande anxieuse naturelle que je suis. »

Elle regretta aussitôt cet emportement mais elle ignorait comment se dépêtrer de ce dans quoi elle s'était enlisée. Elle baissa les yeux sans un mot et les lèvres minces comme un fil de soie. L'immaturité dont elle savait faire preuve dans ce genre de cas où elle peinait à raisonner avec intelligence l'insupportait. Elle s'insupportait.

Le silence retomba, pesant et aigre, avant que la porte ne se referme sans un bruit derrière Reis qui s'en allait. Ysée contracta douloureusement les paupières dans un soupir. Et voilà. La vague de remords penauds faisait maintenant son entrée.

Elle n'avait qu'à moitié menti dans ce qu'elle avait dit. En effet, elle n'avait pratiquement pas fermé l'œil de la nuit et c'était en grande partie à cause de son encombrant cerveau. Toutefois, Reis n'était pas étranger à ça, malgré ce qu'elle prétendait. Au contraire.

Toute la nuit, Ysée avait revu encore et encore cet instant irréel où le fil de sa pensée s'était détaché pour se perdre dans les yeux de Reis. Se perdre au point de s'égarer complètement. Au point d'avoir presque failli l'embrasser.

Une bouffée de honte lui monta au visage et lui contracta le ventre. Qu'est-ce qui lui avait pris ? Décidément, son cerveau était son pire troll. Il fonctionnait trop quand il ne fallait pas et défaillait quand il fallait rester lucide ! Comment avait-elle pu divaguer à ce point ? Parce que croire – ne serait-ce qu'une milliseconde – qu'un androïde allait l'embrasser tenait de la folie douce. Une chance que Reis avait eu l'élégance de lui épargner le déshonneur total.

Sa respiration se suspendit. Oui. Elle n'était pas passée loin de la honte... et pourtant, ce baiser, même sur la joue, lui avait fait quelque chose. Elle avait vécu ce moment presque au ralenti et son esprit avait eu la cruauté de découper chaque élément comme une caméra qui mettait une scène marquante en emphase. Les cheveux de Reis qui venaient d'abord la chatouiller, son souffle effleurant ensuite sa peau et enfin, la douce pression de ses lèvres qui s'attardaient plus que pour une simple bise. Sa joue en était électrifiée.

« N'importe quoi, pesta Ysée en s'ébrouant. Reprends-toi. Tu montes ça en épingle. Il te souhaitait bon anniversaire, rien de plus. »

Exactement. Il n'y avait pas à chercher plus loin. Elle n'était pas dans l'une de ses histoires et elle imaginait des choses qui n'étaient pas possibles.

Le bleu-vert de ses yeux retomba par hasard sur son téléphone qu'elle prit. Ses doigts allèrent rechercher la vidéo qu'elle avait reçue et lança la lecture. La veille au soir, elle était tellement sur son petit nuage qu'elle n'avait même pas prêté attention au message en lui-même.

Le vague sourire qui éclairait son visage se nuança de la joie vers moins de franchise alors que, plus que lui souhaiter son anniversaire, Axel Fansac lui délivrait surtout un message de positivisme qui l'enjoignait de croire en elle et qu'elle ne devait pas risquer de se perdre en espérant devenir quelqu'un d'autre.

Devenir quelqu'un d'autre. Cette dernière phrase lui fit monter les larmes aux yeux en une seconde. Quelque chose venait de se fendre en elle pour passer au-travers du mur qu'elle entretenait avec soin autour d'elle mais qui était loin d'être infaillible.

Terrassée par une mélancolie sourde qui la gagnait subitement et les remords de s'être montrée injuste envers Reis, Ysée se retourna dans son lit pour broyer du noir à loisir. Elle ne méritait pas la sollicitude de l'androïde, quand bien même il était programmé pour ça. Elle ne valait pas mieux que ces ignobles personnes qui traitaient leurs robots comme des moins que rien sous prétexte qu'ils n'étaient que des machines. Réentendre dans son esprit le ton acerbe qu'elle avait eu face à Reis la mettait dans le même sac.

Son ventre criailla sa détresse dans un gargouillement peu mélodieux quand la faim la tenailla trop pour rester ainsi prostrée. Ysée s'extirpa du matelas sans énergie, s'habilla rapidement, arrangea ses cheveux d'un coup de brosse puis consentit à quitter son refuge.

Elle se contenta d'un sandwich tout simple qu'elle grignota à sa place habituelle près du comptoir séparant la cuisine ouverte de la salle à manger avant d'être rejointe par Siam qui s'assit à ses pieds pour la guetter de ses grandes billes azures. Quand la ragdoll miaula, la jeune femme crut entendre du reproche.

« Tu permets que je déjeune avant d'aller te brosser ? Tiens, amuse-toi un peu en attendant. »

Sur ce, elle lança le bouchon de liège qui traînait non loin d'elle et Siam partit au triple galop à sa poursuite en manquant de déraper sur le carrelage lisse et brillant.

« Je lui ai déjà donné un petit coup de brosse, intervint doucement la voix de Reis un peu plus loin dans le salon. Mais je pense qu'elle préfère des mains humaines pour s'occuper d'elle. »

L'androïde affichait toujours son éternelle douce figure composée mais il y avait quelque chose d'ébréché dans la commissure de son sourire qui contracta la gorge d'Ysée. À moins que ce ne soit sa culpabilité qui lui jouait des tours et la faisait se sentir encore plus minable.

Elle déglutit sa bouchée de pain avec difficulté et baissa un peu les yeux.

« Ne dis pas ça, répondit-elle du bout des lèvres. Tu fais preuve de bien plus d'égard que certains humains. »

Reis comprit qu'elle s'en voulait par rapport à leur précédent échange et voulut la rassurer mais la jeune femme le prit de court en poursuivant :

« Je te prie de m'excuser pour tout à l'heure. J'ai été dure. Tu... ne fais que ton travail. »

Son interlocuteur ne devrait pas s'étonner d'entendre Ysée s'excuser auprès de lui, une machine, alors qu'il savait bien qu'elle associait les androïdes à des êtres réels et pourtant, la voir faire amende honorable auprès de lui générait une forme de satisfaction.

Il étira un sourire empreint de compréhension.

« Ce n'est rien. Je reconnais que je peux sembler un peu étouffant. Après tout, nous vivons ensemble depuis plusieurs jours et j'imagine que pour une introvertie, ça peut être oppressant à la longue. »

Ysée se sentit encore plus immature face à cette réplique. Reis était un monstre de patience et d'indulgence. Elle comprenait pourquoi certains humains rejetaient et craignaient les androïdes : plus que parce que les robots pouvaient prendre leur place, c'était surtout parce qu'ils pouvaient leur être bien supérieurs, tant par leur constitution que par leur façon d'être.

L'absence de sentiments et d'émotions négatives comme la colère, la jalousie ou la tristesse pouvait être perçue comme une bénédiction permettant d'affronter la vie sans entrave. Ysée voyait les choses ainsi alors qu'elle contemplait l'expression calme de Reis. Il était si loin du malaise qu'elle ressentait. Il ne pensait pas outre mesure, ne s'encombrait pas de questions ou de peurs superflues et passait au-dessus des mauvaises choses pour ne se concentrer que sur l'essentiel. Il était. Simplement.

Les traits de la jeune femme s'éteignirent.

« J'aimerais tellement être comme toi. »

Reis cilla d'incrédulité face à cet aveu qu'Ysée venait de lâcher avec le regard flou perdu dans le vide.

« Comme moi ? »

Deux questions lui vinrent aussitôt. Lui demander de préciser sa pensée ou bien...

« Y a-t-il un rapport avec ce tatouage de LED androïde que j'ai pu entrevoir dans ta nuque ? »


Bon. Ben ça, c'est ce qu'on appelle « mettre les pieds dans le plat »...

Ça passe ? Ou ça casse ? Ou est-ce que je rajoute une dose ?

* sort la louche *